Henry Hazlitt:L'Économie politique en une leçon - Chapitre XVII – Le contrôle des prix par l'État

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Henry Hazlitt:L'Économie politique en une leçon - Chapitre XVII – Le contrôle des prix par l'État


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Chapitre XVII – Le contrôle des prix par l'État

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Nous avons vu ce qui se passe lorsque le gouvernement se mêle de vouloir fixer les prix au-dessus du niveau auquel le marché libre les aurait amenés. Voyons maintenant ce qui peut se produire si le Gouvernement les taxe au-dessous du niveau normal.

Presque tous les gouvernements, de nos jours, se livrent à cette dernière politique en temps de guerre. Nous n'envisageons pas ici l'utilité de la fixation des prix dans ce périodes anormales, les difficultés où un tel sujet pourrait nous entraîner nous conduiraient trop loin de l'objet de ce livre. L'économie tout entière tombe fatalement pendant la guerre sous la direction de l'État [1].

Mais la politique de la fixation des prix, qu'elle soit due à la guerre, qu'elle soit sage ou non, se maintient dans presque tous les pays, durant de longues périodes, une fois la guerre finie, alors que l'excuse initiale qu'on pouvait avoir en l'instaurant a disparu.

Voyons d'abord ce qui se passe quand l'État essaie de fixer le prix d'un produit, ou d'un ensemble de produits, au-dessous de celui qu'il atteindrait sur un marché libre.

Quand il s'efforce de fixer le prix maximum pour quelques denrées seulement, il choisit à l'ordinaire des produits de base, affirmant qu'il y a un intérêt capital à ce que les classes pauvres puissent les acquérir à un « prix raisonnable ». Supposons que les denrées choisies à cet effet soient le pain, le lait, la viande.

La raison qu'on donne pour maintenir un prix bas pour ces marchandises est à peu près celle-ci. Si on laisse le prix du bœuf (par exemple) à la merci du marché libre, la demande sera telle que le prix se fixera très haut et seuls les riches pourront en acheter. Les gens se procureront du bœuf, non pas en proportion du besoin qu'ils en ont, mais à proportion de leur pouvoir d'achat. Tandis que, si nous établissons d'autorité le prix à un taux plus bas, chacun pourra en obtenir une quantité suffisante.

Remarquons tout d'abord, au sujet de ce raisonnement, que s'il est juste, la politique adoptée en se fondant sur lui est inconséquente et timorée. Car si c'est le pouvoir d'achat, et non le besoin, qui règle la distribution du bœuf au cours de 65 cents la livre sur un marché libre, il le fixerait également, quoique sans doute à un degré légèrement moindre, avec un prix de plafond légal de, disons, 50 cents la livre. L'argument suivant lequel c'est le pouvoir d'achat, plutôt que le besoin, qui commande la répartition d'une denrée peut être soutenu aussi longtemps qu'on est obligé de payer pour avoir du bœuf. Il n'aurait plus de raison d'être si le bœuf était distribué pour rien. Mais les systèmes de prix maximum taxés sont, en général, des efforts faits « pour empêcher la vie de monter », si bien que les protagonistes de ces mesures affirment inconsciemment que le prix du marché libre est en quelque sorte normal ou sacro-saint, au moment où leur contrôle commence. Ce prix de départ est considéré comme raisonnable, tout autre prix plus élevé comme déraisonnable, sans qu'on s'inquiète de savoir si les conditions de l'offre ou de la demande ont changé depuis que ce prix de départ s'était établi sur le marché.

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Dans la discussion de ce problème, il serait vain de prétendre qu'on peut établir un contrôle sur les prix tel qu'il les obligerait à se fixer constamment au niveau où, à chaque instant, les fixerait le marché libre. Autant, alors, n'avoir pas de contrôle ! Nous sommes obligés d'affirmer que le pouvoir d'achat du public est plus élevé que la quantité de marchandises offerte sur le marché, et que les prix sont maintenus par le contrôle au-dessous du niveau où ils se placeraient si le marché restait libre.

