Différences entre les versions de « Les systèmes socialistes et l'évolution économique - Deuxième partie : Les faits. L’évolution économique - Livre III : Le développement des formes d’organisation économique à l’époque contemporaine »

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==Chapitre 16 L'extension du rôle économique de l'État et des municipatités.==
==Chapitre 16 L'extension du rôle économique de l'État et des municipalités.==




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étendre son rôle bien au delà des fonctions essentielles de sécurité,
étendre son rôle bien au delà des fonctions essentielles de sécurité,
et à s'immiscer plus activement que jamais dans le domaine économique.
et à s'immiscer plus activement que jamais dans le domaine économique.
Les Etats modernes sont des communautés économiques en même
Les Etats modernes sont des communautés économiques en même
temps que des unités politiques; les intérêts matériels y ont pris
temps que des unités politiques; les intérêts matériels y ont pris
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simples communes, sont devenus des organes essentiels de l'économie
simples communes, sont devenus des organes essentiels de l'économie
sociale.
sociale.
Ce mouvement d'extension de l'État et des communes, comme le
Ce mouvement d'extension de l'État et des communes, comme le
mouvement d'association lui-même, est un mode particulier du
mouvement d'association lui-même, est un mode particulier du
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d'intégration du même ordre, qui mérite au même titre d'être étudié
d'intégration du même ordre, qui mérite au même titre d'être étudié
parmi les faits caractéristiques de l'évolution économique.
parmi les faits caractéristiques de l'évolution économique.
L'État se borne souvent à protéger ou contrôler les activités
L'État se borne souvent à protéger ou contrôler les activités
individuelles dans la production et les échanges; il intervient alors
individuelles dans la production et les échanges; il intervient alors
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pour ne retenir que les modes d'intervention qui sont propres à
pour ne retenir que les modes d'intervention qui sont propres à
la période contemporaine.
la période contemporaine.
C'est ainsi qu'en matière d'hygiène publique, les législations
C'est ainsi qu'en matière d'hygiène publique, les législations
modernes deviennent chaque jour plus envahissantes; il est même
modernes deviennent chaque jour plus envahissantes; il est même
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avec le souci croissant de l'hygiène qui marque la civilisation
avec le souci croissant de l'hygiène qui marque la civilisation
contemporaine.
contemporaine.
Les monopoles industriels privés, récemment issus de l'évolution
Les monopoles industriels privés, récemment issus de l'évolution
économique, ne pouvaient rester longtemps en dehors du contrôle de
économique, ne pouvaient rester longtemps en dehors du contrôle de
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réserve à l'autorité administrative des pouvoirs de concession, de
réserve à l'autorité administrative des pouvoirs de concession, de
surveillance et de retrait sur les exploitations minières.
surveillance et de retrait sur les exploitations minières.
Ce sont là les premières formes du monopole; mais aujourd'hui,
Ce sont là les premières formes du monopole; mais aujourd'hui,
de nouveaux problèmes du même ordre s'imposent à l'attention du
de nouveaux problèmes du même ordre s'imposent à l'attention du
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accidents figurent aussi parmi les questions que l'État moderne
accidents figurent aussi parmi les questions que l'État moderne
doit résoudre en s'inspirant des intérêts généraux.
doit résoudre en s'inspirant des intérêts généraux.
Dans beaucoup de pays, la législation qui régit les rapports des
Dans beaucoup de pays, la législation qui régit les rapports des
propriétaires fonciers et de leurs tenanciers s'est montrée très coercitive.
propriétaires fonciers et de leurs tenanciers s'est montrée très coercitive.
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pour l'avenir dépasse donc celle de tous les autres cas considérés
pour l'avenir dépasse donc celle de tous les autres cas considérés
jusqu'ici.
jusqu'ici.
Depuis la première loi de 1802, par laquelle le Parlement anglais
Depuis la première loi de 1802, par laquelle le Parlement anglais
cherchait à garantir les enfants assistés contre l'exploitation dont ils
cherchait à garantir les enfants assistés contre l'exploitation dont ils
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appuis qui lui manquaient, et de lui fournir une assistance nouvelle
appuis qui lui manquaient, et de lui fournir une assistance nouvelle
contre des dangers nouveaux.
contre des dangers nouveaux.
Aussi la législation ouvrière, prenant sa source dans un état économique
Aussi la législation ouvrière, prenant sa source dans un état économique
semblable, présente-t-elle sur l'ensemble du monde civilisé,
semblable, présente-t-elle sur l'ensemble du monde civilisé,
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dans cet ordre de la législation sociale, un droit commun universel
dans cet ordre de la législation sociale, un droit commun universel
d'une remarquable unité.
d'une remarquable unité.
L'hygiène et la sécurité des travailleurs dans les ateliers furent partout
L'hygiène et la sécurité des travailleurs dans les ateliers furent partout
l'un des premiers objets de la réglementation. Dans les débuts
l'un des premiers objets de la réglementation. Dans les débuts
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en matière d'hygiène et de sécurité industrielle sont-elles devenues
en matière d'hygiène et de sécurité industrielle sont-elles devenues
l'une des parties les plus touffues de la législation.
l'une des parties les plus touffues de la législation.
Rien n'égale, à cet égard, la minutie de la loi anglaise, dont les
Rien n'égale, à cet égard, la minutie de la loi anglaise, dont les
autres pays se sont inspirés. La ''Factory and work-shops'' de 1901,
autres pays se sont inspirés. La ''Factory and work-shops'' de 1901,
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comme dangereuses ou insalubres, les dispositions sont
comme dangereuses ou insalubres, les dispositions sont
plus rigoureuses encore.
plus rigoureuses encore.
Le législateur ne se borne pas à établir des règles générales en
Le législateur ne se borne pas à établir des règles générales en
cette matière il délègue au gouvernement et aux autorités locales le
cette matière il délègue au gouvernement et aux autorités locales le
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d'interdiction et d'injonction pour faire observer les dispositions
d'interdiction et d'injonction pour faire observer les dispositions
légales et réglementaires.
légales et réglementaires.
Au même degré que les prescriptions sanitaires, et souvent même
Au même degré que les prescriptions sanitaires, et souvent même
à une époque antérieure, la protection du travail de l'enfant dans
à une époque antérieure, la protection du travail de l'enfant dans
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et 1874. L'Autriche, qui avait établi, dès 1786, une réglementation
et 1874. L'Autriche, qui avait établi, dès 1786, une réglementation
protectrice des apprentis, étend et renforce ses statuts en 1843
protectrice des apprentis, étend et renforce ses statuts en 1843
et 18S9. Le Massachusetts en 1843, les cantons suisses à partir
et 1859. Le Massachusetts en 1843, les cantons suisses à partir
de 1848, légifèrent sur le même objet. Depuis lors, toutes ces législations
de 1848, légifèrent sur le même objet. Depuis lors, toutes ces législations
ont été renouvelées, et la plupart de celles que l'on trouve en
ont été renouvelées, et la plupart de celles que l'on trouve en
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d'efforts faits dans le même sens au Japon, le dernier venu des pays
d'efforts faits dans le même sens au Japon, le dernier venu des pays
de grande industrie.
de grande industrie.
La mesure la plus urgente était de fixer un âge légal d'admission pour les enfants dans les fabriques. Les premières lois ouvrières le
La mesure la plus urgente était de fixer un âge légal d'admission pour les enfants dans les fabriques. Les premières lois ouvrières le
fixaient à 8 ou 9 ans, et cette limitation, qui nous semble aujourd'hui
fixaient à 8 ou 9 ans, et cette limitation, qui nous semble aujourd'hui
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Espagne, au Portugal ou dans quelques rares États américains pour
Espagne, au Portugal ou dans quelques rares États américains pour
retrouver l'âge de 10 ans.
retrouver l'âge de 10 ans.
Une fois admis à l'atelier, l'enfant, jusqu'à 14 ou 15 ans dans les
Une fois admis à l'atelier, l'enfant, jusqu'à 14 ou 15 ans dans les
pays méridionaux et en Russie, partout ailleurs jusqu'à 16 ou 18 ans,
pays méridionaux et en Russie, partout ailleurs jusqu'à 16 ou 18 ans,
