Henry Hazlitt:L'Économie politique en une leçon - Chapitre XIV – Sauvons l'industrie X !

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Henry Hazlitt:L'Économie politique en une leçon - Chapitre XIV – Sauvons l'industrie X !


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Chapitre XIV – Sauvons l'industrie X !

Les couloirs du Congrès sont pleins de représentants de l'industrie X. L'industrie X est malade ! L'industrie X est mourante ! Il faut sauver l'industrie X ! On ne peut la sauver que par un tarif protecteur, une élévation des prix ou une subvention. Si on la laisse mourir ses ouvriers seront jetés à la rue ; leurs propriétaires, leurs bouchers, leurs boulangers, leurs tailleurs et leurs cinémas perdront des clients et la dépression s'étendra à un cercle toujours plus étendu. Mais si, grâce à l'intervention immédiate du Congrès, l'industrie X est sauvée, ah ! alors, elle va acheter du matériel aux autres industries ; des ouvriers seront employés en plus grand nombre et ils créeront de la prospérité pour des bouchers, boulangers, installateurs de publicité lumineuse au néon, et cette prospérité se propagera à des groupes chaque jour plus étendus.

Il est bien entendu que ceci n'est qu'un schéma généralisé du cas que nous venons de considérer. Tout à l'heure, l'industrie X, c'était l'agriculture. Mais il y a une infinité d'industries X. Deux des exemples les plus remarquables en ces dernières années ont été l'industrie du charbon et les mines d'argent. Pour "sauver l'argent" le Congrès a fait au pays un tort considérable. L'un des arguments avancés en faveur du plan de sauvetage était que ce plan aiderait "l'Orient". L'un de ses résultats réels fut de provoquer une déflation de la monnaie en Chine - où l'argent était l'étalon monétaire - et de forcer la Chine à l'abandonner.

Le Trésor américain fut forcé d'acquérir à des prix ridicules, bien supérieurs aux cours du marché, une montagne d'argent absolument inutile qu'il entreposa dans ses caves. Les "Sénateurs de l'Argent" auraient tout aussi bien atteint leur but essentiel, et à moindres frais, s'ils s'étaient contentés de faire payer ouvertement une subvention aux propriétaires des mines argentifères ou à leurs ouvriers, mais le Congrès ni le pays n'auraient jamais approuvé une franche transaction de cette sorte, non accompagnée du "boniment" sur le rôle essentiel de l'argent dans l'économie monétaire du pays.

Pour sauver l'industrie charbonnière, le Congrès vota la loi Guffey, qui non seulement permettait aux propriétaires de mines de houille de s'unir, mais même les mettait en demeure de le faire, afin de s'opposer à l'abaissement du prix du charbon en deçà d'un certain minimum fixé par le Gouvernement.

Bien que le Congrès eût commencé par fixer le prix du charbon, le Gouvernement se vit bientôt contraint (eu égard à des différences de taille des blocs extraits, de l'existence de milliers de mines, du transport du charbon en mille lieux différents par voies différentes : terre, mer et même rivières et canaux) de fixer 350 000 prix différents pour le charbon [1].

Un des résultats de cette tentative pour maintenir les prix du charbon au-dessus des cours réglés par le marché de l'offre et de la demande fut d'accentuer chez les consommateurs la tendance déjà existante à substituer au charbon d'autres sources de chaleur ou d'énergie : tel le gaz, le pétrole ou l'énergie hydroélectrique.

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Mais il n'entre pas dans notre propos de dénombrer les conséquences des efforts faits pour sauver telle ou telle industrie particulière. Nous voulons analyser quelques-unes des conséquences qui résultent nécessairement de tout effort fait pour sauver une industrie quelconque.

On peut soutenir qu'il est indispensable de créer ou de sauver telle industrie donnée pour des raisons de défense nationale ; on peut dire aussi que telle industrie est ruinée par les impôts ou par un taux de salaires disproportionné à celui des autres industries ; ou bien, s'il s'agit d'une industrie de service public, qu'elle est forcée de travailler à des tarifs, ou de supporter des charges, qui ne laissent pas une marge de bénéfices suffisante. De tels arguments peuvent être ou ne pas être justifiés dans tel ou tel cas particulier. Ceci ne nous concerne point. Ce qui nous intéresse, c'est l'examen du seul argument généralement mis en avant pour sauver l'industrie X, à savoir que, si on la laisse péricliter ou périr par le jeu de la libre concurrence (que les défenseurs de cette industrie représentent toujours, en pareil cas, comme le "laisser faire", l'anarchie, la guerre au couteau, la bataille de chiens, la loi de la jungle, etc.), sa perte entraînera la faillite de l'économie publique, tandis que si on la maintient en vie artificiellement, sa survie aidera tout le monde.

Ce dont nous parlons ici n'est autre chose qu'une généralisation de l'argument mis en avant pour obtenir la "parité" des prix agricoles, ou l'établissement d'un tarif protecteur en faveur d'un certain nombre d'industries X. Nos objections contre l'inflation artificielle des prix s'appliquent, bien entendue, non seulement aux produits agricoles, mais à n'importe quel produit, de la même façon que les raisons que nous avons fait valoir contre l'établissement de tarifs protecteurs pour une industrie est valable pour toutes les autres.

Mais il se présente toujours un très grand nombre de systèmes pour sauver l'industrie X. En dehors de ceux que nous avons déjà examinés, il en est deux principalement qui méritent une rapide analyse. Le premier consiste à soutenir que l'industrie X est déjà surpeuplée, et à essayer d'empêcher d'autres industriels ou d'autres ouvriers d'y entrer. Le second consiste à affirmer que l'industrie X a besoin d'être aidée par une subvention directe du Gouvernement.

