Différences entre les versions de « Franz Oppenheimer:L'Etat, son origines, son évolution et son avenir - Partie I : L'origine de l'Etat »

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« Les expéditions des grandes hordes de nomades contrastent avec ce mouvement, constitué au goutte à goutte et étape par étape, car elles débordent d'une énorme puissance, en particulier en Asie centrale et dans tous les pays voisins. Les nomades de ce secteur, comme de l'Arabie et de l'Afrique du Nord, conjuguèrent la mobilité de leur mode de vie à l'allégeance à une société holiste qui considérait toute leur masse comme un seul corps. Il semble être caractéristique des nomades que de développer facilement un pouvoir despotique et de grande envergure, au bénéfice de la cohésion de la tribu patriarcale. Des gouvernements de masse ont ainsi vu le jour, et nous pouvons les comparer avec d'autres mouvements constitués chez les hommes de la même manière que les fleuves peuvent être comparés au flux constant mais diffus d'un affluent. L'histoire de la Chine, de l'Inde et la Perse, non moins que celle de l'Europe, témoigne de leur importance historique. Comme ils se déplaçaient sur leurs marges avec leurs femmes et leurs enfants, leurs esclaves et leurs charrettes, leurs troupeaux et tout leur matériel, ils ont inondé toute les régions frontalières. Bien que ce lest peut les avoir privés de vitesse, il a augmenté leur élan. Les habitants, effrayés, fuyèrent devant eux, et comme une vague, ils ont roulé sur un pays conquis, absorbant leur richesse. Comme ils emportaient tout avec eux, leurs nouvelles demeures ont été équipées de toutes leurs possessions, et donc leurs établissements définitifs ont été d'une importance ethnographique. C'est en procédant de cette manière que les Magyars ont absorbé la Hongrie, que les Mandchous envahirent la Chine, et les Turcs, les pays de la Perse à l'Adriatique. »
« Les expéditions des grandes hordes de nomades contrastent avec ce mouvement, constitué au goutte à goutte et étape par étape, car elles débordent d'une énorme puissance, en particulier en Asie centrale et dans tous les pays voisins. Les nomades de ce secteur, comme de l'Arabie et de l'Afrique du Nord, conjuguèrent la mobilité de leur mode de vie à l'allégeance à une société holiste qui considérait toute leur masse comme un seul corps. Il semble être caractéristique des nomades que de développer facilement un pouvoir despotique et de grande envergure, au bénéfice de la cohésion de la tribu patriarcale. Des gouvernements de masse ont ainsi vu le jour, et nous pouvons les comparer avec d'autres mouvements constitués chez les hommes de la même manière que les fleuves peuvent être comparés au flux constant mais diffus d'un affluent. L'histoire de la Chine, de l'Inde et la Perse, non moins que celle de l'Europe, témoigne de leur importance historique. Comme ils se déplaçaient sur leurs marges avec leurs femmes et leurs enfants, leurs esclaves et leurs charrettes, leurs troupeaux et tout leur matériel, ils ont inondé toute les régions frontalières. Bien que ce lest peut les avoir privés de vitesse, il a augmenté leur élan. Les habitants, effrayés, fuyèrent devant eux, et comme une vague, ils ont roulé sur un pays conquis, absorbant leur richesse. Comme ils emportaient tout avec eux, leurs nouvelles demeures ont été équipées de toutes leurs possessions, et donc leurs établissements définitifs ont été d'une importance ethnographique. C'est en procédant de cette manière que les Magyars ont absorbé la Hongrie, que les Mandchous envahirent la Chine, et les Turcs, les pays de la Perse à l'Adriatique. »


Ce qui a été dit ici des Hamites, des Sémites{{ref|51}}, et des Mongols, pourrait être dit aussi, au moins en partie, des tribus aryennes de pasteurs. Cette logique s'applique également aux tribus nègres originelles, au moins à celles qui vivent entièrement de leur cheptel : les mobiles et belliqueuses tribus des Cafresac possèdent une puissance d'expansion qui n'a besoin que d'un seul but attrayant pour réaliser des effets violents et renverser la composition ethnologique de vastes zones. L'Afrique de l'Est offre un tel objet. Ici le climat n'a pas interdit l'élevage, comme dans les pays de l'intérieur, et ne paralyse pas dès le départ, la puissance de l'impact des nomades, tandis que de nombreuses et paisibles populations agricoles trouvent place pour leur propre développement. Des tribus errantes de Cafres se déversèrent tels des flux dévastateurs sur les terres fécondes du Zambèze, et jusqu'aux hauts plateaux situés entre le Tanganyika et la côte. Là, ils rencontrèrent l'avant-garde des Tutsis, d'origine hamite, venant du nord. Les anciens habitants de ces régions ont été soit exterminés, soit employés comme serfs, cultivant des terres qui autrefois leur appartenaient, ou bien ils continuèrent à combattre, ou bien enfin, ils restèrent tenus à l'écart du flux des conquêtes, dans des colonies fermées.
