Différences entre les versions de « Walter Lippmann:La Cité libre - Chapitre 3 - le gouvernement de la postérité »

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Je ne veux pas dire qu'il s'agit là d'une valeur mesurable. Je veux dire qu'il est permis de supposer l'existence d'une limite relativement fixe aux facultés humaines. Dans le domaine de la pensée comme dans celui de l'action, il faut à tout instant choisir, renoncer à une chose pour en obtenir une autre. L'homme ne peut pas tout savoir ni tout faire. Tel est le propre de sa condition. Il doit choisir entre la vue générale et l'examen localisé, entre le chenal large et peu profond, et le chenal étroit mais profond, entre ce qui est vaste et frais, et ce qui est petit et chaud, entre le panorama et le portrait, entre une compréhension microscopique ou macroscopique du monde. Dans le domaine de l'action, il doit également choisir. Une carrière en exclut d'autres, une alternative en exclut d'autres. En faisant face à une direction, il tourne le dos à la direction opposée. Les décisions prises par les hommes dans la conduite de leurs affaires privées, de même que celles qui déterminent la politique des Etats, sont des choix dans lesquels chaque avantage se paie d'un sacrifice. Car on ne peut pas tout avoir. Il en va de même pour les hommes d'Etat : lorsqu'ils décident de la direction dans laquelle ils vont dépenser le peu d'énergie qu'ils ont à leur disposition, il leur faut décider à quels objectifs ils doivent renoncer, et quels désirs ils abandonneront, comme dit Burke, « à une sage et salutaire négligence ».
Je ne veux pas dire qu'il s'agit là d'une valeur mesurable. Je veux dire qu'il est permis de supposer l'existence d'une limite relativement fixe aux facultés humaines. Dans le domaine de la pensée comme dans celui de l'action, il faut à tout instant choisir, renoncer à une chose pour en obtenir une autre. L'homme ne peut pas tout savoir ni tout faire. Tel est le propre de sa condition. Il doit choisir entre la vue générale et l'examen localisé, entre le chenal large et peu profond, et le chenal étroit mais profond, entre ce qui est vaste et frais, et ce qui est petit et chaud, entre le panorama et le portrait, entre une compréhension microscopique ou macroscopique du monde. Dans le domaine de l'action, il doit également choisir. Une carrière en exclut d'autres, une alternative en exclut d'autres. En faisant face à une direction, il tourne le dos à la direction opposée. Les décisions prises par les hommes dans la conduite de leurs affaires privées, de même que celles qui déterminent la politique des Etats, sont des choix dans lesquels chaque avantage se paie d'un sacrifice. Car on ne peut pas tout avoir. Il en va de même pour les hommes d'Etat : lorsqu'ils décident de la direction dans laquelle ils vont dépenser le peu d'énergie qu'ils ont à leur disposition, il leur faut décider à quels objectifs ils doivent renoncer, et quels désirs ils abandonneront, comme dit Burke, « à une sage et salutaire négligence ».
Ceux qui rédigent et appliquent les lois sont des hommes, et c'est pourquoi il y a une énorme disparité entre la simplicité de leurs esprits et la complexité de toute société importante. Certes, on a essayé de prétendre que l'ensemble complexe de la réalité peut être mystiquement présent dans l'esprit d'une législature populaire ou même dans celui d'un dictateur ; que certains esprits sont inspirés au point de devenir universels et de pouvoir tout embrasser.


== Notes et références ==  
== Notes et références ==  
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