Ludwig von Mises:La Mentalité anti-capitaliste - La philosophie sociale de l'homme ordinaire

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Ludwig von Mises:La Mentalité anti-capitaliste - La philosophie sociale de l'homme ordinaire


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La philosophie sociale de l'homme ordinaire

La capitalisme tel qu'il est et tel qu'il est vu par l'homme ordinaire

L'émergence de l'économie comme nouvelle branche de la connaissance fut l'un des événements les plus prodigieux de l'histoire de l'humanité. En ouvrant la voie à l'entreprise capitaliste privée, elle transforma en quelques générations toutes les affaires humaines de façon plus radicale que ne l'avaient fait les dix mille années précédentes. A partir du jour de leur naissance et jusqu'à leur mort, les habitants d'un pays capitaliste tirent bénéfice à chaque minute des merveilleuses réalisations des méthodes capitalistes de pensée et d'action.

La chose la plus étrange concernant le changement sans précédent des conditions matérielles auquel a conduit le capitalisme, c'est qu'il fut accompli par un petit nombre d'auteurs et un nombre à peine plus grands d'hommes d'État qui assimilèrent leurs enseignements. Non seulement les masses apathiques, mais aussi la plupart des industriels qui mettaient en œuvre les principes du laissez-faire dans leurs affaires commerciales, n'arrivaient pas à comprendre les caractéristiques essentielles de leur action. Même aux beaux jours du libéralisme, seules quelques personnes comprenaient pleinement le fonctionnement d'une économie de marché. La civilisation occidentale a adopté le capitalisme sur la recommandation d'une petite élite.

Il y avait, dans les premières décennies du XIXe siècle, de nombreuses personnes qui considéraient leur propre manque de familiarité avec les problèmes en jeu comme un sérieux défaut et qui souhaitaient ardemment y remédier. Dans les années qui séparent Waterloo de Sébastopol, il n'y avait en Grande-Bretagne pas de livres dans lesquels on se plongeait avec plus d'ardeur que les traités d'économie. Mais la mode tomba rapidement. Le sujet était trop dur pour le lecteur moyen.

L'économie est tellement différente des sciences naturelles et de la technique d'une part, de l'histoire et de la jurisprudence de l'autre, qu'elle semble étrange et repoussante au débutant. Sa singularité heuristique est regardée avec suspicion par ceux dont le travail de recherche est effectué en laboratoire ou dans les archives et les bibliothèques. Sa singularité épistémologique apparaît comme un non-sens aux doctrinaires à l'esprit étroit du positivisme. Les gens voudraient trouver dans un livre d'économie une connaissance qui corresponde parfaitement à leur image préconçue de ce que devrait être l'économie, à savoir une discipline modelée selon la structure logique de la physique ou de la biologie. Ils sont désorientés et cessent d'affronter sérieusement les problèmes dont l'analyse nécessite un effort mental inaccoutumé.

Le résultat de cette ignorance est que les gens attribuent toutes les améliorations des conditions économiques aux progrès des sciences naturelles et de la technique. D'après eux, il prévaudrait dans le cours de l'histoire humaine une tendance automatique au progrès continuel des sciences expérimentales de la nature et de leur application pour ce qui est de résoudre les problèmes techniques. Cette tendance serait irrésistible, elle serait inhérente à la destinée de l'humanité et son action se manifesterait quelle que puisse être l'organisation économique et politique de la société. Selon eux, les améliorations techniques sans précédent des deux cents dernières années ne furent pas causées ou favorisées par les politiques économiques de l'époque. Elles ne furent pas une réussite du libéralisme classique, du libre échange, du laissez-faire et du capitalisme. Elles continueront par conséquent avec tout autre système d'organisation économique de la société.

Les doctrines de Marx n'ont reçu l'assentiment que parce qu'elles avaient adopté cette interprétation populaire des événements et qu'elles l'ont recouvert d'un voile pseudo-philosophique la rendant agréable à la fois au spiritualisme hégélien et au matérialisme sommaire. Dans la construction de Marx, les « forces matérielles de production » sont une entité surhumaine indépendante de la volonté et des actions des hommes. Elles suivent leur propre chemin, qui est prescrit par les lois inévitables et insondables d'une puissance supérieure. Elles changent mystérieusement et obligent l'humanité à ajuster son organisation sociale à ces changements ; car les forces matérielles de production évitent une chose : rester enchaînées par l'organisation sociale de l'humanité. Le contenu essentiel de l'histoire se situe dans la lutte des forces matérielles de production pour se libérer des liens sociaux qui les maintiennent prisonnières.

