862
modifications
(4 versions intermédiaires par le même utilisateur non affichées) | |||
Ligne 5 : | Ligne 5 : | ||
<div class="text"> | |||
Dans le monde et dans la société, il nous est tout au plus permis de satisfaire les | Dans le monde et dans la société, il nous est tout au plus permis de satisfaire les | ||
Ligne 2 594 : | Ligne 2 595 : | ||
indiquée dans les « États libres ». Dans ceux-ci, dit-il, l'individu a le droit d'exprimer | indiquée dans les « États libres ». Dans ceux-ci, dit-il, l'individu a le droit d'exprimer | ||
tout ce qu'il pense, et ce droit ne lui est pas contesté parce qu'il n'est plus seulement | tout ce qu'il pense, et ce droit ne lui est pas contesté parce qu'il n'est plus seulement | ||
un individu isolé, mais bien un membre solidaire d'un tout réel et intelligent | un individu isolé, mais bien un membre solidaire d'un tout réel et intelligent <ref>II, p. 91 sqq.</ref>. Ce | ||
n'est donc pas l'individu mais le membre qui jouit de la liberté de la presse. Mais si, | n'est donc pas l'individu mais le membre qui jouit de la liberté de la presse. Mais si, | ||
pour jouir de la liberté de la presse, il faut que l'individu ait prouvé sa fidélité à la | pour jouir de la liberté de la presse, il faut que l'individu ait prouvé sa fidélité à la | ||
Ligne 2 613 : | Ligne 2 614 : | ||
contre le Peuple — mon ennemi ; je ne l'obtiens que si je la conquière réellement, si | contre le Peuple — mon ennemi ; je ne l'obtiens que si je la conquière réellement, si | ||
je la prends. Et si je la prends, c'est qu'elle est ma propriété. | je la prends. Et si je la prends, c'est qu'elle est ma propriété. | ||
Sander, que combat Edgar Bauer, considère la liberté de la presse comme « le | Sander, que combat Edgar Bauer, considère la liberté de la presse comme « le | ||
droit et la liberté du citoyen dans l'État ». Bauer ne dit rien d'autre. Pour lui aussi elle | droit et la liberté du citoyen dans l'État ». Bauer ne dit rien d'autre. Pour lui aussi elle | ||
n'est que le droit du citoyen libre. | n'est que le droit du citoyen libre. | ||
On réclame encore la liberté de la presse comme un « droit commun à tous les | On réclame encore la liberté de la presse comme un « droit commun à tous les | ||
hommes ». À cela il a été objecté que tous les hommes ne savent pas en faire bon | hommes ». À cela il a été objecté que tous les hommes ne savent pas en faire bon | ||
Ligne 2 634 : | Ligne 2 632 : | ||
établissant qu'il est vraiment Homme, car ce n'est pas à l'individu, c'est à | établissant qu'il est vraiment Homme, car ce n'est pas à l'individu, c'est à | ||
l'Homme qu'il accorde la liberté de la presse. | l'Homme qu'il accorde la liberté de la presse. | ||
C'est justement sous le prétexte que cela n'est pas humain qu'on m'a enlevé ce qui | C'est justement sous le prétexte que cela n'est pas humain qu'on m'a enlevé ce qui | ||
est à Moi ! Et on m'a laissé ce qui est à l'Homme. | est à Moi ! Et on m'a laissé ce qui est à l'Homme. | ||
La liberté de la presse ne peut produire qu'une presse responsable. Une presse | La liberté de la presse ne peut produire qu'une presse responsable. Une presse | ||
irresponsable ne peut naître que de la propriété de la presse. | irresponsable ne peut naître que de la propriété de la presse. | ||
Les relations des hommes entre eux sont régies, pour tous ceux qui vivent religieusement, | Les relations des hommes entre eux sont régies, pour tous ceux qui vivent religieusement, | ||
par une loi formelle dont on peut bien parfois, au risque de pécher, | par une loi formelle dont on peut bien parfois, au risque de pécher, | ||
