Différences entre les versions de « Jean-Baptiste Say:Traité d'économie politique - Livre III - Chapitre VII »

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{{titre|[[Jean-Baptiste Say:Traité d'économie politique|Traité d'économie politique]]|[[Jean-Baptiste Say]]|Livre Troisième<br />Chapitre VII - Des principaux objets de la dépense publique}}
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On gagne toujours à n'employer, en toutes choses, que les bonnes qualités, dût-on les payer davantage. On n'a presque jamais des gens de mérite à très bas prix, parce que le mérite s'applique à plus d'un emploi. Il ne faut pas lui donner lieu de se dégoûter d'une carrière où il sent qu'il ne reçoit pas une équitable récompense de ses soins. En administration, la véritable économie consiste à ne pas compliquer les rouages, à ne pas multiplier les places, à ne pas les donner à la faveur, et non à les payer mesquinement.
On gagne toujours à n'employer, en toutes choses, que les bonnes qualités, dût-on les payer davantage. On n'a presque jamais des gens de mérite à très bas prix, parce que le mérite s'applique à plus d'un emploi. Il ne faut pas lui donner lieu de se dégoûter d'une carrière où il sent qu'il ne reçoit pas une équitable récompense de ses soins. En administration, la véritable économie consiste à ne pas compliquer les rouages, à ne pas multiplier les places, à ne pas les donner à la faveur, et non à les payer mesquinement.


Il en est de la probité comme du talent. On n'a des gens intègres qu'en les payant. Rien d'étonnant à cela : ils n'ont pas à leur disposition les commodes
Il en est de la probité comme du talent. On n'a des gens intègres qu'en les payant. Rien d'étonnant à cela : ils n'ont pas à leur disposition les commodes suppléments que s'assure l'improbité.
suppléments que s'assure l'improbité.


Le pouvoir qui accompagne ordinairement l'exercice des fonctions publiques, est une espèce de salaire qui, dans bien des cas excède le salaire en argent qu'on leur attribue. Je sais que dans un État bien ordonné, les lois ayant le principal pouvoir, et peu de chose étant laissé à l'arbitraire de l'homme, il n'y trouve pas autant de moyens de satisfaire ses fantaisies et ce malheureux amour de la domination que tout homme porte dans son cœur. Cependant la latitude que les lois ne peuvent manquer de laisser aux volontés de ceux qui les exécutent, surtout dans l'ordre administratif, et les honneurs qui accompagnent ordinairement les emplois éminents, ont une valeur véritable qui les fait rechercher avec ardeur, même dans les pays où ils ne sont pas lucratifs.
Le pouvoir qui accompagne ordinairement l'exercice des fonctions publiques, est une espèce de salaire qui, dans bien des cas excède le salaire en argent qu'on leur attribue. Je sais que dans un État bien ordonné, les lois ayant le principal pouvoir, et peu de chose étant laissé à l'arbitraire de l'homme, il n'y trouve pas autant de moyens de satisfaire ses fantaisies et ce malheureux amour de la domination que tout homme porte dans son cœur. Cependant la latitude que les lois ne peuvent manquer de laisser aux volontés de ceux qui les exécutent, surtout dans l'ordre administratif, et les honneurs qui accompagnent ordinairement les emplois éminents, ont une valeur véritable qui les fait rechercher avec ardeur, même dans les pays où ils ne sont pas lucratifs.
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La guerre, devenue un métier, participe comme tous les autres arts aux progrès qui résultent de la division du travail : elle met à contribution toutes les connaissances humaines. On ne peut y exceller, soit comme général, soit comme ingénieur, soit comme officier, soit même comme soldat, sans une instruction quelquefois fort longue et sans un exercice constant.
La guerre, devenue un métier, participe comme tous les autres arts aux progrès qui résultent de la division du travail : elle met à contribution toutes les connaissances humaines. On ne peut y exceller, soit comme général, soit comme ingénieur, soit comme officier, soit même comme soldat, sans une instruction quelquefois fort longue et sans un exercice constant.


Aussi, en exceptant les cas où l'on a eu à lutter contre l'enthousiasme d'une nation tout entière, l'avantage est-il toujours demeuré aux troupes les mieux aguerries, à celles dont la guerre était devenue le métier. Les Turcs, malgré leur mépris pour les arts des Chrétiens, sont obligés d'être leurs écoliers dans
Aussi, en exceptant les cas où l'on a eu à lutter contre l'enthousiasme d'une nation tout entière, l'avantage est-il toujours demeuré aux troupes les mieux aguerries, à celles dont la guerre était devenue le métier. Les Turcs, malgré leur mépris pour les arts des Chrétiens, sont obligés d'être leurs écoliers dans l'art de la guerre, sous peine d'être exterminés.
l'art de la guerre, sous peine d'être exterminés.


