Différences entre les versions de « Jean-Baptiste Say:Traité d'économie politique - Livre I - Chapitre XIII »

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{{titre|[[Jean-Baptiste Say:Traité d'économie politique|Traité d'économie politique]]|[[Jean-Baptiste Say]]|Livre Premier<br />Chapitre XIII - Des produits immatériels, ou des valeurs qui sont consommée au moment de leur production.}}
{{titre|[[Jean-Baptiste Say:Traité d'économie politique|Traité d'économie politique]]|[[Jean-Baptiste Say]]|Livre Premier<br />Chapitre XIII - Des produits immatériels, ou des valeurs qui sont consommée au moment de leur production.}}


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En conséquence, lorsqu'on trouve le moyen de rendre plus nécessaire le travail d'une de ces professions, on ne fait rien pour la prospérité publique ; en augmentant ce genre de travail productif, on en augmente en même temps la consommation. Quand cette consommation est une jouissance, on peut s'en consoler ; mais quand elle-même est un mal, il faut convenir qu'un semblable système est déplorable.
En conséquence, lorsqu'on trouve le moyen de rendre plus nécessaire le travail d'une de ces professions, on ne fait rien pour la prospérité publique ; en augmentant ce genre de travail productif, on en augmente en même temps la consommation. Quand cette consommation est une jouissance, on peut s'en consoler ; mais quand elle-même est un mal, il faut convenir qu'un semblable système est déplorable.


C'est ce qui arrive partout où l'on complique la législation. Le travail des gens de loi, devenant plus considérable et plus difficile, occupe plus de monde et se paie plus cher. Qu'y gagne-t-on ? D'avoir ses droits mieux défendus ? Non, certes : la complication des lois est bien plutôt favorable à la mauvaise foi, en lui offrant de nouveaux subterfuges, tandis qu'elle n'ajoute presque jamais rien à la solidité du bon droit. On y gagne de plaider plus souvent et plus long-temps.
C'est ce qui arrive partout où l'on complique la législation. Le travail des gens de loi, devenant plus considérable et plus difficile, occupe plus de monde et se paie plus cher. Qu'y gagne-t-on ? D'avoir ses droits mieux défendus ? Non, certes : la complication des lois est bien plutôt favorable à la mauvaise foi, en lui offrant de nouveaux subterfuges, tandis qu'elle n'ajoute presque jamais rien à la solidité du bon droit. On y gagne de plaider plus souvent et plus longtemps.


On peut appliquer le même raisonnement aux places superflues instituées dans l'administration publique.  
On peut appliquer le même raisonnement aux places superflues instituées dans l'administration publique.  
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Il est cependant des productions immatérielles où les deux premières opérations jouent un si petit rôle, qu'on peut n'en tenir aucun compte. Tel est le service d'un domestique. La science du service est rien ou peu de chose ; et l'application des talents du serviteur étant faite par celui qui l'emploie, il ne reste guère au serviteur que l'exécution servile, qui est la moins relevée des opérations de l'industrie.
Il est cependant des productions immatérielles où les deux premières opérations jouent un si petit rôle, qu'on peut n'en tenir aucun compte. Tel est le service d'un domestique. La science du service est rien ou peu de chose ; et l'application des talents du serviteur étant faite par celui qui l'emploie, il ne reste guère au serviteur que l'exécution servile, qui est la moins relevée des opérations de l'industrie.


Par une conséquence nécessaire, dans ce genre d'industrie, et dans quelques autres dont on trouve des exemples dans les dernières classes de la société, comme dans l'industrie des portefaix, des courtisanes, etc., l'apprentissage se réduisant à rien, les produits peuvent être regardés non-seulement comme les fruits d'une industrie très-grossière, mais encore comme des productions où les capitaux n'ont aucune part ; car je ne pense pas que les avances nécessaires pour élever la personne industrieuse depuis sa première enfance jusqu'au moment où elle se tire d'affaire elle-même, doivent être regardées comme un capital dont les profits
Par une conséquence nécessaire, dans ce genre d'industrie, et dans quelques autres dont on trouve des exemples dans les dernières classes de la société, comme dans l'industrie des portefaix, des courtisanes, etc., l'apprentissage se réduisant à rien, les produits peuvent être regardés non-seulement comme les fruits d'une industrie très grossière, mais encore comme des productions où les capitaux n'ont aucune part ; car je ne pense pas que les avances nécessaires pour élever la personne industrieuse depuis sa première enfance jusqu'au moment où elle se tire d'affaire elle-même, doivent être regardées comme un capital dont les profits
qu'elle fait ensuite paient les intérêts. J'en dirai les raisons en parlant des salaires.
qu'elle fait ensuite paient les intérêts. J'en dirai les raisons en parlant des salaires.


