Différences entre les versions de « Les systèmes socialistes et l'évolution économique - Première partie : Les théories. Les systèmes de société socialiste - Livre I : Le collectivisme pur et son régime de la valeur »

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tâtonnements, de sorte que l'offre d'un produit particulier dépassera
tâtonnements, de sorte que l'offre d'un produit particulier dépassera
la demande, ou inversement, dans l'immense majorité des cas.
la demande, ou inversement, dans l'immense majorité des cas.
Il est possible, d'abord, que l'Administration ne veuille pas donner
Il est possible, d'abord, que l'Administration ne veuille pas donner
à la production une extension suffisante soit qu'elle néglige de
à la production une extension suffisante soit qu'elle néglige de
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attendant que la production se conforme pour l'avenir aux nouvelles
attendant que la production se conforme pour l'avenir aux nouvelles
indications de la demande?
indications de la demande?
Si c'est l'offre qui dépasse la demande, les produits en magasin
Si c'est l'offre qui dépasse la demande, les produits en magasin
ne trouvant pas preneur au prix coûtant, il faudra nécessairement
ne trouvant pas preneur au prix coûtant, il faudra nécessairement
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pas complètement à la taxation en unités de travail pour généraliser
pas complètement à la taxation en unités de travail pour généraliser
l'application de l'offre et la demande.
l'application de l'offre et la demande.
L'hypothèse inverse, celle où la demande est en excès sur l'offre, se
L'hypothèse inverse, celle où la demande est en excès sur l'offre, se
présente naturellement toutes les fois qu'il s'agit d'objets recherchés
présente naturellement toutes les fois qu'il s'agit d'objets recherchés
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construction, est le même que celui d'une habitation du faubourg?
construction, est le même que celui d'une habitation du faubourg?
Dans la foule des appelés, quel sera l'élu?
Dans la foule des appelés, quel sera l'élu?
Si l'on écarte l'offre et la demande pour rester dans les termes du
Si l'on écarte l'offre et la demande pour rester dans les termes du
collectivisme pur, on se trouve dans une véritable impasse. Toute
collectivisme pur, on se trouve dans une véritable impasse. Toute
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moyens d'acquisition ne peuvent conserver leur égalité de pouvoir
moyens d'acquisition ne peuvent conserver leur égalité de pouvoir
que si les prix varient avec l'offre et la demande.
que si les prix varient avec l'offre et la demande.
Le collectivisme, enchaîné par son mode de taxation des valeurs,
Le collectivisme, enchaîné par son mode de taxation des valeurs,
est donc incapable d'ajuster la demande aux quantités actuellement
est donc incapable d'ajuster la demande aux quantités actuellement
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produits en excès, et ne peut éviter l'arbitraire dans l'attribution
produits en excès, et ne peut éviter l'arbitraire dans l'attribution
de ceux qui sont en déficit.
de ceux qui sont en déficit.
''* § III. Travailleurs et besoins de la production.''
Dans le pur collectivisme, toute heure de travail est équivalente à
une autre. Peu importent le genre, la difficulté du travail, le soin
qu'il réclame, l'habileté professionnelle qu'il suppose; l'heure de
travail d'un casseur de pierres communique même valeur au produit
que l'heure de travail d'un graveur en taille-douce ou d'un ciseleur
de bijoux, en supposant que ces divers travaux soient tous d'intensité
et d'habileté moyennes chacun dans leur genre; elle donne
lieu à une rémunération égale pour tous.
Dès lors se pose la question classique en la matière qui voudra
faire les basses besognes? Qui se soumettra à l'apprentissage d'un
métier difficile? Qui voudra travailler dans les localités où la vie est
dure et monotone? Si tous les travaux sont rétribués suivant leur
durée, sans distinction entre ceux qui sont pénibles ou difficiles et
ceux qui ne le sont pas, les travailleurs se porteront en masse sur
les métiers les plus agréables et les plus simples, dans les centres les
plus attrayants, et déserteront les autres postes. Quel sera le moyen
d'obtenir qu'ils se répartissent entre les emplois suivant les besoins
de la production?
En dernière analyse, ce sera la contrainte, la réquisition. Je veux
croire qu'elle s'exercera suivant des règles déterminées; mais c'est un
point sur lequel les collectivistes ne tiennent pas à s'appesantir, de sorte
que nous en sommes réduits aux conjectures. On peut supposer que
les groupes professionnels publieront la liste des emplois vacants, et
que les travailleurs choisiront suivant leurs capacités et leurs goûts.
