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L'époque où le mouvement anti-capitaliste radical a acquis un pouvoir apparemment irrésistible, a engendré un nouveau genre littéraire, le roman policier. La génération des Anglais qui mirent le Parti travailliste au pouvoir fut enchantée par des auteurs comme Edgar Wallace. L'un des auteurs socialistes britanniques les plus marquants, G.D.H. Cole <ref>Voir ce que dit Mises sur G.D.H. Cole dans l'essai 3 du recueil ''Planning for freedom''. NdT.</ref>, est tout aussi remarquable comme auteur de romans policiers. Un marxiste cohérent devrait dire que le roman policier — peut-être avec les films d'Hollywood, les comédies et « l'art » du strip-tease — constitue la superstructure artistique de l'époque du syndicalisme et de la socialisation. | L'époque où le mouvement anti-capitaliste radical a acquis un pouvoir apparemment irrésistible, a engendré un nouveau genre littéraire, le roman policier. La génération des Anglais qui mirent le Parti travailliste au pouvoir fut enchantée par des auteurs comme Edgar Wallace. L'un des auteurs socialistes britanniques les plus marquants, G.D.H. Cole <ref>Voir ce que dit Mises sur G.D.H. Cole dans l'essai 3 du recueil ''Planning for freedom''. NdT.</ref>, est tout aussi remarquable comme auteur de romans policiers. Un marxiste cohérent devrait dire que le roman policier — peut-être avec les films d'Hollywood, les comédies et « l'art » du strip-tease — constitue la superstructure artistique de l'époque du syndicalisme et de la socialisation. | ||
De nombreux historiens, sociologues et psychologues ont essayé d'expliquer la popularité de ce genre étrange. La plus approfondies de ces recherches est celle du professeur W.O. Aydelotte. Ce dernier a raison d'affirmer que le mérite historique des romans policiers est de décrire des rêveries et de nous renseigner ainsi sur les gens qui les lisent. Il a tout autant raison de suggérer que le lecteur s'identifie avec le détective, ce qui rend en général ce détective une extension de son ego | De nombreux historiens, sociologues et psychologues ont essayé d'expliquer la popularité de ce genre étrange. La plus approfondies de ces recherches est celle du professeur W.O. Aydelotte. Ce dernier a raison d'affirmer que le mérite historique des romans policiers est de décrire des rêveries et de nous renseigner ainsi sur les gens qui les lisent. Il a tout autant raison de suggérer que le lecteur s'identifie avec le détective, ce qui rend en général ce détective une extension de son ego <ref>Cf. William O. Aydelotte, ''The Detective Story as a Historical Source'' (The Yale Review, 1949, Vol. XXXIX, pp. 76-95).</ref>. | ||
Ce lecteur est en fait un homme frustré qui n'a pas atteint la position que son ambition le poussait à rechercher. Comme nous l'avons déjà dit, il est disposé à se consoler en accusant l'injustice du système capitaliste. Il a échoué parce qu'il est honnête et respectueux de la loi. Ses concurrents plus chanceux ont réussi en raison de leur absence de probité : ils ont eu recours à des ruses déloyales auxquelles lui, homme pur consciencieux, n'aurait jamais songé. Si seulement les gens savaient à quel point ces arrogants sont malhonnêtes. Malheureusement, leurs crimes restent cachés et ils jouissent d'une réputation imméritée. Mais le jour du jugement dernier viendra. Lui-même les démasquera et dévoilera leurs méfaits. | Ce lecteur est en fait un homme frustré qui n'a pas atteint la position que son ambition le poussait à rechercher. Comme nous l'avons déjà dit, il est disposé à se consoler en accusant l'injustice du système capitaliste. Il a échoué parce qu'il est honnête et respectueux de la loi. Ses concurrents plus chanceux ont réussi en raison de leur absence de probité : ils ont eu recours à des ruses déloyales auxquelles lui, homme pur consciencieux, n'aurait jamais songé. Si seulement les gens savaient à quel point ces arrogants sont malhonnêtes. Malheureusement, leurs crimes restent cachés et ils jouissent d'une réputation imméritée. Mais le jour du jugement dernier viendra. Lui-même les démasquera et dévoilera leurs méfaits. | ||
