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== L’INDIVIDU ==
== L’INDIVIDU ==
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Et Moi ? — Parviendrai-je au Moi et au Mien grâce au Libéralisme ?
Et Moi ? — Parviendrai-je au Moi et au Mien grâce au Libéralisme ?
Qui le Libéral tient-il pour son semblable ? L'Homme ! Sois seulement un Homme
Qui le Libéral tient-il pour son semblable ? L'Homme ! Sois seulement un Homme
— et tu en es un —, le Libéral t'appellera son frère. Il s'inquiète peu de tes
— et tu en es un —, le Libéral t'appellera son frère. Il s'inquiète peu de tes
opinions et de tes sottises privées, du moment qu'il peut ne voir en toi que l' « Homme
opinions et de tes sottises privées, du moment qu'il peut ne voir en toi que l' « Homme
».
».
Peu lui importe ce que tu es privatim, car s'il est logique, ses principes lui interdisent
Peu lui importe ce que tu es privatim, car s'il est logique, ses principes lui interdisent
rigoureusement d'y attacher la moindre valeur ; il ne voit en toi que ce que tu es
rigoureusement d'y attacher la moindre valeur ; il ne voit en toi que ce que tu es
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ou Paul, mais l'Homme, non pas le réel ou l'unique, mais ton essence ou ton concept,
ou Paul, mais l'Homme, non pas le réel ou l'unique, mais ton essence ou ton concept,
non pas l'individu en chair et en os, mais l'Esprit.
non pas l'individu en chair et en os, mais l'Esprit.
En tant que tu es Pierre, tu n'es pas son semblable, car il est Paul et non pas Pierre
 
; en tant qu'Homme, tu es ce qu'il est. S'il est vraiment un Libéral et non un égoïste
En tant que tu es Pierre, tu n'es pas son semblable, car il est Paul et non pas Pierre; en tant qu'Homme, tu es ce qu'il est. S'il est vraiment un Libéral et non un égoïste
inconscient, toi, Pierre, tu es, à ses yeux, comme si tu n'existais pas, ce qui, entre
inconscient, toi, Pierre, tu es, à ses yeux, comme si tu n'existais pas, ce qui, entre
parenthèses, lui rend assez léger son « amour fraternel »; ce qu'il aime en toi, ce n'est
parenthèses, lui rend assez léger son « amour fraternel »; ce qu'il aime en toi, ce n'est
pas Pierre, dont il ne sait rien et ne veut rien savoir, mais uniquement l'Homme.
pas Pierre, dont il ne sait rien et ne veut rien savoir, mais uniquement l'Homme.
Max Stirner (1845), L’unique et sa propriété 151
 
Ne rien voir en toi et en moi de plus que l' « Homme », C’est pousser à l’extrême
Ne rien voir en toi et en moi de plus que l'« Homme », C’est pousser à l’extrême
la façon de voir chrétienne, d'après laquelle chacun n'est pour les autres qu'un concept
la façon de voir chrétienne, d'après laquelle chacun n'est pour les autres qu'un concept
(par exemple un aspirant à la félicité, etc.).
(par exemple un aspirant à la félicité, etc.).
Le Christianisme proprement dit nous réunit encore dans un concept moins
Le Christianisme proprement dit nous réunit encore dans un concept moins
général : ainsi, nous sommes « les enfants de Dieu », ceux « que conduit l'Esprit de
général : ainsi, nous sommes « les enfants de Dieu », ceux « que conduit l'Esprit de
Dieu 1 »; tous ne peuvent toutefois se vanter d'être les enfants de Dieu, mais « le
Dieu <ref>Épître aux Romains, VIII, 14.</ref>»; tous ne peuvent toutefois se vanter d'être les enfants de Dieu, mais « le
même Esprit qui témoigne devant notre Esprit que nous sommes enfants de Dieu
même Esprit qui témoigne devant notre Esprit que nous sommes enfants de Dieu
montre aussi ceux qui sont enfants du Diable 2 ». Pour être enfant de Dieu, il fallait
montre aussi ceux qui sont enfants du Diable <ref>1er épître de Jean, III, 10.</ref>». Pour être enfant de Dieu, il fallait
n'être pas enfant du Diable, la famille divine excluait certains hommes. Il nous suffit,
n'être pas enfant du Diable, la famille divine excluait certains hommes. Il nous suffit,
au contraire, pour être enfants des hommes, c'est-à-dire hommes, d'appartenir à
au contraire, pour être enfants des hommes, c'est-à-dire hommes, d'appartenir à
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suffit que nous soyons tous deux enfants d'une même mère, l'espèce humaine : en tant
suffit que nous soyons tous deux enfants d'une même mère, l'espèce humaine : en tant
que « né de l'homme », je suis ton semblable.
que « né de l'homme », je suis ton semblable.