Ce qui a été dit ici des Hamites, des Sémites{{ref|51}}, et des Mongols, pourrait être dit aussi, au moins en partie, des tribus aryennes de pasteurs. Cette logique s'applique également aux tribus nègres originelles, au moins à celles qui vivent entièrement de leur cheptel : les mobiles et belliqueuses tribus des Cafres{{ref|52}} possèdent une puissance d'expansion qui n'a besoin que d'un seul but attrayant pour réaliser des effets violents et renverser la composition ethnologique de vastes zones. L'Afrique de l'Est offre un tel objet. Ici le climat n'a pas interdit l'élevage, comme dans les pays de l'intérieur, et ne paralyse pas dès le départ, la puissance de l'impact des nomades, tandis que de nombreuses et paisibles populations agricoles trouvent place pour leur propre développement. Des tribus errantes de Cafres se déversèrent tels des flux dévastateurs sur les terres fécondes du Zambèze, et jusqu'aux hauts plateaux situés entre le Tanganyika et la côte. Là, ils rencontrèrent l'avant-garde des Tutsis, d'origine hamite, venant du nord. Les anciens habitants de ces régions ont été soit exterminés, soit employés comme serfs, cultivant des terres qui autrefois leur appartenaient, ou bien ils continuèrent à combattre, ou bien enfin, ils restèrent tenus à l'écart du flux des conquêtes, dans des colonies fermées.
 
Tout cela a pris place sous nos yeux. Certaines de ces évolutions sont toujours en cours. Pendant des milliers d'années, elles ont « constitué le socle de toute l'Afrique de l'Est, du Zambèze à la Méditerranée. » L'incursion des Hyksôs{{ref|53}}, par laquelle, pendant plus de cinq cents ans, l'Égypte a été soumise à des tribus pastorales des déserts orientaux et septentrionaux – « frères des peuples qui, jusqu'à nos jours, font vivre leur troupeau entre le Nil et la mer Rouge » – est la première fondation authentique d'un Etat. Ces états ont été suivis par beaucoup d'autres, aussi bien dans la région du Nil elle-même, que, plus loin vers le sud, jusqu'à l'Empire des Muata Jamvo sur la rive sud du Congo, comme l'attestent les commerçants portugais situés en Angola dès la fin des XVIème siècle, et plus bas jusqu'à l'Empire de l'Ouganda, qui n'a succombé à l'organisation militaire de l'Europe que de nos jours. « Les terres et civilisation du désert ne vivent jamais pacifiquement côte à côte, mais leurs batailles sont semblables et pleine de répétitions. »


Tout cela a pris place sous nos yeux. Certaines de ces évolutions sont toujours en cours. Pendant des milliers d'années, elles ont « constitué le socle de toute l'Afrique de l'Est, du Zambèze à la Méditerranée. » L'incursion des Hyksôsad, par laquelle, pendant plus de cinq cents ans, l'Égypte a été soumise à des tribus pastorales des déserts orientaux et septentrionnaux – « frères des peuples qui, jusqu'à nos jours, font vivre leur troupeau entre le Nil et la mer Rouge » – est la première fondation authentique d'un Etat. Ces états ont été suivis par beaucoup d'autres, aussi bien dans la région du Nil elle-même, que, plus loin vers le sud, jusqu'à l'Empire des Muata Jamvo sur la rive sud du Congo, comme l'attestent les commerçants portugais situés en Angola dès la fin des XVIème siècle, et plus bas jusqu'à l'Empire de l'Ouganda, qui n'a succombé à l'organisation militaire de l'Europe que de nos jours. « Les terres et civilisation du désert ne vivent jamais pacifiquement côte à côte, mais leurs batailles sont semblables et pleine de répétitions. »