Ligne 2 649 : | Ligne 2 647 : | ||
de l'amour, leur amour est même plus profond et plus pur : ils aiment l'Homme et | de l'amour, leur amour est même plus profond et plus pur : ils aiment l'Homme et | ||
l'Humanité. | l'Humanité. | ||
Si nous tâchons de formuler le sens de cette loi, nous dirons à peu près : Chaque | Si nous tâchons de formuler le sens de cette loi, nous dirons à peu près : Chaque | ||
homme doit tenir quelque chose pour plus que lui-même. Tu dois oublier ton « intérêt | homme doit tenir quelque chose pour plus que lui-même. Tu dois oublier ton « intérêt | ||
Ligne 2 655 : | Ligne 2 654 : | ||
etc., doivent être pour toi plus que toi-même, et ton « intérêt privé » doit s'effacer | etc., doivent être pour toi plus que toi-même, et ton « intérêt privé » doit s'effacer | ||
devant leur intérêt ; car il ne faut pas être un — égoïste ! | devant leur intérêt ; car il ne faut pas être un — égoïste ! | ||
L'Amour est un commandement religieux d'une grande portée ; il ne se borne pas | L'Amour est un commandement religieux d'une grande portée ; il ne se borne pas | ||
à l'amour de Dieu et des hommes, mais il préside à tous nos rapports. Quoi que nous | à l'amour de Dieu et des hommes, mais il préside à tous nos rapports. Quoi que nous | ||
Ligne 2 663 : | Ligne 2 663 : | ||
N'est-ce pas comme si on disait : il ne faut pas que sa critique l'anéantisse, il doit la | N'est-ce pas comme si on disait : il ne faut pas que sa critique l'anéantisse, il doit la | ||
laisser subsister, et subsister en tant que chose sacrée et indestructible ? | laisser subsister, et subsister en tant que chose sacrée et indestructible ? | ||
Il en est de même de notre critique des hommes : l'amour doit en rester la tonique | Il en est de même de notre critique des hommes : l'amour doit en rester la tonique | ||
invariable. Il est certain que les jugements que nous dicte la haine ne sont pas nos | invariable. Il est certain que les jugements que nous dicte la haine ne sont pas nos | ||
Ligne 2 670 : | Ligne 2 671 : | ||
indulgents », mais ce ne sont pas nos propres jugements, ni par conséquent, réellement, | indulgents », mais ce ne sont pas nos propres jugements, ni par conséquent, réellement, | ||
des jugements. | des jugements. | ||
Celui qui brûle d'amour pour la justice s'écrie : fiat justitia, pereat mundus ! Il lui | Celui qui brûle d'amour pour la justice s'écrie : fiat justitia, pereat mundus ! Il lui | ||
est permis de se demander et d'examiner ce que c'est, à proprement parler, que la | est permis de se demander et d'examiner ce que c'est, à proprement parler, que la | ||
justice, ce qu'elle exige et en quoi elle consiste, mais non pas si elle est quelque | justice, ce qu'elle exige et en quoi elle consiste, mais non pas si elle est quelque | ||
chose. | chose. | ||
Il est bien vrai que « Celui qui demeure dans l'amour, celui-là demeure en Dieu et | Il est bien vrai que « Celui qui demeure dans l'amour, celui-là demeure en Dieu et | ||
Dieu en lui » (ler ép. de Jean, IV, 16). Le Dieu demeure en lui, il ne peut s'en défaire et | Dieu en lui » (ler ép. de Jean, IV, 16). Le Dieu demeure en lui, il ne peut s'en défaire et | ||
devenir sans dieu, et lui-même demeure en Dieu, il reste confiné dans l'amour de Dieu | devenir sans dieu, et lui-même demeure en Dieu, il reste confiné dans l'amour de Dieu | ||
et ne peut devenir sans amour. | et ne peut devenir sans amour. | ||
« Dieu est l'Amour ! » Tous les siècles et toutes les générations reconnaissent | « Dieu est l'Amour ! » Tous les siècles et toutes les générations reconnaissent | ||
