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Bien des gens, parce qu'ils ne voient point de perte de numéraire à la suite des emprunts publics, n'y voient point de perte de valeur, et s'imaginent qu'il en résulte seulement un déplacement de richesse. Afin de rendre leur erreur encore plus sensible, je place ici un tableau qui montre synoptiquement ce que devient le fonds prêté, et d'où vient la rente payée dans les emprunts publics.
Bien des gens, parce qu'ils ne voient point de perte de numéraire à la suite des emprunts publics, n'y voient point de perte de valeur, et s'imaginent qu'il en résulte seulement un déplacement de richesse. Afin de rendre leur erreur encore plus sensible, je place ici un tableau qui montre synoptiquement ce que devient le fonds prêté, et d'où vient la rente payée dans les emprunts publics.


Un gouvernement qui emprunte, promet ou ne promet pas le remboursement du principal ; dans ce dernier cas, il se reconnaît débiteur envers le prêteur d'une rente qu'on nomme perpétuelle . Quant aux emprunts remboursables, ils ont été variés à l'infini.
Un gouvernement qui emprunte, promet ou ne promet pas le remboursement du principal ; dans ce dernier cas, il se reconnaît débiteur envers le prêteur d'une rente qu'on nomme ''perpétuelle''. Quant aux emprunts remboursables, ils ont été variés à l'infini.


Quelquefois on a promis le remboursement par la voie du sort, sous la forme de lots, ou bien on a payé chaque année, avec la rente, une portion du principal, ou bien on a donné un intérêt plus fort que le taux courant, à condition que la rente serait éteinte par la mort du prêteur, comme dans les rentes viagères et les tontines. Dans les rentes viagères, la rente de chaque prêteur s'éteint avec sa vie ; dans les tontines, elle se répartit entre les prêteurs qui survivent, de manière que le dernier survivant jouit de la rente de tous les prêteurs avec lesquels il a été associé.
Quelquefois on a promis le remboursement par la voie du sort, sous la forme de lots, ou bien on a payé chaque année, avec la rente, une portion du principal, ou bien on a donné un intérêt plus fort que le taux courant, à condition que la rente serait éteinte par la mort du prêteur, comme dans les rentes viagères et les tontines. Dans les rentes viagères, la rente de chaque prêteur s'éteint avec sa vie ; dans les tontines, elle se répartit entre les prêteurs qui survivent, de manière que le dernier survivant jouit de la rente de tous les prêteurs avec lesquels il a été associé.
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Les anticipations sont une autre espèce d'emprunt. Par anticipations, on entend la vente que fait un gouvernement, moyennant un sacrifice, de revenus qui ne sont pas encore exigibles ; des traitants en font l'avance, et retiennent un intérêt proportionné aux risques que la nature du gouvernement ou l'incertitude de ses ressources leur font courir.
Les anticipations sont une autre espèce d'emprunt. Par anticipations, on entend la vente que fait un gouvernement, moyennant un sacrifice, de revenus qui ne sont pas encore exigibles ; des traitants en font l'avance, et retiennent un intérêt proportionné aux risques que la nature du gouvernement ou l'incertitude de ses ressources leur font courir.


Les engagements que le gouvernement contracte de cette manière, et qui sont acquittés, soit par les receveurs des contributions, soit par de nouveaux billets fournis par le trésor public, forment ce qu'on nomme d'après une expression anglaise un peu barbare, la dette flottante. Quant à la dette consolidée , c'est cette partie dont la rente seule est reconnue par la législature, et dont le fonds n'est pas exigible.
Les engagements que le gouvernement contracte de cette manière, et qui sont acquittés, soit par les receveurs des contributions, soit par de nouveaux billets fournis par le trésor public, forment ce qu'on nomme d'après une expression anglaise un peu barbare, la ''dette flottante''. Quant à la ''dette consolidée'', c'est cette partie dont la rente seule est reconnue par la législature, et dont le fonds n'est pas exigible.