« Identiques et pleines de répétitions » ! Cela peut être dit des lignes fondamentales de l'histoire universelle. L'ego humain, fondamentalement, est bien le même partout sur Terre. Il agit de manière uniforme, obéit aux mêmes influences de son environnement, peu importe la race, la couleur, la latitude, sous les tropiques comme dans les zones tempérées. Il faut prendre assez de recul et choisir un point de vue suffisamment élevé pour que l'aspect bigarré des détails ne cache pas les grands mouvements de la masse. En pareil cas, notre œil passe à côté de la façon dont l'humanité laborieuse se bat et erre, tandis que sa « substance », toujours semblable, toujours nouvelle, toujours persistante à travers le changement, se révèle conforme à des lois universelles.
« Identiques et pleines de répétitions » ! Cela peut être dit des lignes fondamentales de l'histoire universelle. L'ego humain, fondamentalement, est bien le même partout sur Terre. Il agit de manière uniforme, obéit aux mêmes influences de son environnement, peu importe la race, la couleur, la latitude, sous les tropiques comme dans les zones tempérées. Il faut prendre assez de recul et choisir un point de vue suffisamment élevé pour que l'aspect bigarré des détails ne cache pas les grands mouvements de la masse. En pareil cas, notre œil passe à côté de la façon dont l'humanité laborieuse se bat et erre, tandis que sa « substance », toujours semblable, toujours nouvelle, toujours persistante à travers le changement, se révèle conforme à des lois universelles.
Peu à peu, à partir de cette première étape, se développe la seconde, où le paysan, à travers ses milliers de tentatives infructueuses de révolte, a accepté son sort et a cessé toute résistance. A cette époque, le berger sauvage prend conscience qu'un paysan assassiné ne peut plus labourer, et qu'un arbre fruitier abattu ne peut plus rien porter. Dans son propre intérêt, donc, partout où c'est possible, il permet au paysan de vivre et épargne ses vergers. La tribu de nomades reste comme avant, tous ses membres sont toujours hérissés d'armes, mais ils n'ont plus l'intention, ni même ne préparent, la guerre et l'appropriation violente.  
Peu à peu, à partir de cette première étape, se développe la seconde, où le paysan, à travers ses milliers de tentatives infructueuses de révolte, a accepté son sort et a cessé toute résistance. A cette époque, le berger sauvage prend conscience qu'un paysan assassiné ne peut plus labourer, et qu'un arbre fruitier abattu ne peut plus rien porter. Dans son propre intérêt, donc, partout où c'est possible, il permet au paysan de vivre et épargne ses vergers. La tribu de nomades reste comme avant, tous ses membres sont toujours hérissés d'armes, mais ils n'ont plus l'intention, ni même ne préparent, la guerre et l'appropriation violente.  
Les pilleurs brûlent et tuent dans la stricte mesure du nécessaire pour faire valoir un respect qu'ils estiment salutaire, ou pour briser une résistance isolée. Mais en général, principalement en vertu d'un droit coutumier en développement – le premier germe de l'apparition de tout le droit public – le berger ne s'approprie désormais que l'excédent du paysan. En d'autres termes, il laisse au paysan sa maison, son équipement et ses provisions jusqu'à la prochaine récolte.
Les pilleurs brûlent et tuent dans la stricte mesure du nécessaire pour faire valoir un respect qu'ils estiment salutaire, ou pour briser une résistance isolée. Mais en général, principalement en vertu d'un droit coutumier en développement – le premier germe de l'apparition de tout le droit public – le berger ne s'approprie désormais que l'excédent du paysan. En d'autres termes, il laisse au paysan sa maison, son équipement et ses provisions jusqu'à la prochaine récolte.
