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{{titre|[[Jean-Baptiste Say:Traité d'économie politique|Traité d'économie politique]]|[[Jean-Baptiste Say]]|Livre Premier<br />Chapitre XXIV - Que les monnaies faites de différents métaux ne peuvent pas conserver un rapport fixe dans leur valeur.}}
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Des circonstances différentes entraîneraient d'autres rapports. Par exemple, la découverte de nouvelles mines d'or plus abondantes et d'une exploitation moins dispendieuse, pourrait faire beaucoup baisser la valeur de l'or relativement à toutes les autres marchandises, et par conséquent relativement à l'argent.
Des circonstances différentes entraîneraient d'autres rapports. Par exemple, la découverte de nouvelles mines d'or plus abondantes et d'une exploitation moins dispendieuse, pourrait faire beaucoup baisser la valeur de l'or relativement à toutes les autres marchandises, et par conséquent relativement à l'argent.


Ces considérations n'ont point arrêté les gouvernemens lorsqu'ils ont fabriqué leurs monnaies de plusieurs métaux différents. Ils ont déclaré constant un fait variable. Ils ont dit : une certaine quantité d'argent, toujours la même, vaudra 20 francs, et une certaine quantité d'or, toujours la même, vaudra également 20 francs. Mais la nature des choses est plus forte que les lois. Sous l'ancien régime, la pièce d'or à laquelle les lois attribuaient une valeur de 24 livres tournois, se vendait couramment 25 livres 8 sous. Aussi se gardait-on bien, en France, de faire en or les paiements auxquels on était engagé.
Ces considérations n'ont point arrêté les gouvernements lorsqu'ils ont fabriqué leurs monnaies de plusieurs métaux différents. Ils ont déclaré constant un fait variable. Ils ont dit : une certaine quantité d'argent, toujours la même, vaudra 20 francs, et une certaine quantité d'or, toujours la même, vaudra également 20 francs. Mais la nature des choses est plus forte que les lois. Sous l'ancien régime, la pièce d'or à laquelle les lois attribuaient une valeur de 24 livres tournois, se vendait couramment 25 livres 8 sous. Aussi se gardait-on bien, en France, de faire en or les paiements auxquels on était engagé.


En Angleterre, une fixation différente a produit des effets contraires. En 1728, le cours naturel des échanges avait établi la valeur relative de l'argent fin et de l'or fin dans la proportion de 1 à 15 9/124 (ou, pour faire une fraction plus simple, à 15/14). Avec une once d'or on achetait 15 1/14 onces d'argent, et réciproquement. C'est à ce taux que fut fixé le rapport des monnaies d'or et d'argent ; c'est-à-dire qu'une once d'or monnayé s'appelait 3 livres 10 sous 17 1/2 deniers sterling, et que 15 1/14 onces d'argent monnayé s'appelait de même 3 livres 17 sous 10 1/2 deniers sterling. Mais c'était fixer une proportion variable de sa nature. L'argent éprouva successivement plus de demandes que l'or : le goût de la vaisselle et des ustensiles d'argent se répandit ; le commerce de l'Inde prit un plus grand essor, et emporta de l'argent de préférence à l'or, parce qu'en orient il vaut plus, relativement à l'or, qu'en Europe ; finalement la valeur relative de l'argent était devenue, à la fin du siècle dernier, par rapport à celle de l'or, comme 1 est à 14 3/4 seulement. Tellement que la quantité de monnaie d'argent qui, frappée en espèces, valait 3 livres 17 sous 10 1/2 deniers sterling, pouvait, si elle était fondue en lingots, se vendre 4 livres sterling contre de la monnaie d'or. Il y avait donc à gagner à la fondre en lingots, et l'on perdait en fesant des paiements en espèces d'argent. C'est pour cela que, jusqu'au moment où la banque d'Angleterre fut autorisée, en 1797, à suspendre ses paiements en espèces, tous les paiements se faisaient en or.
