Différences entre les versions de « Étienne Bonnot de Condillac:Le Commerce et le gouvernement considérés relativement l’un à l’autre - Du prêt à intérêt »

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Dans un temps, au contraire, où les propriétaires plus économes dépenseront moins, il y aura moins d’emprunteurs ; car, au lieu d’avoir eux-mêmes des emprunts à faire, ils auront de l’argent à prêter ; et, puisqu’ils consommeront moins, ils diminueront le nombre des entrepreneurs, et par conséquent des emprunteurs. Voilà une des raisons pourquoi l’intérêt est plus bas en Hollande qu’en France.
Dans un temps, au contraire, où les propriétaires plus économes dépenseront moins, il y aura moins d’emprunteurs ; car, au lieu d’avoir eux-mêmes des emprunts à faire, ils auront de l’argent à prêter ; et, puisqu’ils consommeront moins, ils diminueront le nombre des entrepreneurs, et par conséquent des emprunteurs. Voilà une des raisons pourquoi l’intérêt est plus bas en Hollande qu’en France.


Si un nouveau genre de consommations donne naissance à une nouvelle branche de commerce, les entrepreneurs ne manqueront pas de se multiplier à proportion qu’on croira pouvoir se promettre de plus grands profits ; et l’intérêt de l’argent haussera, parce que le nombre des emprunteurs sera plus grand .
Si un nouveau genre de consommations donne naissance à une nouvelle branche de commerce, les entrepreneurs ne manqueront pas de se multiplier à proportion qu’on croira pouvoir se promettre de plus grands profits ; et l’intérêt de l’argent haussera, parce que le nombre des emprunteurs sera plus grand<ref>Est-il bien vrai, m'a-t-on demandé, qu'un accroissement de commerce fasse hausser l'intérêt ? Je réponds qu'il le fait nécessairement hausser, s'il augmente le nombre des emprunteurs. Or, c'est ce qui peut arriver, et ce que je suppose.</ref>.


Que cette branche de commerce vienne à tomber, l’argent reviendra à ceux qui l’avaient prêté. Ils chercheront à le placer une seconde fois, et l’intérêt baissera, parce que le nombre des prêteurs sera augmenté.
Que cette branche de commerce vienne à tomber, l’argent reviendra à ceux qui l’avaient prêté. Ils chercheront à le placer une seconde fois, et l’intérêt baissera, parce que le nombre des prêteurs sera augmenté.


Si les entrepreneurs conduisent leur commerce avec autant d’économie que d’industrie, ils deviendront peu-à-peu propriétaires des sommes qu’ils avaient empruntées. Il faudra donc les retrancher du nombre des emprunteurs ; et il faudra les ajouter à celui des prêteurs, lorsqu’ils auront gagné au-delà de l’argent dont ils ont besoin pour conduire leur commerce .
Si les entrepreneurs conduisent leur commerce avec autant d’économie que d’industrie, ils deviendront peu-à-peu propriétaires des sommes qu’ils avaient empruntées. Il faudra donc les retrancher du nombre des emprunteurs ; et il faudra les ajouter à celui des prêteurs, lorsqu’ils auront gagné au-delà de l’argent dont ils ont besoin pour conduire leur commerce<ref>Voilà le cas où un accroissement de commerce fait baisser l'intérêt.</ref>.


Enfin les lois augmenteront le nombre des prêteurs quand elles permettront le prêt à intérêt. Aujourd’hui, au contraire, elles tendent à le diminuer.
Enfin les lois augmenteront le nombre des prêteurs quand elles permettront le prêt à intérêt. Aujourd’hui, au contraire, elles tendent à le diminuer.
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Comme les prix se règlent au marché, d’après les altercations des vendeurs et des acheteurs, l’intérêt ou le prix de l’argent se règle, dans les places de commerce, d’après les altercations des emprunteurs et des prêteurs. Le gouvernement reconnaît qu’il ne lui appartient pas de faire des lois pour fixer le prix des choses qui se vendent au marché : pourquoi donc croit-il devoir fixer l’intérêt ou le prix de l’argent ?
Comme les prix se règlent au marché, d’après les altercations des vendeurs et des acheteurs, l’intérêt ou le prix de l’argent se règle, dans les places de commerce, d’après les altercations des emprunteurs et des prêteurs. Le gouvernement reconnaît qu’il ne lui appartient pas de faire des lois pour fixer le prix des choses qui se vendent au marché : pourquoi donc croit-il devoir fixer l’intérêt ou le prix de l’argent ?


