Franz Oppenheimer:L'Etat, son origines, son évolution et son avenir - Partie II : L'Etat féodal primitif

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Franz Oppenheimer:L'Etat, son origines, son évolution et son avenir - Partie II : L'Etat féodal primitif


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Partie II : L'Etat féodal primitif
l’Etat, Ses origines, son évolution et son avenir
Der Staat
B577.jpg
Auteur : Franz Oppenheimer
Genre
sociologie
Année de parution
1913
Dans l'archipel malais comme dans le grand laboratoire sociologique africain, dans tous les pays du globe où l'évolution des races a dépassé la période de sauvagerie primitive, l'Etat est né de la subjugation d'un groupe humain par un autre groupe et sa raison d'être est, et a toujours été, l'exploitation économique des asservis.
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La domination

Sa forme est la domination, La domination d'une minorité peu nombreuse mais belliqueuse, unie par les liens de consanguinité, sur un territoire strictement délimité et sur ses habitants. Cette domination est exercée selon la formule d'un droit consacré par l'usage, qui fixe les privilèges et les exigences des maîtres et le devoir d'obéissance et les obligations des sujets, et les fixe en outre de telle sorte que la capacité prestative du paysan – l’expression date du XVIIIesiècle – n'en souffre pas. L' « apiculture» consacrée par la loi ! Au devoir de prestation du paysan correspond un devoir de protection du seigneur, protection à l'intérieur contre les empiétements des autres seigneurs et protection à l'extérieur contre les attaques de l'ennemi du dehors. C'est là un côté du caractère de l'Etat ; l'autre côté, incomparablement plus important au début, est 'exploitation économique,le « moyen politique » de la des besoins. Le paysan donne une partie du produitde son travail sans recevoir d'équivalent : Au commencement était la rente foncière !

Les formes dans lesquelles s'accomplissent le prélèvement et la consommation de la rente foncière varient selon le lieu et le temps. Tantôt les maîtres sont établis en compagnie militaire dans un camp fortifié et consomment de façon communiste le tribut des communautés paysannes : tel fut l'Etat Inca. Tantôt un certain territoire est déjà assigné à chaque noble guerrier, mais il en consomme encore les produits de préférence dans la « sussitia » avec ses égaux et ses compagnons d'armes : il en est ainsi à Sparte. Tantôt l'aristocratie territoriale est disséminée sur tout le territoire conquis, chaque membre réside avec sa suite dans son château fort et consomme individuellement les produits de ses terres. Mais il n'est pas encore « propriétaire », il reçoit seulement le tribut de serfs qu'il n'a ni à diriger ni à surveiller : c'est le type de la seigneurie domaniale du moyen âge dans les pays d'aristocratie germanique. Et finalement le seigneur devient le gentilhomme campagnard, les serfs se transforment en ouvriers de sa grande exploitation et le tribut apparaît maintenant comme profit de l'entrepreneur. C'est le type de la première entreprise capitaliste des temps modernes, la grande exploitation agricole dans l'ancien district slave de l'Allemagne de l'Est. Il y a enfin, menant d'un degré à l'autre, de nombreuses périodes de transition.

Mais c'est partout en principe le même Etat. Son but est toujours et partout le « moyen politique » de la satisfaction des besoins : appropriation de la rente foncière d'abord, tant qu'il n'existe pas de travail industriel susceptible d’être accaparé. Sa forme est toujours et partout la domination : l'exploitation imposée comme droit, comme constitution, maintenue et poursuivie strictement, cruellement même au besoin. Pourtant le droit absolu du conquérant est aussi légalement limité dans l'intérêt même du prélèvement permanent de la rente foncière. Le devoir de production du sujet est borné par son droit au maintien de sa capacité prestative ; le droit de taxation des seigneurs est complété par leur devoir de protection à l'intérieur et à l'extérieur. Protection légale et défense des frontières.

Dès lors l'Etat primitif est arrivé à maturité, entièrement développé dans l'ensemble de ses éléments constitutifs. La condition embryonnaire est dépassée et il ne se manifestera plus maintenant que des phénomènes de croissance. Comparé aux agrégats familiaux, l'Etat représente indiscutablement une espèce supérieure. Il embrasse une masse humaine plus considérable dans le cercle d'une organisation plus rigide, plus capable de dompter les forces de la nature et de repousser les ennemis. Il transforme en travail méthodique assidu les occupations jusque-là simples passe-temps. Par là, il est vrai, il amasse une détresse infinie sur la longue suite des générations à venir qui devront gagner leur pain à la sueur de leur front parce qu'à l'âge d'or des libres associations familiales a succédé l'âge de fer de la domination autoritaire. Mais aussi par la découverte du travail véritable il a introduit dans le monde la Puissance qui seule peut nous ramener l'âge d'or nouveau convenant à un degré supérieur de la civilisation, l'âge d'or du bonheur universel. Il détruit, comme le dit Schiller, le bonheur naïf des peuples enfants pour les élever par l'aride chemin de la souffrance au bonheur « sentimental », au bonheur conscient de la maturité.

Une espèce supérieure ! Déjà Paul von Lilienfeld, un des principaux représentants de l'Ecole qui voit dans l'État un organisme supérieur, a indiqué le parallélisme remarquable existant ici entre l'organisme développé et l'organisme rudimentaire. Tous les êtres supérieurs se reproduisent sexuellement ; les êtres inférieurs se reproduisent par division, par gemmation ou tout au plus par la copulation. La croissance et la reproduction de l'association familiale antérieure à l'Etat correspondent exactement à ces simples méthodes. Elle aussi se développe jusqu'à ce que, devenue trop grande pour que la cohésion soit encore possible, elle se divise, se sépare, el les hordes individuelles ne conservent plus entre elles que de vagues relations sans aucune organisation d'ensemble. La copulation peut se comparer à la fusion de groupes exogames.

L'État, par contre, est engendré sexuellement. Dans l'acte de la génération bi-sexuelle, le principemasculin, une petite excessivementactive et mobile, le spermatozoïde, recherche leprincipe féminin, 'ovule, une grande inerte dépourvue de motion propre, la pénètreet se confond avec elle, ce qui donne lieu à processus de croissance imposante, de sedifférenciation qu'accompagne une intégration aussi complète. La race paysanne inerte etattachée au sol est l'ovule, la tribu pastorale nomadele spermatozoïde de cet acte, de énération sociologique : et son résultat est l’arrivée à maturitéd'un organisme social supérieur, plus tementconstitué (intégré) et possédant une division organique plus parfaite. On prolonger le parallèle à l’infini. La façon dont d’innombrables spermatozoïdes harcèlent l’ovule jusqu’à ce que l'un d'eux, le plus fort le plus , découvre et conquière le mikropyle, peut être comparée aux luttes de frontières qui précèdent la formation de ’Etat ; de même la force d'attraction magique qu'exerce l'ovule sur les spermatozoïdes rappelle l'attraction qu'a la plaine fertile pour les enfants du désert. Tout ceci est d'ailleurs loin d'être une preuve en faveur de la théorie de l'organicisme. Mais le problème ne peut être qu'indiqué ici.

Notes

  1. ^ 

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