Le berger nomade, dans la première étape, est comme l'ours, qui, pour voler la ruche, la détruit. Dans la deuxième étape, il est comme l'apiculteur, qui laisse aux abeilles suffisamment de miel pour les mener jusqu'à l'hiver.
Le berger nomade, dans la première étape, est comme l'ours, qui, pour voler la ruche, la détruit. Dans la deuxième étape, il est comme l'apiculteur, qui laisse aux abeilles suffisamment de miel pour les mener jusqu'à l'hiver.
Grand est le progrès entre la première étape et la deuxième. Considérable est le pas en avant, à la fois économiquement et politiquement. Au début, comme nous l'avons vu, le butin accaparé par la tribu de bergers a fait l'objet d'une spoliation pure et simple. Peu importait les conséquences, les nomades détruisaient la source de la richesse future pour la jouissance de l'instant.
Grand est le progrès entre la première étape et la deuxième. Considérable est le pas en avant, à la fois économiquement et politiquement. Au début, comme nous l'avons vu, le butin accaparé par la tribu de bergers a fait l'objet d'une spoliation pure et simple. Peu importait les conséquences, les nomades détruisaient la source de la richesse future pour la jouissance de l'instant.
Désormais, l'acquisition devient rentable, parce que toute l'économie est basée sur le judicieux entretien domestique, ou, en d'autres termes, sur la retenue face à la jouissance de l'instant en raison des besoins de l'avenir. Le berger a appris à « capitaliser ».
Désormais, l'acquisition devient rentable, parce que toute l'économie est basée sur le judicieux entretien domestique, ou, en d'autres termes, sur la retenue face à la jouissance de l'instant en raison des besoins de l'avenir. Le berger a appris à « capitaliser ».
C'est un immense pas en avant politique lorsqu'un être humain tout à fait étranger, de proie qu'il était jusqu'alors, ne valant pas plus cher que les animaux sauvages, obtient une valeur et est reconnu comme une source de richesse. Bien que ce soit aussi le début de toute servitude, de la domination et de l'exploitation, ce mouvement est en même temps la genèse d'une forme supérieure de société, qui se développe au-delà des seuls liens du sang fondés sur la structure familiale traditionnelle.  
C'est un immense pas en avant politique lorsqu'un être humain tout à fait étranger, de proie qu'il était jusqu'alors, ne valant pas plus cher que les animaux sauvages, obtient une valeur et est reconnu comme une source de richesse. Bien que ce soit aussi le début de toute servitude, de la domination et de l'exploitation, ce mouvement est en même temps la genèse d'une forme supérieure de société, qui se développe au-delà des seuls liens du sang fondés sur la structure familiale traditionnelle.  
Nous avons vu comment, entre les voleurs et les volés, les premiers liens d'une relation juridique ont été noués entre ceux qui avaient jusqu'alors été exclusivement « des ennemis mortels. » Le paysan obtient donc un semblant de droit au strict nécessaire de la vie, de sorte qu'il en vient à être considéré comme répréhensible de tuer un homme sans résistance ou de le dépouiller de tout.  
Nous avons vu comment, entre les voleurs et les volés, les premiers liens d'une relation juridique ont été noués entre ceux qui avaient jusqu'alors été exclusivement « des ennemis mortels. » Le paysan obtient donc un semblant de droit au strict nécessaire de la vie, de sorte qu'il en vient à être considéré comme répréhensible de tuer un homme sans résistance ou de le dépouiller de tout.  