dans cette parole le fondement du Christianisme. Mais ce Dieu qui est amour est un | dans cette parole le fondement du Christianisme. Mais ce Dieu qui est amour est un | ||
Dieu importun : il ne peut pas laisser le monde en repos, il veut lui infuser la sainteté. | Dieu importun : il ne peut pas laisser le monde en repos, il veut lui infuser la sainteté. | ||
« Dieu s'est fait homme pour rendre les hommes divins | « Dieu s'est fait homme pour rendre les hommes divins <ref> Athanase.</ref>.» Sa main se retrouve | ||
partout, et rien n'arrive que par lui. En tout se révèlent ses « desseins excellents », ses | partout, et rien n'arrive que par lui. En tout se révèlent ses « desseins excellents », ses | ||
« vues et ses décrets impénétrables ». La raison, qui est lui-même, doit aussi se | « vues et ses décrets impénétrables ». La raison, qui est lui-même, doit aussi se | ||
Ligne 2 695 : | Ligne 2 698 : | ||
combat la déraison et l'irrationnel. Dieu ne laisse aucun être suivre la voie qui lui | combat la déraison et l'irrationnel. Dieu ne laisse aucun être suivre la voie qui lui | ||
est propre, et l'Homme ne veut nous permettre qu'une conduite humaine. | est propre, et l'Homme ne veut nous permettre qu'une conduite humaine. | ||
Mais celui qui est pénétré de l'amour sacré (religieux, moral, humain) n'a d'amour | Mais celui qui est pénétré de l'amour sacré (religieux, moral, humain) n'a d'amour | ||
que pour le fantôme, pour le « véritable Homme », et il persécute l'individu, l'homme | que pour le fantôme, pour le « véritable Homme », et il persécute l'individu, l'homme | ||
Ligne 2 702 : | Ligne 2 706 : | ||
pas fantôme, c'est-à-dire l'égoïste ou l'individuel. Tel est le sens de cette fameuse | pas fantôme, c'est-à-dire l'égoïste ou l'individuel. Tel est le sens de cette fameuse | ||
manifestation de l'Amour qu'on nomme « Justice ». | manifestation de l'Amour qu'on nomme « Justice ». | ||
L'accusé n'a aucun ménagement à espérer, pas une âme compatissante ne jettera | L'accusé n'a aucun ménagement à espérer, pas une âme compatissante ne jettera | ||
un voile sur sa triste nudité. Sans émotion, le juge austère arrache au pauvre condamné | un voile sur sa triste nudité. Sans émotion, le juge austère arrache au pauvre condamné | ||
Ligne 2 713 : | Ligne 2 718 : | ||
succombe, et où celle-ci règne, ceux-là doivent tomber. Leur antagonisme est | succombe, et où celle-ci règne, ceux-là doivent tomber. Leur antagonisme est | ||
impérissable. | impérissable. | ||
L'ère chrétienne est l'ère de la miséricorde, de l'amour, du souci de rendre aux | L'ère chrétienne est l'ère de la miséricorde, de l'amour, du souci de rendre aux | ||
hommes ce qui leur appartient et de les guider vers l'accomplissement de leur vocation | hommes ce qui leur appartient et de les guider vers l'accomplissement de leur vocation | ||
Ligne 2 721 : | Ligne 2 727 : | ||
Communistes et les Humanitaires attendent de l'homme plus que les Chrétiens, leur | Communistes et les Humanitaires attendent de l'homme plus que les Chrétiens, leur | ||
point de vue reste le même. À l'homme doit appartenir tout ce qui est humain. S'il | point de vue reste le même. À l'homme doit appartenir tout ce qui est humain. S'il | ||
suffisait aux pieux que l'homme eût en partage ce qui est de Dieu, les Humanitaires | suffisait aux pieux que l'homme eût en partage ce qui est de Dieu, les Humanitaires | ||
exigent que rien ne lui soit refusé de ce qui est de l'Homme. Quant à ce qui est de | exigent que rien ne lui soit refusé de ce qui est de l'Homme. Quant à ce qui est de | ||
Ligne 2 729 : | Ligne 2 733 : | ||