Toutes les armées de l'Europe ont été forcées d'imiter la tactique des Prussiens ; et lorsque le mouvement imprimé aux esprits par la révolution française, a perfectionné, dans les armées de la république, l'application des sciences aux opérations militaires, les ennemis des Français se sont vus dans la nécessité de s'approprier les mêmes avantages.
Toutes les armées de l'Europe ont été forcées d'imiter la tactique des Prussiens ; et lorsque le mouvement imprimé aux esprits par la révolution française, a perfectionné, dans les armées de la république, l'application des sciences aux opérations militaires, les ennemis des Français se sont vus dans la nécessité de s'approprier les mêmes avantages.


Tous ces progrès, ce déploiement de moyens, cette consommation de ressources, ont rendu la guerre bien plus dispendieuse qu'elle ne l'était autrefois. Il a fallu pourvoir d'avance les armées, d'armes, de munitions de guerre et de bouche, d'attirails de toute espèce. L'invention de la poudre à canon a rendu les armes bien plus compliquées et plus coûteuses, et leur transport, surtout celui des canons et des mortiers, plus difficile. Enfin les étonnants progrès de la tactique navale, ce nombre de vaisseaux de tous les rangs, pour chacun desquels il a fallu mettre en jeu toutes les ressources de l'industrie humaine ; les chantiers, les bassins, les usines, les magasins, etc., ont forcé les nations qui font la guerre, non seulement à faire pendant la paix à peu près la même consommation
Tous ces progrès, ce déploiement de moyens, cette consommation de ressources, ont rendu la guerre bien plus dispendieuse qu'elle ne l'était autrefois. Il a fallu pourvoir d'avance les armées, d'armes, de munitions de guerre et de bouche, d'attirails de toute espèce. L'invention de la poudre à canon a rendu les armes bien plus compliquées et plus coûteuses, et leur transport, surtout celui des canons et des mortiers, plus difficile. Enfin les étonnants progrès de la tactique navale, ce nombre de vaisseaux de tous les rangs, pour chacun desquels il a fallu mettre en jeu toutes les ressources de l'industrie humaine ; les chantiers, les bassins, les usines, les magasins, etc., ont forcé les nations qui font la guerre, non seulement à faire pendant la paix à peu près la même consommation que pendant les hostilités, non seulement à y dépenser une partie de leur revenu, mais à y placer une portion considérable de leurs capitaux.
que pendant les hostilités, non seulement à y dépenser une partie de leur revenu, mais à y placer une portion considérable de leurs capitaux.


On peut ajouter à ces considérations que le système colonial des modernes, j'entends ce système qui tend à vouloir conserver le gouvernement d'une ville ou d'une province situées sous un autre climat, a rendu les États européens attaquables et vulnérables jusqu'aux extrémités de la terre ; tellement qu'une guerre entre deux grandes puissances, a maintenant pour champ de bataille le globe entier.
On peut ajouter à ces considérations que le système colonial des modernes, j'entends ce système qui tend à vouloir conserver le gouvernement d'une ville ou d'une province situées sous un autre climat, a rendu les États européens attaquables et vulnérables jusqu'aux extrémités de la terre ; tellement qu'une guerre entre deux grandes puissances, a maintenant pour champ de bataille le globe entier.
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Un encouragement qui n'a aucun danger et dont l'influence est bien puissante, est celui qu'on donne à la composition des bons ouvrages élémentaires.
Un encouragement qui n'a aucun danger et dont l'influence est bien puissante, est celui qu'on donne à la composition des bons ouvrages élémentaires.


