Différences entre les versions de « Les systèmes socialistes et l'évolution économique - Deuxième partie : Les faits. L’évolution économique - Livre III : Le développement des formes d’organisation économique à l’époque contemporaine »

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et de la Belgique, le crédit coopératif joue un rôle insignifiant dans
et de la Belgique, le crédit coopératif joue un rôle insignifiant dans
la petite industrie et le petit commerce.
la petite industrie et le petit commerce.
===Section 3. Relations entres les différentes branches de la coopération.===
Quelque incomplet que soit le tableau qui vient d'être présenté, il
permet de jeter un coup d'oeil d'ensemble sur le mouvement coopératif.
La coopération ne rencontre pas partout un terrain favorable;
certaines couches de la population y sont réfractaires, certains pays
y restent encore étrangers, et ceux mêmes qui marchent à la tête du
mouvement pour certaines formes de la coopération restent en
arrière pour d'autres. Mais que de résultats obtenus, surtout depuis
vingt ans! Quelle puissance de vie chez ces associations, dans les
pays où elles ont atteint leur plus haut développement! En Angleterre,
ce sont les sociétés de consommation, les Building Societies,
les Friendly Societies; aux États-Unis, les Building Societies; en
Allemagne et en Autriche, les caisses rurales; en Italie, les banques
populaires; en France, les syndicats agricoles d'achat; au Danemark,
les laiteries coopératives; en Suisse, les syndicats d'élevage; en Belgique,
les sociétés de tout genre, urbaines et rurales. Chaque pays,
suivant le caractère propre de ses habitants et la nature de ses
productions, donne l'exemple aux autres dans l'une des branches
da la coopération. Et partout, ce sont les individualités les plus
faibles, au moins dans les classes placées au-dessus du niveau de la
misère, qui recourent à l'association, parce qu'elles comprennent,
mieux tous les jours la vérité du vieil adage. Les associations, à leur tour,
le comprennent comme les individus; elles se fédèrent suivant
leurs affinités pour accroître leur puissance économique.
Mais ce n'est pas tout de former des liens fédératifs entre sociétés
coopératives du même genre; il est aussi important d'en établir entre
les différentes branches de la coopération, et même entre les coopératives,
mutualités, caisses d'épargne et syndicats professionnels. Le
mouvement en ce sens est plus ou moins avancé suivant les pays :
il est intéressant d'en noter les symptômes, fussent-ils encore peu
accentués, parce que ces premières ébauches d'un régime fédératif
complexe sont peut-être grosses d'avenir.
Dans la forme la plus simple, l'union des différents modes coopératifs
se réalise lorsqu'une société se charge de plusieurs services
mutuels. Ainsi les syndicats agricoles français, dont le but essentiel
est l'achat en commun des matières nécessaires à l'agriculture, organisent
aussi parfois des services de crédit agricole, d'assurance
mutuelle contre les maladies du bétail, d'assistance mutuelle en cas
de maladie. En Allemagne, beaucoup de caisses rurales se chargent
des achats et ventes collectifs pour leurs membres, les sociétés pour la
vente du blé distribuent le crédit agricole, etc.
D'autre part, il est très fréquent que les associations d'une certaine
catégorie provoquent, par leurs encouragements et leur concours financier,
la création de coopératives d'une autre sorte. Ainsi, dans les
pays où les caisses rurales ont pris une grande importance, c'est elles
qui forment la base de toutes les autres sociétés agricoles; avec les
dépôts dont elles ne trouvent pas l'emploi dans leurs opérations de
crédit ordinaire, elles organisent et créditent d'autres coopératives,
sociétés d'achat et de vente, syndicats pour l'usage des machines
agricoles, magasins de blé, laiteries, caves coopératives. Ailleurs, où
les syndicats agricoles ont été la première forme de l'association
rurale, c'est eux qui ont créé des sociétés distinctes de crédit et d'assurance
tel est le cas pour la France. De même, les sociétés de consommation
anglaises emploient une grande partie de leurs fonds dans d'autres sociétés coopératives, de construction et de production;
elles possèdent ainsi les deux cinquièmes du capital des sociétés
indépendantes de production. Dans certaines villes du continent, les
syndicats ouvriers sont l'assise sur laquelle reposent les sociétés de
consommation; les syndicats fondent des magasins coopératifs, leur procurent
la clientèle, et les chargent de gérer certains services syndicaux
comme l'assistance en cas de maladie et de chômage (Union
ouvrière d'Amiens).
L'Italie a su établir entre les diverses branches de la coopération,
de l'épargne et de la mutualité des liens multiples et entre-croisés.
Là, les caisses d'épargne et les sociétés de consommation fournissent
des capitaux aux banques populaires; les sociétés de secours mutuels
fondent aussi des banques populaires et autres coopératives; les
caisses rurales et banques populaires, à leur tour, contribuent,
comme les caisses d'épargne et autres sociétés, à créditer les coopératives
de production agricoles et industrielles et les sociétés de construction;
toutes ces institutions, par des encouragements, des avances
et des escomptes, se prêtent un mutuel appui, parce qu'elles poursuivent
en commun le double but d'améliorer la condition des travailleurs
au moyen de l'association, et d'employer les épargnes locales
dans la région où elles ont été recueillies.