Que suis-je donc pour toi ? Suis-je ce moi en chair et en os qui va et vient ? Du
Que suis-je donc pour toi ? Suis-je ce moi en chair et en os qui va et vient ? Du
tout ! Ce moi avec ses pensées, ses déterminations et ses passions est à tes yeux
tout ! Ce moi avec ses pensées, ses déterminations et ses passions est à tes yeux
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s'appeler Jean ou Michel. Tu vois en moi non pas moi, le réel et le corporel, mais
s'appeler Jean ou Michel. Tu vois en moi non pas moi, le réel et le corporel, mais
l'irréel, le fantôme — un Homme.
l'irréel, le fantôme — un Homme.
Au cours des siècles chrétiens, toutes sortes de gens ont tour à tour passé pour
Au cours des siècles chrétiens, toutes sortes de gens ont tour à tour passé pour
« nos semblables », mais toujours nous les avons jugés selon cet esprit que nous
« nos semblables », mais toujours nous les avons jugés selon cet esprit que nous
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enfin celui qui montre un esprit et, un visage humains. Ainsi varia le fondement de
enfin celui qui montre un esprit et, un visage humains. Ainsi varia le fondement de
l' « égalité ».
l' « égalité ».
Du moment que l'on conçoit l'égalité comme égalité de l'esprit humain, on a
Du moment que l'on conçoit l'égalité comme égalité de l'esprit humain, on a
découvert une égalité qui embrasse véritablement tous les hommes ; car qui oserait
découvert une égalité qui embrasse véritablement tous les hommes ; car qui oserait
nier que nous, hommes, nous possédions un esprit humain, c'est-à-dire que nous
nier que nous, hommes, nous possédions un esprit humain, c'est-à-dire que nous
n'ayons d'autre esprit qu'un esprit humain ?
n'ayons d'autre esprit qu'un esprit humain ?
Sommes-nous pour cela plus avancés qu'au début du Christianisme ? Notre esprit
Sommes-nous pour cela plus avancés qu'au début du Christianisme ? Notre esprit
devait alors être divin, aujourd'hui il doit être humain ; mais si le divin ne suffisait pas
devait alors être divin, aujourd'hui il doit être humain ; mais si le divin ne suffisait pas
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Dieu nous a fait cruellement souffrir, l’ « Homme » est à même de nous martyriser
Dieu nous a fait cruellement souffrir, l’ « Homme » est à même de nous martyriser
plus cruellement encore.
plus cruellement encore.
Disons-le en quelques mots : si nous sommes hommes, cette qualité d'hommes
Disons-le en quelques mots : si nous sommes hommes, cette qualité d'hommes
n'est que le moindre en nous, et n'a de signification et d'importance que comme une
n'est que le moindre en nous, et n'a de signification et d'importance que comme une
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entre autres qualités, un homme, de même que je suis, par exemple, un être vivant, un
entre autres qualités, un homme, de même que je suis, par exemple, un être vivant, un
animal, un Européen, un Berlinois, etc.; mais l'estime de celui qui ne priserait en moi
animal, un Européen, un Berlinois, etc.; mais l'estime de celui qui ne priserait en moi
1 Épître aux Romains, VIII, 14.
2 1er épître de Jean, III, 10.
Max Stirner (1845), L’unique et sa propriété 152
que l'homme ou le Berlinois me serait fort indifférente. Pourquoi ? Parce qu'il apprécierait
que l'homme ou le Berlinois me serait fort indifférente. Pourquoi ? Parce qu'il apprécierait
une de mes propriétés et non Moi.
une de mes propriétés et non Moi.
De même pour l'esprit. Je puis compter au nombre de mes attributs un esprit
De même pour l'esprit. Je puis compter au nombre de mes attributs un esprit
chrétien, un esprit loyal, etc., et cet esprit est ma propriété ; mais je ne suis pas cet
chrétien, un esprit loyal, etc., et cet esprit est ma propriété ; mais je ne suis pas cet
esprit : il est à moi, et je ne suis pas à lui.
esprit : il est à moi, et je ne suis pas à lui.
Nous retrouvons donc chez les Libéraux l'ancien mépris des Chrétiens pour le
Nous retrouvons donc chez les Libéraux l'ancien mépris des Chrétiens pour le
Moi, pour le Pierre ou le Paul en chair et en os. Au lieu de me prendre pour ce que je
Moi, pour le Pierre ou le Paul en chair et en os. Au lieu de me prendre pour ce que je
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alliance honorable, ce n'est que pour l'amour de — ma bourse : on épouse ce que j'ai
alliance honorable, ce n'est que pour l'amour de — ma bourse : on épouse ce que j'ai
et non ce que je suis. Le Chrétien s'attaque à mon esprit et le Libéral à mon humanité.
et non ce que je suis. Le Chrétien s'attaque à mon esprit et le Libéral à mon humanité.