Or, il est impossible de maintenir le prix d'une denrée quelconque au-dessous de son prix de marché sans qu'à un certain moment deux conséquences ne s'ensuivent. La première est d'en accroître la demande. Si en effet cette denrée baisse de prix, on aura à la fois plus de tentation et plus de moyens d'en acheter davantage. La seconde est qu'alors la dite denrée deviendra plus rare. Puisqu'on en achètera davantage, on le verra disparaître des rayons des boutiques. Et de plus, la production de cette denrée sera découragée. La marge des profits en sera réduite ou même supprimée. Les producteurs marginaux sont conduits à la faillite. Même les plus habiles d'entre eux pourront se voir amenés à vendre leurs marchandises à perte. C'est ce qui s'est produit pendant la guerre lorsque l'Office des Prix fit appel aux abattoirs pour qu'ils mettent de la viande sur le marché à un prix inférieur à ce que valait le bétail sur pied, augmenté du coût de l'abattage et des opérations accessoires.

Si nous nous en tenions là, les conséquences de la fixation d'un prix maximum pour une denrée donnée entraîneraient nécessairement la raréfaction de cette denrée. Mais cela est exactement le contraire de ce à quoi les gens du contrôle économique prétendaient arriver. Car ce sont ces produits mêmes, choisis par eux et dotés d'une taxe maximum, dont ils voulaient justement assurer l'abondance. Mais tandis qu'ils fixent une limite aux salaires et aux profits de ceux qui produisent ces denrées de base, tout en laissant libres de toute contrainte les producteurs de produits de luxe ou de demi-luxe, ils découragent la production des denrées tarifiées et ils stimulent celles des denrées moins essentielles.

Quelques-unes de ces conséquences deviennent, chacune en son temps, sensibles aux dirigistes, et pour les écarter ils font appel à d'autres modalités de contrôle, parmi lesquelles le rationnement, le contrôle des prix de revient, la taxe à la production, les indemnités et allocations ou la tarification générale des prix. Examinons chacun de ces procédés.

Lorsqu'il devient évident que la rareté d'un produit s'intensifie, par le fait que son prix a été fixé au-dessous du cours normal, on accuse les clients riches d'en prendre plus que leur juste part, ou s'il s'agit d'une matière première industrielle, on accuse certaines firmes de la stocker. A ce moment alors, les pouvoirs publics prennent une série de mesures instituant des priorités d'achat, des allocations par catégories d'usagers et par quantités, des rationnements. Si l'on adopte le système généralisé du rationnement, chaque consommateur n'aura droit qu'à un certain maximum de la denrée rationnée, même s'il désire et peut en acheter davantage.

En bref, dans le système de rationnement, l'État adopte le système du double prix ou un système de double monnaie : chaque consommateur doit être nanti, non seulement de monnaie ordinaire, mais aussi d'un certain nombre de points ou coupons d'achats. Autrement dit, ce gouvernement essaie de faire, par le moyen des coupons d'achats, une partie du travail que le marché libre réaliserait par le seul jeu des prix. Je dis qu'il ne fait qu'une partie du travail, car le rationnement ne parvient qu'à contracter la demande, sans pour cela stimuler l'offre, ce qu'un prix plus élevé ne manquerait pas de faire.

Le Gouvernement peut d'ailleurs essayer d'agir sur l'offre en étendant son contrôle sur le coût de la production d'une denrée donnée. Pour maintenir le prix du bétail du bœuf, par exemple, à un cours très bas, il lui est loisible de fixer le prix de gros du bœuf, le prix à l'abattoir, le prix de la viande sur pied, celui de la nourriture du bétail et les gages des garçons de ferme. Pour maintenir au-dessous du cours normal le prix du lait livré à domicile, il peut aussi essayer de fixer les salaires des conducteurs de camions laitiers, le prix des bidons, celui du lait pris à la ferme et celui de la nourriture du bétail. Pour maintenir le prix du pain, il peut fixer les salaires des ouvriers boulangers, le cours de la farine, le tarif des meuniers, le prix du blé et ainsi de suite.

Mais à mesure que le gouvernement remonte ainsi à la source dans le contrôle des prix, il multiplie par là même les conséquences qui à l'origine l'ont conduit à adopter cette politique. A supposer qu'il assume la responsabilité de fixer tous ces prix et qu'il ait assez d'autorité pour faire respecter ses décisions, alors, en même temps, il crée la raréfaction des différents services et produits — tels que le travail, la nourriture du bétail, le blé lui-même qui contribuent à la production des denrées essentielles. Aussi le Gouvernement est-il contraint d'étendre ses contrôles de prix à des cercles de plus en plus étendus, et cela revient finalement au même que s'il érigeait un contrôle des prix sur tout l'ensemble de l'économie.