Toute espèce d'emprunt public a l'inconvénient d'enlever aux usages productifs des capitaux, ou des portions de capitaux, pour les dévouer à la consommation ; et de plus, quand ils ont lieu dans un pays dont le gouvernement inspire peu de confiance, ils ont l'inconvénient de faire monter l'intérêt des capitaux.
Toute espèce d'emprunt public a l'inconvénient d'enlever aux usages productifs des capitaux, ou des portions de capitaux, pour les dévouer à la consommation ; et de plus, quand ils ont lieu dans un pays dont le gouvernement inspire peu de confiance, ils ont l'inconvénient de faire monter l'intérêt des capitaux.
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On a dit qu'une dette publique attachait au sort du gouvernement tous les créanciers de l'État, et que ceux-ci, associés à sa bonne comme à sa mauvaise fortune, devenaient ses appuis naturels. C'est très vrai. Mais ce moyen de conservation, s'appliquant à un mauvais ordre de choses comme à un bon, est précisément aussi dangereux pour une nation qu'il peut lui être utile. Voyez l'Angleterre, où cette raison, dans bien des cas, a contraint une foule de gens très honnêtes à soutenir une administration très perverse, et un régime rempli d'abus.
On a dit qu'une dette publique attachait au sort du gouvernement tous les créanciers de l'État, et que ceux-ci, associés à sa bonne comme à sa mauvaise fortune, devenaient ses appuis naturels. C'est très vrai. Mais ce moyen de conservation, s'appliquant à un mauvais ordre de choses comme à un bon, est précisément aussi dangereux pour une nation qu'il peut lui être utile. Voyez l'Angleterre, où cette raison, dans bien des cas, a contraint une foule de gens très honnêtes à soutenir une administration très perverse, et un régime rempli d'abus.


On a dit que la dette publique fixait l'état de l'opinion sur la confiance que mérite le gouvernement, et que dès-lors le gouvernement, jaloux de maintenir un crédit dont elle montre le degré, était plus intéressé à se bien conduire. Il convient de faire ici une distinction. se bien conduire pour les créanciers de l'État, c'est payer exactement les arrérages de la dette ; se bien conduire pour le contribuable, c'est dépenser peu. Le prix courant des rentes offre à la vérité un gage de la première manière de se bien conduire, mais nullement de la seconde. Il ne serait peut-être pas même extravagant de dire que l'exact paiement de la dette, loin d'être une garantie de bonne administration, y supplée en beaucoup de cas.
On a dit que la dette publique fixait l'état de l'opinion sur la confiance que mérite le gouvernement, et que dès-lors le gouvernement, jaloux de maintenir un crédit dont elle montre le degré, était plus intéressé à ''se bien conduire''. Il convient de faire ici une distinction. ''Se bien conduire'' pour les créanciers de l'État, c'est payer exactement les arrérages de la dette ; ''se bien conduire'' pour le contribuable, c'est dépenser peu. Le prix courant des rentes offre à la vérité un gage de la première manière de se bien conduire, mais nullement de la seconde. Il ne serait peut-être pas même extravagant de dire que l'exact paiement de la dette, loin d'être une garantie de bonne administration, y supplée en beaucoup de cas.


On a dit en faveur de la dette publique qu'elle offrait aux capitalistes qui ne trouvent point d'emploi avantageux de leurs fonds, un placement qui les empêche de les envoyer au dehors. Tant pis. C'est une amorce qui attire les capitaux vers leur destruction, et grève la nation de l'intérêt que le gouvernement en paie : il vaudrait bien mieux que ce capital eût été prêté à l'étranger ; il en reviendrait tôt ou tard, et, en attendant, ce serait l'étranger qui paierait les intérêts.
On a dit en faveur de la dette publique qu'elle offrait aux capitalistes qui ne trouvent point d'emploi avantageux de leurs fonds, un placement qui les empêche de les envoyer au dehors. Tant pis. C'est une amorce qui attire les capitaux vers leur destruction, et grève la nation de l'intérêt que le gouvernement en paie : il vaudrait bien mieux que ce capital eût été prêté à l'étranger ; il en reviendrait tôt ou tard, et, en attendant, ce serait l'étranger qui paierait les intérêts.
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Nulle contribution n'est assise sur les rentes payées par l'État. Leur transmission a été affranchie des droits, aussi bien que des formalités qui accompagnent toute autre transmission. Ce fonds, aussi bien que ses intérêts, ont été déclarés insaisissables ; tellement qu'un créancier de l'État, criblé de dettes, peut tranquillement consommer ses revenus en bravant ses créanciers. S'il conçoit quelques inquiétudes sur la solvabilité du trésor, s'il arrive qu'il ait besoin de ses fonds, si quelque autre emploi les appelle, il lui suffit de vingt-quatre heures pour les réaliser ; il peut le faire obscurément ; la possibilité de vendre, lui fait regarder comme nul le danger de garder.
Nulle contribution n'est assise sur les rentes payées par l'État. Leur transmission a été affranchie des droits, aussi bien que des formalités qui accompagnent toute autre transmission. Ce fonds, aussi bien que ses intérêts, ont été déclarés insaisissables ; tellement qu'un créancier de l'État, criblé de dettes, peut tranquillement consommer ses revenus en bravant ses créanciers. S'il conçoit quelques inquiétudes sur la solvabilité du trésor, s'il arrive qu'il ait besoin de ses fonds, si quelque autre emploi les appelle, il lui suffit de vingt-quatre heures pour les réaliser ; il peut le faire obscurément ; la possibilité de vendre, lui fait regarder comme nul le danger de garder.