reste protégé par la loi à différents points de vue.
reste protégé par la loi à différents points de vue.
Sa journée de travail, coupée par des repos déterminés, est en général
Sa journée de travail, coupée par des repos déterminés, est en général
limitée à 10 heures. Encore beaucoup d'États, tels que l'Allemagne,
limitée à 10 heures. Encore beaucoup d'États, tels que l'Allemagne,
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pays industriel où cette règle protectrice cesse de s'appliquer dès l'âge
pays industriel où cette règle protectrice cesse de s'appliquer dès l'âge
de 14 ans.
de 14 ans.
Partout aussi, la loi impose au profit des enfants le repos d'un
Partout aussi, la loi impose au profit des enfants le repos d'un
jour hebdomadaire et celui des jours fériés. L'Angleterre fixe même
jour hebdomadaire et celui des jours fériés. L'Angleterre fixe même
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législations, Suisse, États américains, Australasie, Russie, etc., ont
législations, Suisse, États américains, Australasie, Russie, etc., ont
adopté le même principe des courtes journées du samedi.
adopté le même principe des courtes journées du samedi.
Enfin, dans certaines industries et pour certains travaux insalubres
Enfin, dans certaines industries et pour certains travaux insalubres
ou dangereux, les législations modernes établissent des dispositions
ou dangereux, les législations modernes établissent des dispositions
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limitant plus strictement leur journée, réglementant leur emploi ou
limitant plus strictement leur journée, réglementant leur emploi ou
même l'interdisant d'une façon absolue.
même l'interdisant d'une façon absolue.
Après l'enfant, la sollicitude du législateur s'est portée sur la
Après l'enfant, la sollicitude du législateur s'est portée sur la
femme. Dès 1844, le Parlement anglais étendait aux femmes les
femme. Dès 1844, le Parlement anglais étendait aux femmes les
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quelques rares pays négligent de leur réserver un repos de quelques
quelques rares pays négligent de leur réserver un repos de quelques
semaines après les couches.
semaines après les couches.
Des enfants et des femmes, la législation protectrice s'est étendue
Des enfants et des femmes, la législation protectrice s'est étendue
aux hommes adultes eux-mêmes. Les États qui limitent la journée de
aux hommes adultes eux-mêmes. Les États qui limitent la journée de
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de nombreux États Allemagne, Autriche, Suisse, Russie, Roumanie,
de nombreux États Allemagne, Autriche, Suisse, Russie, Roumanie,
États scandinaves, Espagne, Belgique, États-Unis en grande partie.
États scandinaves, Espagne, Belgique, États-Unis en grande partie.
Il y a donc une tendance très nette, dans beaucoup de pays, à établir
Il y a donc une tendance très nette, dans beaucoup de pays, à établir
une réglementation générale qui s'applique aux hommes adultes
une réglementation générale qui s'applique aux hommes adultes
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ne visait guère que les fabriques. Depuis lors, elle a pénétré dans bien
ne visait guère que les fabriques. Depuis lors, elle a pénétré dans bien
d'autres ateliers et professions.
d'autres ateliers et professions.
Nulle part cette marche par échelons n'est aussi visible qu'en
Nulle part cette marche par échelons n'est aussi visible qu'en
Angleterre; des filatures de coton et de laine, la législation ouvrière
Angleterre; des filatures de coton et de laine, la législation ouvrière
Ligne 5 985 : Ligne 6 007 :
prescriptions et à celles des autorités secondaires les ateliers de la
prescriptions et à celles des autorités secondaires les ateliers de la
petite industrie.
petite industrie.
A cet égard, nulle réglementation n'offre plus de difficultés que
A cet égard, nulle réglementation n'offre plus de difficultés que
celle de l'industrie à domicile; nulle cependant n'est plus nécessaire,
celle de l'industrie à domicile; nulle cependant n'est plus nécessaire,
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qu'elles restent généralement lettre morte dans les autres ateliers à
qu'elles restent généralement lettre morte dans les autres ateliers à
domicile, faute d'une responsabilité effective et d'une inspection suffisante.
domicile, faute d'une responsabilité effective et d'une inspection suffisante.
Cependant les peuples anglo-saxons ont résolument abordé le problème.
Cependant les peuples anglo-saxons ont résolument abordé le problème.
L'Angleterre dès 1878, les États de l'Amérique du Nord en
L'Angleterre dès 1878, les États de l'Amérique du Nord en
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tendance actuelle est de soumettre aux prescriptions législatives les
tendance actuelle est de soumettre aux prescriptions législatives les
ateliers de famille eux-mêmes.
ateliers de famille eux-mêmes.
Il est vrai que le souci principal du législateur a été, dans la plupart
Il est vrai que le souci principal du législateur a été, dans la plupart
des cas, de garantir l'hygiène publique et la santé des consommateurs.
des cas, de garantir l'hygiène publique et la santé des consommateurs.
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confectionnées, c'est bien, à certains égards, dans l'intérêt des travailleurs,
confectionnées, c'est bien, à certains égards, dans l'intérêt des travailleurs,
mais c'est surtout dans un but d'hygiène publique.
mais c'est surtout dans un but d'hygiène publique.
Par contre, certaines dispositions ont incontestablement pour
Par contre, certaines dispositions ont incontestablement pour
objet exclusif la protection des travailleurs; telles sont les prescriptions
objet exclusif la protection des travailleurs; telles sont les prescriptions
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dans lesquels une personne travaille seule ou avec ses proches, et en
dans lesquels une personne travaille seule ou avec ses proches, et en
autorisant l'inspecteur à y pénétrer de jour et de nuit.
autorisant l'inspecteur à y pénétrer de jour et de nuit.
Des industries de transformation et des industries extractives, la
Des industries de transformation et des industries extractives, la
réglementation légale du travail s'est étendue, avec plus ou moins
réglementation légale du travail s'est étendue, avec plus ou moins
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même dans les pays dont la législation ouvrière est la moins
même dans les pays dont la législation ouvrière est la moins
avancée.
avancée.
Restait le commerce de détail, y compris les boucheries, boulangeries,
Restait le commerce de détail, y compris les boucheries, boulangeries,
pâtisseries, hôtels, restaurants, débits de boissons et maisons
pâtisseries, hôtels, restaurants, débits de boissons et maisons
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marins du commerce, les ouvriers agricoles et les gens de service qui
marins du commerce, les ouvriers agricoles et les gens de service qui
échappent à la réglementation législative.
échappent à la réglementation législative.
L'hygiène et la durée du travail ne sont pas les seuls points sur
L'hygiène et la durée du travail ne sont pas les seuls points sur
lesquels se soit portée la protection du législateur. La loi intervient
lesquels se soit portée la protection du législateur. La loi intervient
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que le règlement soit envoyé à l'inspecteur, pour que celui-ci
que le règlement soit envoyé à l'inspecteur, pour que celui-ci
vérifie la légalité des clauses du texte et recueille les observations des
vérifie la légalité des clauses du texte et recueille les observations des
ouvriers; le règlement doit être affiché et la copie remise à l'ouvrier
ouvriers; le règlement doit être affiché et la copie remise à l'ouvrier;
les amendes sont soumises à certaines limitations et versées dans une
les amendes sont soumises à certaines limitations et versées dans une
caisse de secours.
caisse de secours.
La loi réglemente aussi très souvent le paiement des salaires; elle
La loi réglemente aussi très souvent le paiement des salaires; elle
prescrit le paiement par semaine ou par quinzaine, en dehors des
prescrit le paiement par semaine ou par quinzaine, en dehors des
cabarets; pour écarter le ~rMC/fsystem, elle impose le paiement en
cabarets; pour écarter le ''truck system'', elle impose le paiement en
monnaie courante, et n'autorise les retenues sur le salaire qu'en vertu
monnaie courante, et n'autorise les retenues sur le salaire qu'en vertu
de conventions écrites, pour des causes qu'elle spécifie limitativement.
de conventions écrites, pour des causes qu'elle spécifie limitativement.
Ligne 6 095 : Ligne 6 125 :
organise un contrôle public des poids et mesures qui doivent servir
organise un contrôle public des poids et mesures qui doivent servir
à déterminer la quantité des ouvrages exécutés.
à déterminer la quantité des ouvrages exécutés.
286 LES SYSTÈMES SOCIALISTES ET L'ÉVOLUTION ÉCONOMIQUE
 