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consomme à mesure ; utilité qui n'en a pas moins une valeur positive, puisqu'on la paie dans l'occasion ; témoin ce que coûte le loyer d'une maison, d'un meuble.
consomme à mesure ; utilité qui n'en a pas moins une valeur positive, puisqu'on la paie dans l'occasion ; témoin ce que coûte le loyer d'une maison, d'un meuble.


Si c'est mal entendre ses intérêts que de laisser la plus petite partie de son capital sous une forme absolument improductive,
Si c'est mal entendre ses intérêts que de laisser la plus petite partie de son capital sous une forme absolument improductive, ce n'est pas les méconnaître que de placer une partie de son capital, proportionnée à sa fortune, sous une forme productive d'utilité ou d'agrément. Depuis les meubles grossiers d'un ménage indigent, jusqu'aux ornements recherchés, aux bijoux éblouissants du riche, il y a une foule de degrés dans la quantité de capitaux que chacun consacre à cet usage. Quand un pays est riche, la famille la plus pauvre y possède un capital de cette espèce, non pas considérable, mais suffisant pour satisfaire des désirs modestes et des besoins peu recherchés. Quelques meubles utiles et agréables qu'on rencontre dans toutes les habitations ordinaires, annoncent par tout pays une bien plus grande masse de richesse, que cet amas d'ameublements magnifiques et d'ornements fastueux qui remplissent seulement les palais de quelques hommes à grande fortune, ou que ces diamants et ces parures qui peuvent éblouir lorsqu'on les voit accumulés dans une grande ville, et quelquefois rassemblés presque tous à la fois dans l'enceinte d'un spectacle ou d'une fête ; mais dont la valeur est peu de chose, comparée au mobilier de toute une grande nation.
ce n'est pas les méconnaître que de placer une partie de son capital, proportionnée à sa fortune, sous une forme productive d'utilité ou d'agrément. Depuis les meubles grossiers d'un ménage indigent, jusqu'aux ornements recherchés, aux bijoux éblouissants du riche, il y a une foule de degrés dans la quantité de capitaux que chacun consacre à cet usage. Quand un pays est riche, la famille la plus pauvre y possède un capital de cette espèce, non pas considérable, mais suffisant pour satisfaire des désirs modestes et des besoins peu recherchés. Quelques meubles utiles et agréables qu'on rencontre dans toutes les habitations ordinaires, annoncent par tout pays une bien plus grande masse de richesse, que cet amas d'ameublements magnifiques et d'ornements fastueux qui remplissent seulement les palais de quelques hommes à grande fortune, ou que ces diamants et ces parures qui peuvent éblouir lorsqu'on les voit accumulés dans une grande ville, et quelquefois rassemblés presque tous à la fois dans l'enceinte d'un spectacle ou d'une fête ; mais dont la valeur est peu de chose, comparée au mobilier de toute une grande nation.


Les choses qui composent le capital productif d'utilité ou d'agrément, quoiqu'elles s'usent lentement, s'usent néanmoins. Lorsqu'on ne prend pas sur ses revenus annuels de quoi entretenir ce capital, il se dissipe, et la fortune s'altère.
Les choses qui composent le capital productif d'utilité ou d'agrément, quoiqu'elles s'usent lentement, s'usent néanmoins. Lorsqu'on ne prend pas sur ses revenus annuels de quoi entretenir ce capital, il se dissipe, et la fortune s'altère.
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Les plates-bandes, les planches garnies de légumes n'étaient pas constamment droites, égales, uniformes, mais se prêtaient aux légères ondulations des plantations et du terrain ; on pouvait se promener dans la plupart des sentiers tracés pour la commodité de la culture. Jusqu'au puits couronné de vigne, où le jardinier venait remplir ses arrosoirs, était un ornement. Tout semblait avoir été mis là pour convaincre que ce qui est joli peut être utile, et que le plaisir peut croître au même lieu que la richesse.
Les plates-bandes, les planches garnies de légumes n'étaient pas constamment droites, égales, uniformes, mais se prêtaient aux légères ondulations des plantations et du terrain ; on pouvait se promener dans la plupart des sentiers tracés pour la commodité de la culture. Jusqu'au puits couronné de vigne, où le jardinier venait remplir ses arrosoirs, était un ornement. Tout semblait avoir été mis là pour convaincre que ce qui est joli peut être utile, et que le plaisir peut croître au même lieu que la richesse.