Cependant tous ces priviléges, et ces moyens accessoires d'attirer les accumulations des particuliers dans le gouffre des dépenses publiques, se sont trouvés insuffisans dans beaucoup de cas. Il n'est personne qui ne sente que les gouvernements sont des débiteurs trop puissans pour n'être pas toujours un peu dangereux. Dans les conventions conclues entre eux et les particuliers, ils sont nécessairement juges en même temps que parties : comme dépositaires du pouvoir de faire des lois, ils peuvent déterminer l'époque et la manière dont, en leur qualité de débiteurs, ils devront s'acquitter ; le recours aux tribunaux est insuffisant contre eux, puisque les tribunaux sont les organes de l'autorité et les exécuteurs de la règle qu'il lui plaît d'établir ; enfin nulle contrainte ne peut être exercée contre le gouvernement, et, en dépit de sa bonne volonté, les tempêtes de la politique peuvent le mettre hors d'état de s'acquitter.
Cependant tous ces privilèges, et ces moyens accessoires d'attirer les accumulations des particuliers dans le gouffre des dépenses publiques, se sont trouvés insuffisants dans beaucoup de cas. Il n'est personne qui ne sente que les gouvernements sont des débiteurs trop puissants pour n'être pas toujours un peu dangereux. Dans les conventions conclues entre eux et les particuliers, ils sont nécessairement juges en même temps que parties : comme dépositaires du pouvoir de faire des lois, ils peuvent déterminer l'époque et la manière dont, en leur qualité de débiteurs, ils devront s'acquitter ; le recours aux tribunaux est insuffisant contre eux, puisque les tribunaux sont les organes de l'autorité et les exécuteurs de la règle qu'il lui plaît d'établir ; enfin nulle contrainte ne peut être exercée contre le gouvernement, et, en dépit de sa bonne volonté, les tempêtes de la politique peuvent le mettre hors d'état de s'acquitter.


Ces considérations expliquent pourquoi, malgré tous les moyens employés pour soutenir leur crédit, ou plutôt pour y suppléer, ils ne trouvent pas en général des fonds à des conditions aussi avantageuses que de solides hypothèques ou une maison de commerce du premier rang.
Ces considérations expliquent pourquoi, malgré tous les moyens employés pour soutenir leur crédit, ou plutôt pour y suppléer, ils ne trouvent pas en général des fonds à des conditions aussi avantageuses que de solides hypothèques ou une maison de commerce du premier rang.


Plusieurs États auraient même été dans l'heureuse impossibilité de dépenser leurs revenus par anticipation, si l'Angleterre ne leur avait fourni un moyen d'emprunter qui l'emporte en puissance sur tous les autres. Je veux parler du mode usité maintenant partout, de négocier les emprunts par souscription à des compagnies de traitants qui achètent les rentes de l'État en gros pour les revendre en détail.
Plusieurs États auraient même été dans l'heureuse impossibilité de dépenser leurs revenus par anticipation, si l'Angleterre ne leur avait fourni un moyen d'emprunter qui l'emporte en puissance sur tous les autres. Je veux parler du mode usité maintenant partout, de négocier les emprunts par souscription à des compagnies de traitants qui achètent les rentes de l'État ''en gros'' pour les revendre en détail.