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Voilà pourquoi le roman policier est populaire auprès des gens souffrant d'une ambition frustrée. (Il y a également, bien entendu, d'autres lecteurs de romans policiers <ref>Mises s'est-il souvenu d'Ayn Rand, qui avait acquis la réputation de ne lire que ce genre d'ouvrage ?... (En fait, elle avait fini par lire de moins en moins, ne trouvant pas ce qu'elle cherchait, alors qu'elle aimait les romans de Spillane et Fleming. Voir ''The Romantic Manifesto'' pour ses analyses sur la littérature.). C'est fort peu vraisembable, notamment en raison de la date de publication du présent ouvrage (1956). Mais le rapprochement est amusant. On pourra voir [[Ludwig von Mises:La Mentalité anti-capitaliste - Les objections non économiques au capitalisme|plus loin]] que Mises ne partageait vraisemblablement pas non plus totalement les goûts architecturaux de la romancière (qu'elle a exprimés dans ''The Foutainhead'', [traduit en français sous le titre ''La Source vive'' pour le roman et ''Le Rebelle'' pour le film de King Vidor qui en a été tiré]). | Voilà pourquoi le roman policier est populaire auprès des gens souffrant d'une ambition frustrée. (Il y a également, bien entendu, d'autres lecteurs de romans policiers <ref>Mises s'est-il souvenu d'Ayn Rand, qui avait acquis la réputation de ne lire que ce genre d'ouvrage ?... (En fait, elle avait fini par lire de moins en moins, ne trouvant pas ce qu'elle cherchait, alors qu'elle aimait les romans de Spillane et Fleming. Voir ''The Romantic Manifesto'' pour ses analyses sur la littérature.). C'est fort peu vraisembable, notamment en raison de la date de publication du présent ouvrage (1956). Mais le rapprochement est amusant. On pourra voir [[Ludwig von Mises:La Mentalité anti-capitaliste - Les objections non économiques au capitalisme|plus loin]] que Mises ne partageait vraisemblablement pas non plus totalement les goûts architecturaux de la romancière (qu'elle a exprimés dans ''The Foutainhead'', [traduit en français sous le titre ''La Source vive'' pour le roman et ''Le Rebelle'' pour le film de King Vidor qui en a été tiré]). | ||
Ce qui n'empêchait pas Mises de l'apprécier : « Ayn Rand est ''l'homme'' le plus courageux des États-Unis » avait-il confié à leur ami commun Henry Hazlitt, ce qui avait enchanté Rand (surtout l'emploi du terme ''d'homme''. Source : B. Branden, ''The Passion of Ayn Rand'' [Anchor Books, 1987, p. 189]. La citation exacte n'est cependant pas garantie : Roy Childs, dans son article « Ayn Rand and the Libertarian Movement » (''Update'', 1982), cite l'anecdote en racontant que Mises avait dit d'elle qu'elle était « un des plus grands ''hommes'' de l'histoire »). Voir aussi [http://www.mises.org/etexts/misesatlas.pdf la lettre qu'il lui avait adressée].</ref>). Ils rêvent jour et nuit d'assouvir leur vengeance sur leurs concurrents qui ont réussi. Ils rêvent de l'instant où leur rival, « menottes aux poignets, sera embarqué par la police. » Cette satisfaction leur est donnée indirectement lors du point culminant de l'histoire dans laquelle ils s'identifient au détective et identifient le meurtrier arrêté avec le rival qui les a dépassés | Ce qui n'empêchait pas Mises de l'apprécier : « Ayn Rand est ''l'homme'' le plus courageux des États-Unis » avait-il confié à leur ami commun Henry Hazlitt, ce qui avait enchanté Rand (surtout l'emploi du terme ''d'homme''. Source : B. Branden, ''The Passion of Ayn Rand'' [Anchor Books, 1987, p. 189]. La citation exacte n'est cependant pas garantie : Roy Childs, dans son article « Ayn Rand and the Libertarian Movement » (''Update'', 1982), cite l'anecdote en racontant que Mises avait dit d'elle qu'elle était « un des plus grands ''hommes'' de l'histoire »). Voir aussi [http://www.mises.org/etexts/misesatlas.pdf la lettre qu'il lui avait adressée].</ref>). Ils rêvent jour et nuit d'assouvir leur vengeance sur leurs concurrents qui ont réussi. Ils rêvent de l'instant où leur rival, « menottes aux poignets, sera embarqué par la police. » Cette satisfaction leur est donnée indirectement lors du point culminant de l'histoire dans laquelle ils s'identifient au détective et identifient le meurtrier arrêté avec le rival qui les a dépassés <ref>Un fait significatif est le succès de la diffusion des magazines à scandale [''exposé magazines''], la dernière nouveauté de la presse américaine. Ces magazines sont exclusivement consacrés à démasquer les méfaits et les vices secrets des gens connaissant le succès, plus particulièrement des millionnaires et des célébrités de l'écran. Selon le numéro du 11 juillet 1955 de ''Newsweek'', les ventes de l'un de ces magazines ont été estimées à 3,8 millions d'exemplaires pour septembre 1955. Il est évident que l'homme moyen se réjouit de l'exposé des péchés —réels ou imaginaires — de ceux qui l'éclipsent.</ref>. | ||