Mais si l'esprit, cet esprit qu'on ne regarde pas comme la propriété du Moi réel et
Mais si l'esprit, cet esprit qu'on ne regarde pas comme la propriété du Moi réel et
corporel, mais comme le Moi lui-même, est un fantôme, l'Homme dans lequel on veut
corporel, mais comme le Moi lui-même, est un fantôme, l'Homme dans lequel on veut
reconnaître non un de mes attributs mais le Moi proprement dit n'est, lui non plus,
reconnaître non un de mes attributs mais le Moi proprement dit n'est, lui non plus,
qu'un fantôme, une pensée, un concept.
qu'un fantôme, une pensée, un concept.
C'est pourquoi le Libéral tourne éternellement, sans pouvoir en sortir, dans le
C'est pourquoi le Libéral tourne éternellement, sans pouvoir en sortir, dans le
même cercle où est enfermé le Chrétien. Comme l'Esprit de l'humanité, c'est-à-dire
même cercle où est enfermé le Chrétien. Comme l'Esprit de l'humanité, c'est-à-dire
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t'efforcer de devenir pleinement Homme. Effort aussi stérile que celui du Chrétien
t'efforcer de devenir pleinement Homme. Effort aussi stérile que celui du Chrétien
pour devenir pleinement esprit bienheureux !
pour devenir pleinement esprit bienheureux !
Aujourd'hui que le Libéralisme a proclamé l'Homme, on peut dire que le Christianisme
Aujourd'hui que le Libéralisme a proclamé l'Homme, on peut dire que le Christianisme
a été ainsi poussé à ses dernières conséquences, et que dès l'origine le Christianisme
a été ainsi poussé à ses dernières conséquences, et que dès l'origine le Christianisme
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et l'Homme, et l'on émet ce voeu : « Devenez conformes à la véritable essence de
et l'Homme, et l'on émet ce voeu : « Devenez conformes à la véritable essence de
l'espèce. »
l'espèce. »
La religion de l'Humanité n'est que la dernière métamorphose de la religion
La religion de l'Humanité n'est que la dernière métamorphose de la religion
chrétienne. Le Libéralisme, en effet, est une religion, attendu qu'il me sépare de mon
chrétienne. Le Libéralisme, en effet, est une religion, attendu qu'il me sépare de mon
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». Par les formes mêmes qu'il revêt, le Libéralisme trahit encore sa nature de
». Par les formes mêmes qu'il revêt, le Libéralisme trahit encore sa nature de
religion : il réclame une dévotion fervente à l'être suprême, l'Homme, « une foi qui
religion : il réclame une dévotion fervente à l'être suprême, l'Homme, « une foi qui
Max Stirner (1845), L’unique et sa propriété 153
agisse et donne des preuves de son zèle, une ferveur qui ne s'attiédisse point <ref>Bruno BAUER : Judenfrage, p. 61.</ref>». Mais,
agisse et donne des preuves de son zèle, une ferveur qui ne s'attiédisse point 1 ». Mais,
comme le Libéralisme est une religion humaine, ses adeptes font profession d'être
comme le Libéralisme est une religion humaine, ses adeptes font profession d'être
tolérants envers les adeptes des autres religions (juive, chrétienne, etc.) ; c'est de cette
tolérants envers les adeptes des autres religions (juive, chrétienne, etc.) ; c'est de cette
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comme de pures « sottises privées », envers lesquelles on se comporte très libéralement
comme de pures « sottises privées », envers lesquelles on se comporte très libéralement
en considération de leur insignifiance même.
en considération de leur insignifiance même.
On peut la nommer la religion d'État, la religion de l' « État libre », non dans
On peut la nommer la religion d'État, la religion de l' « État libre », non dans
l'ancien sens de religion prônée et privilégiée par l'État, mais parce qu'elle est la
l'ancien sens de religion prônée et privilégiée par l'État, mais parce qu'elle est la
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d'eux tienne le lien du sang pour sacré, et qu'il prouve, envers ce lien de la piété, un
d'eux tienne le lien du sang pour sacré, et qu'il prouve, envers ce lien de la piété, un
respect qui sanctifie chacun de ses parents.
respect qui sanctifie chacun de ses parents.
Quelle est l'idée la plus haute que l'État, puisse se proposer de réaliser ? C'est
Quelle est l'idée la plus haute que l'État, puisse se proposer de réaliser ? C'est
bien celle d'être une véritable Société humaine, une société dans laquelle puisse être
bien celle d'être une véritable Société humaine, une société dans laquelle puisse être
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l'État l'hôte d'une prison (d'une maison de fous ou d'une maison de santé, d'après le
l'État l'hôte d'une prison (d'une maison de fous ou d'une maison de santé, d'après le
Communisme).
Communisme).
