Différences entre les versions de « Les systèmes socialistes et l'évolution économique - Deuxième partie : Les faits. L’évolution économique - Livre III : Le développement des formes d’organisation économique à l’époque contemporaine »

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le paysan français à la fin du règne de Louis XIV ou le paysan macédonien
le paysan français à la fin du règne de Louis XIV ou le paysan macédonien
de nos jours. Une cause ne gagne rien à ces excès de zèle.
de nos jours. Une cause ne gagne rien à ces excès de zèle.
§ 3. Mouvements de la propriété rurale.
La question des exploitations agricoles soulève incidemment celle
de la répartition de la propriété rurale, qui lui touche de près. La propriété rurale est-elle entrée en agonie, comme on l'a quelquefois
affirmé? S'il n'existe pas de tendance appréciable à la concentration
des entreprises en agriculture, il serait assez singulier qu'il y eût une
tendance à la constitution de vastes domaines territoriaux par le jeu
des lois immanentes de la production capitaliste. Bien que l'existence
de la grande propriété soit compatible avec le morcellement des fermes,
il est difficile de voir, dans la stabilité des petites exploitations
rurales, une circonstance favorable à l'extension de la grande propriété.
En fait, il ne semble pas que la grande propriété fasse des progrès.
Les renseignements dont nous pouvons disposer à cet égard sont très
insuffisants; à défaut de statistiques directes de là propriété, qui sont
rares et incertaines, il faut généralement se contenter des indices
fournis par les cotes foncières, qui sont plus nombreuses que les
propriétaires, et qui s'appliquent au sol des propriétés bâties comme
aux propriétés rurales. Ces indices, en général, ne confirment pas
l'hypothèse d'une concentration de la propriété.
En Belgique, le chiffre des cotes foncières s'accroît régulièrement.
Au Danemark, les petites propriétés se multiplient, tandis que le
nombre des grandes propriétés reste à peu près stationnaire. En
Autriche, le nombre total de propriétaires augmente sensiblement, de sorte que la surface moyenne des propriétés individuelles est en
décroissance. En Prusse, où l'importance respective des différentes
classes de propriétés reste assez stable, le changement le plus appréciable,
depuis 1878, consiste dans un accroissement de la petite
propriété (revenu inférieur à 100 thalers), en nombre et en surface
occupée (augmentation de 300 000 hect., soit de 11 p. 100). Il n'y a
guère que la France où l'on puisse, à divers signes, reconnaître un
certain recul de la petite propriété. Encore la diminution semblet-
elle porter sur la propriété parcellaire plutôt que sur la propriété
paysanne proprement dite; et la grande propriété, si elle en profite
partiellement, ne paraît cependant pas faire de notables progrès.
Mais le capitalisme, s'il n'attaque pas directement la propriété
paysanne, ne vient-il pas la miner sous la forme insidieuse de
l'hypothèque, qui ne laisse au propriétaire qu'une apparence de propriété,
une enveloppe creuse dont la substance est absorbée par le
créancier? Dans l'état actuel des statistiques hypothécaires, il est
plus difficile encore de répondre à cette question qu'à la précédente.
Il est rare que nous connaissions, pour un pays, la situation réelle
de la dette hypothécaire, dégagée des éléments factices qui l'obscurcissent
plus rare encore que nous puissions apprécier, dans le total,
la charge respective de la propriété urbaine, de la grande et de la
petite propriété rurale. Sur ce point essentiel, nous ne sommes
presque jamais renseignés. Nous savons approximativement qu'en
France la dette hypothécaire est, au total, relativement faible
(10 p. 100 peut-être de la valeur de la propriété), et ne paraît pas
augmenter; qu'en Allemagne, en Autriche-Hongrie, en Hollande, en
Italie, elle ne cesse de s'accroître. Mais dans quelle mesure la petite
propriété participe-t-elle à ce mouvement? Nous ne le savons guère
que pour la Prusse; la charge hypothécaire y est plus lourde dans
la catégorie inférieure des domaines ayant moins de 112 fr. 50 de revenu que dans les autres, mais elle s'accroît moins rapidement
dans cette catégorie inférieure que dans les catégories moyennes de
113 fr. 50 à 1 875 francs de revenu. Ce mouvement paraît d'ailleurs
imputable à la propriété urbaine bien plutôt qu'à la propriété rurale,
car, dans les villes, l'accroissement annuel des hypothèques est trois
ou quatre fois plus considérable que dans les campagnes, à cause de
la hausse rapide de la rente urbaine et des spéculations sur la propreté
bâtie. Partout ailleurs qu'en Prusse, nous en sommes réduits
aux conjectures. Mais il est permis de penser que le paysan propriétaire,
obligé de recourir au crédit pour faire de la culture intensive,
est moins opprimé que jadis par l'usure hypothécaire, depuis qu'il sait
pratiquer le crédit coopératif dans les caisses rurales.
Lors même que la petite propriété serait lourdement grevée, on ne
saurait considérer la charge qui pèse sur elle comme un signe de
concentration capitaliste. On a fait observer, avec beaucoup de
raison, que la plupart des dettes hypothécaires qui grèvent la petite
propriété rurale ont pour origine, dans les pays neufs, un emprunt
qui a procuré au cultivateur le capital d'exploitation, et, dans les
autres pays, un acte d'achat ou de partage qui lui a procuré la terre
elle-même. Bien souvent, la dette hypothécaire est la condition même
de l'accès à la propriété, pour de nouvelles couches de paysans propriétaires
qui remplacent les anciennes; aussi ces charges ont-elles
leur contre-partie dans des créances qui appartiennent elles-mêmes à
d'autres paysans en qualité de vendeurs ou de cohéritiers. Envisagée
sous cet aspect, au point de vue actif, la dette hypothécaire, loin
d'être un instrument ou un signe de concentration, se montre disseminée
dans un grand nombre de patrimoines. Cette diffusion est
encore accentuée dans les pays, très nombreux aujourd'hui, où les
caisses d'épargne peuvent placer une partie importante de leurs
dépôts et de leur avoir en prêts hypothécaires; là, une grande
partie de la dette hypothécaire pesant sur la propriété paysanne, en
dehors de celle qui a pour origine un achat ou un partage, forme le
gage de milliers de déposants.
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