En Angleterre, une fixation différente a produit des effets contraires. En 1728, le cours naturel des échanges avait établi la valeur relative de l'argent fin et de l'or fin dans la proportion de 1 à 15 9/124 (ou, pour faire une fraction plus simple, à 15/14). Avec une once d'or on achetait 15 1/14 onces d'argent, et réciproquement. C'est à ce taux que fut fixé le rapport des monnaies d'or et d'argent ; c'est-à-dire qu'une once d'or monnayé s'appelait 3 livres 10 sous 17 1/2 deniers sterling, et que 15 1/14 onces d'argent monnayé s'appelait de même 3 livres 17 sous 10 1/2 deniers sterling. Mais c'était fixer une proportion variable de sa nature. L'argent éprouva successivement plus de demandes que l'or : le goût de la vaisselle et des ustensiles d'argent se répandit ; le commerce de l'Inde prit un plus grand essor, et emporta de l'argent de préférence à l'or, parce qu'en orient il vaut plus, relativement à l'or, qu'en Europe ; finalement la valeur relative de l'argent était devenue, à la fin du siècle dernier, par rapport à celle de l'or, comme 1 est à 14 3/4 seulement. Tellement que la quantité de monnaie d'argent qui, frappée en espèces, valait 3 livres 17 sous 10 1/2 deniers sterling, pouvait, si elle était fondue en lingots, se vendre 4 livres sterling contre de la monnaie d'or. Il y avait donc à gagner à la fondre en lingots, et l'on perdait en fesant des paiements en espèces d'argent. C'est pour cela que, jusqu'au moment où la banque d'Angleterre fut autorisée, en 1797, à suspendre ses paiements en espèces, tous les paiements se faisaient en or.
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Cependant la proportion fixée par la loi entre le cuivre et les métaux précieux, n'a pas eu de très grands inconvénients, en ce que la loi n'a pas autorisé à payer indifféremment en cuivre ou en métaux précieux les sommes stipulées en ''livres sterling'' ou en ''francs'' ; de manière que la seule monnaie avec laquelle on puisse acquitter légalement les sommes qui surpassent la valeur des pièces d'argent, c'est l'argent ou l'or. On peut dire que ces deux métaux sont les seules monnaies légales. Les pièces de cuivre ou de billon sont seulement considérées comme des coupures, des espèces de billets de confiance, de signes représentant une pièce d'argent trop petite pour être frappée en monnaie. Je ne connais guère que la Chine où la monnaie légale soit de cuivre, et où l'argent dont on fait usage représente du cuivre.
Cependant la proportion fixée par la loi entre le cuivre et les métaux précieux, n'a pas eu de très grands inconvénients, en ce que la loi n'a pas autorisé à payer indifféremment en cuivre ou en métaux précieux les sommes stipulées en ''livres sterling'' ou en ''francs'' ; de manière que la seule monnaie avec laquelle on puisse acquitter légalement les sommes qui surpassent la valeur des pièces d'argent, c'est l'argent ou l'or. On peut dire que ces deux métaux sont les seules monnaies légales. Les pièces de cuivre ou de billon sont seulement considérées comme des coupures, des espèces de billets de confiance, de signes représentant une pièce d'argent trop petite pour être frappée en monnaie. Je ne connais guère que la Chine où la monnaie légale soit de cuivre, et où l'argent dont on fait usage représente du cuivre.


Le gouvernement, qui met en circulation des coupures qui ne sont autre chose que des billets de confiance, devrait toujours les échanger, à bureau ouvert, contre de l'argent, du moment qu'on lui en rapporte un nombre suffisant pour égaler une pièce d'argent. C'est le seul moyen de s'assurer qu'il n'en reste pas entre les mains du public au delà de ce qu'en réclament les menus échanges et les appoints. S'il en restait plus, les pièces de cuivre ne pouvant avoir les mêmes avantages pour leur possesseur que l'or ou l'argent qu'elles représentent, mais qu'elles ne valent pas, il chercherait à s'en défaire, soit en les vendant à perte, soit en payant de préférence avec cette monnaie les menues denrées, qui renchériraient en raison de cela, soit enfin en plaçant ces pièces dans les paiementgs qu'il a à faire, en plus grande proportion que ne l'exigent les appoints.