Il est facile de définir en termes sèchement techniques ce qu'on entend par un
Il est facile de définir en termes sèchement techniques ce qu'on entend par un
non-homme : c'est un homme qui ne correspond pas au concept Homme, comme
non-homme : c'est un homme qui ne correspond pas au concept Homme, comme
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moins d'admettre cette hypothèse que le concept Homme peut être séparé de l'homme
moins d'admettre cette hypothèse que le concept Homme peut être séparé de l'homme
existant, l'essence du phénomène ? On dit : Il paraît un homme, mais n'en est pas un.
existant, l'essence du phénomène ? On dit : Il paraît un homme, mais n'en est pas un.
Il y a bien des siècles que les hommes se contentent de cette « pétition de principe
Il y a bien des siècles que les hommes se contentent de cette « pétition de principe
»! Et ce qu'il y a de plus fort, c'est que pendant tout ce temps il n'a existé que des
»! Et ce qu'il y a de plus fort, c'est que pendant tout ce temps il n'a existé que des
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point de vue opposé, qu'un non-homme : c'est un homme surhumain, un « Dieu ».
point de vue opposé, qu'un non-homme : c'est un homme surhumain, un « Dieu ».
L'homme réel n'est que le — non-homme.
L'homme réel n'est que le — non-homme.
Ces hommes qui ne sont pas des hommes, que pourraient-ils être d'autre que des
Ces hommes qui ne sont pas des hommes, que pourraient-ils être d'autre que des
fantômes ? Chaque homme réel, ne correspondant pas au concept « Homme » ou
fantômes ? Chaque homme réel, ne correspondant pas au concept « Homme » ou
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je réduis à n'être plus qu'un de mes attributs, une de mes propriétés, cet Homme qui
je réduis à n'être plus qu'un de mes attributs, une de mes propriétés, cet Homme qui
était jusqu'ici exclusivement mon idéal, mon devoir, mon essence ou mon concept et
était jusqu'ici exclusivement mon idéal, mon devoir, mon essence ou mon concept et
1 Bruno BAUER : Judenfrage, p. 61.
Max Stirner (1845), L’unique et sa propriété 154
qui planait comme tel au-dessus de moi et au-delà de moi, si je fais en sorte que
qui planait comme tel au-dessus de moi et au-delà de moi, si je fais en sorte que
l'Homme ne soit plus que mon humanité, ma manière d'être, et que ce que je fais ne
l'Homme ne soit plus que mon humanité, ma manière d'être, et que ce que je fais ne
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réalité l'Homme et le non-homme tout ensemble, car je suis à la fois homme et plus
réalité l'Homme et le non-homme tout ensemble, car je suis à la fois homme et plus
qu'homme : je suis le Moi de cette individualité qui est ma et rien que ma propriété.
qu'homme : je suis le Moi de cette individualité qui est ma et rien que ma propriété.
On devait finalement en venir à ne plus nous exhorter simplement à être des
On devait finalement en venir à ne plus nous exhorter simplement à être des
Chrétiens, mais à exiger que nous devinssions des Hommes. Nous n'avions en vérité
Chrétiens, mais à exiger que nous devinssions des Hommes. Nous n'avions en vérité
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nous demande, à nous qui sommes hommes, qui agissons en hommes et ne saurions
nous demande, à nous qui sommes hommes, qui agissons en hommes et ne saurions
être autre chose ni agir autrement, d'être Hommes et « réellement Hommes ».
être autre chose ni agir autrement, d'être Hommes et « réellement Hommes ».
Nos États modernes, encore suspendus aux jupes de leur mère l'Église, nous imposent
Nos États modernes, encore suspendus aux jupes de leur mère l'Église, nous imposent
bien encore diverses obligations (celle d'appartenir à une confession religieuse,
bien encore diverses obligations (celle d'appartenir à une confession religieuse,
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Hommes, et quand ils agissent, c'est égoïstement, comme un Moi envers un Toi ou un
Hommes, et quand ils agissent, c'est égoïstement, comme un Moi envers un Toi ou un
Vous radicalement distincts et opposés.
Vous radicalement distincts et opposés.
Dire que l'État doit faire état de notre humanité revient à dire qu'il doit compter
Dire que l'État doit faire état de notre humanité revient à dire qu'il doit compter
sur notre moralité. Voir en autrui un homme et se comporter en homme à son égard,
sur notre moralité. Voir en autrui un homme et se comporter en homme à son égard,
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C, d'où A = B, autrement dit « je = Homme » et « tu = Homme »; d'où « je = tu »; toi
C, d'où A = B, autrement dit « je = Homme » et « tu = Homme »; d'où « je = tu »; toi
et moi sommes la même chose.
et moi sommes la même chose.