Quant à la quotité des salaires, l'État, en général, n'agit sur eux
Quant à la quotité des salaires, l'État, en général, n'agit sur eux
que d'une manière indirecte, par les clauses insérées dans les marchés
que d'une manière indirecte, par les clauses insérées dans les marchés
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conclus par les unions industrielles; elles ont aussi donné la même
conclus par les unions industrielles; elles ont aussi donné la même
sanction aux décisions d'arbitrage qui tiennent lieu de contrat, et
sanction aux décisions d'arbitrage qui tiennent lieu de contrat, et
'i;nnsoti"tIu'téL~ ttnoumtf un scy:Hstcè-m~fe.à.rdne.n.1.rlè£agY'1leVm\oe.nntfsL. gn.éIn:lé.raux qui implique lLe.
institue tout un système de règlements généraux qui implique le minimum de salaires.
minimum de salaires'.
 
Toutes ces prescriptions sur l'hygiène et la sécurité, la durée
Toutes ces prescriptions sur l'hygiène et la sécurité, la durée
du travail, les règlements d'ateliers, etc., resteraient lettre morte, si
du travail, les règlements d'ateliers, etc., resteraient lettre morte, si
le législateur ne prenait soin d'établir en même temps un contrôle
le législateur ne prenait soin d'établir en même temps un contrôle
sérieux et des sanctions pénales pour leur exécution. Lep premières
sérieux et des sanctions pénales pour leur exécution. Les premières
lois ouvrières, en Angleterre et en France, furent inefficaces
lois ouvrières, en Angleterre et en France, furent inefficaces
faute d'un organe de contrôle, et la loi espagnole de 1900 le sera
faute d'un organe de contrôle, et la loi espagnole de 1900 le sera
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donne une sanction particulièrement énergique aux prescriptions
donne une sanction particulièrement énergique aux prescriptions
d'hygiène et de sécurité.
d'hygiène et de sécurité.
1. H est remarquable que l'arbitrage obligatoire, en Australie, s'impose à l'État
 
patron comme aux autres entrepreneurs; à la requête de l'Union des travailleurs
<ies chemins de fer, le surintendant, en cas de différend, doit se soumettre à la
juridiction de la Cour d'arbitrage et comparaitre devant elle.
L'ÉTAT ET LES MUNICIPALITÉS 287
En même temps qu'il protège le salarié dans son travail professionnel,
En même temps qu'il protège le salarié dans son travail professionnel,
l'État moderne lui assure des garanties pécuniaires contre
l'État moderne lui assure des garanties pécuniaires contre
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appelées à un développement dont nous ne voyons encore que le
appelées à un développement dont nous ne voyons encore que le
début.
début.
Assurer à l'ouvrier la réparation des accidents dont il est victime
Assurer à l'ouvrier la réparation des accidents dont il est victime
dans son travail, ranger le risque professionnel parmi les charges que
dans son travail, ranger le risque professionnel parmi les charges que
Ligne 6 154 : Ligne 6 181 :
industriels, sauf l'exception unique de la Suisse, ont adopté en
industriels, sauf l'exception unique de la Suisse, ont adopté en
cette matière quelques principes qui forment une sorte de droit
cette matière quelques principes qui forment une sorte de droit
commun universel les entrepreneurs sont responsables de tous les
commun universel: les entrepreneurs sont responsables de tous les
accidents professionnels, sauf le cas d'accident volontaire, et, dans
accidents professionnels, sauf le cas d'accident volontaire, et, dans
quelques pays, le cas de faute très grave de l'ouvrier; les patrons
quelques pays, le cas de faute très grave de l'ouvrier; les patrons
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en Angleterre et en Hongrie traitent aussi favorablement que les
en Angleterre et en Hongrie traitent aussi favorablement que les
ouvriers industriels; aussi le nombre des assurés en Allemagne
ouvriers industriels; aussi le nombre des assurés en Allemagne
dépasse-t-ii maintenant 19 millions de personnes. Enfin les ouvriers
dépasse-t-il maintenant 19 millions de personnes. Enfin les ouvriers
à domicile, si généralement dépourvus de garanties, sont visés
à domicile, si généralement dépourvus de garanties, sont visés
expressément par la loi anglaise, qui établit &leur profit la responsabilité
expressément par la loi anglaise, qui établit à leur profit la responsabilité
de l'employeur indirect par-dessus le sous-contractant.
de l'employeur indirect par-dessus le sous-contractant.
Sur le principe de l'assurance obligatoire, les législations sont
Sur le principe de l'assurance obligatoire, les législations sont
moins unanimes. Les patrons responsables ne sont obligés de s'assurer
moins unanimes. Les patrons responsables ne sont obligés de s'assurer
que dans quelques pays en Allemagne, où ils sont groupés &
que dans quelques pays en Allemagne, où ils sont groupés à
cet effet par corporations professionnelles; en Autriche, en Norwëge
cet effet par corporations professionnelles; en Autriche, en Norvège
et dans le Luxembourg, où ils sont groupés par corporations
et dans le Luxembourg, où ils sont groupés par corporations
régionales en Italie, en Hollande et en Finlande, où ils conservent
régionales en Italie, en Hollande et en Finlande, où ils conservent
288 LES SYSTÈMES SOCIALISTES ET L'ÉVOLUTION ÉCONOMIQUE
une certaine liberté dans le choix de l'organe d'assurance. En France,
une ce~rat,aine liberté dans le choix d'te lI'lorgane d'assurance. `En France,
en Belgique et en Suède, la loi donne aux salariés des garanties aussi
en Belgique et en Suéde, la loi donne aux salariés des garanties aussi
solides que celle de l'assurance obligatoire, en établissant un fonds
solides que celle de l'assurance obligatoire, en établissant un fonds
commun qui couvre les risques d'insolvabilité des débiteurs, et en
commun qui couvre les risques d'insolvabilité des débiteurs, et en
Ligne 6 187 : Ligne 6 214 :
au contraire, en Angleterre notamment, la loi n'établit aucun système
au contraire, en Angleterre notamment, la loi n'établit aucun système
de garantie.
de garantie.
Les autres assurances ouvrières sont beaucoup plus rares. L'assurance
Les autres assurances ouvrières sont beaucoup plus rares. L'assurance
publique contre le chômage n'a été essayée jusqu'ici que dans
publique contre le chômage n'a été essayée jusqu'ici que dans
quelques villes. L'échec de la caisse obligatoire de Saint-Gall, en 1890,
quelques villes. L'échec de la caisse obligatoire de Saint-Gall, en 1890,
a fait ressortir les difncultés particulières de l'assurance appliquée
a fait ressortir les difficultés particulières de l'assurance appliquée
au chômage; ces difficultés tiennent à la différence des risques, qui
au chômage; ces difficultés tiennent à la différence des risques, qui
varient suivant les professions et les individus, et surtout à la nature
varient suivant les professions et les individus, et surtout à la nature
même du risque, qui prête si facilement à la fraude du chômage
même du risque, qui prête si facilement à la fraude du chômage
volontaire. Aussi l'exemple ne s'est-il pas généralisé les seules caisses
volontaire. Aussi l'exemple ne s'est-il pas généralisé: les seules caisses
municipales aujourd'hui existantes, celles de Berne et de Cologne,
municipales aujourd'hui existantes, celles de Berne et de Cologne,
sont des caisses facultatives d'un fonctionnement très limité; elles
sont des caisses facultatives d'un fonctionnement très limité; elles
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contre le chômage; mais il est possible que l'Allemagne prenne
contre le chômage; mais il est possible que l'Allemagne prenne
un jour l'initiative, en rattachant cette assurance à l'une de celles
un jour l'initiative, en rattachant cette assurance à l'une de celles
qui sont déjà organisées chez elle'.
qui sont déjà organisées chez elle.
 
