Jean-Baptiste Say:Traité d'économie politique - Livre I - Chapitre XII

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Jean-Baptiste Say:Traité d'économie politique - Livre I - Chapitre XII


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Livre Premier
Chapitre XII - Des capitaux improductifs.


Nous avons vu que les valeurs produites peuvent être consacrées, soit à la satisfaction de ceux qui les ont acquises, soit à une nouvelle production. Elles peuvent encore, après avoir été soustraites à une consommation productive, n'être pas consacrées à une consommation reproductive, demeurer cachées, enfouies.

Le propriétaire de ces valeurs, après s'être privé, en les épargnant, des jouissances, de la satisfaction que cette consommation lui aurait procurées, se prive encore des profits qu'il pourrait retirer du service productif de son capital épargné. Il prive en même temps l'industrie des profits qu'elle pourrait faire en le mettant en œuvre.

Parmi beaucoup d'autres causes de la misère et de la faiblesse où l'on voit les états soumis à la domination ottomane, on ne peut douter que la quantité de capitaux qui y sont retenus dans l'inaction n'en soit une des principales. La défiance, l'incertitude où chacun est sur son sort futur, engagent les gens de tous les ordres, depuis le pacha jusqu'au paysan, à soustraire une partie de sa propriété aux regards avides du pouvoir ; or, on ne peut soustraire une valeur à la vue que par son inaction. C'est un malheur partagé à différents degrés par tous les pays soumis au pouvoir arbitraire, surtout lorsqu'il est violent. Aussi remarque-t-on dans les vicissitudes que présentent les orages politiques, un certain resserrement de capitaux, une stagnation d'industrie, une absence de profits, une gêne universelle, lorsque la crainte s'empare des esprits ; et, au contraire, un mouvement, une activité très-favorables à la prospérité publique, du moment que la confiance renaît.

Les madones, les saints des pays superstitieux, les idoles richement ornées et pompeusement servies des peuples de l'orient, ne fécondent point d'entreprises agricoles ou manufacturières. Avec les richesses qui les couvrent, et le temps qu'on perd à les solliciter, on se procurerait en réalité les biens que ces images n'ont garde d'accorder à de stériles prières.

Il y a beaucoup de capitaux oisifs dans les pays où les mœurs obligent à mettre beaucoup d'argent en meubles, en habits, en ornements. Le vulgaire, qui, par sa sotte admiration, encourage les emplois improductifs, se fait tort à lui-même ; car le riche qui place cent mille francs en dorures, en vaisselles, en un mobilier immense, ne peut plus placer à intérêt cette somme, qui, dès-lors, n'entretient aucune industrie. La nation perd le revenu annuel de ce capital, et le profit annuel de l'industrie que ce capital aurait animée.

Jusqu'à ce moment nous avons considéré l'espèce de valeur qu'on pouvait, après l'avoir créée, attacher pour ainsi dire à la matière, et qui, ainsi incorporée, était susceptible de se conserver plus ou moins long-temps. Mais toutes les valeurs produites par l'industrie humaine n'ont pas cette propriété. Il en est de très-réelles, puisqu'on les paie fort bien, et en échange desquelles on donne des matières précieuses et durables, mais qui ne sont pas de nature à pouvoir durer elles-mêmes au-delà du moment de leur production. Ce sont celles qui vont être définies dans le chapitre suivant, et auxquelles nous donnerons le nom de produits immatériels.