Herbert Spencer:L'esclavage du futur

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Herbert Spencer:L'esclavage du futur


Anonyme


L'esclavage du futur
L'individu contre l'État
Individu contre Etat L50.jpg
Auteur : Herbert Spencer
Genre
Philosophie
Année de parution
1906
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Une des preuves de la parenté entre l'amour et 1a. pitié est que celle-ci idéalise son objet. La sympathie pour une personne qui souffre supprime, pour le moment, le souvenir des fautes qu'elle a commises. Le sentiment qui se fait jour dans "pauvre homme !" à la vue d'un individu bien malheureux, exclut la pensée de "mauvais homme", qui pourrait naître dans d'autres moments. Naturellement donc, si les malheureux sont inconnus ou seulement connus vaguement, tous leurs démérites sont ignorés ; de la sorte il arrive que, si à une époque telle que la nôtre on dépeint les misères des pauvres, le public se les représente comme les misères des pauvres méritants au lieu de se les représenter - ce qui dans la plupart des cas serait plus juste - comme les misères des pauvres déméritants. Ceux dont les souffrances sont exposées dans les brochures et proclamées dans des sermons et des discours qui retentissent dans tout le pays, nous sont donnés tous comme des personnages bien dignes, traités avec une injustice cruelle : aucun d'eux n'est présenté comme portant la peine de ses propres méfaits.

Quand on prend une voiture à Londres, on s'étonne de voir si souvent des personnes, qui s'attendent à recevoir quelque récompense pour leur peine, ouvrir la portière avec complaisance . La surprise diminue si l'on compte le grand nombre de flâneurs autour des cabarets, ou si l'on observe avec quelle rapidité un spectacle dans la rue ou une procession attire un groupe de badauds des cours et des bouges voisins. En voyant combien ils sont nombreux sur une petite surface, il devient évident que des dizaines de mille de gens pareils fourmillent dans Londres. "Ils n'ont pas d'ouvrage" dites-vous. Dites plutôt qu'ou bien ils refusent l'ouvrage, ou ils se font mettre rapidement à la porte des ateliers. Ce sont simplement des vauriens qui, d'une manière ou d'une autre, vivent aux dépens des hom¬mes qui valent quelque chose, des vagabonds et des sots, des criminels ou des individus en voie de le devenir, des jeunes gens qui sont à la charge de parents peinant durement, des maris qui s'approprient l'argent gagné par leurs femmes, des individus qui partagent les gains des prostituées ; et mêlée à tout cela se trouve une classe de femmes correspondante, moins visible et moins nombreuse.

Est-il naturel que le bonheur soit le lot d'individus de ce genre ? ou est-il naturel qu'ils attirent le malheur sur eux-mêmes et sur ceux qui se rattachent à eux ? N'est-il pas évident qu'il doit exister au milieu de nous une foule de misères qui sont le résultat normal de la mauvaise conduite et qui devraient toujours y être associée. Il y a une idée, plus ou moins répandue de tout temps, mais proclamée de nos jours avec grand fracas, à savoir que toute souffrance sociale peut être écartée et que c'est le devoir de l'un ou de l'autre de la faire disparaître. Ces deux opinions sont fausses. Séparer la souffrance de la mauvaise action, c'est lutter contre la nature des choses et amener une quantité de souffrances encore plus grande. Épargner aux hommes la punition naturelle d'une vie dissolue, nécessite à l'occasion l'infliction de punitions artificielles dans les cellules solitaires, sur les moulins à marcher, et avec le fouet. A mon avis un dicton, dont la vérité est également admise par la croyance commune et par la croyance de la science, peut être considéré comme jouissant d'une autorité incontestable. Eh bien ! le commandement "si quelqu'un ne veut pas travail¬ler, il ne doit pas manger", est simplement l'énoncé chrétien de cette loi de la nature sous l'empire de laquelle la vie atteint son degré actuel, la loi d'après laquelle une créature qui n est pas assez énergique pour se suffire, doit périr ; la seule différence étant que la loi qui, dans un cas, doit être imposée par la force est, dans l'autre cas, une nécessité naturelle. Cependant ce dogme particulier de leur religion, que la science justifie d'une façon si évidente, est celui que les chrétiens semblent le moins disposés à accepter. L'opinion courante est qu'il ne devrait pas y avoir de souffrances, et que la société est responsable de celles qui existent.

"Mais certainement nous avons une certaine responsabilité, même quand ce sont des gens indignes de tout intérêt qui souffrent."

Si par ce mot "nous" on veut désigner non seulement nous-mêmes, mais encore nos ancêtres, et surtout ceux d'entre eux qui firent les lois, je n ai rien à répondre. J'admets que ceux qui ont fait, modifié et exécuté l'ancienne loi des pauvres sont responsables d'avoir produit une terrible démoralisation dont les effets n'auront pas disparu avant plusieurs générations. J'admets que les législateurs récents et actuels sont en partie responsables des mesures qui ont produit un corps permanent de vagabonds allant d'une association à l'autre, et qu'ils sont responsables également de la présence parmi nous d'une quantité constante de criminels, puisqu'ils ont permis le retour des convicts dans des conditions qui les forcent presque à commettre de nouveaux crimes. En outre j'admets que les philanthropes ont aussi leur part de responsabilité, puisque, pour aider les enfants de gens indignes, ils désavantagent les enfants des gens méritants, en imposant à leurs parents des contributions locales toujours plus élevées. De plus, j'admets même que ces essaims de vauriens, nourris et multipliés par des institutions publiques et privées, ont, par diverses ingérences pernicieuses, souffert plus qu'ils n'auraient souffert autrement. Sont-ce là les responsabilités dont on veut parler ? Je ne le crois pas.

Si maintenant nous laissons de côté la question des responsabilités, de quelque façon qu'on la comprenne, et si nous considérons seulement le mal en lui-même, que dirons-nous de la manière dont on le traite ? Commençons par un fait.

Un de mes oncles défunts, le révérend Thomas Spencer, titulaire pendant environ vingt ans du Hinton Charterhouse, près de Bath, ne fut pas plutôt entré en fonction, qu'il témoigna sa sollicitude pour le bien-être des pauvres en établissant une école, une bibliothèque, une société d'habillement, en faisant distribuer des terrains et en construisant en outre des cottages modèles. Bien plus, jusqu'en 1833, il fut l'ami des indigents, défendant toujours l'indigent contre l'administrateur de la taxe des pauvres. Survinrent cependant les débats sur la loi des pauvres, qui lui firent comprendre les mauvais effets du système alors en vigueur. Quoique philanthrope ardent, il n'était pas un sentimentaliste timide. Aussi, dès que la nouvelle loi des pauvres fut promulguée, il se mit à en appliquer les dispositions dans sa paroisse. Il rencontra une opposition presque universelle ; car il eut contre lui non seulement les pauvres, mais même les fermiers sur qui tomba le fardeau des lourdes contributions pour les pauvres. En effet, chose étrange à dire, ils avaient en apparence intérêt au maintien de l'ancien système qui leur imposait de si grandes charges. Voici l'explication. La coutume s'était introduite de payer avec les taxes une partie du salaire de chaque ouvrier de la campagne ; "complément des salaires", ainsi s'appelait la somme. Et quoique les fermiers eussent fourni la plus grande partie des fonds où ce "complément des salaires" était puisé, cependant, puisque tous les autres contribuables y contribuaient, les fermiers semblaient gagner à cet arrangement. Mon oncle, qui ne se laissait pas facile¬ment effrayer, brava toute cette opposition et fit exécuter la loi. Le résultat fut qu'en deux années les contributions furent réduites de 700 livres à 200 livres par an, tandis que la situation de la paroisse fut de beaucoup améliorée. "Ceux qui jusque-là avaient flâné au coin des rues ou aux portes des cabarets eurent autre chose à faire, et l'un après l'autre ils obtinrent de l'ouvrage", de sorte que, sur une population de 800 personnes, dont une cen¬taine recevait auparavant des secours à domicile, quinze seulement durent être envoyées à l'Union de Bath quand celle-ci eût été formée. Si l'on me dit que le télescope de 20 livres, qui fut offert à mon oncle quelques années après, prouva la gratitude des seuls contribuables, je répondrai ceci : quand il se fut tué plus tard en travaillant au delà de ses forces au bien-être du peuple, on le ramena à Hinton pour y être enterré, et son convoi fut suivi non seulement par les gens aisés, mais aussi par les pauvres.