L'assurance obligatoire contre la maladie, introduite en Allemagne
L'assurance obligatoire contre la maladie, introduite en Allemagne
dès 1883, y a pris des développements successifs par le fait du législateur
dès 1883, y a pris des développements successifs par le fait du législateur
et même des autorités communales, qui ont reçu la faculté
et même des autorités communales, qui ont reçu la faculté
d'appliquer cette assurance aux salariés de l'agriculture, aux ouvriers
d'appliquer cette assurance aux salariés de l'agriculture, aux ouvriers
à domicile et à quelques autres. Aussi protège-t elle aujourd'hui
à domicile et à quelques autres. Aussi protège-t-elle aujourd'hui
plus de 9 millions de travailleurs, afuliés à diuérentes caisses (caisses
plus de 9 millions de travailleurs, affiliés à différentes caisses (caisses
libres, caisses d'établissement, caisses communales, etc.), et obligés
libres, caisses d'établissement, caisses communales, etc.), et obligés
par la loi d'en acquitter la cotisation pour les deux tiers, le troisième
par la loi d'en acquitter la cotisation pour les deux tiers, le troisième
1. Louis Variez, Les formes nouvelles de faMM'ancecontre le eMmcM, nousseau,
tiers restant à la charge des employeurs. Depuis l'initiative prise par
i903, in-12.
l'Allemagne, l'assurance obligatoire prise contre la maladie n'a été adoptée que par l'Autriche, la Hongrie et le Luxembourg; mais d'autres Etats, comme la Belgique et le Danemark, allouent des subventions aux sociétés et caisses privées de secours contre la maladie.
L'ÉTAT ET LES MUNICIPALITÉS sgj
L'assurance obligatoire contre l'invalidité et la vieillesse a eu moins de rayonnement encore. Etablie en Allemagne depuis 1889, elle y est organisée par grandes caisses régionales, et s'étend à près de 13 millions et demi de salariés de toutes catégorie; moyennant des contributions mises à la charge de l'Etat, des patrons et des assures, l'assurance donne droit à une pension qui, en 1902, ne dépasse guère en moyenne 187 à 191 francs par an, à l'âge de soixante-dix
j j.~ ~u~tji, cuu.a m jjma~iuliui]
ans ou en cas d'infimité prématurée.
LES SYSTÈMES SOCIALISTES. ~Q
 
'tiers restant à la charge des employeurs. Depuis l'initiative prise par
Cette vaste entreprise de l'Empire allemand est restée jusqu'ici isolée. Sans doute on rencontre aussi des pensions de vieillesse en Australie et en Nouvelle-Zélande; mais ces pensions sont servies aux seuls indigents, et bien que le taux en soit relativement élevé ( 450 ou 650 fr à partir de soixante-cinq ans ), l'Etat seul les supporte, sans contributions des intéressés. Ce n'est donc pas de l'assurance ouvrière comme en Allemagne; c'est plutôt de l'assurance généralisée comme au Danemark et en France.
q1ueAllpemaragln'Ae,utlr'iacshseu,ranclea Hoobnliggraiteoireet cloentLreuxelammboaulargd;ie nm'aaiésté da'daouptrteése
 