il faut qu'on le crée soi-même. Le reste, l'amour me l'accordait ; ceci, Moi seul puis | il faut qu'on le crée soi-même. Le reste, l'amour me l'accordait ; ceci, Moi seul puis | ||
me le donner. | me le donner. | ||
Jusqu'à présent, les relations ont été fondées sur l'amour, les égards et les services | Jusqu'à présent, les relations ont été fondées sur l'amour, les égards et les services | ||
réciproques. Si l'on se devait à soi-même de se sanctifier, c'est-à-dire d'introniser en | réciproques. Si l'on se devait à soi-même de se sanctifier, c'est-à-dire d'introniser en | ||
soi l'être suprême et d'en faire une vérité | soi l'être suprême et d'en faire une vérité <ref>« Vérité » en français dans le texte. (Note du Traducteur.)</ref> et une réalité, on devait aussi aux autres de | ||
les aider à réaliser leur essence et leur destinée ; dans les deux cas, on devait à | les aider à réaliser leur essence et leur destinée ; dans les deux cas, on devait à | ||
l'essence de l'homme de contribuer à sa réalisation. | l'essence de l'homme de contribuer à sa réalisation. | ||
Seulement, on ne se doit pas à soi-même de faire quelque chose de soi, ni aux | Seulement, on ne se doit pas à soi-même de faire quelque chose de soi, ni aux | ||
autres de faire d'eux quelque chose : on ne doit rien ni à son essence ni à celle des | autres de faire d'eux quelque chose : on ne doit rien ni à son essence ni à celle des | ||
Ligne 2 740 : | Ligne 2 746 : | ||
rapports avec Moi, et mes rapports avec l'essence de l'Homme ne sont pas des rapports | rapports avec Moi, et mes rapports avec l'essence de l'Homme ne sont pas des rapports | ||
avec les hommes. | avec les hommes. | ||
De l'amour, tel qu'il est naturel à l'homme de le ressentir, la civilisation a fait un | De l'amour, tel qu'il est naturel à l'homme de le ressentir, la civilisation a fait un | ||
commandement. Mais en tant que commandé, l'amour appartient à l'Homme comme | commandement. Mais en tant que commandé, l'amour appartient à l'Homme comme | ||
tel, et non à moi ; il est mon essence, cette essence que l'on tient pour si « essentielle | tel, et non à moi ; il est mon essence, cette essence que l'on tient pour si « essentielle | ||
», et n'est pas ma propriété. C'est l'Homme, c'est-à-dire l'humanité, qui me l'impose | », et n'est pas ma propriété. C'est l'Homme, c'est-à-dire l'humanité, qui me l'impose: l'amour est obligatoire, aimer est mon devoir. Ainsi, au lieu d'avoir sa source | ||
: l'amour est obligatoire, aimer est mon devoir. Ainsi, au lieu d'avoir sa source | |||
réellement en Moi, il l'a dans l'Homme en général, dont il est la propriété, l'attribut | réellement en Moi, il l'a dans l'Homme en général, dont il est la propriété, l'attribut | ||
particulier : « Il sied à l'Homme, c'est-à-dire à chaque homme, d'aimer ; aimer est le | particulier : « Il sied à l'Homme, c'est-à-dire à chaque homme, d'aimer ; aimer est le | ||
devoir et la vocation de l'homme, etc. » | devoir et la vocation de l'homme, etc. » | ||
Il faut, par conséquent, que je revendique l'amour pour Moi, et que je le soustraie | Il faut, par conséquent, que je revendique l'amour pour Moi, et que je le soustraie | ||
à la puissance de l'Homme. | à la puissance de l'Homme. | ||
On en est arrivé à me concéder comme un fief dont la propriété appartient à | On en est arrivé à me concéder comme un fief dont la propriété appartient à | ||
l'Homme ce qui était primitivement à moi, mais sans raison logique, instinctivement. | l'Homme ce qui était primitivement à moi, mais sans raison logique, instinctivement. | ||
Ligne 2 758 : | Ligne 2 766 : | ||
l'Homme ou à l'humanité et où rien n'appartient au Moi. En dépouillant l'individu de | l'Homme ou à l'humanité et où rien n'appartient au Moi. En dépouillant l'individu de | ||