Plusieurs raisons m'ont engagé à faire cette courte narration. L'une est le désir de prouver que la sympathie pour le peuple et les efforts désintéressés pour son bien-être n'impliquent pas nécessairement l'approbation des secours gratuits. Une autre est le désir de montrer que le bien peut résulter non pas de la multiplication des remèdes artificiels pour mitiger la détresse, mais, au contraire, de la diminution de ces remèdes. Enfin, mon troisième but a été de préparer la voie à une analogie.

Sous une autre forme, et dans une sphère différente, nous étendons à présent, d'année en année, un système identiquement le même que le système du complément des salaires "make-wages" sous l'ancienne loi des pauvres. Bien que les politiciens ne reconnaissent pas le fait, il est cependant facile de démontrer que ces différentes mesures publiques pour donner le confort à la classe ouvrière, et dont les frais sont payés par les contribuables, sont intrinsèquement les mêmes que celles appliquées autrefois à l'ouvrier rural qui était traité moitié en ouvrier, moitié en indigent. Dans les deux cas, l'ouvrier reçoit, en retour de ce qu'il fait, de l'argent pour acheter un certain nombre des objets dont il a besoin ; tandis que, pour lui fournir le reste, on puise de l'argent dans un fonds commun créé par les contributions. Qu'importe si les objets fournis gratis par les contribuables, au lieu de l'être par le patron sous forme de paiement, sont de telle ou de telle espèce ? le principe est le même. Aux sommes reçues, substituons les marchandises et les jouissances achetées, et voyons ensuite quel est l'état des choses. A l'époque de l'ancienne loi des pauvres, le fermier donnait, pour l'ouvrage fait, l'équivalent soit du loyer, du pain, des vêtements et du chauffage ; tandis que les contribuables fournissaient en pratique à l'individu et à sa famille, les souliers, le thé, le sucre, les chandelles, un peu de lard, etc. Naturellement, la division est arbitraire, mais il est hors de doute que le fermier et les contribuables fournissaient ces objets en commun. Actuellement, l'ouvrier reçoit de son patron, sous forme de salaire, l'équivalent des objets de consommation dont il a besoin, tandis que le public lui fournit de quoi satisfaire d'autres besoins, d'autres- désirs. Aux frais des contribuables il a, dans certains cas, et aura bientôt, dans un plus grand nombre de cas, une maison à un prix inférieur à celui de sa valeur marchande ; car évidemment quand, par exemple, à Liverpool, une municipalité dépense à peu près 200 000 livres pour faire abattre et reconstruire les logements des classes inférieures, et est sur le point d'en dépenser encore autant, on peut en inférer que d'une certaine façon, les contribuables fournis¬sent au pauvre un logement plus commode que celui qu'il aurait pu avoir autrement eu égard au loyer payé. Ces mêmes contribuables paient, en outre, pour l'ouvrier, la plus grande partie des frais de l'instruction de ses enfants, et il est probable que bientôt celle-ci sera donnée gratuitement. Ils lui fournissent aussi les livres et les journaux qu'il peut désirer, ainsi que des endroits convenables où il puisse les lire. Dans certains cas aussi, comme à Manchester, on a établi des gymnases pour ses enfants des deux sexes, aussi bien que des lieux de récréation. C'est-à-dire, l'ouvrier reçoit, grâce à un fonds créé par les taxes locales, certains avantages supérieurs à ceux que la somme reçue pour son travail lui permet de se procurer. La seule différence donc entre ce système et l'ancien système du "complément des salaires", est celle qui existe entre les genres de satisfactions obte¬nues, et cette différence n'affecte en rien la nature de l'arrangement.

En outre, la même illusion prévaut dans les deux systèmes. Dans un cas comme dans l'autre, ce qui paraît être un don gratuit n'est pas un don gratuit. La somme que, sous l'ancien¬ne loi des pauvres, l'ouvrier moitié indigent recevait de la paroisse pour parfaire son gain hebdomadaire, n'était pas en réalité, comme cela semblait, un boni ; car elle entraînait à sa suite une diminution équivalente de son salaire, comme cela fut bien vite démontré quand le système fut aboli et que les salaires s'élevèrent. Il en est de même de ces faveurs apparentes accordées aux ouvriers dans les villes. Je ne fais pas allusion seulement au fait qu'ils les paient sans s'en apercevoir, en partie sous forme de loyer plus cher, (quand ils ne sont pas contribuables) ; mais je fais allusion au fait que les salaires reçus, comme les salaires de l'ouvrier dans les fermes, sont diminués par ces charges publiques qui retombent sur ceux qui donnent de l'ouvrage. Lisez les derniers comptes-rendus de la grève cotonnière dans le Lancashire ; ils contiennent des preuves, fournies par les ouvriers eux-mêmes, que la marge des bénéfices est si étroite, que les manufacturiers moins habiles, aussi bien que ceux ayant des capitaux insuffisants, font faillite, et que les sociétés coopératives, qui leur font concurrence, peuvent rarement se maintenir ; et à présent, tirez-en les conséquences relativement aux salaires. Parmi les frais de production, il faut compter les contributions générales et locales. Si, comme dans nos grandes villes, les taxes locales se montent maintenant à un tiers des revenus constatés ou davantage, si celui qui donne de l'ouvrage doit payer ce tiers non seulement sur son logement particulier, mais encore sur sa maison de vente, sur sa manufacture et sur ses magasins, etc., il faut que cette somme soit retranchée de l'intérêt du capital, ou puisée dans le fonds des salaires, ou qu'elle soit prise en partie d'un côté, en partie de l'autre. Et si la concurrence entre les capitalistes dans la même industrie ou dans d'autres industries a pour effet de maintenir l'intérêt à un taux si bas que, tandis que les uns gagnent, les autres perdent, et qu'un assez grand nombre se ruinent, si le capital, n'obtenant pas un intérêt rémunérateur se dirige ailleurs et laisse le travail sans emploi ; alors il est évident que l'ouvrier, dans ces conditions, a seulement le choix entre une somme moindre de travail ou un paiement moindre pour le travail fourni . En outre, pour des raisons analogues, ces charges locales augmentent le prix des consommations. Les prix demandés par les détaillants sont, en moyenne, déterminés par le taux courant de l'intérêt du capital employé dans le commerce de détail, et les frais extra du commerce de détail doivent être compensés par des prix extra. Ainsi aujourd'hui l'ouvrier de la ville, comme autrefois l'ouvrier de la campagne, perd d'un côté ce qu'il gagne et de l'autre : il faut ajouter, en outre, les frais occasionnés par l'administration et les dépenses inutiles que celle-ci amène à sa suite. Mais quel rapport tout cela a-t-il avec "l'esclavage futur ?" demandera-t-on. Aucun rapport direct, mais sur bien des points, un rapport indirect, comme nous le verrons après un autre chapitre préliminaire.