Etats, comme la Belgique et le Danemark, allouent des subventions
Mais, dans beaucoup d'autres pays, les ouvriers des mines sont spécialement favorisés par l'institution des caisses de secours et de retraites obligatoires. D'autres catégories de salariés, les gens de mer en France, les ouvriers agricoles en Hongrie, sont également assurés
.aux sociétés et caisses privées de secours contre la maladie.
d'une pension de retraite. Certains États, comme la Belgique, encouragent
L'assurance obligatoire contre l'invalidité et la vieillesse a eu
l'assurance facultative pour la vieillesse en majorant fortement les versements volontaires des assurés. Et plus généralement, on peut dire que la question des retraites des ouvriers est aujourd'hui posée un peu partout; des projets d'organisation sont en instance
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.lc'aosnsturribanuctieons donmnieses dàroilta càharugnee dpeenl'sÉitoant, dqeusi, paetnron1s902et, dnese adséspuarésss,e
guère en moyenne 187 à 191 francs par an, à l'âge de soixante-dix
'ans ou en cas d'innrmité prématurée.
isolCéee.tteSvanasstedoeuntetr,eporinserendcoentlr'Eempairuessi adlleesmapnednsioensst rdeestéveieilljeusssqeu'icein
Australie et en Nouvelle-Zélande mais ces pensions sont servies aux
,,lososiuasueénuveslr6siè5crc0ioenomdnfritmg.crioeebànmuttasmpi,uoaenrtDiereatnndebdemiAeesanllreisknmoqtiuéaxergaeenntsetsleee;é-nsc.tiaFnucqrx'aeCnsetceena.npn'lseus)sto,tôitt ld'Érodetnelaacttilv'apessamessiuseltnadtnleccsel'éaslseusvpugépréaonnré(ctre4ea,S-O
meMntaisf,avdoarinssés bepaaurcolu'inpstitduetiopnays, dleescaoiussversiersde dseescomuirnses etsodnet rseptércaiiateles-
«obligatoires. D'autres catégories de salariés, les gens de mer en
France, les ouvriers agricoles en Hongrie, sont également assurés
.d'une pension de retraite. Certains États, comme la Belgique, encouragent
l'assurance facultative pour la vieillesse en majorant forte,
monenpteultesdivreerseqmueenltas quveosltoinotnairedses dreestraaitsessuréso.uvrEiètrepslus esgténaéurjaoluermde'hnuti,
posée un peu partout; des projets d'organisation sont en instance
devant plusieurs Parlements, et, si des obstacles d'ordre financier
devant plusieurs Parlements, et, si des obstacles d'ordre financier
retardent encore la solution, du moins semble-t-il dès maintenant
retardent encore la solution, du moins semble-t-il dès maintenant
.que des majorités sont acquises au principe et disposées à le faire
que des majorités sont acquises au principe et disposées à le faire
triompher.
triompher.
En résumé, sur tous les points qui intéressent la condition des
En résumé, sur tous les points qui intéressent la condition des
salariés, nous observons de nos jours un courant législatif qui
salariés, nous observons de nos jours un courant législatif qui
gagne sans cesse en largeur et en profondeur. Nul pays de civilisa-
gagne sans cesse en largeur et en profondeur. Nul pays de civilisation n'a pu s'y soustraire; l'initiative d'une réforme est prise tantôt par un vieux pays comme l'Angleterre, l'Allemagne ou la France, tantôt par une nation jeune située aux antipodes; mais le mouvement ne tarde pas à se propager, sous la pression universelle de la démocratie qui grandit à côté du capitalisme; les gouvernements
oteiusotnlpariisFnerdauntscatenri,teôltlteanptaôrnt 'aupnaprvuieuunsx'ey npasatoiyuossntracjioerume;nmee sli'tliu'nAéitneiagtliaevuteexrrea,ndt'iuplno'Aedlelserméfaogmrnmaeies
<temouvement ne tarde pas à se propager, sous la pression univer890
LES SYSTÈMES SOCIALISTES ET L'ÉVOLUTION ÉCONOMIQUE
selle de la démocratie qui grandit à côté du capitalisme les gouvernements
et les majorités réfractaires sont entraînés à leur tour, et
et les majorités réfractaires sont entraînés à leur tour, et
les corporations les plus attachées au ~p, comme les 7'ra~c-
les corporations les plus attachées au ''self-help'', comme les ''Trade-Unions'' anglaises, se rallient elles-mêmes à la méthode de la contrainte
Unions anglaises, se rallient elles-mêmes à la méthode de la contrainte
législative, qui leur paraît plus expéditive et plus large dans
législative, qui leur paraît plus expéditive et plus large dans
ses effets que l'action des associations privées. Partout les prescriptions
ses effets que l'action des associations privées. Partout les prescriptions
se multiplient et se compliquent, s'appliquant à des objets
se multiplient et se compliquent, s'appliquant à des objets
nouveaux ou à des catégories nouvelles d'intéressés les moyens de
nouveaux ou à des catégories nouvelles d'intéressés; les moyens de
contrôle et les sanctions se fortifient; les actes épars, émis au jour le
contrôle et les sanctions se fortifient; les actes épars, émis au jour le
jour et sans vue d'ensemble suivant les besoins, se condensent en
jour et sans vue d'ensemble suivant les besoins, se condensent en
Ligne 6 268 : Ligne 6 279 :
travail de nuit des femmes dans l'industrie, tendent enfin à donner
travail de nuit des femmes dans l'industrie, tendent enfin à donner
aujourd'hui à la législation ouvrière le caractère international dont
aujourd'hui à la législation ouvrière le caractère international dont
elle a besoin'.
elle a besoin.
 
 
===Section 2. Exploitations de l'État.===
 
 
L'État moderne, si envahissant vis-à-vis de l'industrie privée par
ses mesures de réglementation et de contrôle, l'est-il au même degré
par ses entreprises directes ? Observe-t-on de nos jours une tendance
générale de l'État à se substituer aux particuliers dans les
entreprises industrielles et commerciales, pour les gérer au profit
de tous et attribuer à la collectivité les bénéfices capitalistes de leur
exploitation? Sur ce point comme sur les précédents, il s'agit beaucoup moins d'exposer l'état de choses actuel avec tous les développements
d'une étude spéciale, que de suivre le mouvement pour en
discerner les tendances.
 
Les exploitations de l'État forment certainement une masse
imposante dans tous les pays, même chez ceux qui ont le mieux respecté
l'intégrité de l'industrie privée. Mais on ne saurait rattacher
toutes ces entreprises à l'évolution contemporaine, pour conclure
à une attraction générale des sociétés civilisées vers le socialisme
d'État.
 
Bien au contraire, la plupart des exploitations publiques remontent
à une époque déjà ancienne ou même très éloignée, et n'ont été entreprises
par l'État que pour des causes fort étrangères aux préoccupations
démocratiques. Contemporaines de la formation des monarchies
centralisées, elles ont eu le même but que les mesures économiques
de l'ancienne politique mercantile : procurer des ressources au fisc
royal, accroître la richesse du prince pour subvenir aux besoins de
sa politique, ou resserrer les liens de la centralisation administrative
pour fortifier son autorité. Aussi les États dont le domaine industriel
et fiscal est le plus ancien et le plus vaste, les États comme la
Prusse et la Russie qui exploitent des mines, des carrières, des
salines et des usines, sont-ils ceux où le pouvoir monarchique s'est
exercé et maintenu avec le plus de force. Les monopoles fiscaux, en
particulier, présentent nettement ce caractère historique. Quelques-uns,
comme celui du sel, ont été abandonnés en France et en
Allemagne; d'autres, comme celui des tabacs et des allumettes chimiques
en France, celui de l'alcool en Russie, ont été institués
récemment; mais, dans ces diverses modifications, le seul intérêt
qui ait guidé les gouvernements et les Parlements a toujours été
celui du Trésor.
 
Toutefois, il est arrivé que, par la transformation politique qui
s'est opérée dans la plupart des Etats européens, des moyens fiscaux
créés dans le but exclusif de servir le pouvoir personnel et la
puissance militaire du prince sont devenus des sources de revenus
pour l'État démocratique. Du jour où la souveraineté s'est trouvée
déplacée, les ressources tirées des exploitations publiques ont été
mises à la disposition de la nation pour être appliquées à des besoins
collectifs. Distinction de pure forme, sans doute, si les entreprises
d'État n'ont toujours d'autre destination que de fournir des revenus
au Trésor, et si ces revenus ne reçoivent pas une affectation plus
démocratique qu'auparavant. Mais l'esprit change aussi quand le
pivot du pouvoir se déplace.
 