tout pour attribuer tout à l'Homme, on a fondé une énorme féodalité. | tout pour attribuer tout à l'Homme, on a fondé une énorme féodalité. | ||
L'individu n'apparaît plus en fin de compte que comme « foncièrement mauvais ». | L'individu n'apparaît plus en fin de compte que comme « foncièrement mauvais ». | ||
Faut-il peut-être ne prendre aucun intérêt actif à la personne d'autrui ? Dois-je | Faut-il peut-être ne prendre aucun intérêt actif à la personne d'autrui ? Dois-je | ||
n'avoir à coeur ni sa joie ni son intérêt, ne puis-je préférer la jouissance que je lui | n'avoir à coeur ni sa joie ni son intérêt, ne puis-je préférer la jouissance que je lui | ||
Ligne 2 766 : | Ligne 2 776 : | ||
lui, me serait le plus cher, ma vie, ma prospérité, ma liberté. En effet, c'est pour moi | lui, me serait le plus cher, ma vie, ma prospérité, ma liberté. En effet, c'est pour moi | ||
un plaisir et un bonheur que le spectacle de son bonheur et de son plaisir. Mais je ne | un plaisir et un bonheur que le spectacle de son bonheur et de son plaisir. Mais je ne | ||
me sacrifie pas à lui, je reste égoïste et je — jouis de lui. En lui sacrifiant tout ce que, | me sacrifie pas à lui, je reste égoïste et je — jouis de lui. En lui sacrifiant tout ce que, | ||
n'était mon amour pour lui, je me réserverais, je fais une chose très simple et même | n'était mon amour pour lui, je me réserverais, je fais une chose très simple et même | ||
Ligne 2 781 : | Ligne 2 789 : | ||
à laquelle il a perdu le pouvoir de se soustraire. Il a abdiqué devant elle, parce | à laquelle il a perdu le pouvoir de se soustraire. Il a abdiqué devant elle, parce | ||
qu'il ne sait plus se détacher d'elle et par conséquent s'en affranchir. Il est possédé. | qu'il ne sait plus se détacher d'elle et par conséquent s'en affranchir. Il est possédé. | ||
Moi aussi, j'aime les hommes, non seulement quelques-uns, mais chacun d'eux. | Moi aussi, j'aime les hommes, non seulement quelques-uns, mais chacun d'eux. | ||
Mais je les aime avec la conscience de mon égoïsme : je les aime parce que l'amour | Mais je les aime avec la conscience de mon égoïsme : je les aime parce que l'amour | ||
Ligne 2 787 : | Ligne 2 796 : | ||
m'afflige et ce qui le soulage me soulage : je pourrais le tuer, je ne saurais le martyriser. | m'afflige et ce qui le soulage me soulage : je pourrais le tuer, je ne saurais le martyriser. | ||
Au contraire, le noble et vertueux philistin qu'est le prince Rodolphe des Mystères | Au contraire, le noble et vertueux philistin qu'est le prince Rodolphe des Mystères | ||
de Paris s'ingénie à martyriser les méchants parce qu'ils l' « exaspèrent » | de Paris s'ingénie à martyriser les méchants parce qu'ils l' « exaspèrent » <ref> Voir l'étude de Max Stirner sur Les Mystères de Paris, d'Eugène Sue, publiée dans les Berliner | ||
Monatschriften en 1843, et réimprimée par les soins de J. H. Mackay dans les Max Stirner's | |||
kleinere Schriften (Berlin, Schuster et Loeffler, 1898). (Note du Traducteur.)</ref>. Ma | |||
sympathie prouve simplement que le sentiment de ceux qui sentent est aussi le mien, | sympathie prouve simplement que le sentiment de ceux qui sentent est aussi le mien, | ||
qu'il est ma propriété — tandis que le procédé impitoyable de l' « homme de bien » | qu'il est ma propriété — tandis que le procédé impitoyable de l' « homme de bien » | ||
Ligne 2 796 : | Ligne 2 807 : | ||
Rodolphe ne sent pas comme le notaire ; il sent, au contraire, que « le scélérat a ce | Rodolphe ne sent pas comme le notaire ; il sent, au contraire, que « le scélérat a ce | ||