Le gouvernement, qui met en circulation des coupures qui ne sont autre chose que des billets de confiance, devrait toujours les échanger, à bureau ouvert, contre de l'argent, du moment qu'on lui en rapporte un nombre suffisant pour égaler une pièce d'argent. C'est le seul moyen de s'assurer qu'il n'en reste pas entre les mains du public au delà de ce qu'en réclament les menus échanges et les appoints. S'il en restait plus, les pièces de cuivre ne pouvant avoir les mêmes avantages pour leur possesseur que l'or ou l'argent qu'elles représentent, mais qu'elles ne valent pas, il chercherait à s'en défaire, soit en les vendant à perte, soit en payant de préférence avec cette monnaie les menues denrées, qui renchériraient en raison de cela, soit enfin en plaçant ces pièces dans les paiements qu'il a à faire, en plus grande proportion que ne l'exigent les appoints.


Le gouvernement, qui est intéressé à ce qu'on ne les vende pas à perte, attendu qu'il disposerait moins avantageusement de celles qu'il met en circulation, autorise ordinairement le dernier parti. Avant 1808, par exemple, on était autorisé à Paris à payer en monnaie de cuivre 1/40 des sommes qu'on devait ; ce qui produisait un effet pareil à une altération dans le titre des monnaies. Une somme de monnaie valant un peu moins, en raison de cette circonstance, les vendeurs de toute espèce de marchandises, qui, sans savoir les causes qui influent sur la valeur des monnaies, connaissent très bien ce que les monnaies valent, faisaient leur prix en conséquence.
Le gouvernement, qui est intéressé à ce qu'on ne les vende pas à perte, attendu qu'il disposerait moins avantageusement de celles qu'il met en circulation, autorise ordinairement le dernier parti. Avant 1808, par exemple, on était autorisé à Paris à payer en monnaie de cuivre 1/40 des sommes qu'on devait ; ce qui produisait un effet pareil à une altération dans le titre des monnaies. Une somme de monnaie valant un peu moins, en raison de cette circonstance, les vendeurs de toute espèce de marchandises, qui, sans savoir les causes qui influent sur la valeur des monnaies, connaissent très bien ce que les monnaies valent, faisaient leur prix en conséquence.
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Il n'y aurait à craindre que les contrefacteurs, dont la cupidité serait d'autant plus excitée, qu'il y aurait plus de différence entre la valeur intrinsèque et la valeur courante. L'avant-dernier roi de Sardaigne, ayant voulu retirer une monnaie de billon que son père avait fabriquée dans des temps malheureux, en retira trois fois plus que le gouvernement n'en avait jamais fait. Le roi de Prusse éprouva une semblable perte, par une semblable cause, lorsqu'il fit retirer, sous le nom emprunté du Juif ''Éphraïm'', le bas billon qu'il avait forcé les saxons de recevoir, dans la détresse où l'avait réduit la guerre de sept ans.
Il n'y aurait à craindre que les contrefacteurs, dont la cupidité serait d'autant plus excitée, qu'il y aurait plus de différence entre la valeur intrinsèque et la valeur courante. L'avant-dernier roi de Sardaigne, ayant voulu retirer une monnaie de billon que son père avait fabriquée dans des temps malheureux, en retira trois fois plus que le gouvernement n'en avait jamais fait. Le roi de Prusse éprouva une semblable perte, par une semblable cause, lorsqu'il fit retirer, sous le nom emprunté du Juif ''Éphraïm'', le bas billon qu'il avait forcé les saxons de recevoir, dans la détresse où l'avait réduit la guerre de sept ans.
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