Différences entre les versions de « Max Stirner:II. Le propriétaire »

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point de vue opposé, qu'un non-homme : c'est un homme surhumain, un « Dieu ».
point de vue opposé, qu'un non-homme : c'est un homme surhumain, un « Dieu ».
L'homme réel n'est que le — non-homme.
L'homme réel n'est que le — non-homme.
Ces hommes qui ne sont pas des hommes, que pourraient-ils être d'autre que des
Ces hommes qui ne sont pas des hommes, que pourraient-ils être d'autre que des
fantômes ? Chaque homme réel, ne correspondant pas au concept « Homme » ou
fantômes ? Chaque homme réel, ne correspondant pas au concept « Homme » ou
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je réduis à n'être plus qu'un de mes attributs, une de mes propriétés, cet Homme qui
je réduis à n'être plus qu'un de mes attributs, une de mes propriétés, cet Homme qui
était jusqu'ici exclusivement mon idéal, mon devoir, mon essence ou mon concept et
était jusqu'ici exclusivement mon idéal, mon devoir, mon essence ou mon concept et
qui planait comme tel au-dessus de moi et au-delà de moi, si je fais en sorte que
qui planait comme tel au-dessus de moi et au-delà de moi, si je fais en sorte que
l'Homme ne soit plus que mon humanité, ma manière d'être, et que ce que je fais ne
l'Homme ne soit plus que mon humanité, ma manière d'être, et que ce que je fais ne
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réalité l'Homme et le non-homme tout ensemble, car je suis à la fois homme et plus
réalité l'Homme et le non-homme tout ensemble, car je suis à la fois homme et plus
qu'homme : je suis le Moi de cette individualité qui est ma et rien que ma propriété.
qu'homme : je suis le Moi de cette individualité qui est ma et rien que ma propriété.
On devait finalement en venir à ne plus nous exhorter simplement à être des
On devait finalement en venir à ne plus nous exhorter simplement à être des
Chrétiens, mais à exiger que nous devinssions des Hommes. Nous n'avions en vérité
Chrétiens, mais à exiger que nous devinssions des Hommes. Nous n'avions en vérité
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nous demande, à nous qui sommes hommes, qui agissons en hommes et ne saurions
nous demande, à nous qui sommes hommes, qui agissons en hommes et ne saurions
être autre chose ni agir autrement, d'être Hommes et « réellement Hommes ».
être autre chose ni agir autrement, d'être Hommes et « réellement Hommes ».
Nos États modernes, encore suspendus aux jupes de leur mère l'Église, nous imposent
Nos États modernes, encore suspendus aux jupes de leur mère l'Église, nous imposent
bien encore diverses obligations (celle d'appartenir à une confession religieuse,
bien encore diverses obligations (celle d'appartenir à une confession religieuse,
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Hommes, et quand ils agissent, c'est égoïstement, comme un Moi envers un Toi ou un
Hommes, et quand ils agissent, c'est égoïstement, comme un Moi envers un Toi ou un
Vous radicalement distincts et opposés.
Vous radicalement distincts et opposés.
Dire que l'État doit faire état de notre humanité revient à dire qu'il doit compter
Dire que l'État doit faire état de notre humanité revient à dire qu'il doit compter
sur notre moralité. Voir en autrui un homme et se comporter en homme à son égard,
sur notre moralité. Voir en autrui un homme et se comporter en homme à son égard,
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C, d'où A = B, autrement dit « je = Homme » et « tu = Homme »; d'où « je = tu »; toi
C, d'où A = B, autrement dit « je = Homme » et « tu = Homme »; d'où « je = tu »; toi
et moi sommes la même chose.
et moi sommes la même chose.
La moralité est incompatible avec l'égoïsme, parce que ce n'est pas à Moi mais
La moralité est incompatible avec l'égoïsme, parce que ce n'est pas à Moi mais
seulement à l'Homme que je suis qu'elle accorde une valeur. Si l'État est une société
seulement à l'Homme que je suis qu'elle accorde une valeur. Si l'État est une société
d'hommes, et non une réunion de Moi dont chacun n'a en vue que lui-même, il ne peut
d'hommes, et non une réunion de Moi dont chacun n'a en vue que lui-même, il ne peut
subsister sans la Moralité et doit être fondé sur elle.
subsister sans la Moralité et doit être fondé sur elle.