Un pays tout entier peut de même s'enrichir de ce qui fait son ornement. Si l'on plantait des arbres partout où ils peuvent venir sans nuire à d'autres produits, non-seulement le pays en serait fort embelli, non-seulement il serait rendu plus salubre, non-seulement ces arbres multipliés provoqueraient des pluies fécondantes ; mais le seul produit de leur bois, dans une contrée un peu étendue, s'élèverait à des valeurs considérables.
Un pays tout entier peut de même s'enrichir de ce qui fait son ornement. Si l'on plantait des arbres partout où ils peuvent venir sans nuire à d'autres produits, non seulement le pays en serait fort embelli, non seulement il serait rendu plus salubre, non seulement ces arbres multipliés provoqueraient des pluies fécondantes ; mais le seul produit de leur bois, dans une contrée un peu étendue, s'élèverait à des valeurs considérables.


Les arbres ont cet avantage que leur production est due presque entièrement au travail de la nature, celui de l'homme se bornant à l'acte de la plantation. Mais planter ne suffit pas : il faut n'être pas tourmenté du désir d'abattre. Alors cette tige, maigre et frêle dans l'origine, se nourrit peu à peu des sucs précieux de la terre et de l'atmosphère ; sans que l'agriculture s'en mêle, son tronc s'enfle et se durcit, sa taille s'élève, ses vastes rameaux se balancent dans l'air. L'arbre ne demande à l'homme que d'en être oublié pendant quelques années ; et pour récompense (lors même qu'il ne donne pas de récoltes annuelles), parvenu à l'âge de la force, il livre à la charpente, à la menuiserie, au charronnage, à nos foyers, le trésor de son bois.
Les arbres ont cet avantage que leur production est due presque entièrement au travail de la nature, celui de l'homme se bornant à l'acte de la plantation. Mais planter ne suffit pas : il faut n'être pas tourmenté du désir d'abattre. Alors cette tige, maigre et frêle dans l'origine, se nourrit peu à peu des sucs précieux de la terre et de l'atmosphère ; sans que l'agriculture s'en mêle, son tronc s'enfle et se durcit, sa taille s'élève, ses vastes rameaux se balancent dans l'air. L'arbre ne demande à l'homme que d'en être oublié pendant quelques années ; et pour récompense (lors même qu'il ne donne pas de récoltes annuelles), parvenu à l'âge de la force, il livre à la charpente, à la menuiserie, au charronnage, à nos foyers, le trésor de son bois.


De tout temps, la plantation et le respect des arbres ont été fortement recommandés par les meilleurs esprits. L'historien de Cyrus met au nombre des titres de gloire de ce prince, d'avoir planté toute l'Asie-Mineure. En certains pays, quand un cultivateur se voit père d'une fille, il plante un petit bois qui grandit avec l'enfant, et fournit sa dot au moment où elle se marie. Sully, qui avait tant de vues économiques, a planté, dans presque toutes les provinces de France, un très-grand nombre d'arbres : j'en ai vu plusieurs auxquels la vénération publique attachait encore son nom, et ils me rappelaient ce mot d'Addison, qui, chaque fois qu'il voyait une plantation, s'écriait : ''un homme utile a passé par-là''.
De tout temps, la plantation et le respect des arbres ont été fortement recommandés par les meilleurs esprits. L'historien de Cyrus met au nombre des titres de gloire de ce prince, d'avoir planté toute l'Asie mineure. En certains pays, quand un cultivateur se voit père d'une fille, il plante un petit bois qui grandit avec l'enfant, et fournit sa dot au moment où elle se marie. Sully, qui avait tant de vues économiques, a planté, dans presque toutes les provinces de France, un très grand nombre d'arbres : j'en ai vu plusieurs auxquels la vénération publique attachait encore son nom, et ils me rappelaient ce mot d'Addison, qui, chaque fois qu'il voyait une plantation, s'écriait : ''un homme utile a passé par-là''.
 
Jusqu'ici, nous nous sommes occupés des agents essentiels de la production, des agents sans lesquels l'homme n'aurait d'autres moyens d'exister et de jouir que ceux que lui offre spontanément la nature, et qui sont bien rares et bien peu variés. Après avoir exposé la manière dont ces agents, chacun en ce qui les concerne, et tous réunis, concourent à la production, nous avons repris l'examen de l'action de chacun d'eux en particulier, pour en acquérir une connaissance plus complète. Nous allons examiner maintenant les causes accidentelles et étrangères à la production, qui favorisent ou contrarient l'action des agents productifs.
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Jusqu'ici, nous nous sommes occupés des agens essentiels de la production, des agents sans lesquels l'homme n'aurait d'autres moyens d'exister et de jouir que ceux que lui offre spontanément la nature, et qui sont bien rares et bien peu variés. Après avoir exposé la manière dont ces agens, chacun en ce qui les concerne, et tous réunis, concourent à la production, nous avons repris l'examen de l'action de chacun d'eux en particulier, pour en acquérir une connaissance plus complète. Nous allons examiner maintenant les causes accidentelles et étrangères à la production, qui favorisent ou contrarient l'action des agens productifs.
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