La moralité est incompatible avec l'égoïsme, parce que ce n'est pas à Moi mais
La moralité est incompatible avec l'égoïsme, parce que ce n'est pas à Moi mais
seulement à l'Homme que je suis qu'elle accorde une valeur. Si l'État est une société
seulement à l'Homme que je suis qu'elle accorde une valeur. Si l'État est une société
d'hommes, et non une réunion de Moi dont chacun n'a en vue que lui-même, il ne peut
d'hommes, et non une réunion de Moi dont chacun n'a en vue que lui-même, il ne peut
subsister sans la Moralité et doit être fondé sur elle.
subsister sans la Moralité et doit être fondé sur elle.
Aussi l'État et Moi sommes-nous ennemis. Le bien de cette « Société humaine »
Aussi l'État et Moi sommes-nous ennemis. Le bien de cette « Société humaine »
ne me tient pas au coeur, à moi l'égoïste ; je ne me dévoue pas pour elle, je ne fais que
ne me tient pas au coeur, à moi l'égoïste ; je ne me dévoue pas pour elle, je ne fais que
Max Stirner (1845), L’unique et sa propriété 155
l'employer ; mais afin de pouvoir pleinement en user, je la convertis en ma propriété,
l'employer ; mais afin de pouvoir pleinement en user, je la convertis en ma propriété,
j'en fais ma créature, c'est-à-dire que je l'anéantis et que j'édifie à sa place l'association
j'en fais ma créature, c'est-à-dire que je l'anéantis et que j'édifie à sa place l'association
des Égoïstes.
des Égoïstes.
L'État, de son côté, trahit son hostilité à mon égard en exigeant que je sois un
L'État, de son côté, trahit son hostilité à mon égard en exigeant que je sois un
Homme, ce qui sous-entend que je pourrais n'en pas être un et passer à ses yeux pour
Homme, ce qui sous-entend que je pourrais n'en pas être un et passer à ses yeux pour
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mais un homme « bien pensant » et « bien faisant », autrement dit moral. Devant
mais un homme « bien pensant » et « bien faisant », autrement dit moral. Devant
l'État et son état je dois être impuissant, respectueux, etc.
l'État et son état je dois être impuissant, respectueux, etc.
Cet État, qui n'a d'ailleurs actuellement aucune réalité et doit encore être fondé,
Cet État, qui n'a d'ailleurs actuellement aucune réalité et doit encore être fondé,
est l'idéal du Libéralisme progressiste. Il sera une véritable « société humaine » où
est l'idéal du Libéralisme progressiste. Il sera une véritable « société humaine » où
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réaliser l'« Homme », c'est-à-dire de lui créer un monde, monde qui sera le monde
réaliser l'« Homme », c'est-à-dire de lui créer un monde, monde qui sera le monde
humain ou la société humaine universelle (communiste). « L'Église, disait-on, ne pouvait
humain ou la société humaine universelle (communiste). « L'Église, disait-on, ne pouvait
s'occuper que de l'esprit ; l'État doit se charger de l'homme tout entier 1. » Mais
s'occuper que de l'esprit ; l'État doit se charger de l'homme tout entier <ref>HESS : Triarchie, p. 76.</ref> » Mais
l'Homme n'est-il pas Esprit ? Le noyau de l'État est l’ « Homme », cette irréalité, et
l'Homme n'est-il pas Esprit ? Le noyau de l'État est l’ « Homme », cette irréalité, et
l'État lui-même n'est qu'une société d'Hommes. Le monde que crée le croyant (Esprit
l'État lui-même n'est qu'une société d'Hommes. Le monde que crée le croyant (Esprit
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m'appartient. L'humain en soi est une abstraction et, par conséquent, un fantôme, un
m'appartient. L'humain en soi est une abstraction et, par conséquent, un fantôme, un
être imaginaire.
être imaginaire.
Bruno Bauer exprime quelque part (Judenfrage, p. 84), cette opinion que la
Bruno Bauer exprime quelque part (Judenfrage, p. 84), cette opinion que la
dernière vérité à laquelle soit parvenue la Critique, et la vérité que le Christianisme
dernière vérité à laquelle soit parvenue la Critique, et la vérité que le Christianisme
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vérité ; car cette histoire — et elle seule — est l'histoire de la découverte de la première
vérité ; car cette histoire — et elle seule — est l'histoire de la découverte de la première
et de l'ultime vérité— de l'Homme et de la liberté ! »
et de l'ultime vérité— de l'Homme et de la liberté ! »
Soit, acceptons-en le bénéfice, et admettons que l'Homme est le résultat auquel
Soit, acceptons-en le bénéfice, et admettons que l'Homme est le résultat auquel
aboutit l'histoire de la pensée chrétienne et, d'ailleurs, tout l'effort des hommes vers la
aboutit l'histoire de la pensée chrétienne et, d'ailleurs, tout l'effort des hommes vers la
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propriétaire et à moitié un esclave. Aussi, Juif et Chrétien sont-ils toujours partiellement
propriétaire et à moitié un esclave. Aussi, Juif et Chrétien sont-ils toujours partiellement