On dit qu'à l'époque où les chemins de fer furent établis en Espagne, des paysans furent assez souvent écrasés, et qu'on attribua ces accidents aux mécaniciens qui n'arrêtaient pas, la pratique agricole n'ayant fourni aucune idée de l'impulsion imprimée à une grande masse, se mouvant avec une grande rapidité.

Ce fait me revient à la mémoire quand j'examine les idées des soi-disant politiciens "pratiques", qui ne se doutent même pas de l'existence d'une chose telle que le moment poli¬tique, et encore moins d'un moment politique qui, au lieu de diminuer ou de rester constant, va toujours en augmentant. La théorie d'après laquelle le politicien procède habituellement, c'est que le changement opéré par sa mesure s'arrêtera au point où il veut qu'il s'arrête. Il examine attentivement quels seront les résultats de son acte, mais il ne songe guère aux effets éloignés du mouvement qu'il produit, et encore moins aux. effets concomitants. Quand, à l'époque de la guerre, il fallut se procurer de "l'aliment pour la poudre", on encourageait la population ; quand M. Pitt dit ; "Tâchons que les secours accordés aux familles nombreuses soient un droit et un honneur, au lieu d'être un motif d'opprobre et de mépris[1]", on ne croyait guère que la taxe des pauvres serait quadruplée en cinquante ans, qu'en considération du revenu tiré de la caisse des pauvres, on aimerait mieux épouser des filles avec beaucoup de bâtards que d'honnêtes femmes, et qu'une multitude de contribuables descendraient au rang d'indigents. Les législateurs qui, en 1883, votèrent 20 000 livres pour aider à construire des maisons d'école, ne supposaient pas que la mesure alors prise dût amener des contributions forcées, locales et générales, s'élevant maintenant à la somme de six millions de livres ; ils n'avaient pas l'intention d'établir le principe qu'A serait rendu responsable de l'instruction des enfants de B ; ils ne songeaient pas à une contrainte qui priverait de pauvres veuves de l'aide de leurs enfants déjà arrivés à un certain âge, et ils pensaient encore moins que leurs successeurs, en obligeant les parents indigents de s'adresser aux administrateurs du bien des pauvres pour payer la rétribution scolaire dont les comités scolaires exigeaient le paiement, feraient naître l'habitude de s'adresser à ces mêmes administrateurs et créeraient ainsi le paupérisme[2]. Et ceux qui, en 1834, firent une loi réglant le travail des femmes et des enfants dans certaines manufactures, ne s'imaginaient pas que le système ainsi inauguré dût finir par la restriction et l'inspection du travail dans toute espèce d'établissements producteurs où l'on emploie plus de cinquante personnes, et ils ne croyaient pas que l'inspection dût aller jusqu'à exiger d'une "jeune personne" qui désire être employée dans une manufacture, l'autorisation d'un médecin qui se soit assuré par un examen personnel (auquel aucune limite n'est posée), qu'il n'y a ni maladie rendant impropre au travail, ni infirmité corporelle, son verdict décidant si la jeune personne peut ou ne peut pas gagner un salaire[3]. Et, comme je l'ai dit, le politicien, qui se pique d'avoir des vues pratiques, prévoit encore moins les résultats indirects qui seront la conséquence des résultats directs de ses mesures. Ainsi, pour prendre un cas connexe à l'un de ceux cités plus haut, le système du "paiement d'après les résultats" avait uniquement pour but de stimuler les instituteurs d'une manière efficace : on était loin de supposer que le stimulant nuirait à leur santé ; on ne s'attendait pas à ce qu'ils fussent conduits à adopter un système "d'enseigne¬ment indigeste" et à exercer une pression excessive sur les enfants faibles et peu intelligents, souvent à leur grand détriment ; on ne prévoyait pas que, dans bien des cas, il en résultât un affaiblissement physique qui ne peut être compensé par des connaissances grammaticales et géographiques. La défense d'ouvrir un cabaret sans autorisation avait pour but le maintien de l'ordre public ; ceux qui l'ont imaginée n'avaient jamais pensé qu'elle pût avoir une influence puissante et funeste sur les élections. Il ne vint pas à l'idée des politiciens "pratiques" qui imposèrent une ligne de charge obligatoire aux vaisseaux marchands que le crédit des armateurs ferait porter cette ligne de charge à la limite extrême, et que de précédent en précédent, toujours dans le même sens, cette ligne s'élèverait graduellement dans les meilleurs vaisseaux, comme je tiens de bonne source que cela a déjà eu lieu. Les législateurs qui, il y a une quarantaine d'années, forcèrent par une loi les compagnies du chemins de fer à fournir de la locomotion à bon marché, auraient ri si on avait exprimé l'opinion qu'éventuellement leur loi pourrait faire punir ceux qui l'appliqueraient dans le sens le plus étendu ; et cependant tel en a été le résultat pour les compagnies qui ont commencé à admettre des voyageurs de troisième classe dans les trains rapides ; on leur a infligé une amende égale au prix du parcours pour chaque voyageur ainsi transporté. A cet exemple emprunté aux chemins de fer, ajoutons un fait ressortant de la comparaison entre la manière dont ils sont administrés en France et en Angleterre. Les législateurs qui ont pris des mesures pour le retour final des chemins de fer français à l'État, n'ont jamais songé qu'il pourrait en résulter des facilités moindres pour le transport des voyageurs ; ils n'ont' pas prévu que le désir de ne pas déprécier la valeur d'une propriété, devant éventuellement faire retour à l'État, empêcherait d'autoriser la création de lignes concurrentes, et que, faute de concurrence, la locomotion serait relativement lente, coûteuse et les trains moins fréquents ; car le voyageur anglais, comme Sir Thomas Farrer l'a démontré récemment, a de grands avantages sur le voyageur français sous le rapport de l'économie, de la rapidité et de la fréquence avec lesquelles il peut accomplir ses voyages.

Mais le politicien "pratique" qui, en dépit de telles expériences répétées de génération en génération, continue de penser seulement aux résultats prochains, ne songe naturellement jamais aux résultats encore plus éloignés, encore plus généraux, et encore plus importants que ceux dont nous venons de donner des exemples. Pour répéter la métaphore employée plus haut, il ne se demande jamais si le moment politique mis en action par sa mesure diminuant quelquefois, mais augmentant fortement dans d'autres cas, suivra ou ne suivra pas la même direction générale que d'autres moments analogues, et s'il ne peut pas se réunir à ces derniers pour produire bientôt un mouvement composé qui opère des changements auxquels on n'avait jamais pensé. Contemplant uniquement les effets du courant produit par ses propres lois et ne voyant pas que d'autres courants déjà existants et d'autres encore dus à l'impulsion donnée, suivent la même direction, il ne lui vient jamais à l'idée que tous ces courants peuvent s'unir pour former un torrent qui changera complète¬ment la face des choses. Ou pour parler sans métaphore, il n a pas conscience de cette vérité qu'il aide à créer un certain type de l'organisation sociale, et que des mesures analogues, effectuant des changements analogues d'organisation, tendent avec une force toujours plus grande à rendre ce type général jusqu'à ce que, à un moment donné, la ten¬dance soit tellement forte qu'elle devient irrésistible. De même que chaque société cher¬che, quand cela est possible, à produire dans d'autres sociétés une structure analogue à la sienne propre, de même qu'en Grèce, les Spartiates et les Athéniens s'efforcèrent à l'envi les uns des autres de propager leurs institutions politiques respectives, ou de même qu'à l'époque de la Révolution française, les monarchies absolues de l'Europe cherchèrent à rétablir la monarchie absolue en France, tandis que la république encourageait la formation d'autres républiques ; de même, dans toute espèce de société, chaque espèce de structure tend à se propager. De même que le système de coopération volontaire établi soit par des compagnies, soit par des associations formées dans un but industriel, commercial ou autre, se répand dans toute une communauté ; de même le système contraire de la coopération forcée sous la direction de l'État se propage ; et plus l'un ou l'autre s'étend, plus il gagne en force d'expansion. La question capitale pour l'homme politique devrait toujours être : "Quel type de structure sociale tends-je à produire ?" Mais c'est une question qu'il ne se pose jamais.

