Différences entre les versions de « Jean-Baptiste Say:Traité d'économie politique - Livre I - Chapitre XXIX »

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{{Navigateur|[[Jean-Baptiste Say:Traité d'économie politique - Livre I - Chapitre XXVIII|D'une attention qu'il faut avoir en évaluant les sommes dont il est fait mention dans l'histoire]]| - [[Jean-Baptiste Say:Traité d'économie politique|Traité d'économie politique]]|[[Jean-Baptiste Say:Traité d'économie politique - Livre I - Chapitre XXX|Des signes représentatifs de la monnaie]]}}
{{titre|[[Jean-Baptiste Say:Traité d'économie politique|Traité d'économie politique]]|[[Jean-Baptiste Say]]|Livre Premier<br />Chapitre XXIX - Ce que devraient être les monnaies.}}
{{titre|[[Jean-Baptiste Say:Traité d'économie politique|Traité d'économie politique]]|[[Jean-Baptiste Say]]|Livre Premier<br />Chapitre XXIX - Ce que devraient être les monnaies.}}


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Cette légère rectification, qui semble consister dans un mot, dans un rien, est immense dans ses conséquences. Dès qu'on l'admet, il n'est plus possible de contracter en valeur nominale ; il faut, dans chaque marché, balancer une marchandise réelle contre une autre marchandise réelle, une certaine quantité d'argent contre une certaine quantité de grains, de viande ou d'étoffe. Si l'on prend un engagement à terme, il n'est plus possible d'en déguiser la violation ; si l'on s'engage à me payer tant d'onces d'argent fin, et si mon débiteur est solvable, je suis assuré de la quantité d'argent fin que je recevrai quand le terme sera venu.
Cette légère rectification, qui semble consister dans un mot, dans un rien, est immense dans ses conséquences. Dès qu'on l'admet, il n'est plus possible de contracter en valeur nominale ; il faut, dans chaque marché, balancer une marchandise réelle contre une autre marchandise réelle, une certaine quantité d'argent contre une certaine quantité de grains, de viande ou d'étoffe. Si l'on prend un engagement à terme, il n'est plus possible d'en déguiser la violation ; si l'on s'engage à me payer tant d'onces d'argent fin, et si mon débiteur est solvable, je suis assuré de la quantité d'argent fin que je recevrai quand le terme sera venu.


Dès lors s'écroule tout l'ancien système monétaire ; système tellement compliqué, qu'il n'est jamais compris entièrement, même de la plupart de ceux qui en font leur occupation habituelle ; système qui varie d'un pays à l'autre, et d'où découlent perpétuellement la mauvaise foi, l'injustice et la spoliation. Dès-lors il devient impossible de faire une fausse opération sur les monnaies sans battre de la fausse monnaie, de composer avec ses engagements sans faire une banqueroute. La fabrication des monnaies se trouve être la chose la plus simple : une branche de l'orfèvrerie.
Dès lors s'écroule tout l'ancien système monétaire ; système tellement compliqué, qu'il n'est jamais compris entièrement, même de la plupart de ceux qui en font leur occupation habituelle ; système qui varie d'un pays à l'autre, et d'où découlent perpétuellement la mauvaise foi, l'injustice et la spoliation. Dès lors il devient impossible de faire une fausse opération sur les monnaies sans battre de la fausse monnaie, de composer avec ses engagements sans faire une banqueroute. La fabrication des monnaies se trouve être la chose la plus simple : une branche de l'orfèvrerie.


Les poids dont on s'est servi jusqu'à l'introduction du système métrique en France, c'est-à-dire, les onces, gros, grains, avaient l'avantage de présenter des quantités pondérantes, fixes depuis plusieurs siècles, et applicables à toutes les marchandises ; de manière qu'on ne pouvait changer l'once pour les métaux précieux, sans la changer pour le sucre, le miel, et toutes les denrées qui se mesurent au poids ; mais combien, sous ce rapport, les poids du nouveau système métrique n'ont-ils pas plus d'avantages encore ? Ils sont fondés sur une quantité donnée par la nature, et qui ne peut varier tant que notre globe subsistera. Le ''gramme'' est le poids d'un centimètre cubique d'eau ; le centimètre est la centième partie du mètre, et le mètre est la dix millionième partie de l'arc que forme la circonférence de la terre du pôle à l'équateur. On peut changer le nom de ''gramme'', mais il n'est pas au pouvoir des hommes de changer la quantité pesante de ce qu'on entend actuellement par ''gramme'' ; et quiconque s'engagerait à payer, à une époque future, une quantité d'argent égale à ''cent grammes d'argent'', ne pourrait, quelque opération arbitraire qui intervînt, payer moins d'argent sans violer sa promesse d'une manière évidente.
Les poids dont on s'est servi jusqu'à l'introduction du système métrique en France, c'est-à-dire, les onces, gros, grains, avaient l'avantage de présenter des quantités pondérantes, fixes depuis plusieurs siècles, et applicables à toutes les marchandises ; de manière qu'on ne pouvait changer l'once pour les métaux précieux, sans la changer pour le sucre, le miel, et toutes les denrées qui se mesurent au poids ; mais combien, sous ce rapport, les poids du nouveau système métrique n'ont-ils pas plus d'avantages encore ? Ils sont fondés sur une quantité donnée par la nature, et qui ne peut varier tant que notre globe subsistera. Le ''gramme'' est le poids d'un centimètre cubique d'eau ; le centimètre est la centième partie du mètre, et le mètre est la dix millionième partie de l'arc que forme la circonférence de la terre du pôle à l'équateur. On peut changer le nom de ''gramme'', mais il n'est pas au pouvoir des hommes de changer la quantité pesante de ce qu'on entend actuellement par ''gramme'' ; et quiconque s'engagerait à payer, à une époque future, une quantité d'argent égale à ''cent grammes d'argent'', ne pourrait, quelque opération arbitraire qui intervînt, payer moins d'argent sans violer sa promesse d'une manière évidente.
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On voit qu'il n'est ici aucunement question de ''francs'', de ''décimes'', de ''centimes''. C'est qu'en effet de tels noms ne devraient point exister, attendu qu'ils ne sont le nom de rien. Nos lois veulent qu'on frappe des pièces d'un franc qui pèseront cinq grammes d'argent : elles devraient ordonner simplement qu'on frappât des pièces de ''5 grammes''.
On voit qu'il n'est ici aucunement question de ''francs'', de ''décimes'', de ''centimes''. C'est qu'en effet de tels noms ne devraient point exister, attendu qu'ils ne sont le nom de rien. Nos lois veulent qu'on frappe des pièces d'un franc qui pèseront cinq grammes d'argent : elles devraient ordonner simplement qu'on frappât des pièces de ''5 grammes''.