Aussi l'État et Moi sommes-nous ennemis. Le bien de cette « Société humaine »
Aussi l'État et Moi sommes-nous ennemis. Le bien de cette « Société humaine »
ne me tient pas au coeur, à moi l'égoïste ; je ne me dévoue pas pour elle, je ne fais que
ne me tient pas au coeur, à moi l'égoïste ; je ne me dévoue pas pour elle, je ne fais que
Max Stirner (1845), L’unique et sa propriété 155
l'employer ; mais afin de pouvoir pleinement en user, je la convertis en ma propriété,
l'employer ; mais afin de pouvoir pleinement en user, je la convertis en ma propriété,
j'en fais ma créature, c'est-à-dire que je l'anéantis et que j'édifie à sa place l'association
j'en fais ma créature, c'est-à-dire que je l'anéantis et que j'édifie à sa place l'association
des Égoïstes.
des Égoïstes.
L'État, de son côté, trahit son hostilité à mon égard en exigeant que je sois un
L'État, de son côté, trahit son hostilité à mon égard en exigeant que je sois un
Homme, ce qui sous-entend que je pourrais n'en pas être un et passer à ses yeux pour
Homme, ce qui sous-entend que je pourrais n'en pas être un et passer à ses yeux pour
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mais un homme « bien pensant » et « bien faisant », autrement dit moral. Devant
mais un homme « bien pensant » et « bien faisant », autrement dit moral. Devant
l'État et son état je dois être impuissant, respectueux, etc.
l'État et son état je dois être impuissant, respectueux, etc.
Cet État, qui n'a d'ailleurs actuellement aucune réalité et doit encore être fondé,
Cet État, qui n'a d'ailleurs actuellement aucune réalité et doit encore être fondé,
est l'idéal du Libéralisme progressiste. Il sera une véritable « société humaine » où
est l'idéal du Libéralisme progressiste. Il sera une véritable « société humaine » où
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réaliser l'« Homme », c'est-à-dire de lui créer un monde, monde qui sera le monde
réaliser l'« Homme », c'est-à-dire de lui créer un monde, monde qui sera le monde
humain ou la société humaine universelle (communiste). « L'Église, disait-on, ne pouvait
humain ou la société humaine universelle (communiste). « L'Église, disait-on, ne pouvait
s'occuper que de l'esprit ; l'État doit se charger de l'homme tout entier 1. » Mais
s'occuper que de l'esprit ; l'État doit se charger de l'homme tout entier <ref>HESS : Triarchie, p. 76.</ref> » Mais
l'Homme n'est-il pas Esprit ? Le noyau de l'État est l’ « Homme », cette irréalité, et
l'Homme n'est-il pas Esprit ? Le noyau de l'État est l’ « Homme », cette irréalité, et
l'État lui-même n'est qu'une société d'Hommes. Le monde que crée le croyant (Esprit
l'État lui-même n'est qu'une société d'Hommes. Le monde que crée le croyant (Esprit
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m'appartient. L'humain en soi est une abstraction et, par conséquent, un fantôme, un
m'appartient. L'humain en soi est une abstraction et, par conséquent, un fantôme, un
être imaginaire.
être imaginaire.
Bruno Bauer exprime quelque part (Judenfrage, p. 84), cette opinion que la
Bruno Bauer exprime quelque part (Judenfrage, p. 84), cette opinion que la
dernière vérité à laquelle soit parvenue la Critique, et la vérité que le Christianisme
dernière vérité à laquelle soit parvenue la Critique, et la vérité que le Christianisme
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vérité ; car cette histoire — et elle seule — est l'histoire de la découverte de la première
vérité ; car cette histoire — et elle seule — est l'histoire de la découverte de la première
et de l'ultime vérité— de l'Homme et de la liberté ! »
et de l'ultime vérité— de l'Homme et de la liberté ! »
Soit, acceptons-en le bénéfice, et admettons que l'Homme est le résultat auquel
Soit, acceptons-en le bénéfice, et admettons que l'Homme est le résultat auquel
aboutit l'histoire de la pensée chrétienne et, d'ailleurs, tout l'effort des hommes vers la
aboutit l'histoire de la pensée chrétienne et, d'ailleurs, tout l'effort des hommes vers la
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propriétaire et à moitié un esclave. Aussi, Juif et Chrétien sont-ils toujours partiellement
propriétaire et à moitié un esclave. Aussi, Juif et Chrétien sont-ils toujours partiellement
opposés : la moitié de l'un est la négation d'une moitié de l'autre ; comme hom-
opposés : la moitié de l'un est la négation d'une moitié de l'autre ; comme hom-
1 HESS : Triarchie, p. 76.
Max Stirner (1845), L’unique et sa propriété 156
mes ils se reconnaissent, comme esclaves ils se repoussent parce qu'ils servent deux
mes ils se reconnaissent, comme esclaves ils se repoussent parce qu'ils servent deux
maîtres différents. S'ils pouvaient être complètement des égoïstes, ils s'excluraient
maîtres différents. S'ils pouvaient être complètement des égoïstes, ils s'excluraient
totalement et n'en tiendraient que plus fermement l'un à l'autre. Ce qui les avilit, ce
totalement et n'en tiendraient que plus fermement l'un à l'autre. Ce qui les avilit, ce
n'est pas de se contredire, c'est de ne le faire qu'à demi.