Autrefois, enseigne Marx, les forces matérielles de production prenaient la forme du moulin à bras, et elles ont arrangé les affaires humaines selon le modèle du féodalisme. Quand, plus tard, les lois impénétrables déterminant l'évolution des forces matérielles de production ont remplacé le moulin à bras par le moulin à vapeur, le féodalisme dut faire place au capitalisme. Depuis, les forces matérielles de production se sont encore développées, et leur forme actuelle réclame impérativement de substituer le socialisme au capitalisme. Ceux qui essaient d'empêcher la révolution socialiste se sont engagés dans une tâche sans espoir. Il est impossible d'endiguer la vague du progrès historique.

Les idées des partis dits de gauche diffèrent entre elles de bien des façons. Mais elles sont toutes d'accord sur un point. Elles considèrent toutes l'amélioration continue des conditions matérielles comme un processus automatique. Le syndicaliste américain considère son niveau de vie comme garanti. Le destin a déterminé qu'il devait jouir de biens qui étaient refusés même aux personnes les plus prospères des générations précédentes et qui sont encore refusés à de nombreux hommes non américains. Il ne lui vient pas à l'esprit que le « farouche individualisme » du grand capital ait pu jouer un quelconque rôle dans l'émergence de ce qu'il appelle le « mode de vie américain ». A ses yeux, le « patronat » représente les revendications injustes des « exploiteurs » qui veulent le priver de ses droits innés. Dans le cours de l'évolution historique il existe, pense-t-il, une tendance à l'accroissement continu de la « productivité » du travail. Il est évident que les fruits de cette amélioration lui appartiennent exclusivement de droit. C'est grâce à ses mérites que — à l'époque du capitalisme — tend à s'accroître le rapport obtenu par la valeur du produit fabriqué par les industries de transformation divisée par le nombre de bras employés.

En vérité, l'accroissement de ce qu'on appelle la productivité du travail est dû à l'utilisation de meilleurs outils et de meilleures machines. Une centaine d'ouvriers d'une usine moderne produisent par unité de temps plusieurs fois ce qu'une centaine d'ouvriers avaient l'habitude de produire dans les ateliers des artisans pré-capitalistes. Cette amélioration n'est pas conditionnée par un talent supérieur, une meilleure compétence ou une application plus grande de la part du travailleur individuel. (C'est un fait que la compétence réclamée aux artisans médiévaux se situait bien plus haut que celle de nombreuses catégories d'ouvriers d'usine actuels). Elle est due à l'emploi d'outils et de machines plus efficaces qui, à leur tour, sont un effet de l'accumulation et de l'investissement d'un capital plus grand.

Les termes capitalisme, capital et capitalistes ont été employés par Marx et le sont aujourd'hui par la plupart des gens — y compris par les agences de propagande officielle du gouvernement des États-Unis — avec une connotation d'opprobre. Ces mots pointent pourtant de manière pertinente vers le facteur principal, dont l'action a produit toutes les merveilleuses réussites des deux cents dernières années : l'amélioration sans précédent du niveau de vie moyen pour une population continuellement en augmentation. Ce qui distingue la situation industrielle moderne des pays capitalistes de celle des âges pré-capitalistes ainsi que de la situation ayant cours aujourd'hui dans les pays dits sous-développés, c'est le montant de l'offre de capitaux. Aucune amélioration technique ne peut être mise en pratique si le capital nécessaire n'a pas été auparavant accumulé par l'épargne.

L'épargne — l'accumulation de capital — est l'intermédiaire qui a fait évoluer étape par étape la difficile quête de nourriture de l'homme des cavernes primitif vers les méthodes modernes de l'industrie. Ce qui a stimulé cette évolution, ce furent les idées qui créèrent le cadre institutionnel au sein duquel l'accumulation de capital fut rendue sûre grâce au principe de la propriété privée des moyens de production. Chaque pas en direction de la prospérité est le résultat de l'épargne. Les plus ingénieuses inventions techniques seraient pratiquement inutiles si les biens du capital nécessaires pour les mettre en œuvre n'avaient pas été accumulés par l'épargne.