opposés : la moitié de l'un est la négation d'une moitié de l'autre ; comme hom-
opposés : la moitié de l'un est la négation d'une moitié de l'autre ; comme hom-
1 HESS : Triarchie, p. 76.
Max Stirner (1845), L’unique et sa propriété 156
mes ils se reconnaissent, comme esclaves ils se repoussent parce qu'ils servent deux
mes ils se reconnaissent, comme esclaves ils se repoussent parce qu'ils servent deux
maîtres différents. S'ils pouvaient être complètement des égoïstes, ils s'excluraient
maîtres différents. S'ils pouvaient être complètement des égoïstes, ils s'excluraient
totalement et n'en tiendraient que plus fermement l'un à l'autre. Ce qui les avilit, ce
totalement et n'en tiendraient que plus fermement l'un à l'autre. Ce qui les avilit, ce
n'est pas de se contredire, c'est de ne le faire qu'à demi.
n'est pas de se contredire, c'est de ne le faire qu'à demi.
Bruno Bauer pense au contraire que Juifs et Chrétiens pourraient se regarder
Bruno Bauer pense au contraire que Juifs et Chrétiens pourraient se regarder
comme des « Hommes » et se traiter mutuellement comme tels, s'ils dépouillaient
comme des « Hommes » et se traiter mutuellement comme tels, s'ils dépouillaient
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d'une façon générale, de croire à l'existence du privilège. Il leur répond en leur
d'une façon générale, de croire à l'existence du privilège. Il leur répond en leur
objectant les droits de l'Homme. Les droits de l'homme !
objectant les droits de l'Homme. Les droits de l'homme !
L'Homme, c'est l'Homme en général, et chacun est homme. Chacun donc doit
L'Homme, c'est l'Homme en général, et chacun est homme. Chacun donc doit
posséder les droits éternels en question et doit en jouir, de l'avis des Communistes,
posséder les droits éternels en question et doit en jouir, de l'avis des Communistes,
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qu'il porte le titre d'Homme. Mais je mets l'accent sur « Je » et non sur le fait que je
qu'il porte le titre d'Homme. Mais je mets l'accent sur « Je » et non sur le fait que je
« suis homme ».
« suis homme ».
L'Homme n'est quelque chose que pour autant qu'il est mon attribut (ma propriété);
L'Homme n'est quelque chose que pour autant qu'il est mon attribut (ma propriété);
il en est de l'humanité comme de la virilité et de la féminité. L'idéal des Anciens
il en est de l'humanité comme de la virilité et de la féminité. L'idéal des Anciens
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donné à tout le monde, et je sais pas mal de gens qui se proposeraient là un idéal fort
donné à tout le monde, et je sais pas mal de gens qui se proposeraient là un idéal fort
inaccessible.
inaccessible.
Mais la femme, elle, est en tout cas féminine, elle l'est de nature, la « féminité »
Mais la femme, elle, est en tout cas féminine, elle l'est de nature, la « féminité »
est un des éléments de son individualité, et elle n'a que faire du « vrai féminin ». Je
est un des éléments de son individualité, et elle n'a que faire du « vrai féminin ». Je
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comme une mission d'être « véritablement homme » qu'il ne le serait de faire à la
comme une mission d'être « véritablement homme » qu'il ne le serait de faire à la
terre un devoir d'être « vraiment étoile ».
terre un devoir d'être « vraiment étoile ».
Lorsque Fichte dit : « Le Moi est tout », cela semble parfaitement en harmonie
Lorsque Fichte dit : « Le Moi est tout », cela semble parfaitement en harmonie
avec ma théorie. Seulement le Moi n'est pas tout, mais il détruit tout, et seul le Moi
avec ma théorie. Seulement le Moi n'est pas tout, mais il détruit tout, et seul le Moi
qui se décompose lui-même, le Moi qui n'est jamais, le Moi — final est réellement
qui se décompose lui-même, le Moi qui n'est jamais, le Moi — final est réellement
Moi. Fichte parle d'un Moi « absolu », tandis que je parle de Moi, du Je périssable.
Moi. Fichte parle d'un Moi « absolu », tandis que je parle de Moi, du Je périssable.