Le gouvernement qui veut recevoir un principal et qui ne peut le payer qu'en donnant une rente annuelle, met en vente la promesse de cette rente que nous supposerons ici de 5 F, et la cède, entre les différentes compagnies de prêteurs, à celle qui, pour l'obtenir, lui offre le plus gros capital. Jusque-là, et en supposant que l'emprunt soit suffisamment justifié par des besoins véritables, cette marche n'a rien que de conforme aux intérêts du public ; car, plus la rente de 5 F est payée chèrement, et moins l'État a de semblables rentes à fournir pour obtenir le capital dont il a besoin. Mais, dans l'exécution, cette opération devient plus compliquée et plus fâcheuse. Afin d'assurer le titre du prêteur, et pour déguiser en même temps le taux de l'intérêt, le gouvernement consent à supposer que le prêteur a versé dans ses caisses une somme de 100 F et qu'il lui en paie l'intérêt à 5 pour cent, quoique la compagnie financière qui s'est chargée de l'emprunt, n'ait payé cette même rente de 5 F que 89 F, 72 F, 60 F et même moins ; de sorte que dans ce dernier cas, par exemple, l'État se reconnaît débiteur pour chaque rente de 5 F, outre la somme de 60 F qu'il a reçue, d'une somme imaginaire de 40 F qu'il n'a pas reçue.
Le gouvernement qui veut recevoir un principal et qui ne peut le payer qu'en donnant une rente annuelle, met en vente la promesse de cette rente que nous supposerons ici de 5 F, et la cède, entre les différentes compagnies de prêteurs, à celle qui, pour l'obtenir, lui offre le plus gros capital. Jusque-là, et en supposant que l'emprunt soit suffisamment justifié par des besoins véritables, cette marche n'a rien que de conforme aux intérêts du public ; car, plus la rente de 5 F est payée chèrement, et moins l'État a de semblables rentes à fournir pour obtenir le capital dont il a besoin. Mais, dans l'exécution, cette opération devient plus compliquée et plus fâcheuse. Afin d'assurer le titre du prêteur, et pour déguiser en même temps le taux de l'intérêt, le gouvernement consent à supposer que le prêteur a versé dans ses caisses une somme de 100 F et qu'il lui en paie l'intérêt à 5 pour cent, quoique la compagnie financière qui s'est chargée de l'emprunt, n'ait payé cette même rente de 5 F que 89 F, 72 F, 60 F et même moins ; de sorte que dans ce dernier cas, par exemple, l'État se reconnaît débiteur pour chaque rente de 5 F, outre la somme de 60 F qu'il a reçue, d'une somme imaginaire de 40 F qu'il n'a pas reçue.
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La dette n'est pas diminuée, quoi qu'on fasse ; elle est même augmentée s'il y a un excédant du côté de la dépense. Les revenus excèdent-ils la dépense ? Le procédé le plus expéditif et le moins coûteux, est d'employer immédiatement cet excédant au rachat d'une partie des obligations de l'État. La manœuvre des intérêts composés n'est qu'un pur charlatanisme.
La dette n'est pas diminuée, quoi qu'on fasse ; elle est même augmentée s'il y a un excédant du côté de la dépense. Les revenus excèdent-ils la dépense ? Le procédé le plus expéditif et le moins coûteux, est d'employer immédiatement cet excédant au rachat d'une partie des obligations de l'État. La manœuvre des intérêts composés n'est qu'un pur charlatanisme.