Ici nous voulons l'examiner pour lui. Observons maintenant la tendance générale des changements récents ainsi que le courant d'idées qui les a accompagnés, et voyons où celui-ci nous mène.

Voici sous sa forme la plus simple une question posée tous les jours : "Nous avons déjà fait ceci ; pourquoi ne ferions nous pas cela ?" Et le respect pour les précédents, qui y est impliqué, pousse toujours à de nouvelles réglementations. S'étendant à des branches de l'industrie de plus en plus nombreuses, les actes du parlement restreignant les heures de travail et prescrivant la manière de traiter les ouvriers, doivent maintenant être appliqués aux magasins. De l'inspection des hôtels garnis pour limiter le nombre des locataires et imposer des conditions de salubrité, nous avons maintenant passé à l'inspection de toutes les maisons au-dessous d'un certain loyer dans lesquelles logent des membres de plus d'une famille, et nous allons bientôt passer à l'inspection de toutes les maisons exiguës[4]. On s'appuie sur l'achat et l'exploitation des télégraphes par l'État pour réclamer l'achat et l'exploitation des chemins de fer par l'État. La fourniture de nourriture intellectuelle aux enfants par l'administration publique doit être suivie, dans quelques cas, de fourniture d'aliments pour leur corps ; et quand l'usage en sera graduellement généralisé, nous pouvons nous attendre à ce que la gratuité de la fourniture déjà proposée dans un cas le soit aussi plus tard dans l'autre ; cette extension[5] est la conséquence logique de l'argument d'après lequel il faut un corps solide aussi bien qu'un esprit solide pour faire un bon citoyen. Et ensuite, en s'appuyant ouvertement sur les précédents fournis par l'église, l'école et la salle de lecture, toutes entretenues aux frais du public, on soutient que "le plaisir, dans le sens où ce mot est généralement pris aujourd'hui, a besoin d'être réglé et organisé par des lois aussi bien que le travail[6]."

Ces empiétements de la réglementation doivent être attribués non-seulement aux précédents, mais encore à la nécessité de suppléer aux mesures inefficaces et de remédier à des maux artificiels qui surgissent continuellement. L'insuccès ne détruit pas la foi dans les moyens employés ; mais il suggère l'idée d'en user d'une manière plus rigoureuse ou de les appliquer dans un plus grand nombre de cas. Comme ces lois contre l'intempérance, remontant aux temps anciens et maintenues jusqu'à notre époque, où de nouvelles restrictions à la vente des liqueurs enivrantes occupent bien des nuits pendant chaque session, n'ont pas produit l'effet attendu, on en réclame de plus sévères qui défendent la vente d'une façon absolue dans certaines localités ; et ici, comme en Amérique, on demandera sans doute plus tard que cette défense salit rendue générale. Les nombreux remèdes pour "extirper" les maladies épidémiques n'ayant pas réussi à empêcher la petite vérole, les fièvres, etc., d'exercer leurs ravages, on sollicite un nouveau remède consistant dans le droit donné à la police de visiter les maisons pour voir s'il y a des personnes atteintes du mal, et dans l'autorisation accordée aux médecins d'examiner n'importe qu'elle personne pour s'assurer qu'elle n'est point atteinte d'une maladie contagieuse ou infectieuse. Des habitudes d'imprévoyance ayant été développées pendant des générations par la loi des pauvres, et le nombre des imprévoyants ayant été augmenté par elle, on propose maintenant de remédier aux maux causés par la charité obligatoire en rendant l'assurance obligatoire.

Le développement de cette politique, amenant le développement d'idées correspondantes, entretient partout cette opinion d'après laquelle le gouvernement devrait intervenir toutes les fois qu'une chose ne va pas bien. "Certainement vous ne voudriez pas que ce mal continuât !" s'écrie tel ou tel, si vous soulevez quelque objection contre ce. qui se dit ou se fait maintenant. Remarquez ce que cette exclamation implique. D'abord elle admet comme certain que toute souffrance devrait être empêchée, ce qui n'est pas vrai ; beau¬coup de souffrances sont curatives, et les empêcher, ce serait empêcher l'effet d'un remède. En second lieu, elle admet comme certain que tous les maux peuvent être soulagés ; or, la vérité est qu'avec les défauts inhérents à la nature humaine, bien des maux peuvent seulement être changés de place ou de forme, ce changement augmentant souvent leur intensité. L'exclamation implique aussi la ferme croyance que l'État devrait porter remède aux maux de toute espèce. On ne se demande pas s il y a d autres moyens capables de remédier à certaines maux, et si les maux en question sont du nombre de ceux auxquels ces moyens peuvent obvier. Et évidemment plus le gouvernement intervient souvent, plus cette manière de penser s enracine, et plus on réclame son intervention avec insistance.

Toute extension de la réglementation administrative implique la création de nouveaux agents régulateurs, un plus grand développement du fonctionnarisme et une augmentation de la force des corps de fonctionnaires. Prenez deux plateaux de balance ; mettez un grand nombre de grains de plomb dans l'un et un petit nombre dans l'autre ; enlevez un grain après l'autre du plateau le plus chargé et mettez-les dans le moins chargé. A un certain moment il y aura équilibre, et si vous continuez, la position réciproque des plateaux sera renversée. Supposez que le fléau soit divisé en deux parties inégales et que le plateau le moins chargé soit à l'extrémité d'un très long bras ; alors le transfèrement de chaque grain, produisant un bien plus grand effet, amènera beaucoup plus vite un change¬ment de position. J'emploie cette figure pour montrer quel résultat on obtient en transférant un individus après l'autre de la masse gouvernée de la communauté aux structures gouvernantes. Le transfèrement affaiblit l'une et fortifie les autres bien plus que ne le fait supposer le changement relatif du nombre. Un corps cohérent, relativement petit de fonctionnaires ayant des intérêts communs et agissant sous la direction d'une autorité centrale, a un immense avantage sur un public incohérent qui n'a point de règle fixe de conduite et ne peut être amené à agir de concert que sous l'empire d'une forte provocation. C'est pourquoi une organisation de fonctionnaires, étant arrivée au delà d'une certaine phase de développement, devient de plus en plus irrésistible, comme nous le voyons dans les bureaucraties du continent.