Le Gouvernement peut tenter de parer à ces difficultés par l'octroi de subventions. Il constate par exemple que lorsqu'il impose un prix plus bas que celui du marché normal pour le lait ou pour le beurre, une pénurie de ces produits peut s'ensuivre par le fait que les salaires et les profits dans cette production sont devenus trop bas, comparés à ceux que procure la production d'autres denrées. C'est pourquoi le Gouvernement tente de compenser ces pertes en donnant une allocation aux producteurs de lait ou de beurre. Sans parler des difficultés administratives inhérentes à ce système, et en supposant que ces allocations seront tout juste suffisantes pour assurer une relative production de ces produits, il est évident que, bien que l'allocation soit payée aux producteurs, ce sont les consommateurs qui en réalité sont bénéficiaires de la subvention. Car les producteurs ne perdent ni ne gagnent : ils ne reçoivent pas plus pour leur lait ou leur beurre que s'ils étaient restés libres de demander le prix du marché normal, tandis que les consommateurs achètent leur lait et leur beurre à un prix bien inférieur à celui du marché normal. Ils se trouvent subventionnés pour la différence entre ces deux prix, ce qui a lieu par le moyen des subsides versés, en apparence, aux producteurs.

Et alors, à moins que cette denrée subventionnée ne soit elle-même aussi rationnée, ce sont les clients doués du plus fort pouvoir d'achat qui pourront en acquérir le plus. Ce qui signifie qu'ils recevront une subvention plus grande que les économiquement faibles.

Quant à savoir qui, en fin de compte, supportera la charge de ces subsides, cela dépend de l'incidence des impôts. Les contribuables paieront pour se subventionner en tant que consommateurs. Il est assez difficile dans ce dédale de savoir qui paie et qui reçoit. Ce que l'on oublie trop, c'est que ces allocations, il faut nécessairement que quelqu'un les paye, car on n'a encore découvert aucune méthode qui permettrait à une collectivité de recevoir quelque chose pour rien.

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Il se peut que le contrôle des prix puisse paraître réussir pendant un certain temps. Cela arrive particulièrement en temps de guerre, lorsqu'il est soutenu par le patriotisme et par la conscience qu'on a de l'état de crise. Mais plus il dure, plus les difficultés de son application apparaissent. Quand les prix sont maintenus artificiellement bas sous la pression du gouvernement, c'est d'une manière chronique que la demande l'emporte sur l'offre. Nous avons vu que si le gouvernement s'efforce de parer au manque d'une denrée en réduisant le salaire, le prix des matières premières et des autres facteurs qui constituent les éléments de coût du produit, ces services et produits se raréfieront à leur tour. Si le Gouvernement s'obstine dans cette voie, non seulement il sera contraint d'étendre son contrôle des prix de plus en plus loin « verticalement », mais il devra également étendre son contrôle sur les prix, de plus en plus proche « horizontalement ». Si l'on rationne une denrée, et qu'ainsi le public ne puisse se la procurer en quantité suffisante, alors, en supposant qu'il lui reste du pouvoir d'achat, il se retournera vers un succédané. Le rationnement d'une denrée en voie de disparition exerce une pression de plus en plus forte sur les denrées encore non rationnées. A supposer que le gouvernement soit capable d'empêcher le marché noir, ou du moins puisse l'empêcher de se développer au point de rendre illusoires les prix égaux, il lui faudra de plus en plus étendre son contrôle, et rationnement de plus en plus de denrées. Ce rationnement ne saurait s'arrêter aux consommateurs ; il en fut ainsi en temps de guerre, car, en fait, il s'appliqua d'abord aux matières premières, atteignant ainsi d'abord les producteurs.

