Différences entre les versions de « Étienne Bonnot de Condillac:Le Commerce et le gouvernement considérés relativement l’un à l’autre - Atteintes portées au commerce : la jalousie des nations »

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Cette découverte introduisit, dans la monarchie, un nouveau genre de luxe. On admira la beauté des toiles qui se fabriquaient dans l’Inde, et la nouveauté leur donnant une valeur qui croissait en quelque sorte en raison de l’éloignement, les marchands, qui ouvrirent les premiers ce commerce, gagnerent depuis cent cinquante, jusqu’à deux cents pour cent.
Cette découverte introduisit, dans la monarchie, un nouveau genre de luxe. On admira la beauté des toiles qui se fabriquaient dans l’Inde, et la nouveauté leur donnant une valeur qui croissait en quelque sorte en raison de l’éloignement, les marchands, qui ouvrirent les premiers ce commerce, gagnerent depuis cent cinquante, jusqu’à deux cents pour cent.


Ce trafic parut donc très-lucratif : en effet, il l’était pour les marchands. Il l’aurait été pour l’état même, si on avait gagné cent cinquante pour cent sur les marchandises qu’on portait dans l’Inde ; parce que, dans cette supposition, il aurait fait fleurir les manufactures du royaume. Mais les indiens n’avaient pas besoin des choses qui se manufacturaient dans l’occident ; et l’or et l’argent étaient presque les seules marchandises qu’on pouvait leur donner en échange des leurs. C’est donc au retour que les marchands faisaient un bénéfice de cent cinquante pour cent ; et par conséquent ils le faisaient sur l’état.
Ce trafic parut donc très lucratif : en effet, il l’était pour les marchands. Il l’aurait été pour l’état même, si on avait gagné cent cinquante pour cent sur les marchandises qu’on portait dans l’Inde ; parce que, dans cette supposition, il aurait fait fleurir les manufactures du royaume. Mais les indiens n’avaient pas besoin des choses qui se manufacturaient dans l’occident ; et l’or et l’argent étaient presque les seules marchandises qu’on pouvait leur donner en échange des leurs. C’est donc au retour que les marchands faisaient un bénéfice de cent cinquante pour cent ; et par conséquent ils le faisaient sur l’état.


On n’était pas dans l’usage de faire de pareilles distinctions. Les marchands s’enrichissaient en faisant un commerce onéreux pour l’état, et on disait, l’état s’enrichit.
On n’était pas dans l’usage de faire de pareilles distinctions. Les marchands s’enrichissaient en faisant un commerce onéreux pour l’état, et on disait, l’état s’enrichit.
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Voilà les causes qui concouraient en Égypte avec la liberté d’exporter, et on conçoit qu’il en devait résulter de grands avantages.
Voilà les causes qui concouraient en Égypte avec la liberté d’exporter, et on conçoit qu’il en devait résulter de grands avantages.
A Troie, depuis longtemps, un grand nombre d’abus contribuaient à la dégradation de l’agriculture. Les baux étaient de neuf ans : la loi ne permettait pas d’en faire des plus longs ; et quand elle l’aurait permis, l’agriculture en eût retiré peu d’avantages. Que pouvait-on attendre des fermiers? Ils ne gagnaient en général que de quoi subsister misérablement. Peu assurés de leurs avances, ils étaient souvent réduits pour payer les impositions, à vendre leurs bestiaux, ou même jusqu’à leurs charrues. Pauvres, ils affectaient de le paraître encore plus ; parce que les taxes, qui étaient personnelles et arbitraires, croissaient aussi-tôt qu’un laboureur laissait apercevoir de l’aisance. Dans cet état des choses, les champs tombaient en friche : on ne cultivait, qu’autant qu’on y était forcé par la nécessité ; et la plupart des fermes n’étaient point en valeur. On juge d’après cet exposé, que dans la monarchie troyenne, il fallait du temps pour se procurer tous les avantages qu’on doit attendre de la liberté du commerce des grains.
A Troie, depuis longtemps, un grand nombre d’abus contribuaient à la dégradation de l’agriculture. Les baux étaient de neuf ans : la loi ne permettait pas d’en faire des plus longs ; et quand elle l’aurait permis, l’agriculture en eût retiré peu d’avantages. Que pouvait-on attendre des fermiers? Ils ne gagnaient en général que de quoi subsister misérablement. Peu assurés de leurs avances, ils étaient souvent réduits pour payer les impositions, à vendre leurs bestiaux, ou même jusqu’à leurs charrues. Pauvres, ils affectaient de le paraître encore plus ; parce que les taxes, qui étaient personnelles et arbitraires, croissaient aussitôt qu’un laboureur laissait apercevoir de l’aisance. Dans cet état des choses, les champs tombaient en friche : on ne cultivait, qu’autant qu’on y était forcé par la nécessité ; et la plupart des fermes n’étaient point en valeur. On juge d’après cet exposé, que dans la monarchie troyenne, il fallait du temps pour se procurer tous les avantages qu’on doit attendre de la liberté du commerce des grains.


On demandera sans doute, pourquoi les égyptiens, après avoir encouragé l’exportation, l’avait défendue : c’est qu’ils n’avaient pas permis l’importation. Il y eut une cherté à la suite d’une mauvaise récolte, et les étrangers n’apportèrent point de bleds, ou n’en apportèrent pas assez. Dans cette conjoncture, le gouvernement crut devoir prendre la précaution inutile de défendre l’exportation qui ne se faisait pas, et qui ne pouvait pas se faire.
On demandera sans doute, pourquoi les égyptiens, après avoir encouragé l’exportation, l’avait défendue : c’est qu’ils n’avaient pas permis l’importation. Il y eut une cherté à la suite d’une mauvaise récolte, et les étrangers n’apportèrent point de bleds, ou n’en apportèrent pas assez. Dans cette conjoncture, le gouvernement crut devoir prendre la précaution inutile de défendre l’exportation qui ne se faisait pas, et qui ne pouvait pas se faire.
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