Et plus encore, des liens toujours plus délicats et plus doux sont peu à peu tissés, avec du fil encore très mince, mais qui, toutefois, crée des relations plus humaine que l'entente habituelle sur le partage du butin. Depuis que les nomades ne rencontrent plus seulement les paysans au combat, ils accèdent à leur légitime demande de respect. « L'impératif catégorique » de l'équité, « fais aux autres comme tu voudrais qu'ils te fassent », avait jusqu'alors régi exclusivement les relations des bergers nomades avec leur propre tribu ou avec la nature. Désormais, pour la première fois, cet impératif catégorique commence à balbutier en faveur de ceux qui sont étrangers à la relation de sang. En cela, nous trouvons les germes de ce magnifique processus de fusion externe qui, à partir de petites hordes, a formé les nations et les unions de pays – et qui, plus tard, donnera vie au concept de « l'humanité ». On y trouve aussi le germe de l'unification des tribus internes séparées, à la faveur de laquelle, à la place de la haine de « barbares », viendra l'amour œcuménique de l'humanité, porté par le christianisme et le bouddhisme.
Et plus encore, des liens toujours plus délicats et plus doux sont peu à peu tissés, avec du fil encore très mince, mais qui, toutefois, crée des relations plus humaine que l'entente habituelle sur le partage du butin. Depuis que les nomades ne rencontrent plus seulement les paysans au combat, ils accèdent à leur légitime demande de respect. « L'impératif catégorique » de l'équité, « fais aux autres comme tu voudrais qu'ils te fassent », avait jusqu'alors régi exclusivement les relations des bergers nomades avec leur propre tribu ou avec la nature. Désormais, pour la première fois, cet impératif catégorique commence à balbutier en faveur de ceux qui sont étrangers à la relation de sang. En cela, nous trouvons les germes de ce magnifique processus de fusion externe qui, à partir de petites hordes, a formé les nations et les unions de pays – et qui, plus tard, donnera vie au concept de « l'humanité ». On y trouve aussi le germe de l'unification des tribus internes séparées, à la faveur de laquelle, à la place de la haine de « barbares », viendra l'amour œcuménique de l'humanité, porté par le christianisme et le bouddhisme.
Le moment où le premier conquérant a épargné sa victime en vue de l'exploiter de façon permanente dans le travail productif, a été d'une importance historique incomparable. Il a donné naissance à la nation et à l'État, au droit et à l'économie supérieure, avec tous les développements et toutes les ramifications qui se sont développées et qui continueront à croître hors d'eux. Les racines de toute l'humanité plongent dans le sol sombre de l'amour et de l'art animal, au moins autant que dans l'Etat, la justice, et l'économie.
 
''Le moment où le premier conquérant a épargné sa victime en vue de l'exploiter de façon permanente dans le travail productif, a été d'une importance historique incomparable. Il a donné naissance à la nation et à l'État, au droit et à l'économie supérieure, avec tous les développements et toutes les ramifications qui se sont développées et qui continueront à croître hors d'eux''. Les racines de toute l'humanité plongent dans le sol sombre de l'amour et de l'art animal, au moins autant que dans l'Etat, la justice, et l'économie.
 
Une tendance supplémentaire noue encore plus étroitement ces relations psychiques. Pour revenir à la comparaison du berger et de l'ours, il y a dans le désert, à côté de l'ours qui veille sur les abeilles, d'autres ours qui convoitent le miel. Mais notre tribu de bergers bloque leur chemin, et protège ses ruches par la force des armes. Les paysans sont habitués, quand le danger menace, à faire appel à des nomades, qu'ils ne considèrent plus comme des voleurs et des assassins, mais comme des protecteurs et des sauveurs. Imaginez la joie des paysans lorsque la bande de vengeurs, de retour, ramène au village les femmes et les enfants kidnappés, avec la tête de l'ennemi ou son scalp. Ces liens ne sont plus désormais des fils ténus, mais de solides nœuds.
Une tendance supplémentaire noue encore plus étroitement ces relations psychiques. Pour revenir à la comparaison du berger et de l'ours, il y a dans le désert, à côté de l'ours qui veille sur les abeilles, d'autres ours qui convoitent le miel. Mais notre tribu de bergers bloque leur chemin, et protège ses ruches par la force des armes. Les paysans sont habitués, quand le danger menace, à faire appel à des nomades, qu'ils ne considèrent plus comme des voleurs et des assassins, mais comme des protecteurs et des sauveurs. Imaginez la joie des paysans lorsque la bande de vengeurs, de retour, ramène au village les femmes et les enfants kidnappés, avec la tête de l'ennemi ou son scalp. Ces liens ne sont plus désormais des fils ténus, mais de solides nœuds.
