Différences entre les versions de « Jean-Baptiste Say:Traité d'économie politique - Livre I - Chapitre XXVIII »

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{{titre|[[Jean-Baptiste Say:Traité d'économie politique|Traité d'économie politique]]|[[Jean-Baptiste Say]]|Livre Premier<br />Chapitre XXVIII - D'une attention qu'il faut avoir en évaluant les sommes dont il est fait mention dans l'histoire.}}
{{titre|[[Jean-Baptiste Say:Traité d'économie politique|Traité d'économie politique]]|[[Jean-Baptiste Say]]|Livre Premier<br />Chapitre XXVIII - D'une attention qu'il faut avoir en évaluant les sommes dont il est fait mention dans l'histoire.}}


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Des exemples feront mieux sentir la nécessité de ce moyen de réduction.
Des exemples feront mieux sentir la nécessité de ce moyen de réduction.


Démocède, médecin de Crotone, s'étant retiré à Égine, y déploya tant d'habileté dans sa profession, que les éginètes, pour l'attacher à leur ville, lui assignèrent, sur le trésor public, une pension annuelle d'un talent. Si nous voulons connaître l'étendue de cette munificence, et en même temps la valeur de la somme appelée du nom de ''talent'', nous chercherons d'abord à savoir ce qu'un talent pouvait acheter de blé. Jusqu'à Démosthènes on n'a pas de document sur le prix du blé ; mais dans le plaidoyer de Démosthènes contre Phormion, on lit : « Le blé étant fort cher, et tandis qu'il se vendait jusqu'à 16 drachmes, nous en avons fait venir plus de cent mille médimnes au ''prix ordinaire'' de la taxe, à cinq drachmes. ».
Démocède, médecin de Crotone, s'étant retiré à Égine, y déploya tant d'habileté dans sa profession, que les éginètes, pour l'attacher à leur ville, lui assignèrent, sur le trésor public, une pension annuelle d'un talent. Si nous voulons connaître l'étendue de cette munificence, et en même temps la valeur de la somme appelée du nom de ''talent'', nous chercherons d'abord à savoir ce qu'un talent pouvait acheter de blé. Jusqu'à Démosthène on n'a pas de document sur le prix du blé ; mais dans le plaidoyer de Démosthène contre Phormion, on lit : « Le blé étant fort cher, et tandis qu'il se vendait jusqu'à 16 drachmes, nous en avons fait venir plus de cent mille médimnes au ''prix ordinaire'' de la taxe, à cinq drachmes. ».


Voilà donc le prix ''le plus ordinaire'' du blé à Athènes : cinq drachmes par médimne. Le talent attique contenait 6 000 drachmes. À cinq par médimne, le talent pouvait donc acheter 1, 200 médimnes de blé. Il s'agit maintenant de réduire 1 200 médimnes en mesures de notre temps. Or, on sait par d'autres voies que chaque médimne équivalait à 52 de nos litres, ou (à très peu de chose près) un demi-hectolitre. Douze cents médimnes feraient donc 600 hectolitres, qui, au prix moyen de notre temps, qui ne s'éloigne pas beaucoup de 19 francs l'hectolitre, vaudraient, de nos jours, 11, 400 francs. Ces matières n'admettent pas une exactitude extrême ; cependant nous sommes assurés d'arriver, par cette méthode, beaucoup plus près de la vérité que l'abbé Barthélemy, qui, dans son ''voyage d'Anacharsis'', n'évalue le talent attique que 5 400 francs.
Voilà donc le prix ''le plus ordinaire'' du blé à Athènes : cinq drachmes par médimne. Le talent attique contenait 6 000 drachmes. À cinq par médimne, le talent pouvait donc acheter 1, 200 médimnes de blé. Il s'agit maintenant de réduire 1 200 médimnes en mesures de notre temps. Or, on sait par d'autres voies que chaque médimne équivalait à 52 de nos litres, ou (à très peu de chose près) un demi-hectolitre. Douze cents médimnes feraient donc 600 hectolitres, qui, au prix moyen de notre temps, qui ne s'éloigne pas beaucoup de 19 francs l'hectolitre, vaudraient, de nos jours, 11, 400 francs. Ces matières n'admettent pas une exactitude extrême ; cependant nous sommes assurés d'arriver, par cette méthode, beaucoup plus près de la vérité que l'abbé Barthélemy, qui, dans son ''voyage d'Anacharsis'', n'évalue le talent attique que 5 400 francs.
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Il y a plus d'incertitude dans l'estimation des sommes historiques après le désastre de l'empire romain, soit à cause de la diversité des monnaies et de leurs fréquentes altérations, soit en raison de l'ignorance où nous sommes de la véritable capacité des mesures des grains. Pour estimer avec approximation une somme sous la première race des rois de France ; pour savoir, par exemple, ce que valaient 400 écus d'or que le pape saint Grégoire sut tirer du royaume de France dès l'année 593, il faudrait savoir ce que 400 écus d'or pouvaient acheter de blé. Mais en supposant que l'on possédât quelque renseignement tolérable sur le prix du blé vers la fin du sixième siècle, son prix ne serait probablement pas établi en écus d'or ; il faudrait donc savoir en même temps le rapport de la monnaie en laquelle l'estimation serait faite avec les écus d'or ; il faudrait savoir la contenance de la mesure de blé dont on nous donnerait le prix, afin de connaître son rapport avec nos mesures de capacité actuelles ; et, malgré tout cela, il serait encore facile de se tromper du double au simple dans toutes ces réductions.
Il y a plus d'incertitude dans l'estimation des sommes historiques après le désastre de l'empire romain, soit à cause de la diversité des monnaies et de leurs fréquentes altérations, soit en raison de l'ignorance où nous sommes de la véritable capacité des mesures des grains. Pour estimer avec approximation une somme sous la première race des rois de France ; pour savoir, par exemple, ce que valaient 400 écus d'or que le pape saint Grégoire sut tirer du royaume de France dès l'année 593, il faudrait savoir ce que 400 écus d'or pouvaient acheter de blé. Mais en supposant que l'on possédât quelque renseignement tolérable sur le prix du blé vers la fin du sixième siècle, son prix ne serait probablement pas établi en écus d'or ; il faudrait donc savoir en même temps le rapport de la monnaie en laquelle l'estimation serait faite avec les écus d'or ; il faudrait savoir la contenance de la mesure de blé dont on nous donnerait le prix, afin de connaître son rapport avec nos mesures de capacité actuelles ; et, malgré tout cela, il serait encore facile de se tromper du double au simple dans toutes ces réductions.