Les entrepreneurs emploient les biens du capital rendus disponibles par les épargnants en vue de satisfaire de la manière la plus économique les besoins les plus pressants et non encore satisfaits des consommateurs. Avec les techniciens, qui cherchent à perfectionner les méthodes de fabrication, ils jouent, à côté des épargnants eux-mêmes, une part active dans le cours des événements qu'on appelle progrès économique. Le reste de l'humanité profite des activités de ces trois classes de pionniers : quoi que puissent être ses propres actions, il n'est que le bénéficiaire de changements à l'émergence desquels il n'a en rien contribué.

Le trait caractéristique de l'économie de marché est qu'elle attribue la plus grande part des améliorations apportées par les efforts de ces trois classes à l'origine du progrès — les épargnants, les investisseurs en biens du capital et ceux qui élaborent de nouvelles méthodes pour utiliser ces biens du capital — à la majorité de la population qui, elle, ne crée pas le progrès. L'accumulation de capital étant plus grande que l'accroissement de la population, elle augmente d'une part la productivité marginale du travail et, d'autre part, fait baisser le prix des produits. Le processus du marché fournit à l'homme ordinaire l'occasion de jouir des fruits des accomplissements des autres. Il oblige les trois classes créant le progrès à servir de la meilleure façon possible la majorité qui n'y contribue pas.

Tout le monde est libre de rejoindre les rangs des ces trois classes progressistes de la société capitaliste. Ces classes ne sont pas des castes fermées. Y appartenir n'est pas un privilège conféré à l'individu par une autorité supérieure et ne s'hérite pas non plus de ses aïeux. Ces classes ne sont pas des clubs et leurs membres n'ont pas le pouvoir de laisser dehors les nouveaux venus. Ce qu'il faut pour devenir capitaliste, entrepreneur ou inventeur de nouvelles méthodes techniques, c'est de l'intelligence et de la volonté. L'héritier d'un homme riche jouit d'un certain avantage car il débute dans des conditions plus favorables que d'autres. Mais sa tâche au sein de la concurrence du marché n'est pas plus facile, elle est même parfois plus fastidieuse et moins rémunératrice que celle d'un nouveau venu. Il doit réorganiser ce dont il a hérité afin de l'adapter aux changements de la situation du marché. Ainsi, par exemple, les problèmes auxquels l'héritier d'un « empire » du rail avait à faire face étaient, au cours des dernières décennies, certainement plus épineux que ceux rencontrés par quelqu'un qui avait commencé à partir de zéro dans le transport par camion ou par avion.

La philosophie populaire de l'homme ordinaire se trompe lamentablement sur tous ces points. Pour M. Dupond, toutes les nouvelles industries qui l'approvisionnent en biens inconnus à son père viennent au monde par un procédé mythique appelé le progrès. L'accumulation de capitaux, l'entrepreneuriat et l'imagination technique ne contribuent en rien à la génération spontanée de la prospérité. S'il faut créditer quelqu'un de ce que M. Dupond considère comme l'augmentation de la productivité du travail, c'est l'ouvrier de la chaîne de montage. Malheureusement, dans ce monde scandaleux, il existe l'exploitation de l'homme par l'homme. Le monde des affaires garde la crème et, comme le souligne le Manifeste communiste, il n'abandonne au créateur de toutes les bonnes choses, au travailleur manuel, qu'à peine le « coût de ce qu'il lui faut pour s'entretenir et perpétuer sa descendance ». Par conséquent « l'ouvrier moderne, au contraire, loin de s'élever avec le progrès de l'industrie, descend toujours plus bas [...]. Le travailleur devient un pauvre et le paupérisme s'accroît plus rapidement encore que la population et la richesse ». Les auteurs de cette description de l'industrie capitaliste sont glorifiés dans les universités comme les plus grands philosophes et bienfaiteurs de l'humanité et leurs enseignements sont acceptés avec une crainte mêlée de révérence par les millions de gens dont les maisons, en plus d'autres gadgets, sont équipées de postes de radio et de télévision.

La pire exploitation, expliquent les professeurs, les leaders syndicaux et les politiciens, est l'œuvre de la grande industrie. Ils n'arrivent pas à voir que ce qui caractérise la grande industrie c'est la production de masse visant à satisfaire les besoins du grand nombre. Dans un régime capitaliste ce sont les travailleurs eux-mêmes qui, directement ou indirectement, sont les consommateurs de toutes les choses que produisent les usines.

