Différences entre les versions de « Étienne Bonnot de Condillac:Le Commerce et le gouvernement considérés relativement l’un à l’autre - Atteintes portées au commerce : la jalousie des nations »

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Heureux dans cette position, les peuples ne surent pas s’y maintenir. Pourquoi, disait-on, envoyer chez les troyens des matières premières que nous pouvons mettre en œuvre nous-mêmes ? Est-il raisonnable de porter chez l’étranger notre argent et nos productions, pour y faire subsister des artisans, qui, en consommant chez nous, augmenteraient notre population et nos richesses ? Tous les peuples songeaient donc aux moyens d’établir chacun chez eux les mêmes manufactures.
Heureux dans cette position, les peuples ne surent pas s’y maintenir. Pourquoi, disait-on, envoyer chez les troyens des matières premières que nous pouvons mettre en œuvre nous-mêmes ? Est-il raisonnable de porter chez l’étranger notre argent et nos productions, pour y faire subsister des artisans, qui, en consommant chez nous, augmenteraient notre population et nos richesses ? Tous les peuples songeaient donc aux moyens d’établir chacun chez eux les mêmes manufactures.


Mais les nations marchandes excitaient surtout la jalousie. Ces nations, pauvres par leur sol, s’enrichissaient, se peuplaient, et semblaient devoir à l’aveuglement des autres, leurs richesses et leur population. Pourquoi leur laisser faire, presque à elles seules, tout le trafic, disaient les peuples jaloux ? Souffrirons-nous encore long-temps qu’elles fassent sur nous des profits que nous pourrions faire nous-mêmes ? C’est nous qui les faisons subsister ; c’est nous qui les enrichissons. Fermons-leur nos ports, elles tomberont dans la misère, et bientôt elles ne seront plus.
Mais les nations marchandes excitaient surtout la jalousie. Ces nations, pauvres par leur sol, s’enrichissaient, se peuplaient, et semblaient devoir à l’aveuglement des autres, leurs richesses et leur population. Pourquoi leur laisser faire, presque à elles seules, tout le trafic, disaient les peuples jaloux ? Souffrirons-nous encore longtemps qu’elles fassent sur nous des profits que nous pourrions faire nous-mêmes ? C’est nous qui les faisons subsister ; c’est nous qui les enrichissons. Fermons-leur nos ports, elles tomberont dans la misère, et bientôt elles ne seront plus.


Ces réflexions ne sont pas aussi solides qu’elles le paraissent. L’auteur de la nature, aux yeux duquel tous les peuples, malgré les préjugés qui les divisent, sont comme une seule république, ou plutôt comme une seule famille, a établi des besoins entre eux. Ces besoins sont une suite de la différence des climats, qui fait qu’un peuple manque des choses dont un autre surabonde, et qui leur donne à chacun différents genres d’industrie. Malheur au peuple qui voudrait se passer de tous les autres. Il serait aussi absurde qu’un citoyen qui, dans la société regrettant les bénéfices qu’on fait sur lui, voudrait pourvoir par lui seul à tous ses besoins. Si un peuple se passait des nations marchandes, s’il les anéantissait, il en serait moins riche lui-même, puisqu’il diminuerait le nombre des consommateurs auxquels il vend ses productions surabondantes.
Ces réflexions ne sont pas aussi solides qu’elles le paraissent. L’auteur de la nature, aux yeux duquel tous les peuples, malgré les préjugés qui les divisent, sont comme une seule république, ou plutôt comme une seule famille, a établi des besoins entre eux. Ces besoins sont une suite de la différence des climats, qui fait qu’un peuple manque des choses dont un autre surabonde, et qui leur donne à chacun différents genres d’industrie. Malheur au peuple qui voudrait se passer de tous les autres. Il serait aussi absurde qu’un citoyen qui, dans la société regrettant les bénéfices qu’on fait sur lui, voudrait pourvoir par lui seul à tous ses besoins. Si un peuple se passait des nations marchandes, s’il les anéantissait, il en serait moins riche lui-même, puisqu’il diminuerait le nombre des consommateurs auxquels il vend ses productions surabondantes.
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