L'honneur et le profit que procure un bon ouvrage de ce genre, ne paient pas le travail, les connaissances et les talents qu'il suppose ; c'est une duperie de servir le public par ce moyen, parce que la récompense naturelle qu'on en reçoit, n'est pas proportionnée au bien que le public en retire. Le besoin qu'on a de bons livres élémentaires ne sera donc jamais complétement satisfait, qu'autant qu'on fera, pour les avoir, des sacrifices extraordinaires, capables de tenter des hommes du premier mérite. Il ne faut charger personne spécialement d'un pareil travail : l'homme du plus grand talent peut n'avoir pas celui qui serait propre à cela. Il ne faut pas proposer des prix : ils sont accordés quelquefois à des productions imparfaites, parce qu'il ne s'en est point présenté de meilleures ; d'ailleurs l'encouragement du prix cesse dès qu'il est accordé. Mais il faut payer proportionnellement au mérite, et toujours généreusement, tout ce qui se fait de bon. Une bonne production n'en exclut pas alors une meilleure ; et avec le temps on a, dans chaque genre, ce qu'on peut avoir de mieux. Je remarquerai qu'on ne risque jamais beaucoup en mettant un grand prix aux bonnes productions : elles sont toujours rares ; et ce qui est une récompense magnifique pour un particulier, est un léger sacrifice pour une nation.
L'honneur et le profit que procure un bon ouvrage de ce genre, ne paient pas le travail, les connaissances et les talents qu'il suppose ; c'est une duperie de servir le public par ce moyen, parce que la récompense naturelle qu'on en reçoit, n'est pas proportionnée au bien que le public en retire. Le besoin qu'on a de bons livres élémentaires ne sera donc jamais complètement satisfait, qu'autant qu'on fera, pour les avoir, des sacrifices extraordinaires, capables de tenter des hommes du premier mérite. Il ne faut charger personne spécialement d'un pareil travail : l'homme du plus grand talent peut n'avoir pas celui qui serait propre à cela. Il ne faut pas proposer des prix : ils sont accordés quelquefois à des productions imparfaites, parce qu'il ne s'en est point présenté de meilleures ; d'ailleurs l'encouragement du prix cesse dès qu'il est accordé. Mais il faut payer proportionnellement au mérite, et toujours généreusement, tout ce qui se fait de bon. Une bonne production n'en exclut pas alors une meilleure ; et avec le temps on a, dans chaque genre, ce qu'on peut avoir de mieux. Je remarquerai qu'on ne risque jamais beaucoup en mettant un grand prix aux bonnes productions : elles sont toujours rares ; et ce qui est une récompense magnifique pour un particulier, est un léger sacrifice pour une nation.
Tels sont les genres d'instruction favorables à la richesse nationale, et ceux qui pourraient déchoir si la société ne contribuait pas à leur entretien. Il y en a d'autres qui sont nécessaires à l'adoucissement des moeurs, et qui peuvent encore moins se soutenir sans son appui.
 
Tels sont les genres d'instruction favorables à la richesse nationale, et ceux qui pourraient déchoir si la société ne contribuait pas à leur entretien. Il y en a d'autres qui sont nécessaires à l'adoucissement des mœurs, et qui peuvent encore moins se soutenir sans son appui.


À une époque où les arts sont perfectionnés, et où la séparation des occupations est introduite jusque dans leurs moindres embranchements, la plupart des ouvriers sont forcés de réduire toutes leurs actions et toutes leurs pensées à une ou deux opérations, ordinairement très simple et constamment répétées ; nulle circonstance nouvelle, imprévue, ne s'offre jamais à eux ; n'étant dans aucun cas appelés à faire usage de leurs facultés intellectuelles, elles s'énervent, s'abrutissent, et ils deviendraient bientôt eux-mêmes non seulement incapables de dire deux mots qui eussent le sens commun sur toute autre chose que leur outil, mais encore de concevoir ni même de comprendre aucun dessein généreux, aucun sentiment noble. Les idées élevées tiennent à la vue de l'ensemble ; elles ne germent point dans un esprit incapable de saisir des rapports généraux : un ouvrier stupide ne comprendra jamais comment le respect de la propriété est favorable à la prospérité publique, ni pourquoi lui-même est plus intéressé à cette prospérité que l'homme riche ; il regardera tous les grands biens comme une usurpation. Un certain degré d'instruction, un peu de lecture, quelques conversations avec d'autres personnes de son état, quelques réflexions pendant son travail, suffiraient pour l'élever à cet ordre d'idées, et mettraient même plus de délicatesse dans ses relations de père, d'époux, de frère, de citoyen.
À une époque où les arts sont perfectionnés, et où la séparation des occupations est introduite jusque dans leurs moindres embranchements, la plupart des ouvriers sont forcés de réduire toutes leurs actions et toutes leurs pensées à une ou deux opérations, ordinairement très simple et constamment répétées ; nulle circonstance nouvelle, imprévue, ne s'offre jamais à eux ; n'étant dans aucun cas appelés à faire usage de leurs facultés intellectuelles, elles s'énervent, s'abrutissent, et ils deviendraient bientôt eux-mêmes non seulement incapables de dire deux mots qui eussent le sens commun sur toute autre chose que leur outil, mais encore de concevoir ni même de comprendre aucun dessein généreux, aucun sentiment noble. Les idées élevées tiennent à la vue de l'ensemble ; elles ne germent point dans un esprit incapable de saisir des rapports généraux : un ouvrier stupide ne comprendra jamais comment le respect de la propriété est favorable à la prospérité publique, ni pourquoi lui-même est plus intéressé à cette prospérité que l'homme riche ; il regardera tous les grands biens comme une usurpation. Un certain degré d'instruction, un peu de lecture, quelques conversations avec d'autres personnes de son état, quelques réflexions pendant son travail, suffiraient pour l'élever à cet ordre d'idées, et mettraient même plus de délicatesse dans ses relations de père, d'époux, de frère, de citoyen.
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On peut appliquer ce calcul aux routes, aux canaux.
On peut appliquer ce calcul aux routes, aux canaux.