II est difficile d'attendre, d'une exploitation purement fiscale,
qu'elle poursuive un autre but que celui du rendement. Toutefois,
l'État moderne ne peut pas, dans la direction même de ses régies
financières, négliger complètement les intérêts du public et ceux du
personnel qu'il emploie. Ainsi les administrations publiques sont
obligées de tenir compte des revendications de leurs ouvriers dans
les manufactures de tabacs et d'allumettes chimiques. L'administration
prussienne des houillères fiscales de la Sarre a su, dans la crise
du charbon en 1900, maintenir des prix modérés, et protéger le
public contre les exigences des intermédiaires; elle a conservé une
production régulière, pour ne pas être obligée plus tard d'abaisser
les salaires et de renvoyer des ouvriers. Il est même un monopole
récent, celui de l'alcool, que la Suisse parait avoir établi autant
dans l'intérêt des consommateurs et de la santé publique que dans
celui du Trésor.
 
La transformation du point de vue est surtout sensible dans le
service des postes. Si l'État s'en est chargé dès l'antiquité et le
moyen âge, c'était uniquement, à l'origine, pour assurer les relations
du pouvoir central avec les autorités locales et fortifier la centralisation
administrative; et si maintenant encore l'État se réserve
le monopole des postes, s'il l'étend aux télégraphes et téléphones,
rachetant partout, sauf aux États-Unis, les lignes qui ont pu être
établies par l'industrie privée, c'est bien toujours pour rester le
maître de ses communications; cet objectif est certainement celui
qui domine les puissances maritimes, dans leur hâte à placer les
câbles sous-marins sous leur contrôle. Néanmoins, le but principal
de l'exploitation par l'État est aujourd'hui de procurer au public la
sécurité et la régularité des correspondances, et d'assurer le fonctionnement
d'un service essentiel sur tous les points du territoire,
jusque dans les régions où il est le moins rémunérateur.
 
Le même souci des intérêts généraux guide l'État dans la construction
des voies de communication. Les routes romaines étaient des
moyens de conquête et de domination; les routes modernes, tout en
conservant leur intérêt stratégique, sont faites principalement dans
l'intérêt du public. L'État s'impose de lourdes charges pour multiplier
les routes, les ponts, les canaux de navigation, les ports et les
phares; il rachète les voies de communication quand il ne les a pas
construites lui-même, de manière à affranchir le public de tout
péage.
 
C'est surtout en matière d'exploitation des voies ferrées que le système
de la régie par l'État a pris une extension considérable dans ces
trente dernières années. A vrai dire, les raisons d'ordre stratégique,
politique et financier ont été bien souvent les raisons déterminantes
de cette politique. Il n'en est pas moins vrai que l'État s'est proposé
en même temps d'améliorer le service, sans se laisser arrêter comme
une compagnie privée, par le souci des dividendes; il a voulu disposer
des tarifs dans un intérêt général, et protéger le public contre des prix
de monopole ou des tarifs différentiels altérant les conditions de la
concurrence. A l'heure actuelle, en dehors de l'Angleterre et des États-
Unis, qui ont gardé un régime de liberté, en dehors de la France, qui
a établi un contrôle rigoureux sur l'exploitation des compagnies,
on ne rencontre guère l'exploitation par l'industrie privée que dans
les États pauvres, qui sont obligés de remettre à des capitalistes
étrangers la construction de leurs réseaux. Certains États ont toujours
possédé leurs lignes; ailleurs, la proportion des lignes exploitées par l'État s'est élevée depuis trente ans d'une façon continue,
tant par des rachats que par des constructions neuves.
 
Dans ses entreprises financières plus encore que dans ses entreprises
industrielles, l'État moderne se montre progressif en vue de
servir les intérêts particuliers de ses membres. Si la Banque impériale
de Russie peut être citée comme une institution créée dans
un but de gouvernement pour servir d'auxiliaire au Trésor public,
les établissements financiers des autres États européens sont bien
plutôt destinés à rendre des services au public. Partout on trouve des
caisses publiques de dépôt et d'épargne, qui se chargent de recevoir
les plus petites sommes pour encourager l'épargne populaire; beaucoup
de ces caisses, à l'étranger, cherchent à développer la richesse
du pays en consacrant une partie de leurs capitaux à des prêts hypothécaires
et commerciaux. La Caisse d'épargne postale de l'Empire
d'Autriche a même organisé tout un service de chèques et de compensations
la Caisse centrale des associations coopératives agricoles
et la ''Seehandlung'', en Prusse, sont de véritables banques d'État.
 
L'État moderne n'est pas seulement industriel, exploitant de mines,
entrepreneur de transports et banquier; depuis quelques années, il
s'est fait assureur. Dans les pays d'assurances ouvrières obligatoires,
cette fonction a pris naturellement une grande importance; là, les
diverses caisses d'assurances contre les accidents, la maladie, l'invalidité
et la vieillesse sont des institutions publiques organisées par
l'État, ou au moins contrôlées par lui et soumises à un régime très
centralisé. C'est ainsi qu'en Allemagne les établissements d'assurance
pour l'invalidité et la vieillesse sont des organes propres de l'État; et
comme ils emploient une grande partie de leurs énormes ressources
en constructions ouvrières, hôpitaux, sanatoriums populaires et autres
affectations d'utilité publique, le domaine des oeuvres collectives
s'étend par leur fait dans une double direction. Dans les pays où les
assurances ouvrières sont facultatives, l'assurance par l'État n'a pu
prendre un pareil développement; cependant, la plupart des États
ont institué des caisses nationales d'assurances, de prévoyance et de
retraites; d'autres, comme la Belgique, ont annexé ce service à la
Caisse nationale d'épargne déjà existante.
 
Il existe même certains pays dans lesquels l'assurance contre l'incendie
est un service géré par l'Etat, les provinces ou les villes;
parfois l'assurance est obligatoire pour les immeubles, et la caisse
publique est investie d'un monopole. Ces institutions, il est vrai,
sont la plupart fort anciennes; quelques-unes remontent au XVIIIème siècle:
mais leur importance s'est beaucoup accrue dans ces derniers
temps. C'est ainsi qu'en Allemagne les capitaux assurés par les
caisses publiques d'assurance immobilière, de 13 milliards de francs
en 1836, se sont élevés à 70 milliards en 1903. Des institutions analogues
se rencontrent en Autriche, en Suisse, en Russie et dans les
États scandinaves.
 
Les exploitations d'État ont donc une tendance générale à s'exercer
pour la satisfaction des besoins du public, et sur certains points,
télégraphes et téléphones, chemins de fer, caisses de dépôts, caisses
d'assurances, à prendre une importance croissante dans l'organisation
économique. Jusqu'ici, il est vrai, l'État n'a pas étendu son
domaine industriel en dehors des transports; mais on sait que, dans
certains pays, il existe un parti puissant qui le pousse non seulement
à racheter les voies ferrées, mais même à se charger de l'exploitation
des mines, à exercer le monopole de l'alcool, celui du raffinage du
sucre et du pétrole, et d'autres encore.
 
L'État hésite cependant à s'engager dans cette voie, dont il n'ignore
pas les périls. Il a si bien conscience des inconvénients de l'exploitation
en régie, que parfois il cherche à se limiter lui-même en séparant
du gouvernement politique la gestion économique de ses propres
établissements. Dans ce but, il donne à ses entreprises une
autonomie administrative et financière plus ou moins complète; il
leur confère la personnalité, les dote d'une administration indépendante,
soustraite aux influences politiques, et leur attribue un budget
distinct dont les excédents seuls sont versés au budget général, afin
qu'elles puissent pratiquer un amortissement régulier et étendre leurs
dépenses suivant les nécessités industrielles. Quelques-uns de ces
traits se rencontrent dans l'organisation du réseau d'État français;
on les trouve mieux encore dans le fonctionnement des diverses
caisses publiques de dépôts et d'assurances à l'étranger.
 
