Étienne Bonnot de Condillac:Le Commerce et le gouvernement considérés relativement l’un à l’autre - De la variation des prix

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Étienne Bonnot de Condillac:Le Commerce et le gouvernement considérés relativement l’un à l’autre - De la variation des prix


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3. DE LA VARIATION DES PRIX

Nous venons de voir que le prix est fondé sur la valeur. Or la valeur varie, le prix doit donc varier. Il y a plusieurs causes de cette variation.

D’abord, il est évident que l’abondance et la rareté font varier le prix comme la valeur, et le font varier en raison du besoin plus ou moins grand.

En second lieu, il se peut encore que le prix des choses varie, dans le cas même où la peuplade a la même abondance et les mêmes besoins. Supposons qu’après la récolte j’aie dans mes greniers tout le blé surabondant, et qu’au contraire le vin surabondant soit distribué dans les celliers de douze personnes, qui ont toutes besoin de mon blé.

Dans cette supposition, ces douze personnes viennent à moi pour échanger du vin contre du blé, et, parce que l’année dernière j’ai cédé un septier pour un tonneau, elles m’offrent chacune un tonneau pour un septier. Mais, l’année dernière, je ne traitais qu’avec une seule personne, et j’ai été forcé de céder plus de blé : aujourd’hui que je puis traiter avec douze, et que je n’ai pas besoin de tout le vin dont elles veulent se défaire, je déclare que je ne livrerai du blé qu’à ceux qui me donneront une plus grande quantité de vin. Par là je les force à me faire, à l’envie, des offres plus avantageuses. Par conséquent mon blé sera à plus haut prix pour elles, et leur vin sera à moins haut prix pour moi.

Si on supposait le blé surabondant distribué dans les greniers de douze personnes et au contraire tout le vin surabondant renfermé dans des celliers d’une seule, alors le prix ne serait plus le même que dans la première supposition : car celui du blé baisserait, et celui du vin hausserait.

Lorsque plusieurs personnes ont besoin d’échanger une denrée, cette concurrence en fait donc baisser le prix, et le défaut de concurrence fait hausser le prix de la denrée qu’elles veulent se faire livrer. Or, comme la concurrence est plus grande, moins grande, ou nulle, tantôt d’un côté, tantôt de l’autre, il arrive que les prix haussent et baissent alternativement.

De cette variation, il en résulte qu’il n’y a point de prix absolu.En effet, toutes les fois que nous parlons de prix haut et bas, c’est que nous comparons l’une à l’autre deux choses qu’il s’agit d’échanger : le vin, par exemple, par comparaison au blé, sera à haut prix, si nous en donnons peu pour une grande quantité de blé, et le blé sera à bas prix. Dans le cas contraire, le prix du blé sera haut, et celui du vin sera bas.


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