n'est pas de se contredire, c'est de ne le faire qu'à demi.
Bruno Bauer pense au contraire que Juifs et Chrétiens pourraient se regarder
Bruno Bauer pense au contraire que Juifs et Chrétiens pourraient se regarder
comme des « Hommes » et se traiter mutuellement comme tels, s'ils dépouillaient
comme des « Hommes » et se traiter mutuellement comme tels, s'ils dépouillaient
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d'une façon générale, de croire à l'existence du privilège. Il leur répond en leur
d'une façon générale, de croire à l'existence du privilège. Il leur répond en leur
objectant les droits de l'Homme. Les droits de l'homme !
objectant les droits de l'Homme. Les droits de l'homme !
L'Homme, c'est l'Homme en général, et chacun est homme. Chacun donc doit
L'Homme, c'est l'Homme en général, et chacun est homme. Chacun donc doit
posséder les droits éternels en question et doit en jouir, de l'avis des Communistes,
posséder les droits éternels en question et doit en jouir, de l'avis des Communistes,
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qu'il porte le titre d'Homme. Mais je mets l'accent sur « Je » et non sur le fait que je
qu'il porte le titre d'Homme. Mais je mets l'accent sur « Je » et non sur le fait que je
« suis homme ».
« suis homme ».
L'Homme n'est quelque chose que pour autant qu'il est mon attribut (ma propriété);
L'Homme n'est quelque chose que pour autant qu'il est mon attribut (ma propriété);
il en est de l'humanité comme de la virilité et de la féminité. L'idéal des Anciens
il en est de l'humanité comme de la virilité et de la féminité. L'idéal des Anciens
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donné à tout le monde, et je sais pas mal de gens qui se proposeraient là un idéal fort
donné à tout le monde, et je sais pas mal de gens qui se proposeraient là un idéal fort
inaccessible.
inaccessible.
Mais la femme, elle, est en tout cas féminine, elle l'est de nature, la « féminité »
Mais la femme, elle, est en tout cas féminine, elle l'est de nature, la « féminité »
est un des éléments de son individualité, et elle n'a que faire du « vrai féminin ». Je
est un des éléments de son individualité, et elle n'a que faire du « vrai féminin ». Je
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comme une mission d'être « véritablement homme » qu'il ne le serait de faire à la
comme une mission d'être « véritablement homme » qu'il ne le serait de faire à la
terre un devoir d'être « vraiment étoile ».
terre un devoir d'être « vraiment étoile ».
Lorsque Fichte dit : « Le Moi est tout », cela semble parfaitement en harmonie
Lorsque Fichte dit : « Le Moi est tout », cela semble parfaitement en harmonie
avec ma théorie. Seulement le Moi n'est pas tout, mais il détruit tout, et seul le Moi
avec ma théorie. Seulement le Moi n'est pas tout, mais il détruit tout, et seul le Moi
qui se décompose lui-même, le Moi qui n'est jamais, le Moi — final est réellement
qui se décompose lui-même, le Moi qui n'est jamais, le Moi — final est réellement
Moi. Fichte parle d'un Moi « absolu », tandis que je parle de Moi, du Je périssable.
Moi. Fichte parle d'un Moi « absolu », tandis que je parle de Moi, du Je périssable.