Non seulement la force de résistance de la partie gouvernée diminue en raison de l'augmentation de la partie gouvernante, mais les intérêts privés de beaucoup d'individus accélèrent encore les variations de la proportion. Les conversations de tous les cercles démontrent qu'à notre époque, où les places du gouvernement sont données au concours, on élève les jeunes gens de façon qu'ils puissent passer ces examens et soient ainsi admis dans les services publics. Il en résulte que les hommes, qui autrement réprouveraient un plus grand développement du fonctionnarisme, sont amenés à le considérer sinon avec faveur, du moins avec tolérance, puisqu'il offre des carrières possibles à leurs protégés ou à leurs parents. Tous ceux qui savent combien dans les hautes et moyennes classes il y a de familles désireuses de placer leurs enfants, verront que l'extension du contrôle législatif est fortement encouragée par ceux qui, si leurs intérêts personnels n'étaient pas en jeu, y seraient hostiles.

Cette prédilection pour les carrières gouvernementales est encore augmentée par la préférence accordée aux carrières qui sont réputées respectables. "Même si son salaire est petit, son occupation sera celle d'un gentleman", se dit le père qui désire obtenir pour son fils un emploi du gouvernement. Et la dignité relative des employés de l'État comparée à celle des employés de commerce augmente à mesure que l'organisation administrative acquiert plus d'importance et de puissance dans la société, et elle tend de plus en plus à fixer le type de l'honneur. L'ambition prédominante d'un jeune Français est d'obtenir un petit poste officiel dans sa localité, d'arriver ensuite à une place au chef-lieu du départe¬ment, pour parvenir enfin à une direction à Paris. Et en Russie, où cette universalité de la réglementation administrative, qui caractérise le type militant de la société a été portée le plus loin, nous voyons cette ambition poussée à l'extrême. M. Wallace, citant un extrait d'une pièce de théâtre, nous dit : "Tous les hommes, même les boutiquiers et les savetiers, visent à devenir des fonctionnaires publics, et l'homme qui a passé toute sa vie sans avoir eu de rang officiel, ne semble pas être une créature humaine."

A ces différentes influences agissant de haut en bas correspondent des espérances et des sollicitations de plus en plus fortes venant de bas en haut. Les hommes soumis à un rude labeur et accablés de lourdes charges, qui forment la grande majorité, et encore davantage les incapables qui sont continuellement assistés et sont toujours portés à attendre une assistance plus large, appuient avec empressement tous les projets qui leur promettent tel ou tel bienfait grâce à l'intervention administrative, et sont prêts à croire ceux qui leur disent que ces bienfaits peuvent être accordés et doivent être accordés. Ils ont une foi complète dans tous les constructeurs de châteaux politiques en l'air, depuis les gradués d'Oxford jusqu'aux irréconciliables Irlandais ; et chaque nouvel emploi des fonds publics à leur profit leur fait espérer des mesures ultérieures du même genre. En vérité plus l'intervention de l'État augmente, plus cette notion se répand parmi les citoyens que tout doit être fait pour eux et rien par eux. L'idée que le but désiré doit être atteint par l'action individuelle ou des associations particulières devient de plus en plus étrangère à chaque génération, et l'idée qu'il doit être atteint par le concours du gouvernement devient de plus en plus familière, jusqu'à ce qu'enfin l'intervention du gouvernement vienne à être regardée comme le seul moyen pratique. Ce résultat apparaît d'une façon évidente dans le dernier congrès des associations ouvrières à Paris. Dans leur rapport à leurs commettants, les délégués anglais disaient qu'entre eux et leurs collègues étrangers "le point en litige était de savoir dans quelle mesure il fallait demander à l'État de protéger le travail". Ils faisaient ainsi allusion à ce fait si frappant dans le compte rendu des séances, que les délégués français invoquaient toujours la force gouvernementale comme le seul moyen de satisfaire leurs désirs.

La diffusion de l'instruction a agi et agira encore davantage dans le même sens. "Il faut instruire nos maîtres", telles sont les paroles bien connues d'un libéral qui vota contre la dernière exemption d'impôts. Oui, si l'instruction était digne de ce nom et contribuait à donner les notions politiques nécessaires, on pourrait en espérer beaucoup. Mais savoir les règles de la syntaxe, être capable de faire une addition exacte, avoir quelques notions géographiques, et une mémoire remplie des dates de l'avènement des rois et des victoires de nos généraux, tout cela n'implique pas plus la capacité d'avoir de bonnes idées politiques que l'habileté dans le dessin n'implique la dextérité à télégraphier, ou que l'adresse dans le jeu du cricket n'implique un talent de violoniste. "Certainement, réplique quelqu'un, la facilité de lire ouvre la voie aux connaissances politiques". Sans doute ; mais la voie sera-t-elle suivie ? Les. conversations de table prouvent que sur dix personnes neuf lisent ce qui les amuse ou les intéresse plutôt que ce qui les instruit, et que la dernière chose qu'elles lisent est un écrit qui leur dit des vérités désagréables ou qui dissipe des espérances mal fondées. Que l'éducation populaire propage la lecture de publications qui entretiennent d'agréables illusions plutôt qu'elle ne porte à lire les écrits qui insistent sur de dures réalités, voilà une vérité hors de toute question. Un artisan écrit dans la Pall Mall Gazette (3 décembre 1883) :

"Une bonne éducation primaire inspire le désir de la culture intellectuelle - la culture intellectuelle inspire le désir d'un grand nombre de choses qui sont encore tout à lait hors de la portée des ouvriers..., dans la lutte ardente où la génération actuelle est engagée, il est absolument impossible aux classes pauvres de se les procurer ; c'est pourquoi elles sont mécontentes de l'état de choses actuel, et plus elles sont instruites, plus elles sont mécontentes. C'est pourquoi aussi M. Ruskin et M. Morris sont regardés par un grand nombre d'entre nous comme de vrais prophètes."

La situation présente de l'Allemagne est une preuve assez évidente de la réalité de la relation entre la cause et l'effet, affirmée dans cet article.

Comme les gens, auxquels on fait croire que la future réorganisation sociale leur apportera d'immenses bienfaits, possédant le droit électoral, le résultat est celui-ci : pour obtenir leurs votes le candidat doit s'abstenir au moins de leur prouver la fausseté de leurs croyances, si toutefois il ne cède pas à la tentation d'affirmer que ses convictions sont d'accord avec les leurs. Tout candidat au parlement est poussé à proposer ou à soutenir quelque nouvel acte législatif ad captandum. Bien plus, même les chefs de parti, aussi bien ceux qui s'efforcent de se maintenir au pouvoir que ceux qui y aspirent, cherchent, chacun de son côté, à gagner des adhérents en allant l'un plus loin que l'autre. Chacun vise à la popularité en promettant plus que son adversaire n'a promis, comme nous l'avons vu récemment. Ensuite, comme les divisions dans le parlement le démontrent, la fidélité traditionnelle envers la chef empêche de mettre en question la valeur intrinsèque des mesures proposées. Des représentants ont assez peu de conscience pour voter en faveur de propositions dont le principe leur paraît mauvais, parce que des nécessités de parti et le souci de la réélection réclament une telle conduite. Ainsi une mauvaise politique est défendue même par ceux qui en voient les défauts.