Pour faire une loi sage sur cette matière, il faudrait qu’il saisît la proportion de la quantité d’argent à prêter avec la quantité à emprunter. Mais puisque cette proportion varie continuellement, il ne la saisira point, ou il ne la saisira que pour un moment, et par hasard : il faudra donc qu’il fasse toujours de nouveaux réglements, sans jamais pouvoir être sûr d’en faire un bon : ou s’il s’obstine à vouloir faire observer ceux qu’il a faits, parce qu’il ne sait pas comment en faire d’autres, il ne fera que troubler le commerce. On éludera ses réglements dans des marchés clandestins ; et l’intérêt qu’il prétendait fixer haussera d’autant plus, que les prêteurs, ayant la loi contre eux, prêteront avec moins de sûreté.
Pour faire une loi sage sur cette matière, il faudrait qu’il saisît la proportion de la quantité d’argent à prêter avec la quantité à emprunter. Mais puisque cette proportion varie continuellement, il ne la saisira point, ou il ne la saisira que pour un moment, et par hasard : il faudra donc qu’il fasse toujours de nouveaux règlements, sans jamais pouvoir être sûr d’en faire un bon : ou s’il s’obstine à vouloir faire observer ceux qu’il a faits, parce qu’il ne sait pas comment en faire d’autres, il ne fera que troubler le commerce. On éludera ses règlements dans des marchés clandestins ; et l’intérêt qu’il prétendait fixer haussera d’autant plus, que les prêteurs, ayant la loi contre eux, prêteront avec moins de sûreté.


Dans les places de commerce, au contraire, l’intérêt se réglerait toujours bien et de lui-même, parce que c’est là que les offres des prêteurs, et les demandes des emprunteurs, mettent en évidence la proportion où est l’argent à prêter avec l’argent à emprunter.
Dans les places de commerce, au contraire, l’intérêt se réglerait toujours bien et de lui-même, parce que c’est là que les offres des prêteurs, et les demandes des emprunteurs, mettent en évidence la proportion où est l’argent à prêter avec l’argent à emprunter.
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En général, entre marchands et négociants, tout prêt est usuraire lorsque l’intérêt qu’on retire est plus fort que celui qui a été réglé publiquement dans les places de commerce Mais lorsque les prêts se font à des particuliers, qui ne font aucune sorte de trafic ou de négoce, quelle est la règle pour juger de l’intérêt qu’on peut retirer de son argent ? La loi. C’est ici, je pense, que le gouvernement peut sans inconvénients, fixer l’intérêt. Il le doit même, et il fera une chose avantageuse à l’état, s’il rend les emprunts plus difficiles. Qu’il ne permette de prêter qu’au plus bas intérêt aux propriétaires des terres, les pères de famille auront moins de facilité à se ruiner, et l’argent refluera dans le commerce. Qu’il taxe d’usure, ou qu’il couvre d’une note plus flétrissante encore, tout prêt, ne fût-il qu’à un pour cent, fait à à un fils qui emprunte sans l’aveu de ses parents. Qu’il défende les emprunts clandestins, ou que, s’il est possible de les prévenir, il donne lui-même des secours aux entrepreneurs qui sont dans la dernière classe des marchands. En un mot, qu’en laissant la liberté des emprunts dans les places de commerce, il la réprime partout où elle peut dégénérer en abus. L’exécution de ce projet n’est pas facile sans doute, mais il serait utile de s’en occuper.
En général, entre marchands et négociants, tout prêt est usuraire lorsque l’intérêt qu’on retire est plus fort que celui qui a été réglé publiquement dans les places de commerce Mais lorsque les prêts se font à des particuliers, qui ne font aucune sorte de trafic ou de négoce, quelle est la règle pour juger de l’intérêt qu’on peut retirer de son argent ? La loi. C’est ici, je pense, que le gouvernement peut sans inconvénients, fixer l’intérêt. Il le doit même, et il fera une chose avantageuse à l’état, s’il rend les emprunts plus difficiles. Qu’il ne permette de prêter qu’au plus bas intérêt aux propriétaires des terres, les pères de famille auront moins de facilité à se ruiner, et l’argent refluera dans le commerce. Qu’il taxe d’usure, ou qu’il couvre d’une note plus flétrissante encore, tout prêt, ne fût-il qu’à un pour cent, fait à à un fils qui emprunte sans l’aveu de ses parents. Qu’il défende les emprunts clandestins, ou que, s’il est possible de les prévenir, il donne lui-même des secours aux entrepreneurs qui sont dans la dernière classe des marchands. En un mot, qu’en laissant la liberté des emprunts dans les places de commerce, il la réprime partout où elle peut dégénérer en abus. L’exécution de ce projet n’est pas facile sans doute, mais il serait utile de s’en occuper.
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