Une route trop large fait perdre chaque année la rente de la terre superflue qu'on y a consacrée, et des frais d'entretien plus forts que ceux qui seraient nécessaires. Plusieurs des routes qui partent de Paris ont 180 pieds de large, compris les bas côtés ; quand elles n'en auraient que 60, leur largeur excèderait encore tous les besoins et pourrait passer pour magnifique, même aux approches d'une grande capitale. Le surplus est un faste inutile. Je ne sais même si c'est un faste ; car une étroite chaussée au milieu d'une large avenue dont les côtés sont impraticables durant la majeure partie de l'année, semble accuser la mesquinerie non moins que le bon sens d'une nation. Il y a quelque chose de pénible, non seulement à voir un espace perdu, mais mal tenu ; il semble qu'on ait voulu avoir des routes superbes sans avoir les moyens de les entretenir unies, propres et soignées, à l'exemple de ces seigneurs italiens qui habitent des palais qu'on ne balaie point.
Une route trop large fait perdre chaque année la rente de la terre superflue qu'on y a consacrée, et des frais d'entretien plus forts que ceux qui seraient nécessaires. Plusieurs des routes qui partent de Paris ont 180 pieds de large, compris les bas côtés ; quand elles n'en auraient que 60, leur largeur excéderait encore tous les besoins et pourrait passer pour magnifique, même aux approches d'une grande capitale. Le surplus est un faste inutile. Je ne sais même si c'est un faste ; car une étroite chaussée au milieu d'une large avenue dont les côtés sont impraticables durant la majeure partie de l'année, semble accuser la mesquinerie non moins que le bon sens d'une nation. Il y a quelque chose de pénible, non seulement à voir un espace perdu, mais mal tenu ; il semble qu'on ait voulu avoir des routes superbes sans avoir les moyens de les entretenir unies, propres et soignées, à l'exemple de ces seigneurs italiens qui habitent des palais qu'on ne balaie point.


Quoi qu'il en soit, il y a le long des routes dont je parle, 120 pieds qu'on pourrait rendre à la culture, ce qui fait pour chaque lieue commune 50 arpents.
Quoi qu'il en soit, il y a le long des routes dont je parle, 120 pieds qu'on pourrait rendre à la culture, ce qui fait pour chaque lieue commune 50 arpents.
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Les canaux procurent un gain encore plus considérable, parce qu'il en résulte une économie encore plus forte.
Les canaux procurent un gain encore plus considérable, parce qu'il en résulte une économie encore plus forte.


Quant aux édifices publics sans utilité, comme les palais fastueux, les arcs de triomphe, les colonnes monumentales, c'est le luxe des nations : il n'est pas plus aisé de le justifier que le luxe des particuliers. La satisfaction creuse qu'en retire la vanité d'un peuple ou d'un prince, ne balance pas les frais, et trop souvent les larmes qu'elle coûte. Les actions utiles et vertueuses n'ont pas besoin de tant d'éclat. Sont-ce des succès militaires qu'on veut célébrer ? Quel monument élèvera-t-on qui dure autant que l'histoire ? Les trophées qu'un vainqueur s'érige à lui-même sont des insultes aux nations vaincues, qui peuvent presque toujours y répondre par des insultes semblabls. Les peuples ont besoin de se donner des gages de paix, et non de guerre.
Quant aux édifices publics sans utilité, comme les palais fastueux, les arcs de triomphe, les colonnes monumentales, c'est le luxe des nations : il n'est pas plus aisé de le justifier que le luxe des particuliers. La satisfaction creuse qu'en retire la vanité d'un peuple ou d'un prince, ne balance pas les frais, et trop souvent les larmes qu'elle coûte. Les actions utiles et vertueuses n'ont pas besoin de tant d'éclat. Sont-ce des succès militaires qu'on veut célébrer ? Quel monument élèvera-t-on qui dure autant que l'histoire ? Les trophées qu'un vainqueur s'érige à lui-même sont des insultes aux nations vaincues, qui peuvent presque toujours y répondre par des insultes semblables. Les peuples ont besoin de se donner des gages de paix, et non de guerre.
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