En même temps il se fait au dehors une propagande active qui trouve un auxiliaire dans toutes ces influences. Des théories communistes, endossées on partie, les unes après les autres par le Parlement et appuyées tacitement sinon ouvertement par beaucoup d'hommes politiques qui cherchent à se faire des partisans, sont soutenues plus ou moins bruyamment sous une forme ou une autres par des chefs populaires, tandis qu'elles sont poussées plus loin par des sociétés organisées. Telle est, par exemple, l'agitation pour l'acquisition du sol par l'État ; au point de vue abstrait, le système préconisé est équitable, mais, comme tout le monde le sait, M. George et ses amis veulent établir ce système de propriété en dédaignant complètement les droits des propriétaires actuels et en le prenant comme base d'un projet qui conduit directement au socialisme d'État. Il y a aussi la Fédération démocratique de M. Hyndham et de ses adhérents. Ils nous disent que "la poignée de maraudeurs qui détiennent maintenant le sol n'ont et ne peuvent avoir d'autre droit que la force brutale contre les dizaines de millions qu'ils lèsent." Ils déclament contre "les actionnaires auxquels on a permis de mettre la main sur les grandes communications par chemin de fer". Ils condamnent "surtout la classe active des capitalistes, les banquiers, les fermiers, les exploiteurs des mines, les entrepreneurs, les bourgeois, les seigneurs manufacturiers, ces modernes commandeurs d'esclaves qui veulent faire un bénéfice de plus en plus grand sur les esclaves salariés qu'ils emploient." Et ils pensent qu'il est "grand temps de délivrer l'industrie de la suprématie de l'avidité individuelle[7]."

Il nous reste à montrer que ces différentes tendances sont encore encouragées par la presse qui les appuie chaque jour davantage. Les journalistes, qui se gardent toujours de dire ce qui pourrait déplaire à leurs lecteurs, suivent en certain nombre le courant et en augmentent la force. Les ingérences législatives qu'ils auraient autrefois condamnées, ils les passent maintenant sous silence, s'ils n'en prennent pas la défense, et ils parlent du laissez faire comme d'une doctrine surannée. "L'idée du socialisme ne fait plus peur aux gens", voilà ce que nous lisons un jour. Le lendemain une ville qui n'adopte pas les bibliothèques libres est tournée en dérision comme étant enrayée d'une mesure modérément communiste. Ensuite, les éditeurs, affirmant que cotte évolution se fait et doit être acceptée, on donne la préférence aux articles de ses défenseurs. En même temps ceux qui regardent le courant récent, créé par la législation, comme désastreux, et qui voient que le courant futur le sera probablement davantage, gardent le silence dans la conviction qu'il est inutile de raisonner avec des gens en état d'ivresse politique.

Voyez donc combien de causes concourent à accélérer continuellement la transformation en voie de s'opérer. Il y a d'abord cette extension de la réglementation dont l'autorité, grâce aux précédents, devient d'autant plus grande que le système suivi a duré davantage. Il y a ce besoin incessant de contrainte et de restrictions administratives résultant des maux imprévus et des insuccès causés par les contraintes et les restrictions antérieures. De plus, chaque nouvelle ingérence de l'État fortifie l'opinion tacite d'après laquelle c'est le devoir de l'État de remédier à tous les maux et d'assurer tous les biens. A mesure que l'organisation administrative acquiert plus de pouvoir en se développant, le rente de la société a moins de force pour résister à ses empiétements et à son contrôle. La multiplication des carrières ouvertes par le développement de la bureaucratie est favorisée par les classes gouvernantes auxquelles elle offre des chances de procurer à leurs dépendants des positions sûres et respectables. Les citoyens, en général, amenés à regarder les bienfaits reçus par l'intermédiaire des agents publics comme des bienfaits gratuits, sont continuellement séduits par l'espoir d'en recevoir davantage. La diffusion de l'instruction, favorisant la diffusion d'erreurs agréables plutôt que celle de dures vérités, rend ces espérances plus vives et plus générales. Et ce qui est encore pire, celles-ci sont encouragées par les candidats aux élections qui augmentent ainsi leurs chances de succès, et par des hommes d'État influents qui courtisent ainsi la faveur populaire dans quelqu'intérêt de parti. Voyant leurs opinions fréquemment confirmées par de nouvelles lois en harmonie avec leur manière de voir, les énergumènes politiques et les philanthropes imprudents continuent leurs agitations avec une confiance et un succès sans cesse grandissants. Le journalisme, qui est toujours l'écho de l'opinion publique, la fortifie tous les jours en se faisant son organe, tandis que l'opinion contraire, de plus en plus découragée, ne trouve plus guère de défenseurs.

Ainsi des influences de différentes espèces conspirent à augmenter l'action collective et à diminuer l'action individuelle. Et ce changement est aidé de toutes parts par des faiseurs de projets, dont chacun ne pense qu'au sien propre et nullement à la réorganisation générale qu'il prépare par son projet joint à d'autres du même genre. On dit que la Révolution française a dévoré ses propres enfants. Ici une catastrophe analogue semble assez probable. Les nombreuses transformations opérées par des actes du parlement, jointes à beaucoup d'autres en voie de s'opérer, amèneront bientôt le socialisme d'État et se confondront dans la grande vague qu'elles ont soulevée insensiblement.

Mais pourquoi appeler ce changement "l'esclavage futur ?" demanderont encore beau¬coup de gens. La réponse est simple. Tout socialisme implique l'esclavage.

Qu'est-ce qui constitue l'idée d'esclave ? Nous nous le représentons, en premier lieu, comme un homme possédé par un autre. Cependant, pour que cette possession ne soit pas seulement nominale, il faut qu'elle soit rendue effective par le contrôle des actes de l'esclave, contrôle exercé habituellement au profit du contrôleur. Ce qui en réalité caractérise l'esclave, c'est qu'il travaille par contrainte pour contenter les désirs d'un autre. Ce rapport de dépendance admet divers degrés. Si nous nous rappelons qu'à l'origine l'esclave est un prisonnier dont la vie est à la merci de celui qui l'a pris, il suffit de noter ici qu'il y a une forme dure de l'esclavage où, traité comme un animal, il doit dépenser tous ses efforts au profit de son maître. Sous un système moins dur, quoiqu'il soit principalement occupé à travailler pour son maître, on lui accorde un peu de temps pendant lequel il peut travailler pour lui-même et un peu de terrain où il peut cultiver de quoi se donner un supplément de nourriture. Une amélioration ultérieure lui accorde le droit de vendre les fruits de son lopin de terre et de garder le produit de la vente. Ensuite nous arrivons à la forme encore plus modérée qui apparaît là où, ayant été un homme libre cultivant sa propre terre, il est réduit par la conquête à l'état de servage; dans ce cas, il doit fournir à son maître, chaque année, une quantité déterminée de travail ou de produits, ou des deux à la fois, gardant le reste pour lui-même. Enfin, dans quelques cas, comme en Russie jusqu'à une époque récente, il a la permission de quitter la propriété de son maître et de travailler ou de faire ailleurs le commerce pour lui-même, sous condition de payer une redevance annuelle. Qu'est-ce qui nous fait dire, dans ces cas, que l'esclavage est plus ou moins dur ? Évidemment notre opinion est déterminée par le degré de contrainte sous lequel l'individu travaille au profit d'un autre au lieu de travailler à son propre profit. Si tout le travail de l'esclave est pour son maître, l'esclavage est dur ; si une faible partie seulement, il est léger. Allons maintenant plus loin. Supposons qu'un propriétaire meure, et que sa propriété ainsi que ses esclaves soient mis entre les mains de fidéicommissaires ; ou supposons que la propriété et tout ce qu'elle renferme soit achetée par une compagnie, la condition de l'esclave en sera-t-elle meilleure, si la quantité de son travail forcé reste la même ? Supposons qu'à une compagnie nous substituions la communauté, cela constitue-t-il une différences pour l'esclave si le temps qu'il doit donner au travail des autres est aussi long, et si le temps dont il peut disposer pour lui-même est aussi court qu'auparavant ? La question essentielle est de savoir : Combien de temps est-il forcé de travailler pour les autres, et combien de temps peut-il travailler pour lui-même ? Le degré de son esclavages varie suivant le rapport entre ce qu'il est forcé de donner et ce qu'il peut garder ; que son maître soit un individu ou une société, peu importe. Si, sans option, i1 est obligé de travailler pour la société, et reçoit du fonds commun la portion que la société lui accorde, il devient l'esclave de la société. L'organisation socialiste nécessite un esclavage de ce genre, et tel est l'esclavage où nous sommes entraînés par plus d'une mesure récente et encore davantage par les mesures proposées. Voyons d'abord leurs conséquences prochaines, et ensuite, leurs conséquences. dernières.