Voici l'une des principales forces de cette « intégration », selon laquelle, plus tard, ceux qui initialement ne sont pas du même sang, et assez souvent originaires de différents groupes parlant des langues différentes, seront en fin de compte soudés ensemble en un seul peuple, avec un discours, une coutume, et un sentiment de nationalité. Cette unité se développe peu à peu de la souffrance commune et de la nécessité, de la victoire partagée et de la défaite, de la joie et de la tristesse commune. Un domaine nouveau et vaste est ouvert lorsque maître et esclave servent les mêmes intérêts ; survient donc un courant de sympathie, un sentiment du service commun. Les deux parties s'appréhendent, et peu à peu reconnaissent mutuellement leur commune humanité. Peu à peu, des points de similitude sont détectés, à la place des différences bâtimentaires et vestimentaires, de langue et de religion, qui avaient jusqu'alors provoqué uniquement l'antipathie et la haine. Peu à peu, ils apprennent à se comprendre, d'abord par un langage commun, et ensuite grâce à l'habitude du quotidien. Le filet de l'interdépendance psychique devient plus fort.  
Voici l'une des principales forces de cette « intégration », selon laquelle, plus tard, ceux qui initialement ne sont pas du même sang, et assez souvent originaires de différents groupes parlant des langues différentes, seront en fin de compte soudés ensemble en un seul peuple, avec un discours, une coutume, et un sentiment de nationalité. Cette unité se développe peu à peu de la souffrance commune et de la nécessité, de la victoire partagée et de la défaite, de la joie et de la tristesse commune. Un domaine nouveau et vaste est ouvert lorsque maître et esclave servent les mêmes intérêts ; survient donc un courant de sympathie, un sentiment du service commun. Les deux parties s'appréhendent, et peu à peu reconnaissent mutuellement leur commune humanité. Peu à peu, des points de similitude sont détectés, à la place des différences bâtimentaires et vestimentaires, de langue et de religion, qui avaient jusqu'alors provoqué uniquement l'antipathie et la haine. Peu à peu, ils apprennent à se comprendre, d'abord par un langage commun, et ensuite grâce à l'habitude du quotidien. Le filet de l'interdépendance psychique devient plus fort.  
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# {{note|50}}Les Dounganes ou Doumganes (en sinogrammes traditionnels 東干族; en pinyin Dōnggānzú ; russe : Дунгане) sont un peuple situé en territoire de l'ancienne Union soviétique, d'origine et de langue chinoise ou turque, et de religion musulmane, originaires de l'ouest de la Chine (région autonome duXinjiang).
# {{note|50}}Les Dounganes ou Doumganes (en sinogrammes traditionnels 東干族; en pinyin Dōnggānzú ; russe : Дунгане) sont un peuple situé en territoire de l'ancienne Union soviétique, d'origine et de langue chinoise ou turque, et de religion musulmane, originaires de l'ouest de la Chine (région autonome duXinjiang).
# {{note|51}}Le mot Sémite provient du nom propre Sem(en hébreu שֵׁם,šem) désignant un des fils de Noé : les Sémites sont l'ensemble des peuples utilisant ou ayant utilisé les langues sémitiques.
# {{note|51}}Le mot Sémite provient du nom propre Sem(en hébreu שֵׁם,šem) désignant un des fils de Noé : les Sémites sont l'ensemble des peuples utilisant ou ayant utilisé les langues sémitiques.
# {{note|52}}Le terme cafre ou caffre désigne les Noirs de la Cafrerie (partie de l’Afrique australe), appelés en Afrique du Sud : Kaffer (Kaffir, Keffir). Kaffer est en afrikaans assimilable au mot nigger aux Etats-Unis ou « nègre » dans la France coloniale.
# {{note|53}}Les Hyksôs (en démotique heka khasewet, littéralement « chefs des pays étrangers », en grec ancien : Ὑκσως) formaient autrefois un groupe pluriethnique vivant dans l'Asie de l'ouest, et qui arriva à l'est du delta du Nil au cours de la seconde période intermédiaire.
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