Un contrôle des prix ainsi étendu et minutieux, qui cherche à maintenir un tel niveau des prix, s'oriente nécessairement, à un moment donné, vers une économie entièrement dirigée. Il faudra empêcher les salaires de monter aussi rigoureusement qu'on le fait pour les prix. Il faudra rationner la main-d'œuvre aussi impitoyablement que les matières premières. Si bien que le gouvernement aura, non seulement à fixer à chaque consommateur le montant de sa ration, mais il aura également à mesurer au fabricant le montant de ses bons matières ainsi que le nombre de ses ouvriers. La concurrence ne saurait pas plus être tolérée pour le recrutement de la main-d'œuvre que pour l'achat des matières premières. La conclusion de tout ceci est que l'économie se pétrifie et devient totalitaire, chaque entreprise, chaque travailleur salarié est à la merci du gouvernement et toutes les libertés traditionnelles que nous avons connues s'évanouissent. Alexandre Hamilton, il y a un siècle, écrivait dans le Fédéraliste : « Tout pouvoir qui réglemente la vie matérielle de l'homme s'empare du même coup de son âme. »

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Telles sont les conséquences de ce qu'on pourrait décrire comme étant la réglementation des prix la plus « perfectionnée », la plus « tenace » et la moins « politique » qui soit. Après la seconde guerre mondiale, dans tous les pays, l'un après l'autre, surtout en Europe, le marché noir atténua quelques-unes des bourdes les plus monumentales dues aux bureaucrates.

Dans la plupart des pays d'Europe, ce fut le sort commun de ne pouvoir trouver le minimum vital qu'en faisant appel au marché noir. En certains pays, le marché noir subsista en marge et aux dépens du marché légal jusqu'à ce qu'il devienne, en fait, l'unique marché. Mais en maintenant, ne fût-ce que pour la forme, les prix officiels, les pouvoirs du jour essayaient de montrer que leur cœur était à la bonne place, même si leurs brigades de contrôle n'y étaient pas.

Mais du fait que le marché noir supplanta finalement le marché officiel, il n'en faut pas conclure qu'il n'y ait pas eu de mal de fait. En réalité il y eut dommage, tant économique que moral. Pendant la période de transition les grandes firmes, depuis longtemps établies avec un important capital et une clientèle fidèle, durent ralentir ou cesser leur production. De petites entreprises, nées en une nuit, dotées de très petits capitaux et de peu d'expérience, prennent leur place avec moins d'efficience. Incapables de produire des objets finis et à des prix bien étudiés comme le faisaient leurs aînées, elles sortent des marchandises grossières et de qualité peu loyale à un prix beaucoup plus élevé. Il y a prime à la malhonnêteté. Ces nouvelles firmes n'ont pu naître ou grandir que parce qu'elles consentent à violer la loi ; leurs clients conspirent avec elles, et naturellement les procédés malhonnêtes se généralisent, la démoralisation s'étend sur toute la vie commerciale.

Au surplus, il est rare que les autorités chargées du contrôle des prix aient fait tous les efforts nécessaires pour maintenir le niveau des prix au taux qui existait quand on a commencé la taxation. Elles proclament qu'elles entendent maintenir le niveau des prix. Toutefois, très vite, et sous prétexte de corriger des inégalités ou des injustices sociales, on se met à établir des distinctions dans la méthode de taxation des prix, de telles sorte que les groupes politiquement puissants se voient avantagés au détriment des autres. Comme, de nos jours, le pouvoir politique d'un groupe se mesure au nombre des votes, ce sont surtout les ouvriers et les cultivateurs qui connaissent la faveur gouvernementale.

Au début, on affirme que les salaires n'ont rien à voir avec les prix, qu'on peut facilement faire monter les salaires sans toucher aux prix. Mais quand il devient évident que les salaires ne sont réellement augmentés qu'aux dépens du profit, les bureaucrates commencent alors à argumenter et à prouver que, en tout état de cause, les bénéfices étaient exagérés, et que même si on augmente les salaires tout en contenant les prix, les bénéfices seront encore très « convenables ». Comme en réalité il n'existe rien de tel qu'un taux de bénéfices uniforme, comme ce taux varie dans chaque cas, cette politique aboutit finalement à mettre hors de jeu les entreprises qui réalisaient le plus faible taux de profit, et à décourager ou à arrêter complètement la fabrication de certains produits. Ce qui se traduit par du chômage, un arrêt dans la production et une baisse généralisée du niveau de vie de tous.