Aux débuts du capitalisme il s'écoulait encore un temps très long entre l'émergence d'une innovation et le moment où elle était accessible aux masses. Il y a environ soixante ans, Gabriel Tarde avait raison d'indiquer qu'une innovation industrielle était le caprice d'une minorité avant de devenir le besoin de tout le monde ; ce que l'on considérait au départ comme une fantaisie devenait plus tard une nécessité habituelle pour tout le monde. Cette remarque était encore correcte en ce qui concerne la démocratisation de l'automobile. Mais la production à grande échelle a réduit et presque éliminé ce délai. Les innovations techniques ne peuvent être faites de manière profitable qu'avec des méthodes de production de masse et deviennent donc accessible au plus grand nombre au moment même de leur inauguration pratique. Il n'y a ainsi pas eu, aux États-Unis, de période notable pendant laquelle des nouveautés comme la télévision, les bas nylon ou les petits pots pour bébés, ont été réservées à une minorité de gens aisés. La grande industrie tend, en réalité, vers une standardisation des moyens de consommation et d'amusement.

Dans une économie de marché, personne n'est dans le besoin parce que d'autres personnes sont riches. Les richesses du riche ne sont pas la cause de la pauvreté de quiconque. Le processus qui rend certaines personnes riches est, au contraire, le corollaire du processus qui améliore la satisfaction des désirs de nombreux individus. Les entrepreneurs, les capitalistes et les techniques nouvelles prospèrent tant qu'ils réussissent à approvisionner au mieux les consommateurs.

Le front anti-capitaliste

Dès les tout débuts du mouvement socialiste et des tentatives de faire revivre les politiques interventionnistes des époques pré-capitalistes, le socialisme et l'interventionnisme ont tous les deux été totalement discrédités aux yeux des gens au courant de la théorie économique. Mais les idées de l'immense majorité du peuple ignorant furent exclusivement dirigées par les plus puissantes passions humaines : l'envie et la haine.

La philosophie sociale des Lumières qui avait ouvert la voie à la mise en œuvre du programme libéral — liberté économique, accomplie dans l'économie de marché (le capitalisme), ainsi que son corollaire constitutionnel, le gouvernement représentatif — n'avait pas proposé la suppression des trois anciens pouvoirs : la monarchie, l'aristocratie et les églises. Les libéraux européens voulaient substituer la monarchie parlementaire à l'absolutisme royal, non la mise en place d'un gouvernement républicain. Ils voulaient abolir les privilèges des aristocrates, mais non les priver de leurs titres, de leurs écussons et de leurs terres. Ils désiraient octroyer la liberté de conscience à tout le monde et mettre fin à la persécution des dissidents et des hérétiques, mais tenaient fortement à donner à toutes les églises et à toutes les dénominations une parfaite liberté de poursuivre leurs objectifs spirituels. Les trois grands pouvoirs de l'ancien régime étaient ainsi préservés. On aurait pu s'attendre à ce que les aristocrates et les hommes d'église proclamant sans cesse leur conservatisme fussent prêts à s'opposer à l'assaut socialiste contre les fondements de la civilisation occidentale. Après tout les partisans du socialisme ne cachaient pas que le totalitarisme socialiste ne laisserait aucune place à ce qu'ils appelaient des vestiges de la tyrannie, des privilèges et de la superstition.

Cependant, même au sein de ces groupes privilégiés, le ressentiment et l'envie étaient plus forts que le raisonnement froid. Ils donnèrent en fait la main aux socialistes, oubliant que le socialisme voulait aussi confisquer leurs biens et qu'il n'y aurait aucune liberté religieuse dans un système totalitaire. Les Hohenzollern d'Allemagne inaugurèrent une politique qu'un observateur américain appela le socialisme monarchique [1]. Les Romanov, autocrates de Russie, jouèrent avec le syndicalisme, afin de lutter contre les tentatives « bourgeoises » d'établir un gouvernement représentatif [2]. Dans chaque pays d'Europe, les aristocrates coopéraient de fait avec les ennemis du capitalisme. Partout, des théologiens éminents essayaient de discréditer le système de la libre entreprise et soutenaient ainsi, par conséquent, soit le socialisme soit l'interventionnisme radical. Certains dirigeants éminents du protestantisme actuel — Barth et Brunner en Suisse, Niebuhr et Tillich aux États-Unis, et feu l'Archevêque de Canterbury, William Temple — condamnèrent ouvertement le capitalisme et rendirent même les prétendus échecs du capitalisme responsables des excès du bolchevisme russe.