On est bien près d'admettre que Homme et Moi sont synonymes ! Et nous voyons
On est bien près d'admettre que Homme et Moi sont synonymes ! Et nous voyons
pourtant Feuerbach, par exemple, déclarer que le terme « Homme » ne doit s'appliquer
pourtant Feuerbach, par exemple, déclarer que le terme « Homme » ne doit s'appliquer
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si l'individu « peut franchir les limites de son individualité, il ne peut néanmoins
si l'individu « peut franchir les limites de son individualité, il ne peut néanmoins
s'élever au-dessus des lois et des caractères essentiels de l'espèce à laquelle il
s'élever au-dessus des lois et des caractères essentiels de l'espèce à laquelle il
Max Stirner (1845), L’unique et sa propriété 157
appartient <ref>Wesen des Christentums, p. 401.</ref>». Seulement l'espèce n'est rien, et l'individu qui franchit les bornes de
appartient 1 ». Seulement l'espèce n'est rien, et l'individu qui franchit les bornes de
son individualité n'en est justement que plus lui-même, plus individuel. Il n'est lui, il
son individualité n'en est justement que plus lui-même, plus individuel. Il n'est lui, il
n'est individu que pour autant qu'il s'élève, qu'il franchisse, qu'il ne reste pas ce qu'il
n'est individu que pour autant qu'il s'élève, qu'il franchisse, qu'il ne reste pas ce qu'il
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; ma vocation est tout au plus, dans le premier cas, plus indéterminée, plus
; ma vocation est tout au plus, dans le premier cas, plus indéterminée, plus
vague et plus flottante.
vague et plus flottante.
De même que l'individu est toute la nature, il est toute l'espèce.
De même que l'individu est toute la nature, il est toute l'espèce.
Ce que je suis détermine nécessairement tout ce que je fais, pense, etc., bref toutes
Ce que je suis détermine nécessairement tout ce que je fais, pense, etc., bref toutes
mes manifestations. Le Juif, par exemple, ne peut vouloir que telle chose, ne peut « se
mes manifestations. Le Juif, par exemple, ne peut vouloir que telle chose, ne peut « se
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suffit pas. Mais sois un Homme, et tu auras tout ; choisis l'humain comme ta
suffit pas. Mais sois un Homme, et tu auras tout ; choisis l'humain comme ta
vocation.
vocation.
Nous savons désormais où est le devoir et nous pourrions rédiger le nouveau
Nous savons désormais où est le devoir et nous pourrions rédiger le nouveau
catéchisme. De nouveau le sujet est subordonné au prédicat, et le particulier immolé
catéchisme. De nouveau le sujet est subordonné au prédicat, et le particulier immolé
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pour Me dire, et le « verbe », le logos, n'est, lorsqu'il s'applique à Moi, qu'un « vain
pour Me dire, et le « verbe », le logos, n'est, lorsqu'il s'applique à Moi, qu'un « vain
mot ».
mot ».
1 Wesen des Christentums, p. 401.
 
Max Stirner (1845), L’unique et sa propriété 158
On cherche mon essence. Ce n'est pas le Juif, l'Allemand, etc., c'est — l'Homme.
On cherche mon essence. Ce n'est pas le Juif, l'Allemand, etc., c'est — l'Homme.
« L'Homme est mon essence. »
« L'Homme est mon essence. »
Je me suis désagréable ou antipathique, je me répugne, je me dégoûte et me fais
Je me suis désagréable ou antipathique, je me répugne, je me dégoûte et me fais
horreur, ou bien ne suis jamais assez et ne fais jamais assez pour moi. De tels sentiments
horreur, ou bien ne suis jamais assez et ne fais jamais assez pour moi. De tels sentiments
naît soit l'autonégation, soit l'autocritique. La religiosité commence avec
naît soit l'autonégation, soit l'autocritique. La religiosité commence avec
l'abnégation et finit par la critique radicale.
l'abnégation et finit par la critique radicale.
Je suis possédé et je veux exorciser l' « Esprit malin ». Que faire ? — Commettre
Je suis possédé et je veux exorciser l' « Esprit malin ». Que faire ? — Commettre
hardiment le péché le plus noir aux yeux des Chrétiens : blasphémer le Saint-Esprit.
hardiment le péché le plus noir aux yeux des Chrétiens : blasphémer le Saint-Esprit.
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restera chargé d'une condamnation éternelle 1. » Je ne veux pas de pardon et ne crains
restera chargé d'une condamnation éternelle 1. » Je ne veux pas de pardon et ne crains
pas le châtiment.
pas le châtiment.
L'Homme est le dernier des mauvais Esprits, le dernier fantôme et le plus fécond
L'Homme est le dernier des mauvais Esprits, le dernier fantôme et le plus fécond
en impostures et en tromperies ; c'est le plus subtil menteur qui se soit jamais caché
en impostures et en tromperies ; c'est le plus subtil menteur qui se soit jamais caché
sous un masque d'honnêteté, c'est le père des mensonges.
sous un masque d'honnêteté, c'est le père des mensonges.