Enfin l'État, lorsqu'il cède à une compagnie privée l'exercice d'un
monopole, peut se réserver, en certaines circonstances, non pas un
simple droit de contrôle, mais une part effective dans l'administration
et même dans les produits. C'est ainsi que la Hollande, après
avoir racheté ses voies ferrées, les a données en location à des compagnies
fermières moyennant une part des recettes brutes; l'Italie a
longtemps pratiqué le même système. Dans des situations différentes,
vis-à-vis des compagnies de chemins de fer en France, vis-à-vis des
Banques nationales d'émission en Allemagne, en France, en Belgique,
en Italie, l'État s'est réservé une quote-part des bénéfices. Ce régime
mixte se rapproche de l'exploitation par l'État, sans permettre aucune
confusion des deux domaines politique et économique; la société
fermière peut être considérée comme préposée à un service public
qu'elle gère pour le compte de l'État et sous son contrôle, en retenant
pour la rémunération de ses services une partie des produits.
 
 
===Section 3. Exploitations des municipalités.===
 
 
Les villes modernes, plus libres dans leurs allures, se montrent
aussi plus entreprenantes que l'État.
 
Les services publics qui relèvent des municipalités, notamment
l'enseignement et l'assistance, se sont largement développés de nos
jours. Dans toutes les villes, les écoles et les divers établissements
de culture scientifique et artistique se sont multipliés en même temps
que les hôpitaux, crèches, asiles, fourneaux économiques, vestiaires
et cantines scolaires institués par les municipalités. Les services de
l'hygiène et de la voirie ont pris une importance considérable; les
villes se sont donné un outillage en rapport avec les nouveaux
besoins de la civilisation, elles ont édifié des quais, docks, marchés,
égouts, abattoirs, bains et lavoirs, théâtres, etc., et elles en tirent un
revenu important; les villes anglaises elles-mêmes, qui avaient si
longtemps abandonné ces divers ouvrages à l'initiative privée, sont
entrées largement, depuis quelques années, dans la voie de leur
municipalisation. Enfin les villes ont créé, dans ces derniers temps,
diverses institutions en faveur des classes ouvrières, non seulement
des caisses d'épargne municipales et des monts-de-piété, mais aussi
des caisses de chômage municipales, comme à Berne et à Cologne,
et des bureaux de placement municipaux, très nombreux en Suisse
et surtout en Allemagne, où ils sont dirigés par les représentants des
patrons et des ouvriers, et reliés entre eux sur toute la surface du
pays. D'autres villes, sans gérer elles mêmes ces services, allouent
des subsides aux syndicats ouvriers pour grossir leurs secours de chômage
(système de Gand), ou soutiennent les Bourses du travail
en leur fournissant un local et des subventions (municipalités françaises).
La ville de Vienne a même institué une Caisse municipale de
retraites et d'assurances sur la vie, et certaines grandes villes, en
Allemagne et ailleurs, possèdent des caisses publiques d'assurances
contre l'incendie.
 
Mais l'effort principal des municipalités s'est tourné, depuis une
dizaine d'années, vers les exploitations industrielles lucratives. Jusqu'ici
la France, comme la Belgique, est restée en dehors du mouvement
ailleurs, au contraire, le socialisme municipal a fait d'immenses
progrès, principalement en Angleterre, aux États-Unis, en Allemagne,
en Autriche-Hongrie, en Suisse et en Italie. Sans doute les exploitations
municipales ne sont pas un fait absolument nouveau, et l'on
pourrait en citer quelques-unes, parmi les exploitations d'eau et de
gaz, qui remontent au milieu du XIXème siècle mais la municipalisation
de ces entreprises ne s'est généralisée que tout récemment.
 
Les exploitations municipales les plus nombreuses concernent des services
qui tournent naturellement au monopole; ce sont en effet
des services qui empruntent le sol de la voie publique, eaux, gaz,
lumière électrique, tramways. Aujourd'hui, beaucoup de villes, surtout
parmi les plus importantes, étendent le domaine municipal
dans cette direction; elles rachètent les concessions faites à des
compagnies privées, ou bien elles exécutent elles-mêmes les ouvrages
pour les exploiter en régie. Il leur semble que des monopoles d'un
caractère aussi essentiellement public, intéressant la généralité des
habitants, doivent être gérés dans l'intérêt de tous, et que les bénéfices
qui en résultent doivent profiter à tous. En se chargeant elles-mêmes
de leur exploitation, elles visent à étendre et perfectionner le service,
à améliorer la situation du personnel, à diminuer les tarifs
plutôt qu'à réaliser des bénéfices; néanmoins, certaines villes conservent
des tarifs assez élevés pour tirer de ces exploitations des
profits importants, qui sont consacrés aux dépenses locales ou affectés
à des dégrèvements d'impôts.
 
Naturellement, les villes qui se sont chargées de ces entreprises
ont accru leurs dettes dans de fortes proportions. C'est là un danger pour
celles qui n'établissent pas une comptabilité régulière et distincte
permettant d'apprécier si les recettes de l'entreprise couvrent
entièrement ses charges, y compris l'intérêt et l'amortissement du
capital de premier établissement; mais il en est d'autres, principalement
en Angleterre, qui ne commettent pas cette faute et qui pourvoient
à un amortissement régulier. Dans beaucoup de villes
anglaises, les régies municipales sont confiées à des organes distincts, à des spécialistes qui exercent leurs pouvoirs d'une façon
indépendante, sous le contrôle du conseil municipal; le budget et les
comptes de ces entreprises sont dressés à part et restent nettement
séparés du budget municipal. Telle est également l'organisation
prescrite par la loi italienne sur la régie directe des services publics
par les municipalités.
 
Les premières entreprises municipales ont été les entreprises d'eaux,
et ce sont encore aujourd'hui les plus nombreuses; essentielles à
la santé publique, elles sont en effet relativement simples à gérer.
En Angleterre, les grandes villes qui, comme Londres jusqu'en 1904,
laissent ce service à une compagnie concessionnaire, sont une rare
exception. Certaines villes, Manchester, Birmingham, Liverpool,
Glasgow, ont dépensé pour leur alimentation d'eau des sommes considérables,
variant de 100 à 175 millions de francs, et l'on calcule que
le capital employé par les 1045 villes anglaises où la régie est pratiquée
s'élève à plus de 1 700 millions. Aux États-Unis, la municipalisation
des eaux est plus avancée encore; 1 800 localités exploitent elles-mêmes
ce service, pour lequel elles ont dépensé plus de 2 500 millions
de francs. Partout ailleurs, en Allemagne, en Italie, en Suisse,
en Russie, au Canada, en Australie, et même en France, le système
de la régie est très fréquent.
 