Or, si l'industrie X est véritablement surpeuplée, il est clair qu'il n'y a nul besoin de mesures coercitives de la part du Gouvernement pour empêcher de nouveaux capitaux ou de nouveaux ouvriers d'y venir. Les capitaux ne s'empressent pas d'affluer dans les industries qui, de toute évidence, sont en train de mourir. Les capitalistes ne s'acharnent pas à vouloir investir leur argent dans des affaires où ils courent les plus grands risques et les plus faibles espoirs de dividende. Et les ouvriers, eux non plus, tant qu'il leur reste la possibilité de faire autrement, ne vont pas vers les industries où les salaires sont les plus bas et les possibilités d'un emploi stable les plus réduites.

Si de nouveaux capitaux et une main-d'oeuvre nouvelles se trouvent, par force, éloignés de l'industrie X, soit par suite de l'existence de cartels, de monopoles, soit par l'effet d'une politique syndicaliste ou par celui d'une législation particulière, cette industrie - capital et main-d'oeuvre - se voient privés de la liberté de disposer d'eux-mêmes. Il s'ensuit donc une diminution de la production, qui doit se traduire par une abaissement du niveau de vie général. Cet abaissement du niveau de vie général résulter soit d'un abaissement des salaires, qui sans cela eussent existé, soit d'une augmentation du coût de la vie, soit de l'un et de l'autre (le résultat exact dépendra de la politique monétaire du moment).

A cause de ces mesures restrictives, le rendement du capital et de la main-d'oeuvre, à l'intérieur de l'industrie X, pourra bien être maintenu à un taux plus élevé, mais le rendement dans les autres industries subira forcément une diminution injustifiée. L'industrie X ne sera bénéficiaire qu'aux dépens des industries A, B et C.

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Toute tentative pour sauver l'industrie X en lui accordant une subvention directe du Gouvernement aboutira au même résultat. Elle ne sera rien de plus qu'un transfert de richesse ou de revenu dans l'industrie X. Le contribuable y perdra précisément dans la mesure où ceux qu'emploie cette industrie en bénéficieront. Le grand avantage d'une subvention, du point de vue du public, est qu'en ce cas au moins la situation est claire. Elle offre une moindre occasion de se livrer à ce travail d'obscurantisme intellectuel qui accompagne toute augmentation sur les tarifs, les prix minima et les monopoles exclusifs.

Dans le cas d'une subvention, il est évident que le contribuable doit perdre dans la mesure même où l'industrie X gagne, et il devrait être également évident, par voie de conséquence, que les autres industries perdront dans la même proportion : elles auront en effet à payer les taxes nécessaires au financement de la subvention accordée à l'industrie X. Et parce qu'ils paient des impôts destinés à aider l'industrie x, les consommateurs auront d'autant moins d'argent à dépenser pour acheter d'autres produits. Il en résultera que l'accroissement de l'industrie X obligera nécessairement d'autres industries à restreindre leur production.

Mais le résultat de cette subvention ne consiste pas seulement en un transfert de capital ou de revenu, ou dans le fait que d'autres industries se retreignent dans la mesure même où grandit l'industrie X. Il en résulte aussi (et c'est là ce qui constitue une perte sèche pour la nation considérée dans son ensemble) que le capital et la main-d'oeuvre sont détournés d'industries dans lesquelles elles auraient pu s'employer efficacement, vers une industrie où elles s'emploient moins utilement. La richesse ainsi créée est moindre, et le niveau moyen de vie inférieur à ce qu'il eût été autrement.

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Les arguments qu'on invoque pour obtenir une subvention en faveur de l'industrie X impliquent virtuellement toutes les funestes conséquences que cette subvention entraînera. Cette industrie se meurt ou s'étiole, prétendent ses amis. Pourquoi alors vouloir la maintenir en vie grâce à une respiration artificielle ? Croire que dans une économie saine toutes les industries doivent être prospères en même temps est une erreur profonde. Pour que des industries nouvelles se développent rapidement, il est nécessaire que quelques industries périmées dépérissent ou meurent. Il est nécessaire qu'il en soit ainsi afin de libérer le capital et la main-d'oeuvre pour les industries nouvelles. Si nous avions essayé de conserver artificiellement l'industrie des cabriolets, nous aurions ralenti la croissance de l'industrie automobile et des industries connexes. Nous aurions abaissé l'accroissement de la richesse publique et retardé le progrès scientifique et économique.

cependant, c'est exactement ce que nous faisons lorsque nous essayons d'empêcher une industrie de mourir, en vue de protéger la main-d'oeuvre déjà adaptée à la servir ou le capital qui y est investi. Si paradoxal que cela puisse paraître à certains, la santé d'une économie dynamique exige que les industries mourantes soient abandonnées à leur sort, comme il est nécessaire de laisser grandir les industries florissantes. Le premier procédé est aussi essentiel que le second. Il est aussi vain d'essayer de conserver les industries qui périclitent que d'essayer de sauver les méthodes de production surannées. En fait, ce n'est là que deux façons différentes de décrire le même phénomène. Des méthodes de production perfectionnées doivent constamment prendre la place des méthodes surannées si l'on veut que des procédés nouveaux s'adaptent aux besoins nouveaux.


  1. Témoignage de Dan Wheeler, Directeur du Bureau des Charbons et Bitumes, lors des débats à propos de l'amendement sur la loi des charbons et bitumes de 1937.


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