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Quelles sont donc les raisons profondes qui incitent les pouvoirs publics à fixer des prix maximum ? Tout d'abord, c'est qu'ils ne comprennent pas pourquoi les prix ont été amenés à monter. Or la cause véritable est, soit la rareté des marchandises, soit une inflation de monnaie. Et ce n'est point par une taxation légale que l'on pourra modifier ces causes. En fait, comme nous venons de le voir, cela contribue tout simplement à raréfier encore la marchandise. Quant aux dispositions à prendre pour l'inflation de monnaie, nous les étudierons au chapitre suivant. Mais l'une des erreurs qui se cache derrière le contrôle des prix est le sujet même de ce livre. De même, en effet, que les plans sans cesse remis sur le chantier pour faire monter les prix de certaines denrées prouvent que l'on ne pense qu'aux intérêts de certains producteurs, oubliant totalement ceux des consommateurs, de même, lorsqu'on édicte le maintien des prix bas, on ne pense qu'aux consommateurs, oubliant tout à fait que ces mêmes consommateurs peuvent être aussi des producteurs. Et l'appui politique qu'obtiennent ces systèmes provient d'une même confusion dans les esprits. Le public ne veut pas débourser plus que le prix auquel il est habitué pour le lait, le beurre, les chaussures, les meubles, l'impôt, les billets de théâtre ou les diamants. Lorsque l'une quelconque de ces choses augmente, il s'indigne et pense qu'on l'a trompé. Chacun n'admet d'exception que pour les marchandises dont il est lui-même producteur. Alors il comprend et il explique pourquoi le prix de telle denrée a monté. Mais il est toujours porté à croire que son propre travail forme, en quelque manière, une sphère d'exception. « Voyez-vous, dit-il, mon travail est particulier et le public ne peut pas comprendre cela. Les salaires ont monté, les matières premières coûtent plus cher ; on ne peut plus importer tel ou tel produit et il faut le faire faire ici, ce qui augmente le prix de revient. Et puis, on demande de plus en plus cet article, il est donc raisonnable de laisser monter son prix afin d'en développer la fabrication et satisfaire ainsi la demande ». Et ainsi de suite. Chacun de nous, comme consommateur, achète une centaine de produits variés. Comme producteur, il n'en fabrique généralement qu'un. Il s'aperçoit de l'injustice qu'il y aurait à maintenir inchangé le prix de ce produit-là. De même chaque fabricant demande qu'on élève le prix de son produit, de même chaque salarié désire que ce soit son salaire à lui qui soit relevé. Chacun individuellement ne manque pas de constater que le contrôle des prix réduit la production dans son domaine particulier, mais personne ne consent à généraliser cette observation, car cela signifierait qu'il lui faudrait acheter plus cher tous les produits des autres.

Chacun de nous, en réalité, se compose d'une personnalité économique multiple. Chacun de nous est producteur, consommateur et payeur d'impôts. Et la politique qu'il préconise varie selon l'aspect de soi-même qu'il considère au moment où il la prône. Car il est tour à tour le Dr. Jekill ou Mr. Hyde. En tant que producteur, il souhaite l'inflation (en pensant surtout à son propre produit), en tant que consommateur, il veut un plafond aux prix (car il pense surtout aux produits des autres qu'il lui faut acheter). Comme consommateur, il se fera l'avocat des allocations ou simplement y consentira, et comme payeur d'impôt, il renâclera à les payer. Chacun, finalement, pense qu'il pourra utiliser les combinaisons politiques, de manière qu'il gagne plus, avec la subvention, qu'il ne perdra par l'impôt ; ou bien qu'il tirera un bénéfice de la montée du prix de son produit (dès lors que les prix d'achat des matières premières nécessaires à sa fabrication sont maintenus artificiellement au-dessous des cours), en même temps qu'il gagnera comme consommateur grâce au contrôle des prix.

Mais l'ensemble de la communauté se dupe elle-même. car non seulement cette politique de manipulation des prix égalise à peine la perte avec le gain, mais dans l'ensemble, la perte l'emporte de beaucoup sur le gain, parce que le contrôle des prix décourage et désorganise la main-d'œuvre comme la production.


  1. Ma propre conclusion, cependant, est que, même si certaines priorités, allocations ou rationnements de la part du gouvernement sont peut-être inévitables, le contrôle des prix par le gouvernement est probablement particulièrement néfaste en situation de guerre totale. Alors que le contrôle par fixation d'un prix maximum implique le rationnement pour marcher, même temporairement, le contraire n'est pas vrai.


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