qu'il a mérité ». Ce n'est pas là de la sympathie. | qu'il a mérité ». Ce n'est pas là de la sympathie. | ||
Vous aimez l'Homme, et ce vous est une raison pour torturer l'individu, l'égoïste ; | Vous aimez l'Homme, et ce vous est une raison pour torturer l'individu, l'égoïste ; | ||
votre amour de l'Homme fait de vous les bourreaux des hommes. | votre amour de l'Homme fait de vous les bourreaux des hommes. | ||
Quand je vois souffrir celui que j'aime, je souffre avec lui, et je n'ai pas de repos | Quand je vois souffrir celui que j'aime, je souffre avec lui, et je n'ai pas de repos | ||
que je n'aie tout tenté pour le consoler et l'égayer. Quand je le vois joyeux, sa joie me | que je n'aie tout tenté pour le consoler et l'égayer. Quand je le vois joyeux, sa joie me | ||
Ligne 2 804 : | Ligne 2 817 : | ||
s'agit de la douleur corporelle, que je ne ressens pas comme lui : c'est sa dent qui lui | s'agit de la douleur corporelle, que je ne ressens pas comme lui : c'est sa dent qui lui | ||
fait mal, et ce qui me fait mal à moi, c'est sa souffrance. | fait mal, et ce qui me fait mal à moi, c'est sa souffrance. | ||
Et c'est parce que je ne puis supporter ce pli douloureux sur le front aimé, c'est par | Et c'est parce que je ne puis supporter ce pli douloureux sur le front aimé, c'est par | ||
conséquent dans mon intérêt, que je l'efface par un baiser. Si je ne t'aimais pas, tu | conséquent dans mon intérêt, que je l'efface par un baiser. Si je ne t'aimais pas, tu | ||
pourrais froncer les sourcils tant que tu voudrais sans m'émouvoir ; je ne veux | pourrais froncer les sourcils tant que tu voudrais sans m'émouvoir ; je ne veux | ||
dissiper que mon chagrin. | dissiper que mon chagrin. | ||
Y a-t-il maintenant quelqu'un ou quelque chose que je n'aime pas et qui a le droit | Y a-t-il maintenant quelqu'un ou quelque chose que je n'aime pas et qui a le droit | ||
d'être aimé par moi ? Qui passe le premier, mon amour ou son droit ? Les parents, les | d'être aimé par moi ? Qui passe le premier, mon amour ou son droit ? Les parents, les | ||
amis, le peuple, la patrie, la ville natale, etc., enfin, en général, mes semblables « mes | amis, le peuple, la patrie, la ville natale, etc., enfin, en général, mes semblables « mes | ||
frères », prétendent avoir droit à mon amour et le réclament impérieusement. Ils le | frères », prétendent avoir droit à mon amour et le réclament impérieusement. Ils le | ||
considèrent comme leur propriété, et moi, si je ne respecte pas cette propriété, ils me | considèrent comme leur propriété, et moi, si je ne respecte pas cette propriété, ils me | ||
considèrent comme un voleur qui leur enlève ce qui leur appartient. | considèrent comme un voleur qui leur enlève ce qui leur appartient. | ||
Je dois donc aimer. Mais si l'amour est un commandement et une loi, il faut qu'on | Je dois donc aimer. Mais si l'amour est un commandement et une loi, il faut qu'on | ||
m'y forme et qu'on m'y dresse, et qu'on me punisse si je viens à l'enfreindre. On | m'y forme et qu'on m'y dresse, et qu'on me punisse si je viens à l'enfreindre. On | ||
Ligne 2 825 : | Ligne 2 837 : | ||
génération en génération, on peut se haïr uniquement parce que les ancêtres des uns | génération en génération, on peut se haïr uniquement parce que les ancêtres des uns | ||
étaient Guelfes et ceux des autres Gibelins. | étaient Guelfes et ceux des autres Gibelins. | ||
Mais l'amour n'est pas un commandement. Comme tous mes autres sentiments, il | Mais l'amour n'est pas un commandement. Comme tous mes autres sentiments, il | ||