== La liberté de la presse == | == La liberté de la presse == | ||
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La liberté de la presse est l'une des caractéristiques fondamentales d'une nation de citoyens libres. Elle constitue l'un des points essentiels du programme politique du libéralisme classique. Personne n'a jamais réussi à avancer la moindre objection défendable contre ces deux classiques : Areopagitica (1644) de John Milton et On liberty ([De la Liberté], 1859) de John Stuart Mill. L'absence de censure est le sang de la littérature. | La liberté de la presse est l'une des caractéristiques fondamentales d'une nation de citoyens libres. Elle constitue l'un des points essentiels du programme politique du libéralisme classique. Personne n'a jamais réussi à avancer la moindre objection défendable contre ces deux classiques : Areopagitica (1644) de John Milton et On liberty ([De la Liberté], 1859) de John Stuart Mill. L'absence de censure est le sang de la littérature. | ||
Une presse libre ne peut exister que s'il y a contrôle privé des moyens de production. Dans une communauté socialiste, où tous les moyens de publication et toutes les imprimeries sont possédés et dirigés par le gouvernement, il ne peut être question d'une presse libre. Seul le gouvernement détermine qui doit avoir le temps et l'occasion d'écrire, ainsi que ce qui doit être imprimé et publié. Comparée à la situation prévalant en Russie soviétique, même la Russie tsariste ressemblait, rétrospectivement, à un pays jouissant de la liberté de la presse. Quand les nazis ont perpétré leurs célèbres autodafés, ils se conformaient strictement aux plans de l'un des grands auteurs socialistes : Cabet | Une presse libre ne peut exister que s'il y a contrôle privé des moyens de production. Dans une communauté socialiste, où tous les moyens de publication et toutes les imprimeries sont possédés et dirigés par le gouvernement, il ne peut être question d'une presse libre. Seul le gouvernement détermine qui doit avoir le temps et l'occasion d'écrire, ainsi que ce qui doit être imprimé et publié. Comparée à la situation prévalant en Russie soviétique, même la Russie tsariste ressemblait, rétrospectivement, à un pays jouissant de la liberté de la presse. Quand les nazis ont perpétré leurs célèbres autodafés, ils se conformaient strictement aux plans de l'un des grands auteurs socialistes : Cabet <ref>Cf. Cabet, ''Voyage en Icarie'', Paris, 1848, p. 127.</ref>. | ||
Comme toutes les nations se dirigent vers le socialisme, la liberté des auteurs disparaît peu à peu. Il devient jour après jour plus difficile de publier un livre ou un article dont le contenu déplait au gouvernement ou aux puissants groupes de pression. Les hérétiques ne sont pas encore « liquidés » comme en Russie, et leurs livres ne sont pas non plus brûlés par ordre de l'Inquisition. Il n'y a pas non plus de retour à l'ancien système de censure. Les soi-disant progressistes ont des armes bien plus efficaces à leur disposition. Leur principal outil d'oppression est de boycotter les auteurs, les directeurs d'édition, les éditeurs, les imprimeurs, les publicitaires et les lecteurs. | Comme toutes les nations se dirigent vers le socialisme, la liberté des auteurs disparaît peu à peu. Il devient jour après jour plus difficile de publier un livre ou un article dont le contenu déplait au gouvernement ou aux puissants groupes de pression. Les hérétiques ne sont pas encore « liquidés » comme en Russie, et leurs livres ne sont pas non plus brûlés par ordre de l'Inquisition. Il n'y a pas non plus de retour à l'ancien système de censure. Les soi-disant progressistes ont des armes bien plus efficaces à leur disposition. Leur principal outil d'oppression est de boycotter les auteurs, les directeurs d'édition, les éditeurs, les imprimeurs, les publicitaires et les lecteurs. |
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