La municipalisation du gaz, bien que datant du milieu du
XIXème siècle dans certaines grandes villes d'Allemagne, de Suisse et
des pays scandinaves, est généralement postérieure à celle de l'eau;
l'exploitation du gaz, en effet, comporte des achats de houille et des
ventes de sous-produits qui lui donnent un caractère plus nettement
commercial. Mais aujourd'hui, en Angleterre, les entreprises municipales
de gaz se rencontrent dans 256 villes; elles ont coûté près de
900 millions de francs, donnent un profit net de 60 millions, et, sans
avoir encore la même importance que les entreprises des compagnies
concessionnaires, elles alimentent une clientèle de consommateurs
presque aussi considérable. Manchester, qui a dépensé pour ce service,
depuis 1843, un capital de 59 millions de francs amorti pour
plus de moitié, en retire un bénéfice annuel de plus de 3 millions,
après avoir pourvu à toutes les charges. En dehors de l'Angleterre,
la régie municipale du gaz existe aussi aux États-Unis et dans beaucoup
de villes du continent européen, principalement en Allemagne,
où l'on compte 41 régies municipales le bénéfice net est de 4,2 millions
de francs à Hambourg, 3,4 millions à Berlin, 1,2 a 3,5 millions
à Dresde et Cologne. D'autres régies se rencontrent encore en Hollande,
en Suède, en Autriche-Hongrie, en Suisse, en Italie. Les villes
italiennes ont su utiliser à cet effet les ressources que les institutions
d'épargne et de coopération mettaient à leur disposition.
 
Après l'eau et le gaz, les villes ont entrepris de fournir la lumière
électrique. Actuellement, les entreprises municipales de cette nature
sont deux fois plus nombreuses en Angleterre que les entreprises
privées; elles ont coûté 750 millions de francs environ; des villes
comme Glasgow, Liverpool, Manchester ont dépensé dans ce but un
capital de 2 et demi à 4 millions de francs. On compte 333 entreprises
de ce genre en Angleterre, 460 aux États-Unis, 36 en Allemagne,
d'autres encore en Italie et surtout en Suisse, où les moindres localités peuvent se procurer la force à bon marché.
 
Puis les villes anglaises, et quelques villes du continent ont municipalisé
leurs tramways. Les entreprises de tramways exploitées par
les municipalités sont au nombre de 86 en Angleterre; elles ont
coûté plus de 500 millions de francs elles égalent à peu près les
entreprises privées en nombre et en importance et progressent
chaque année à ces deux points de vue. Glasgow, qui a dépensé plus
de 50 millions de francs pour ses tramways, en retire un bénéfice
annuel de 6 millions, qu'elle consacre presque en entier à l'amortissement.
 
Aujourd'hui, il semble que ces municipalisations de monopoles ne
suffisent plus aux administrations urbaines. Les villes sont entraînées
vers de nouvelles entreprises par d'autres préoccupations,
principalement par celle de l'hygiène publique.
 
Certains quartiers des grandes villes, où s'entasse une population
misérable, sont un danger permanent pour la santé publique; chez
les peuples civilisés qui savent le mieux apprécier la valeur de la
vie humaine, les autorités locales ne se contentent pas de posséder
des pouvoirs pour l'assainissement des logements insalubres, elles
en usent effectivement. Mais il ne suffit pas non plus de raser des
quartiers malsains et encombrés; le remède serait pire que le mal,
si la population déplacée s'entassait dans d'autres taudis plus sordides
encore. Le législateur anglais l'a compris; en 1890, il a prescrit
aux autorités municipales de reconstruire après avoir démoli. Ce fut
là, pour les villes anglaises, un énergique encouragement à se
charger elles-mêmes des constructions ouvrières. A Londres, où le
mal est plus grand que partout ailleurs, où 250 000 personnes logent
à raison d'une chambre par famille, le Conseil de comté a entrepris
une oeuvre considérable; il a transformé un quartier tout entier,
dépensant 32 millions de francs pour les reconstructions, fournissant
des logements à une population de 20000 personnes, et projetant
d'en loger bientôt 80 000; bientôt s'élèvera dans la banlieue une
ville de 6000 cottages pour 42000 habitants, que le Conseil aura
créée de toutes pièces en y affectant une somme de 75 millions de
francs. Glasgow, Manchester, Birmingham, d'autres encore, au
nombre d'une soixantaine, ont suivi l'exemple, et certaines villes
d'Allemagne, de Suisse et d'Italie se sont engagées dans la même voie.
Efforts souvent mal dirigés, qui réussissent rarement à replacer la
population la plus pauvre expulsée des logements démolis mais les
tâtonnements ne sont-ils pas inévitables au début de cette oeuvre
difficile, l'une des plus urgentes de notre temps ? L'expérience conduira
nécessairement les villes à entreprendre des constructions
moins coûteuses pour atteindre leur but, et déjà Birmingham peut
offrir des logements à prix réduits. Quelques villes entretiennent
même des maisons de refuge, des lodging houses, pour y abriter la
population flottante.
 
Dans le même but d'hygiène, et afin de diminuer la mortalité
infantile, certaines villes anglaises ont entrepris de vendre du lait
stérilisé. Sur cette pente, il est facile d'aller plus loin. Pourquoi les
villes ne se chargeraient-elles pas de vendre des denrées de première
nécessité, afin de fournir à la population pauvre des aliments sains
à juste prix? En fait, les boulangeries municipales sont déjà nombreuses
en Italie; il existe même, dans ce pays, quelques boucheries
et pharmacies municipales. Aussi les villes anglaises sont-elles sollicitées
aujourd'hui d'étendre leurs services à la vente des denrées alimentaires,
et de municipaliser les débits de boissons dans un but d'hygiène.
 
A côté de ces villes entreprenantes, il faut signaler aussi celles qui,
reculant devant les responsabilités de la régie directe, adoptent de
préférence le régime mixte du bail à ferme ou de la régie intéressée,
comme l'État le fait lui-même dans certains cas. En Angleterre et sur
le continent, des entreprises de gaz et de tramways sont affermées en
assez grand nombre à des compagnies privées, qui exploitent sous le
contrôle de la ville et lui cèdent une part plus ou moins forte des
produits bruts ou des bénéfices, suivant la part que la ville a prise elle-même
aux dépenses d'établissement. Des capitales comme Londres,
Paris et Berlin ont eu recours à ce système pour une partie de leur
réseau de tramways ou pour leur Métropolitain. Quant aux constructions
de logements ouvriers, bien des villes, au lieu de les entreprendre
elles-mêmes, se contentent de venir en aide à l'initiative
privée, soit en allouant des terrains à titre de propriété ou d'emphytéose,
des subventions et des garanties d'intérêts aux sociétés qui se
chargent de cette entreprise sans esprit de spéculation, soit en instituant
à leur profit des caisses de prêts hypothécaires.
 
Sous une forme ou sous une autre, les autorités municipales étendent
donc leur rôle économique; les villes qui municipalisent les
monopoles sont chaque année plus nombreuses, les fonctions dont
elles se chargent deviennent plus importantes et plus variées. Quel
que soit le jugement que l'on porte sur cet envahissement du domaine
économique par les municipalités, il faut noter le fait parmi les
plus significatifs; le socialisme municipal fait partie intégrante
de l'évolution contemporaine comme la concentration industrielle,
les trusts, la coopération, les associations agricoles, les syndicats
professionnels et la législation ouvrière; il contribue, lui aussi et
pour sa part, à faire pénétrer plus de communauté dans nos sociétés
individualistes et à leur donner une physionomie nouvelle.
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