On est bien près d'admettre que Homme et Moi sont synonymes ! Et nous voyons
On est bien près d'admettre que Homme et Moi sont synonymes ! Et nous voyons
pourtant Feuerbach, par exemple, déclarer que le terme « Homme » ne doit s'appliquer
pourtant Feuerbach, par exemple, déclarer que le terme « Homme » ne doit s'appliquer
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si l'individu « peut franchir les limites de son individualité, il ne peut néanmoins
si l'individu « peut franchir les limites de son individualité, il ne peut néanmoins
s'élever au-dessus des lois et des caractères essentiels de l'espèce à laquelle il
s'élever au-dessus des lois et des caractères essentiels de l'espèce à laquelle il
Max Stirner (1845), L’unique et sa propriété 157
appartient <ref>Wesen des Christentums, p. 401.</ref>». Seulement l'espèce n'est rien, et l'individu qui franchit les bornes de
appartient 1 ». Seulement l'espèce n'est rien, et l'individu qui franchit les bornes de
son individualité n'en est justement que plus lui-même, plus individuel. Il n'est lui, il
son individualité n'en est justement que plus lui-même, plus individuel. Il n'est lui, il
n'est individu que pour autant qu'il s'élève, qu'il franchisse, qu'il ne reste pas ce qu'il
n'est individu que pour autant qu'il s'élève, qu'il franchisse, qu'il ne reste pas ce qu'il
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leur « destination » ou leur « vocation » ?
leur « destination » ou leur « vocation » ?
Que je me propose pour idéal l'humanité, l'espèce, et que je tende vers ce but, ou
Que je me propose pour idéal l'humanité, l'espèce, et que je tende vers ce but, ou
que je fasse le même effort vers Dieu et le Christ, je n'y vois aucune différence essentielle
que je fasse le même effort vers Dieu et le Christ, je n'y vois aucune différence essentielle; ma vocation est tout au plus, dans le premier cas, plus indéterminée, plus
; ma vocation est tout au plus, dans le premier cas, plus indéterminée, plus
vague et plus flottante.
vague et plus flottante.
De même que l'individu est toute la nature, il est toute l'espèce.
De même que l'individu est toute la nature, il est toute l'espèce.
Ce que je suis détermine nécessairement tout ce que je fais, pense, etc., bref toutes
Ce que je suis détermine nécessairement tout ce que je fais, pense, etc., bref toutes
mes manifestations. Le Juif, par exemple, ne peut vouloir que telle chose, ne peut « se
mes manifestations. Le Juif, par exemple, ne peut vouloir que telle chose, ne peut « se
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suffit pas. Mais sois un Homme, et tu auras tout ; choisis l'humain comme ta
suffit pas. Mais sois un Homme, et tu auras tout ; choisis l'humain comme ta
vocation.
vocation.
Nous savons désormais où est le devoir et nous pourrions rédiger le nouveau
Nous savons désormais où est le devoir et nous pourrions rédiger le nouveau
catéchisme. De nouveau le sujet est subordonné au prédicat, et le particulier immolé
catéchisme. De nouveau le sujet est subordonné au prédicat, et le particulier immolé
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pour Me dire, et le « verbe », le logos, n'est, lorsqu'il s'applique à Moi, qu'un « vain
pour Me dire, et le « verbe », le logos, n'est, lorsqu'il s'applique à Moi, qu'un « vain
mot ».
mot ».
1 Wesen des Christentums, p. 401.
 
Max Stirner (1845), L’unique et sa propriété 158
On cherche mon essence. Ce n'est pas le Juif, l'Allemand, etc., c'est — l'Homme.
On cherche mon essence. Ce n'est pas le Juif, l'Allemand, etc., c'est — l'Homme.
« L'Homme est mon essence. »
« L'Homme est mon essence. »
Je me suis désagréable ou antipathique, je me répugne, je me dégoûte et me fais
Je me suis désagréable ou antipathique, je me répugne, je me dégoûte et me fais
horreur, ou bien ne suis jamais assez et ne fais jamais assez pour moi. De tels sentiments
horreur, ou bien ne suis jamais assez et ne fais jamais assez pour moi. De tels sentiments
naît soit l'autonégation, soit l'autocritique. La religiosité commence avec
naît soit l'autonégation, soit l'autocritique. La religiosité commence avec
l'abnégation et finit par la critique radicale.
l'abnégation et finit par la critique radicale.
Je suis possédé et je veux exorciser l' « Esprit malin ». Que faire ? — Commettre
Je suis possédé et je veux exorciser l' « Esprit malin ». Que faire ? — Commettre
hardiment le péché le plus noir aux yeux des Chrétiens : blasphémer le Saint-Esprit.
hardiment le péché le plus noir aux yeux des Chrétiens : blasphémer le Saint-Esprit.
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restera chargé d'une condamnation éternelle 1. » Je ne veux pas de pardon et ne crains
restera chargé d'une condamnation éternelle 1. » Je ne veux pas de pardon et ne crains
pas le châtiment.
pas le châtiment.
L'Homme est le dernier des mauvais Esprits, le dernier fantôme et le plus fécond
L'Homme est le dernier des mauvais Esprits, le dernier fantôme et le plus fécond
en impostures et en tromperies ; c'est le plus subtil menteur qui se soit jamais caché
en impostures et en tromperies ; c'est le plus subtil menteur qui se soit jamais caché
sous un masque d'honnêteté, c'est le père des mensonges.
sous un masque d'honnêteté, c'est le père des mensonges.