Alors, au lieu de faire un billet ou une lettre de change de 400 francs, par exemple, on les ferait de 2 ooo grammes d'argent au titre de 9/10 de fin, ou, si l'on aimait mieux, de 130 grammes d'or au titre de 9 sur 10 de fin ; et rien ne serait plus facile à acquitter ; car les pièces de monnaie, soit en or, soit en argent, seraient toutes des multiples ou des fractions de grammes au titre de 9/10 de métal fin mêlé avec 1/10 d'alliage.
Alors, au lieu de faire un billet ou une lettre de change de 400 francs, par exemple, on les ferait de 2000 grammes d'argent au titre de 9/10 de fin, ou, si l'on aimait mieux, de 130 grammes d'or au titre de 9 sur 10 de fin ; et rien ne serait plus facile à acquitter ; car les pièces de monnaie, soit en or, soit en argent, seraient toutes des multiples ou des fractions de grammes au titre de 9/10 de métal fin mêlé avec 1/10 d'alliage.


Il faudrait, à la vérité, qu'une loi statuât que toute convention stipulant un certain nombre de grammes d'argent ou d'or, ne pourrait être soldée qu'en pièces frappées (à moins de stipulation contraire), afin que le débiteur ne pût s'acquitte avec des lingots qui auraient un peu moins de valeur que des pièces frappées. Ce pourrait être l'objet d'une loi rendue une fois pour toutes, et qui pourrait porter en outre que les mots ''d'or'' ou ''d'argent'', sans autre désignation, désigneraient de l'or et de l'argent à 9/10 de fin. Cette loi, de pure précaution, n'aurait d'autre but que d'éviter sur chaque acte l'énonciation de plusieurs clauses, qui dès lors seraient sous-entendues. Le gouvernement ne frapperait les lingots des particuliers qu'autant qu'on lui paierait les frais et même le bénéfice de la fabrication. Ce bénéfice pourrait être porté assez haut, en vertu du privilège exclusif de fabriquer. Rien n'empêcherait qu'à l'empreinte énonciative du poids et du titre ne fussent joints tous les signes qu'on jugerait propres à prévenir la contrefaçon.
Il faudrait, à la vérité, qu'une loi statuât que toute convention stipulant un certain nombre de grammes d'argent ou d'or, ne pourrait être soldée qu'en pièces frappées (à moins de stipulation contraire), afin que le débiteur ne pût s'acquitte avec des lingots qui auraient un peu moins de valeur que des pièces frappées. Ce pourrait être l'objet d'une loi rendue une fois pour toutes, et qui pourrait porter en outre que les mots ''d'or'' ou ''d'argent'', sans autre désignation, désigneraient de l'or et de l'argent à 9/10 de fin. Cette loi, de pure précaution, n'aurait d'autre but que d'éviter sur chaque acte l'énonciation de plusieurs clauses, qui dès lors seraient sous-entendues. Le gouvernement ne frapperait les lingots des particuliers qu'autant qu'on lui paierait les frais et même le bénéfice de la fabrication. Ce bénéfice pourrait être porté assez haut, en vertu du privilège exclusif de fabriquer. Rien n'empêcherait qu'à l'empreinte énonciative du poids et du titre ne fussent joints tous les signes qu'on jugerait propres à prévenir la contrefaçon.
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Sous une administration diligente, la perte supportée par le trésor public pour cette cause-là, se réduirait à peu de chose ; l'État pourrait s'en indemniser facilement au moyen des bénéfices de la fabrication ; et le système général des monnaies, de même que le change avec l'étranger, en serait sensiblement amélioré.
Sous une administration diligente, la perte supportée par le trésor public pour cette cause-là, se réduirait à peu de chose ; l'État pourrait s'en indemniser facilement au moyen des bénéfices de la fabrication ; et le système général des monnaies, de même que le change avec l'étranger, en serait sensiblement amélioré.
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