Dupré de Saint-Maur croit que depuis le règne de Philippe-Auguste, c'est-à-dire depuis environ l'an 1200 de l'ère vulgaire, la capacité du setier de Paris est restée à peu près la même ; or, cette quantité de blé approche beaucoup d'un hectolitre et demi. Et prenant 19 fr pour le prix moyen actuel de l'hectolitre de blé, le prix moyen du setier est 28 francs 50 cent. En conséquence, chaque fois que nous voyons dans l'histoire de France, depuis Philippe-Auguste, que le setier de blé est à un certain prix, nous pouvons traduire ce prix, quel qu'il soit, par 28 francs 50 centimes d'aujourd'hui.  
Dupré de Saint-Maur croit que depuis le règne de Philippe-Auguste, c'est-à-dire depuis environ l'an 1200 de l'ère vulgaire, la capacité du setier de Paris est restée à peu près la même ; or, cette quantité de blé approche beaucoup d'un hectolitre et demi. Et prenant 19 francs pour le prix moyen actuel de l'hectolitre de blé, le prix moyen du setier est 28 francs 50 cent. En conséquence, chaque fois que nous voyons dans l'histoire de France, depuis Philippe-Auguste, que le setier de blé est à un certain prix, nous pouvons traduire ce prix, quel qu'il soit, par 28 francs 50 centimes d'aujourd'hui.  


Ainsi nous savons qu'en 1514, sous Louis XII, le froment valait, année commune, 26 sous le setier ; 26 sous valaient donc autant que 28 francs 50 centimes à présent ; et quand les historiens portent, pendant le règne de ce prince, le montant des contributions publiques à 7 650, 000 livres tournois, nous devons les estimer égales à plus de 167 millions de francs, valeur actuelle. Raynal en donne donc une bien fausse idée quand il ne les évalue que 36 de nos millions. Son erreur vient, je le répète, de ce qu'il s'est borné à chercher ce que cette somme contenait de métal d'argent, pour réduire cet argent en monnaie actuelle, sans faire attention que la valeur de l'argent a fort déchu depuis cette époque.
Ainsi nous savons qu'en 1514, sous Louis XII, le froment valait, année commune, 26 sous le setier ; 26 sous valaient donc autant que 28 francs 50 centimes à présent ; et quand les historiens portent, pendant le règne de ce prince, le montant des contributions publiques à 7 650, 000 livres tournois, nous devons les estimer égales à plus de 167 millions de francs, valeur actuelle. Raynal en donne donc une bien fausse idée quand il ne les évalue que 36 de nos millions. Son erreur vient, je le répète, de ce qu'il s'est borné à chercher ce que cette somme contenait de métal d'argent, pour réduire cet argent en monnaie actuelle, sans faire attention que la valeur de l'argent a fort déchu depuis cette époque.
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Le prix moyen du blé extrait des années 1685 à 1716, en excluant les années extraordinaires du plus haut et du plus bas prix, donne pour le setier de Paris 17 livres 16 sous. En traduisant par 28 francs 50 centimes chaque somme de 17 livres 16 sous qui se trouve dans la dette de Louis XIV, elle nous donnera un total de 3 milliards et 82 millions de francs ; triste résultat de la gloriole militaire du prince et des nombreux abus de sa cour.
Le prix moyen du blé extrait des années 1685 à 1716, en excluant les années extraordinaires du plus haut et du plus bas prix, donne pour le setier de Paris 17 livres 16 sous. En traduisant par 28 francs 50 centimes chaque somme de 17 livres 16 sous qui se trouve dans la dette de Louis XIV, elle nous donnera un total de 3 milliards et 82 millions de francs ; triste résultat de la gloriole militaire du prince et des nombreux abus de sa cour.
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