On peut se demander si Sir William Harcourt avait raison quand, il y a plus de soixante ans, il affirmait : Nous sommes désormais tous socialistes. En tout cas, aujourd'hui, les gouvernements, les partis politiques, les enseignants et les écrivains, les militants athées comme les théologiens chrétiens sont presque unanimes pour rejeter avec passion l'économie de marché et pour vanter les prétendus bénéfices de l'omnipotence de l'État. La génération montante a été élevée dans un environnement qui baigne dans les idées socialistes.

L'influence de l'idéologie prosocialiste se perçoit à la façon dont l'opinion publique, presque sans exception, explique les raisons conduisant les gens à adhérer aux partis socialistes ou communistes. En ce qui concerne la politique intérieure, on suppose que, « naturellement et nécessairement », ceux qui ne sont pas riches préfèrent les programmes radicaux — planisme, socialisme, communisme — alors que seuls les riches ont des raisons de voter en faveur de la préservation de l'économie de marché. Cette hypothèse suppose admise l'idée socialiste selon laquelle l'action du capitalisme nuirait aux intérêts économiques des masses, et ce au seul bénéfice des « exploiteurs », alors que le socialisme améliorerait le niveau de vie de l'homme ordinaire.

Cependant, les gens ne réclament pas le socialisme parce qu'ils sauraient que ce dernier améliorera leur situation, et ils ne rejettent pas le capitalisme parce qu'ils sauraient qu'il s'agit d'un système préjudiciable à leurs intérêts. Ils sont socialistes parce qu'ils croient que le socialisme améliorera leur situation et ils détestent le capitalisme parce qu'ils croient qu'ils leur fait du tort. Ils sont socialistes parce qu'ils sont aveuglés par l'envie et l'ignorance. Ils refusent obstinément d'étudier l'économie et repoussent la critique dévastatrice que les économistes ont faite des plans socialistes, parce qu'à leurs yeux l'économie, étant une science abstraite, est un simple non-sens. Ils prétendent ne faire confiance qu'à l'expérience. Mais ils refusent tout aussi obstinément de prendre connaissance des faits indéniables de l'expérience, à savoir que le niveau de vie de l'homme ordinaire est incomparablement plus élevé dans l'Amérique capitaliste que dans le paradis socialiste des Soviets.

Sur la situation des pays économiquement arriérés, les gens font preuve des mêmes erreurs de raisonnement. Ils pensent que ces peuples doivent « naturellement » avoir de la sympathie pour le communisme parce qu'ils sont touchés par la pauvreté. Il est pourtant évident que les nations pauvres veulent se débarrasser de leur misère. Pour améliorer leur situation déplaisante, ils devraient par conséquent adopter le système d'organisation économique de la société qui garantit au mieux la réalisation de cet objectif : ils devraient se décider en faveur du capitalisme. Or, trompés par les fausses idées de l'anti-capitalisme, ils sont favorablement disposés en faveur du communisme. Il est en vérité paradoxal que les dirigeants de ces populations orientales, tout en regardant avec envie la prospérité des nations occidentales, rejettent les méthodes qui ont rendu l'occident prospère et sont enchantés par le communisme russe, qui maintient les Russes et leurs satellites dans la pauvreté. Il est encore plus paradoxal que les Américains, qui jouissent des produits de la grande industrie capitaliste, exaltent le système soviétique et considèrent comme assez « naturel » que les nations pauvres de l'Asie et de l'Afrique préfèrent le communisme au capitalisme.

Les gens peuvent ne pas être d'accord sur la question de savoir si tout le monde devrait étudier l'économie sérieusement. Mais une chose est certaine. Un homme qui parle en public ou écrit à propos de l'opposition entre le capitalisme et le socialisme sans s'être pleinement familiarisé avec tout ce que l'économie dit de ces sujets, est un bavard irresponsable.

NOTES

  1. Cf. Elmers Roberts, Monarchical Socialism in Germany, New York, 1913.
  2. Cf. Mania Gordon, Workers Before and After Lenin, New York, 1941, pp. 30 ff.


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