L'Égoïste qui s'insurge contre les devoirs, les aspirations et les idées qui ont cours
L'Égoïste qui s'insurge contre les devoirs, les aspirations et les idées qui ont cours
commet impitoyablement la suprême profanation : rien ne lui est sacré !
commet impitoyablement la suprême profanation : rien ne lui est sacré !
Il serait absurde de soutenir qu'il n'est point de puissances supérieures à la
Il serait absurde de soutenir qu'il n'est point de puissances supérieures à la
mienne. Mais la position que je prendrai à leur égard sera toute différente de ce
mienne. Mais la position que je prendrai à leur égard sera toute différente de ce
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tandis que la religion nous enseigne à nous en faire une amie et à être humbles envers
tandis que la religion nous enseigne à nous en faire une amie et à être humbles envers
elle.
elle.
Le sacrilège concentre ses forces contre toute crainte de Dieu, car la crainte de
Le sacrilège concentre ses forces contre toute crainte de Dieu, car la crainte de
Dieu lui enlèverait tout empire sur ce dont il laisserait subsister le caractère sacré.
Dieu lui enlèverait tout empire sur ce dont il laisserait subsister le caractère sacré.
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suprême » sera l'objet de la même vénération que le Dieu, Être suprême de la religion
suprême » sera l'objet de la même vénération que le Dieu, Être suprême de la religion
sensu strictiori ; tous deux exigent de nous crainte et respect.
sensu strictiori ; tous deux exigent de nous crainte et respect.
La crainte de Dieu proprement dite est depuis longtemps ébranlée et la mode est à
La crainte de Dieu proprement dite est depuis longtemps ébranlée et la mode est à
un « athéisme » plus ou moins conscient, reconnaissable extérieurement à un abandon
un « athéisme » plus ou moins conscient, reconnaissable extérieurement à un abandon
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importance : l'Homme est le dieu d'aujourd'hui et la crainte de l'Homme a pris la
importance : l'Homme est le dieu d'aujourd'hui et la crainte de l'Homme a pris la
place de l'ancienne crainte de Dieu.
place de l'ancienne crainte de Dieu.
Mais comme l'Homme ne représente qu'un autre Être suprême, l'Être suprême n'a
Mais comme l'Homme ne représente qu'un autre Être suprême, l'Être suprême n'a
subi en somme qu'une simple métamorphose, et la crainte de l'Homme n'est qu'un
subi en somme qu'une simple métamorphose, et la crainte de l'Homme n'est qu'un
aspect différent de la crainte de Dieu.
aspect différent de la crainte de Dieu.
Nos athées sont de pieuses gens.
Nos athées sont de pieuses gens.
Si durant les temps dit féodaux nous recevions tout en fief de Dieu, la période
Si durant les temps dit féodaux nous recevions tout en fief de Dieu, la période
libérale nous a mis dans le même état de vasselage vis-à-vis de l'Homme. Dieu était le
libérale nous a mis dans le même état de vasselage vis-à-vis de l'Homme. Dieu était le
Maître, à présent l'Homme est le Maître ; Dieu était le Médiateur, à présent, c'est
Maître, à présent l'Homme est le Maître ; Dieu était le Médiateur, à présent, c'est
l'Homme ; Dieu était l'Esprit, et l'Homme aujourd'hui est l'Esprit. Sous ce triple
l'Homme ; Dieu était l'Esprit, et l'Homme aujourd'hui est l'Esprit. Sous ce triple
Max Stirner (1845), L’unique et sa propriété 159
rapport, la vassalité s'est transformée : en premier lieu, nous tenons de l'Homme toutpuissant
rapport, la vassalité s'est transformée : en premier lieu, nous tenons de l'Homme toutpuissant
notre puissance, et cette puissance, émanant d'une autorité supérieure, ne
notre puissance, et cette puissance, émanant d'une autorité supérieure, ne
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nous ne sommes pas « humains ». — La puissance est à l'Homme, le monde est à
nous ne sommes pas « humains ». — La puissance est à l'Homme, le monde est à
l'Homme et je suis à l'Homme.
l'Homme et je suis à l'Homme.
Mais en quels termes déclarer que Je suis mon Justificateur, mon Médiateur et
Mais en quels termes déclarer que Je suis mon Justificateur, mon Médiateur et
mon Propriétaire ? Je dirai :
mon Propriétaire ? Je dirai :
Ma puissance est ma propriété.
Ma puissance est ma propriété.
Ma puissance me donne la propriété.
Ma puissance me donne la propriété.
Je suis moi-même ma puissance, et je suis par elle ma
Je suis moi-même ma puissance, et je suis par elle ma
propriété.
propriété.


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== Notes et références ==  
== Notes et références ==  
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