L'Égoïste qui s'insurge contre les devoirs, les aspirations et les idées qui ont cours
L'Égoïste qui s'insurge contre les devoirs, les aspirations et les idées qui ont cours
commet impitoyablement la suprême profanation : rien ne lui est sacré !
commet impitoyablement la suprême profanation : rien ne lui est sacré !
Il serait absurde de soutenir qu'il n'est point de puissances supérieures à la
Il serait absurde de soutenir qu'il n'est point de puissances supérieures à la
mienne. Mais la position que je prendrai à leur égard sera toute différente de ce
mienne. Mais la position que je prendrai à leur égard sera toute différente de ce
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tandis que la religion nous enseigne à nous en faire une amie et à être humbles envers
tandis que la religion nous enseigne à nous en faire une amie et à être humbles envers
elle.
elle.
Le sacrilège concentre ses forces contre toute crainte de Dieu, car la crainte de
Le sacrilège concentre ses forces contre toute crainte de Dieu, car la crainte de
Dieu lui enlèverait tout empire sur ce dont il laisserait subsister le caractère sacré.
Dieu lui enlèverait tout empire sur ce dont il laisserait subsister le caractère sacré.
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suprême » sera l'objet de la même vénération que le Dieu, Être suprême de la religion
suprême » sera l'objet de la même vénération que le Dieu, Être suprême de la religion
sensu strictiori ; tous deux exigent de nous crainte et respect.
sensu strictiori ; tous deux exigent de nous crainte et respect.
La crainte de Dieu proprement dite est depuis longtemps ébranlée et la mode est à
La crainte de Dieu proprement dite est depuis longtemps ébranlée et la mode est à
un « athéisme » plus ou moins conscient, reconnaissable extérieurement à un abandon
un « athéisme » plus ou moins conscient, reconnaissable extérieurement à un abandon
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importance : l'Homme est le dieu d'aujourd'hui et la crainte de l'Homme a pris la
importance : l'Homme est le dieu d'aujourd'hui et la crainte de l'Homme a pris la
place de l'ancienne crainte de Dieu.
place de l'ancienne crainte de Dieu.
Mais comme l'Homme ne représente qu'un autre Être suprême, l'Être suprême n'a
Mais comme l'Homme ne représente qu'un autre Être suprême, l'Être suprême n'a
subi en somme qu'une simple métamorphose, et la crainte de l'Homme n'est qu'un
subi en somme qu'une simple métamorphose, et la crainte de l'Homme n'est qu'un
aspect différent de la crainte de Dieu.
aspect différent de la crainte de Dieu.
Nos athées sont de pieuses gens.
Nos athées sont de pieuses gens.
Si durant les temps dit féodaux nous recevions tout en fief de Dieu, la période
Si durant les temps dit féodaux nous recevions tout en fief de Dieu, la période
libérale nous a mis dans le même état de vasselage vis-à-vis de l'Homme. Dieu était le
libérale nous a mis dans le même état de vasselage vis-à-vis de l'Homme. Dieu était le
Maître, à présent l'Homme est le Maître ; Dieu était le Médiateur, à présent, c'est
Maître, à présent l'Homme est le Maître ; Dieu était le Médiateur, à présent, c'est
l'Homme ; Dieu était l'Esprit, et l'Homme aujourd'hui est l'Esprit. Sous ce triple
l'Homme ; Dieu était l'Esprit, et l'Homme aujourd'hui est l'Esprit. Sous ce triple
Max Stirner (1845), L’unique et sa propriété 159
rapport, la vassalité s'est transformée : en premier lieu, nous tenons de l'Homme toutpuissant
rapport, la vassalité s'est transformée : en premier lieu, nous tenons de l'Homme toutpuissant
notre puissance, et cette puissance, émanant d'une autorité supérieure, ne
notre puissance, et cette puissance, émanant d'une autorité supérieure, ne
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nous ne sommes pas « humains ». — La puissance est à l'Homme, le monde est à
nous ne sommes pas « humains ». — La puissance est à l'Homme, le monde est à
l'Homme et je suis à l'Homme.
l'Homme et je suis à l'Homme.
Mais en quels termes déclarer que Je suis mon Justificateur, mon Médiateur et
Mais en quels termes déclarer que Je suis mon Justificateur, mon Médiateur et
mon Propriétaire ? Je dirai :
mon Propriétaire ? Je dirai :
Ma puissance est ma propriété.
Ma puissance est ma propriété.
Ma puissance me donne la propriété.
Ma puissance me donne la propriété.
Je suis moi-même ma puissance, et je suis par elle ma
Je suis moi-même ma puissance, et je suis par elle ma
propriété.
propriété.