Quand l'État est assez heureux pour avoir cette année un excédant de vingt millions sur ses recettes, et qu'il rachète en conséquence un million de ses rentes, n'a-t-il pas ce million à payer de moins l'année prochaine ? Et si ses recettes et ses dépenses sont encore dans la même situation, son excédant de l'année prochaine ne sera-t-il pas de vingt un millions, qui rachèteront un million et cinquante mille francs ? N'est-ce pas là tout l'effet qu'on peut attendre de l'intérêt composé ?  On voit que le point esseniel pour éteindre une dette, c'est, tout bonnement, de réduire les dépenses et d'y employer les recettes excédantes. Pendant toutes les années de la guerre que l'Angleterre a fait à la révolution française, et même quelques années après, l'Angleterre a constamment emprunté des sommes beaucoup plus considérables que celles qui étaient rachetées par sa caisse d'amortissement. Il aurait mieux valu pour elle qu'elle eût employé à ses dépenses les impôts additionnels qu'elle avait établis au profit de son amortissement, et qu'elle eût emprunté de moins le montant de ces charges additionnelles. C'est maintenant une vérité dont on convient en Angleterre, et sur laquelle on peut appeler en témoignage deux économistes célèbres de notre époque. Robert Hamilton, à qui nous devons le meilleur ouvrage qu'on ait fait sur la dette publique, prononce qu'on n'a retiré de la caisse d'amortissement qu'un avantage fictif et illusoire ; et David Ricardo déclare qu'elle n'a été caisse d'amortissement que de nom.
Quand l'État est assez heureux pour avoir cette année un excédant de vingt millions sur ses recettes, et qu'il rachète en conséquence un million de ses rentes, n'a-t-il pas ce million à payer de moins l'année prochaine ? Et si ses recettes et ses dépenses sont encore dans la même situation, son excédant de l'année prochaine ne sera-t-il pas de vingt un millions, qui rachèteront un million et cinquante mille francs ? N'est-ce pas là tout l'effet qu'on peut attendre de l'intérêt composé ?  On voit que le point essentiel pour éteindre une dette, c'est, tout bonnement, de réduire les dépenses et d'y employer les recettes excédantes. Pendant toutes les années de la guerre que l'Angleterre a fait à la révolution française, et même quelques années après, l'Angleterre a constamment emprunté des sommes beaucoup plus considérables que celles qui étaient rachetées par sa caisse d'amortissement. Il aurait mieux valu pour elle qu'elle eût employé à ses dépenses les impôts additionnels qu'elle avait établis au profit de son amortissement, et qu'elle eût emprunté de moins le montant de ces charges additionnelles. C'est maintenant une vérité dont on convient en Angleterre, et sur laquelle on peut appeler en témoignage deux économistes célèbres de notre époque. Robert Hamilton, à qui nous devons le meilleur ouvrage qu'on ait fait sur la dette publique, prononce qu'on n'a retiré de la caisse d'amortissement qu'un avantage fictif et illusoire ; et David Ricardo déclare qu'elle n'a été caisse d'amortissement que de nom.


On a maintes fois proposé d'affranchir un État de ses dettes par une banqueroute brusque ou graduelle ; mais une mesure de ce genre, en mettant même à part ce qu'elle peut avoir d'injuste, ne remédierait nullement au mal : elle n'aurait d'autre effet que de le transporter sur d'autres individus. Sans doute on déchargerait les revenus des contribuables de tout l'impôt qu'on leur fait payer pour acquitter es intérêts de la dette ; mais on diminuerait les revenus des créanciers de l'État de tout le montant de la même somme. Ce résultat serait même plus funeste pour les créanciers, qu'il ne serait favorable aux contribuables ; car enfin, parmi ces derniers il n'en est aucun à qui l'impôt, quelque exagéré qu'il soit, ravisse la totalité de son revenu, tandis qu'en supprimant l'intérêt que l'on paie aux rentiers, il en est beaucoup d'entre eux qu'on laisserait absolument sans ressources.
On a maintes fois proposé d'affranchir un État de ses dettes par une banqueroute brusque ou graduelle ; mais une mesure de ce genre, en mettant même à part ce qu'elle peut avoir d'injuste, ne remédierait nullement au mal : elle n'aurait d'autre effet que de le transporter sur d'autres individus. Sans doute on déchargerait les revenus des contribuables de tout l'impôt qu'on leur fait payer pour acquitter es intérêts de la dette ; mais on diminuerait les revenus des créanciers de l'État de tout le montant de la même somme. Ce résultat serait même plus funeste pour les créanciers, qu'il ne serait favorable aux contribuables ; car enfin, parmi ces derniers il n'en est aucun à qui l'impôt, quelque exagéré qu'il soit, ravisse la totalité de son revenu, tandis qu'en supprimant l'intérêt que l'on paie aux rentiers, il en est beaucoup d'entre eux qu'on laisserait absolument sans ressources.
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FIN DU LIVRE TROISIÈME ET DERNIER
FIN DU LIVRE TROISIÈME ET DERNIER
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