Différences entre les versions de « Les systèmes socialistes et l'évolution économique - Première partie : Les théories. Les systèmes de société socialiste - Livre I : Le collectivisme pur et son régime de la valeur »

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crises d'inanition universelle dont le monde moderne ne peut nous
crises d'inanition universelle dont le monde moderne ne peut nous
offrir une image même affaiblie.
offrir une image même affaiblie.
''* § II. Demandes et produits approvisionnés.''
La question d'équilibre entre l'offre et la demande se présente ici
sous une face retournée. L'adaptation de la demande à l'offre,
c'est-à-dire aux quantités existant en magasin, rencontre certaines
difficultés particulières, et réclame par conséquent quelques explications
nouvelles.
En théorie, l'Administration peut toujours obtenir l'équilibre, en
conduisant la production jusqu'au point où elle s'ajuste avec la
demande sur la base du prix de revient, unique ou moyen suivant
les cas. En fait, il faudra certainement procéder par à peu près, par
tâtonnements, de sorte que l'offre d'un produit particulier dépassera
la demande, ou inversement, dans l'immense majorité des cas.
Il est possible, d'abord, que l'Administration ne veuille pas donner
à la production une extension suffisante soit qu'elle néglige de
satisfaire des goûts rares et recherchés, soit qu'elle entreprenne de
modifier les goûts du public, en favorisant, par exemple, la production
du lait ou de la bière aux dépens de celle du champagne. Plus fréquemment encore, l'excès de l'offre ou de la demande, soit dans un magasin local, soit dans l'ensemble du pays, proviendra d'une
erreur de prévision. L'erreur ne sera pas toujours imputable à la
faute de l'Administration; dans bien des cas, elle sera inévitable,
parce qu'il aura été impossible de prévoir les changements de la
mode et les diverses circonstances qui viendront modifier la direction
des demandes. C'est ainsi que l'épargne privée des bons de
travail jouera constamment un rôle perturbateur. Tout bon épargné
représentera un produit en excès, qui ne trouvera pas d'écoulement
immédiat. A d'autres moments, au contraire, les bons mis en réserve
se porteront d'une façon imprévue sur une catégorie d'objets dont
la production aura été fixée en prévision des demandes probables
d'après les bons délivrés dans l'année. Quant à l'offre des produits
du sol, elle ne sera pour ainsi dire jamais égale aux quantités prévues
la production agricole, subordonnée aux caprices de l'atmosphère
et de la température, ne se commande pas comme la production
industrielle. Il ya donc mille chances pour que l'offre d'un article
dépasse la demande, ou réciproquement, dans une localité ou dans le
pays tout entier. Comment débitera-t-on les quantités existantes, en
attendant que la production se conforme pour l'avenir aux nouvelles
indications de la demande?
Si c'est l'offre qui dépasse la demande, les produits en magasin
ne trouvant pas preneur au prix coûtant, il faudra nécessairement
pourvoir à l'écoulement du stock, surtout s'il est exposé à une détérioration
rapide. Mais quel sera le moyen d'accélérer le débit de ces
objets délaissés, peut-être passés de mode ou déjà détériorés, si
leur prix a été fixé à un taux invariable, dès leur entrée en magasin,
d'après la quantité de travail social qui s'y trouve incorporée? De
toute nécessité, il faudra les offrir au rabais, et revenir, au moins
pour eux, au régime de l'offre et la demande. Mais le principe de la
valeur collectiviste est ainsi gravement altéré aux dépens de l'équilibre
du système; une partie des bons émis se trouve en excès sur la
valeur des produits qui doivent en former la contre-partie; sous la
menace du déficit, l'ensemble des bons se déprécie, et le système
entier se détraque. La difficulté paraît insoluble, si l'on ne renonce
pas complètement à la taxation en unités de travail pour généraliser
l'application de l'offre et la demande.
L'hypothèse inverse, celle où la demande est en excès sur l'offre, se
présente naturellement toutes les fois qu'il s'agit d'objets recherchés
dont la reproduction est impossible : oeuvres d'art, pierres précieuses,
vins renommés des années précédentes, ou même de la récolte à venir lorsque le vignoble est parvenu à son maximum de rendement,
maisons avantageusement situées au centre d'une grande ville ou
dans un site exceptionnel, etc. Elle se présente aussi pour les
objets qui peuvent être multipliés, lorsque la production en est
momentanément insuffisante. Dans ces circonstances, la taxe au prix
coûtant est encore trop rigide pour fournir une solution. Offrir les
objets rares au tarif ordinaire du coût en travail, ce n'est pas seulement
renoncer au bénéffice de leur rareté, c'est aussi se priver de tout;
moyen de faire un choix équitable entre des amateurs trop nombreux,
qui offrent tous le prix taxé et se présentent avec des droits égaux.
A qui les bouteilles de chambertin, si, à égalité de travail, elles sont
cotées au même taux que le cru d'Argenteuil? A qui l'appartement
situe au centre de la ville, si son loyer, calculé suivant le prix de la
construction, est le même que celui d'une habitation du faubourg?
Dans la foule des appelés, quel sera l'élu?
Si l'on écarte l'offre et la demande pour rester dans les termes du
collectivisme pur, on se trouve dans une véritable impasse. Toute
méthode d'attribution paraît défectueuse. La faveur? Le rang d'inscription
? Le tirage au sort? Le rationnement? Aucune de ces solutions
n'est satisfaisante; aucune d'elles n'échappe complètement au
reproche d'arbitraire, parce que le bon échangé contre un objet
recherché procurera toujours à son possesseur un avantage plus grand,
une valeur d'usage plus forte que le bon échangé contre un produit
pour lequel les consommateurs ne se font pas concurrence. Les
moyens d'acquisition ne peuvent conserver leur égalité de pouvoir
que si les prix varient avec l'offre et la demande.
Le collectivisme, enchaîné par son mode de taxation des valeurs,
est donc incapable d'ajuster la demande aux quantités actuellement
offertes; il ne fournit aucun moyen de pourvoir à l'écoulement des
produits en excès, et ne peut éviter l'arbitraire dans l'attribution
de ceux qui sont en déficit.
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