Mais toutes les fois qu'il y aura excès d'un côté et déficit de l'autre,
l'autorité centrale devra intervenir pour faire la répartition d'office, en
assignant à chacun, autant que possible, une tâche appropriée à ses
aptitudes et à ses forces. Il ne suffira même pas de refuser aux chômeurs
l'accès des métiers déjà pourvus d'un personnel suffisant,
pour les contraindre à se rejeter sur les métiers pénibles; trop de
gens pourraient échapper à cette contrainte indirecte en vivant sur
leurs bons épargnés. Il ne suffira pas non plus, pour attirer les travailleurs
dans les métiers délaissés, de leur montrer qu'ils peuvent y
gagner davantage en travaillant plus longtemps. Pour remplir les
cadres des professions les plus pénibles, il faudra toujours recourir à
la corvée.
Rien de plus intolérable que le travail forcé, et la privation du
libre choix du domicile qui en est la conséquence. Aussi les socialistes se sont-ils efforcés de corriger la rigueur du collectivisme sur
le point où il offre l'aspect le plus rebutant. Pour affranchir l'individu
de la réquisition, ils ont admis que la rétribution s'élèverait
dans les métiers les moins recherchés, ou que la durée du travail
serait réduite (avec un tarif au temps sans doute surélevé), de manière
à y attirer librement les travailleurs; c'est seulement dans le cas où
ce procédé serait insuffisant qu'on aurait recours à la contrainte.
Mais les socialistes, se bornant en général à cette courte indication,
ne nous renseignent pas sur le moyen d'éviter l'arbitraire dans
la détermination des tarifs applicables aux différents travaux. On ne
peut cependant se passer d'une règle pour le calcul des coefficients.
Si ces coefficients étaient laissés à la discrétion des agents ou des
assemblées qui détiennent la puissance publique, il serait impossible
d'éviter les injustices; les grèves et les insurrections dirigées contre
l'autorité publique menaceraient sans cesse l'ordre social, et les
corps professionnels formeraient autant de classes antagonistes,
dont les intérêts ne pourraient être conciliés par aucun principe
rationnel d'arbitrage.
Pour des travaux de même nature, il est possible, nous l'avons vu,
de graduer les allocations suivant la qualité du travail; on peut, en
effet, représenter par un produit-type l'heure de travail social,
l'unité moyenne d'habileté et d'intensité du travail dans un certain
genre de production, et comparer à ce type les produits des travaux
individuels pour le calcul de la rétribution. Mais lorsqu'il s'agit de
travaux de nature différente, comme ceux du terrassier et du peintre
décorateur, il est impossible d'établir une unité moyenne d'habileté et de pénibilité à laquelle on puisse rapporter ces différents travaux, de manière à attribuer une rétribution plus élevée à ceux qui exigent
plus d'efforts, plus de science ou d'habileté professionnelle, qui sont
plus pénibles ou plus dangereux que les autres.
Karl Marx dit bien, à propos des métiers qui demandent une habileté
particulière, que le travail complexe, communiquant au produit
une valeur supérieure, compte comme multiple du travail simple.
Mais son observation est faite pour la société présente. Aujourd'hui,
en effet, les valeurs des travaux de différente nature, comme
toutes les valeurs, trouvent une commune mesure dans le prix en
monnaie métallique, et peuvent se comparer quantitativement. Mais
si l'on supprimait les prix en monnaie, il faudrait apprécier directement combien d'unités de travail simple se trouvent contenues dans
l'unité de travail complexe du sculpteur, du vidangeur ou du pécheur
d'Islande; calcul impossible, parce que ces différents travaux sont
incommensurables entre eux. Aussi Rodbertus, après avoir énoncé
le principe des tarifs différenciés dans la société collectiviste, ne
donne-t-il aucune règle qui permette de déterminer l'unité de travail
simple, ni de dresser une échelle des coefficients pour les travaux
complexes.
Il semble donc que les coefficients appliqués à l'heure de travail
dans les différents métiers et les différentes régions ne puissent être
fixés sans arbitraire. Toutefois, pour y échapper, M. Georges Renard
a imaginé une règle de calcul ingénieuse que nous retrouverons
plus loin.
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