Le système inauguré par les lois sur les habitations ouvrières est susceptible de développement et se développera. En se faisant constructeurs de maisons, les corps municipaux abaissent inévitablement la valeur des maisons différemment construites, et arrêtent la construction d'autres. Chaque prescription touchant la manière de bâtir et la disposition des logements diminue les profits du constructeur, et le pousse à employer son capital là où les bénéfices ne sont pas ainsi diminués. De même, le propriétaire trouvant déjà que les petites maisons imposent plus de travail et beaucoup de pertes, soumis déjà aux ennuis de l'inspection et des ingérences administratives, et aux frais qui en résultent, voyant que sa propriété devient de jour en jour un placement moins avantageux est poussé à vendre ; mais les mêmes raisons écartant les acheteurs, il est obligé de vendre à perte. Et maintenant ces réglementations de plus en plus nombreuses aboutissant peut-être, comme Lord Grey le propose, à exiger du propriétaire qu'il maintienne la salubrité de ses maisons par l'expulsion des habitants malpropres, et à ajouter à ses autres responsabilités celle d'inspecter les ordures, amèneront évidemment de nouvelles ventes et écarteront encore davantage les acheteurs : d'où résulte une plus grande dépréciation. Qu'arrivera-t-il nécessairement ? La construction de maisons, et surtout de petites maisons, rencontrant des difficultés toujours plus nombreuses, l'autorité locale sera encore sollicitée davantage de suppléer ce qui manque. Les corps municipaux ou autres auront à construire un nombre de maisons de plus en plus grand, ou devront acheter les maisons devenues invendables à des particuliers pour les raisons susdites ; ils auront en réalité plus d'avantage à acheter ces dernières, vu la gravide diminution de leur valeur, qu'à en construire de nouvelles. Bien plus, ce processus aura une double conséquence, puisque toute nouvelle contribution locale tend à déprécier davantage la propriété[8]des prix insignifiants, on ne sera pas loin de cette organisation qui, dans le programme de la Fédération démocratique, doit suivre l'acquisition du sol par l'État, à savoir "l'organisation d'armées agricoles et industrielles sous le contrôle de l'État et d'après les principes de la coopération".

Si quelqu'un doute qu'on puisse arriver de cette façon à une telle révolution, on peut lui citer des faits démontrant cette possibilité. Dans la Gaule, pendant le déclin de l'empire romain, "si nombreux étaient ceux qui recevaient en comparaison de ceux qui payaient, si lourd était le fardeau des impôts que le laboureur succomba sous la tâche, les champs furent abandonnés, et des forêts s'élevèrent là où la charrue avait passé[9]". De même à l'approche de la Révolution françaises les charges publiques étaient devenues si lourdes un beaucoup de champs restèrent sans culture et que beaucoup de fermes étaient désertes ; un quart du sol était absolument inculte, et dans quelques provinces une moitié était en friche. En Angleterre nous avons été témoins de faits du même genre. Sous l'ancienne loi des pauvres, les taxes s'étaient élevées dans quelques paroisses jusqu'à la moitié de l'état des revenus, et en quelques endroits les fermes étaient sans fermiers ; dans un cas même, les taxes avaient absorbé tous les produits du sol.

"A Cholesbury, dans le Buckinghamshire, en 1832, la taxe des pauvres "cessa subitement parce qu'il était impossible de la faire rentrer, les propriétaires ayant renoncé à leurs fermages, les fermiers à leur location, et le pasteur à son clos et à ses dîmes. Le pasteur, M. Jeston, rapporte qu'en octobre 1832, les administrateurs de la paroisse fermèrent leurs livres, et les indigents réunis en corps à. sa porte pendant. qu'il était encore couché, lui demandèrent des conseils et des aliments. Grâce à ses propres ressources bien faibles, grâce aux secours fournis par des voisins charitables, et à la part contributive imposée aux paroisses voisines, il parvint à les soulager pendant quelque temps"[10].

Et les commissaires ajoutent que "le bienfaisant pasteur recommande de partager toutes les terres entre les indigents valides" dans l'espoir que, si on les assistait pendant deux ans, ils pourraient se suffire à eux-mêmes. Ces faits, confirmant la prophétie faite devant le parlement que, si la loi des pauvres était maintenue pendant trente ans, la terre resterait inculte, montrent clairement que l'augmentation des charges publiques peut aboutir à la cultures obligatoire sous le contrôle de l'État.

Ensuite vient l'État propriétaire des chemins de fer. Il l'est déjà sur une grande partie du continent. Ici ce système a été hautement préconisé il y a quelques années. Et maintenant le mot d'ordre, donné par différents hommes politiques et par des publicistes, est repris de nouveau par la Fédération démocratique qui propose "l'appropriation des che¬mins de fer par l'Etat, avec ou sans compensations". Évidemment, la pression d'en haut jointe à la pression d'en bas amènera probablement ce changement conforme à la politi¬que régnante qui sera suivi d'autres changements concomitants. Car les propriétaires de chemins .de fer, d'abord propriétaires et exploiteurs de chemins de fer seulement, sont devenus les chefs de nombreuses industries rattachées directement ou indirectement aux chemins de fer. Le gouvernement sera donc obligé de racheter aussi ces dernières quand il aura racheté les chemins de fer. Déjà exclusivement chargé du service postal et télégraphique, et sur le point d'avoir le monopole du transport des paquets, l'État non seulement transportera exclusivement les passagers, les marchandises, et les minéraux, mais à ses différents métiers actuels il en joindra beaucoup d'autres. Dès à présent, non seulement il bâtit des établissements pour la marine et pour l'armée de terre, non seule¬ment il construit des ports, des docks, des brise-lame, etc., il fait en outre des vais¬seaux, des fusils, fond des canins, fabrique des munitions de guerre, des vêtements et des chaussures pour l'armée ; et quand il se sera approprié les chemins de fer "avec ou sans compensation" comme disent les membres de la Fédération démocratique, il construira des locomotives, des voitures, il fabriquera du goudron, de la graisse, et deviendra propriétaire de vaisseaux de transport, de houillères, de carrières de pierre, d'omnibus, etc. Dans l'intervalle ses lieutenants locaux, les gouvernements municipaux, se chargeant déjà en beaucoup d'endroits de fournir l'eau, le gaz, possédant et exploitant les tramways, propriétaires de bains, auront sans doute entrepris différents autres métiers. Et quand l'État aura été ainsi mis à la tête directement ou par délégation de nombreux établissements pour la production en grand et la vente en gros, il y aura de bons précédents pour étendre ses fonctions à la vente au détail, suivant l'exemple donné par le gouvernement français qui, depuis longtemps, est marchand de tabac en détail.

