Différences entre les versions de « Franz Oppenheimer:L'Etat, son origines, son évolution et son avenir - Partie II : L'Etat féodal primitif »

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Tout ceci est d'ailleurs loin d'être une preuve en faveur de la théorie de l'organicisme. Mais le problème ne peut être qu'indiqué ici.
Tout ceci est d'ailleurs loin d'être une preuve en faveur de la théorie de l'organicisme. Mais le problème ne peut être qu'indiqué ici.
==L'intégration==
Nous avons suivi le cours de la formation de l'Etat depuis sa seconde période, pendant sa croissance objective, dans ses formes politiques et légales et dans sa substance économique. Sa croissance subjective, sa différenciation et son intégration socio-psychologiques sont d'une importance plus grande encore, toute sociologie étant presque entièrement psychologie sociale.
Parlons d'abord de l'intégration.
Le réseau des relations intérieures que nous avons vu se tendre dès la deuxième période se resserre de plus en plus, devient de plus en plus étroit, à mesure que progresse la fusion matérielle que nous avons décrite. Les deux dialectes deviennent une langue ou encore l'un des deux langages, souvent essentiellement différents, disparaît ; parfois, celui des vainqueurs, plus souvent celui des vaincus. Les deux cultes se fondent en une religion dans laquelle le dieu tribal du vainqueur est adoré comme dieu principal pendant que les anciennes divinités deviennent ses subordonnés ou ses antagonistes, démons ou diables. Le type physique s'unifie sous l'influence d'un même climat et d'un genre de vie analogue. Là où une grande différence a existé et se maintient{{ref|3}} entre les deux types, les bâtards rapprochent les extrêmes jusqu'à un certain degré, et le type de l'ennemi au-delà de la frontière est graduellement ressenti par tous comme opposition ethnique, comme « étranger » plus fortement que ne l'est la différence encore existante entre les deux types désormais réunis. De plus en plus les maîtres et les asservis apprennent à se considérer comme « semblables » du moins par rapport à l'étranger du dehors. Finalement le souvenir de l'origine différente s'affaiblit et s'efface parfois entièrement : les conquérants passent pour les descendants des anciens dieux, et le sont aussi en fait très souvent, comme ces dieux ne sont autres que les âmes déifiées des ancêtres. Le sentiment de solidarité devient plus fort à l'intérieur à mesure que croît chez les membres du « cercle de paix » la conscience de l'isolement vis-à-vis des étrangers au-delà de la frontière : ce sentiment, s'affirme surtout lors des heurts avec les Etats voisins, beaucoup plus agressifs que ne l'étaient autrefois les communautés familiales. L'esprit de fraternité, d'équité, s'enracine de plus en plus fortement, cet esprit qui régnait jadis entre les membres de la horde seulement et qui réunit maintenant encore les membres de l'aristocratie. Ce ne sont d'abord que de très faibles liens allant de haut en bas. Équité et fraternité ne reçoivent qu'autant de place que peut le permettre le droit au moyen politique. Mais cette place, elles la reçoivent. Et c'est surtout la protection légale à l'intérieur qui, bien plus que la défense extérieure, noue un lien puissant de solidarité : ''Justitia fundamentum regnorum'' ! Lorsque les seigneurs, agissant comme groupe social, exécutent « de par la loi» un gentilhomme meurtrier ou voleur qui a outrepassé les limites du droit d'exploitation, le sujet reconnaissant se réjouit plus sincèrement qu'après une bataille gagnée.
Tels sont les grands traits du développement de l'intégration intérieure. Les intérêts communs d'ordre et de paix engendrent un puissant sentiment collectif que l'on peut presque nommer déjà « conscience d'Etat ».


== Notes ==  
== Notes ==  
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# {{note|1}}Du grec ancien « τὰ συσσίτια » (ta sussitia), repas pris en commun par les hommes d'un groupe social ou religieux, spécialement à Sparte ; par extension, un repas austère et spartiate.
# {{note|1}}Du grec ancien « τὰ συσσίτια » (ta sussitia), repas pris en commun par les hommes d'un groupe social ou religieux, spécialement à Sparte ; par extension, un repas austère et spartiate.
# {{note|2}}Paul de Lilienfeld (1829–1903) était un homme d'Etat et un sociologue de la Russie impériale. Il fut gouverneur du duché de Courlande (Lettonie) de 1868 à 1885. C'est à cette époque qu'il rédige ses ''Мысли о социальной науке будущего'' (''Pensées sur les sciences sociales du futur''). Il y développe une théorie organique des sociétés, qu'on appelle aussi théorie organiciste. Il devint ensuite sénateur du parlement russe, de même que vice-président (1896), puis président l'année suivante, de l'Institut international de Sociologie à Paris.  
# {{note|2}}Paul de Lilienfeld (1829–1903) était un homme d'Etat et un sociologue de la Russie impériale. Il fut gouverneur du duché de Courlande (Lettonie) de 1868 à 1885. C'est à cette époque qu'il rédige ses ''Мысли о социальной науке будущего'' (''Pensées sur les sciences sociales du futur''). Il y développe une théorie organique des sociétés, qu'on appelle aussi théorie organiciste. Il devint ensuite sénateur du parlement russe, de même que vice-président (1896), puis président l'année suivante, de l'Institut international de Sociologie à Paris.  
# {{note|3}}« Les femmes occupent chez les Vahoumas une position plus élevée que chez les nègres et sont jalousement surveillées par leurs maris. Ceci contribue à rendre plus difficile le mélange des races. La masse des Vaganda ne serait pas aujourd'hui une authentique tribu nègre (au teint chocolat-foncé et aux cheveux crépus si les deux peuples, laboureur et pasteur, dominateur et dominé, honoré et méprisé, n'étaient pas restés hostilement séparés en dépit des relations nouées entre les classes supérieures. Dans cette position d’exception ils constituent un phénomène typique et toujours aisément reconnaissable. » (Ratzel, 1, ch. II, p. 117.)
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