En Allemagne, ces relations entre coopératives de diverses sortes
sont d'autant plus étroites que les grandes Unions sont composées de
sociétés de toute espèce. Ainsi l'union générale des sociétés Schulze-Delitzsch, qui a un caractère plutôt urbain que rural, compte à la fois
des banques populaires, des sociétés de consommation, des sociétés
de construction et quelques autres, au total près de 1 500 sociétés,
qui se fournissent naturellement une aide réciproque. Dans l'ordre
agricole, depuis la fusion des grandes Unions de Neuwied et de
Darmstadt en 1905, le Reichsverband comprend 16 000 sociétés coopératives
de toute nature avec 1 400 000 membres; des milliers de
caisses rurales, sociétés d'achat et de vente, laiteries et autres coopératives
agricoles, groupées dans cette immense fédération, sont en
rapports réguliers les unes avec les autres et se soutiennent mutuellement.
II en est de même en Autriche, où 3 600 sociétés agricoles,
groupées en unions par nationalité, se trouvent réunies dans l'Union
générale des sociétés coopératives agricoles. C'est ainsi encore que
l'Union des sociétés agricoles de la Suisse orientale comprend à la
fois des syndicats agricoles et des sociétés de consommation, de sorte
que son magasin de gros de Winterthur fournit autant de denrées et
articles de ménage que de semences et engrais.
Mêmes groupements composites en Belgique. Chez les populations
urbaines, les organisations socialistes et catholiques présentent
toutes ce caractère d'amalgamation complexe. Les fédérations régionales
socialistes, dont la Fédération ouvrière gantoise est le type,
relient entre elles toutes les institutions coopératives, mutualistes,
syndicales et autres du parti socialiste dans une ville ou une région.
Les gildes locales catholiques ont une constitution analogue, et la
grande Ligue démocratique belge, qui compte 115 000 membres, se
compose de 700 sociétés catholiques de tout genre. Pour les populations
rurales, la Ligue des paysans de Louvain et les autres fédérations
agricoles régionales réunissent des gildes rurales ou sociétés
d'achat, des caisses rurales, des laiteries coopératives, des sociétés d'assurance
contre la mortalité du bétail, des syndicats d'élevage, etc.;
elles ont institué, à l'usage de leurs groupes locaux, des services
centralisés pour l'achat en gros des matières nécessaires à l'agriculture,
pour le crédit et la réassurance; cette puissante organisation
fédérative, formée sous les auspices du parti catholique, date de quelques
années et se fortifie tous les jours.
Il paraît naturel qu'un courant régulier d'affaires s'établisse entre
sociétés de production ou de vente et sociétés de consommation, les
unes fournissant aux autres les denrées et articles fabriqués qui peuvent
entrer dans la consommation populaire. En fait, ces rapports
existent déjà sur certains points. Les sociétés de consommation
anglaises ne se contentent pas de produire pour leur compte; elles
sont aussi les meilleures clientes des sociétés de production, auxquelles
elles fournissent capitaux et débouchés. Elles sont aussi les
clientes de certaines sociétés agricoles de production étrangères;
nous savons que les laiteries coopératives danoises envoient une
grande partie de leur beurre à la'' Wholesale'' anglaise. En Allemagne,
les ''Winzervereine'', les laiteries coopératives et syndicats agricoles de
vente fournissent les sociétés de consommation de Berlin et de Westphalie.
En France, les sociétés coopératives de la région parisienne
s'adressent aussi à des syndicats viticoles pour leurs achats de vin;
la Verrerie ouvrière d'Albi, dont les actions ont été souscrites parles
diverses associations ouvrières, trouve chez elles sa clientèle la plus
sûre.
Toutefois, ces relations entre sociétés de production et sociétés de
consommation sont encore rares. Est-ce, comme on l'a dit parfois, à
cause des divergences naturelles qui existent entre ruraux et citadins?
Faut-il attribuer le fait à l'incapacité commerciale des administrateurs
dans les sociétés agricoles, au défaut de loisir ou à l'indifférence des
gérants dans les sociétés de consommation? La vraie raison, c'est
que l'organisation parallèle des deux groupes n'est pas encore assez
avancée. En Angleterre, ce sont les associations rurales qui font
défaut; sur le continent, ce sont les sociétés urbaines de consommation
qui sont en retard. Mais le jour où des fédérations se seront
solidement constituées de chaque côté, avec un organe central chargé
des opérations commerciales, il est inévitable que ces organes se rapprochent
et établissent entre eux des rapports d'affaires permanents.
Le mouvement coopératif ne peut pas être provoqué artificiellement
de haut en bas par une centralisation prématurée; il faut avant
tout que les groupes élémentaires croissent et se multiplient, pour
qu'ils deviennent capables de communiquer la vie à des groupes de
plus en plus complexes. Ainsi se forme, par la marche naturelle des
choses, un réseau entre-croisé d'associations qui se combinent, se
superposent, s'unissent par des liens contractuels, et réalisent tous
les jours un peu mieux le fédéralisme coopératif.
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