Évidemment alors les changements opérés, les changements en cours d'exécution, et les changements proposés, nous conduiront non seulement à l'État possesseur des terres, des habitations, et des voies de communication, le tout administré et exploité par des fonctionnaires publics, mais encore à l'usurpation par l'État de toutes les industries : les industries privées incapables de lutter contre la concurrence de l'État, qui peut tout disposer à sa convenance, disparaîtront insensiblement, de même que beaucoup d'écoles libres ont disparu en présence des écoles placées sous la surveillance administrative. Et ainsi se réalisera l'idéal des socialistes.

Or, quand on sera arrivé à cet idéal, vers lequel les hommes politiques "pratiques" d'accord avec les socialistes cherchent à nous mener, idéal si tentant du côté brillant que les socialistes aiment à contempler, quel sera nécessairement le côté sombre dont ils détournent les regards ? Une remarque commune, faite souvent à la veille d'un mariage, c'est que les hommes, qui voient tout en beau, arrêtent habituellement leurs pensées aux plaisirs promis et ne songent pas du tout aux douleurs qui les accompagnent. Un autre exemple de cette vérité nous est fourni par les énergumènes politiques et les révolutionnaires fanatiques. Frappés des misères qui existent dans l'organisation actuelle de la société et ne voulant pas les attribuer aux défauts d'une nature humaine incomplètement adaptée à l'état social, ils s'imaginent qu'on peut y remédier immédiatement par telle ou telle réorganisation . Cependant, même si leurs plans réussissaient, ce ne pourrait être qu'à la condition de substituer un genre de mal à un autre. Une courte réflexion leur montrerait qu'avec leurs réorganisations proposées ils seraient obligés de renoncer à leurs libertés à mesure qu'on augmenterait leur bien-être matériel.

Car aucune forme de coopération, petite ou grande, ne peut être établie sans réglementations et par conséquent sans la soumission aux agents régulateurs. Même une de leurs propres organisations en vue d'accomplir des changements sociaux leur en fournit une preuve loin des membres du même conseil prétendent que l'État devrait prendre possession des chemins de fer "avec ou sans compensation", nous pouvons présumer que des considérations d'équité n'empêcheraient pas les chefs de la société idéale tant désirée de suivre n'importe quelle politique qu'ils croiraient nécessaire, politique qui s'identifierait toujours avec leur propre suprématie. Il suffirait d'une guerre avec une société adjacente, ou de quelque mécontentement intérieur réclamant la répression par la force, pour transformer d'un seul coup une administration socialiste en une tyrannie écrasante, semblable à celle de l'ancien Pérou. Sous cette administration la masse du peuple, gouvernée par une hiérarchie de fonctionnaires, et surveillée dans tous ses actes intérieurs et extérieurs, travaillait pour maintenir le corps organisé qui exerçait le pouvoir, tandis qu'il ne lui restait que les moyens de traîner une existence misérable. Et ensuite reviendrait complètement, sous une formé différente, ce régime d'État, ce système de coopération obligatoire dont l'ancien torysme représente la tradition affaiblie, et vers laquelle le nouveau torysme nous ramène.

"Mais nous serons en garde contre tous ces maux, nous prendrons des précautions pour détourner de pareils désastres" diront sans doute les énergumènes. Que ce soient des politiciens "pratiques" avec leurs nouvelles mesures réglementaires, ou des communistes avec leurs projets de réorganisation du travail, leur réplique est toujours la même : "Il est vrai que des plans d'une nature analogue ont échoué par des causes imprévues ou des accidents malheureux ou par suite des méfaits de ceux chargés de les exécuter ; mais cette fois nous profiterons des expériences passées et nous réussirons". Il semble impossible de faire entrer dans la tête des gens cette vérité qui, cependant, est assez évidente, à savoir que la prospérité d'une société et la part de l'équité dans son organisation dépendent au fond du caractère de ses membres ; et qu'aucun progrès ne peut avoir lieu sans ce progrès dans le caractère qui résulte de l'exercice d'une industrie pacifique sous les restrictions imposées par une vie sociale bien réglée. Non seulement les socialistes, mais encore les prétendus libéraux, qui leur préparent la voie, croient qu'avec de l'adresse les défauts de l'humanité peuvent être corrigés par de bonnes institutions. C'est une illusion. Quelle que soit la structure sociale, la nature défectueuse des citoyens se manifestera dans les mauvais effets qu'elle produira. Il n'y a point d'alchimie politique à l'aide de laquelle on puisse transformer des instincts de plomb en une conduite d'or[11]

Notes

  1. "Parliementary History" par Hansard, 22, p. 710.
  2. "Fortnightly Review," janvier 1884, p. 17.
  3. Factories and Workshop Acts, 42 et 42, Vict. Chap. XVI.
  4. Voyez lettre de "Local Government Board". Times, 2 janvier 1884.
  5. La preuve vient plus vite que je ne m'y attendais. Cet article a été imprimé depuis le 30 janvier, et dans l'intervalle, à savoir le 13 mars (cet article a été publié le 7 avril), le comité scolaire de Londres a résolu de demander l'autorisation d'employer des fonds de bienfaisance locale pour fournir gratuitement des repas et des vêtements aux enfants indigents. A présent la définition du mot "indigent" sera élargie ; elle comprendra un plus grand nombre d'enfants et on demandera plus de fonds.
  6. "Fornightly Review", janvier 1884, p. 21.
  7. "Socialism made Plain". Reeves 185. Fleet Street.
  8. Si quelqu'un pense que ces craintes sont mal fondées, qu'il réfléchisse à ce fait que de 1867-1868 à 1880-1881, nos dépenses annuelles pour le Royaume-Uni se sont élevées de 36,132,834 à 83,276,283 livres ; et que pendant ces mêmes années, les dépenses municipales en Angleterre et dans le pays de Galles seulement ont monté de 13 millions à 30 millions par an. 0n peut voir comment l'augmentation des charges publiques, réunie à d'autres causes, amènera la propriété publique, par un fait relevé par M. W. Bathbone, M. P., et sur lequel mon attention a été attirée depuis que le paragraphe ci-dessus est sous presse. Il dit : à ma connaissance, les contributions locales à New-York se sont élevées de 12 sh, 6 d p. 100, à 21, 1 sh, 6. d. p. 100, du capital des habitants - charge qui absorberait en moyenne plus que le revenu entier d'un propriétaire anglais"'. Nineteenth Century, février 1883.
  9. Lactance. De M. Persecut. Ch. VII et XXIII.
  10. Report of Commissioners for Inquiry into the Administration and Practical. - Operation of the Poor Laws, p. 37, 20 février 1834
  11. Depuis que l'article précédent a été publié, deux réponses y ont été faites par des socialistes : - Socialisme et Esclavage par H. M. Hyndman et Herbert Spencer sur le Socialisme par Frank Fairman. Je dois me borner à dire ici qu'ils m'attribuent, selon l'habitude des adversaires, des opinions que je ne professe pas. De ce que je désapprouve le socialisme, il ne s'en suit pas nécessairement, comme M. Hyndman le prétend, que j'approuve l'organisation actuelle. Bien des choses qu'il blâme, je les blâme autant que lui ; mais je n'admets pas son remède. La personne qui écrit sous le pseudonyme de "Frank Fairman" me reproche de n'avoir plus les mêmes opinions qu'au moment où j'ai écrit dans la Statique sociale cette défense sympathique des classes laborieuses ; mais je n'ai nullement conscience de ce changement. L'indulgence pour les gens qui mènent une vie dure n'implique nullement de la tolérance pour les vauriens.
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