est ma propriété. Méritez, c'est-à-dire achetez ma propriété, et je vous la céderai. Je | est ma propriété. Méritez, c'est-à-dire achetez ma propriété, et je vous la céderai. Je | ||
n'ai pas à aimer une religion, un peuple, une patrie, une famille, etc., qui ne savent pas | n'ai pas à aimer une religion, un peuple, une patrie, une famille, etc., qui ne savent pas | ||
mériter mon amour ; je vends ma tendresse au prix qu'il me plaît de fixer. | mériter mon amour ; je vends ma tendresse au prix qu'il me plaît de fixer. | ||
L'amour intéressé est bien différent de l'amour désintéressé, mystique ou romantique. | L'amour intéressé est bien différent de l'amour désintéressé, mystique ou romantique. | ||
On peut aimer une foule de choses, on peut aimer non seulement l'homme, mais | On peut aimer une foule de choses, on peut aimer non seulement l'homme, mais | ||
Ligne 2 837 : | Ligne 2 851 : | ||
conscience, le serment. Dans les deux cas, l'objet ne m'appartient plus, c'est moi qui | conscience, le serment. Dans les deux cas, l'objet ne m'appartient plus, c'est moi qui | ||
lui appartiens. | lui appartiens. | ||
Si l'amour est une possession, ce n'est pas en tant qu'il est mon sentiment (en cette | Si l'amour est une possession, ce n'est pas en tant qu'il est mon sentiment (en cette | ||
qualité, au contraire, j'en reste maître comme de ma propriété), mais bien parce que | qualité, au contraire, j'en reste maître comme de ma propriété), mais bien parce que | ||
Ligne 2 846 : | Ligne 2 861 : | ||
s'efforce-t-il de faire que ce qu'il aime approche autant que possible de la sainteté et | s'efforce-t-il de faire que ce qu'il aime approche autant que possible de la sainteté et | ||
devienne, par exemple, un « Homme ». | devienne, par exemple, un « Homme ». | ||
Ce que j'aime, il est de mon devoir de l'aimer ; ce n'est pas par suite ou en raison | Ce que j'aime, il est de mon devoir de l'aimer ; ce n'est pas par suite ou en raison | ||
de mon amour qu'il devient le but de ce dernier : il est de lui-même et par lui-même | de mon amour qu'il devient le but de ce dernier : il est de lui-même et par lui-même | ||
Ligne 2 857 : | Ligne 2 873 : | ||
je m'acquitte envers lui, est en réalité un amour qui lui appartient, un tribut que je lui | je m'acquitte envers lui, est en réalité un amour qui lui appartient, un tribut que je lui | ||
paie. | paie. | ||
Tout amour auquel adhère la moindre tache d'obligation est un amour désintéressé, | Tout amour auquel adhère la moindre tache d'obligation est un amour désintéressé, | ||
et aussi loin que s'étende cette tache, l'amour devient servitude. Quiconque croit | et aussi loin que s'étende cette tache, l'amour devient servitude. Quiconque croit | ||
Ligne 2 867 : | Ligne 2 884 : | ||
« amour désintéressé »; c'est un intérêt que nous portons à l'objet pour l'amour de cet | « amour désintéressé »; c'est un intérêt que nous portons à l'objet pour l'amour de cet | ||
objet et non pour l'amour de nous et de nous seuls. | objet et non pour l'amour de nous et de nous seuls. | ||
L'amour religieux ou romantique se distingue, il est vrai, de l'amour physique par | L'amour religieux ou romantique se distingue, il est vrai, de l'amour physique par | ||
une différence dans l'objet, mais pas par une différence dans nos rapports avec lui. À | une différence dans l'objet, mais pas par une différence dans nos rapports avec lui. À | ||
Ligne 2 877 : | Ligne 2 895 : | ||
elle, pas plus que je n'ai, par exemple, de devoirs envers mon oeil. Si j'en prends le | elle, pas plus que je n'ai, par exemple, de devoirs envers mon oeil. Si j'en prends le | ||
plus grand soin, c'est pour Moi que je le fais. | plus grand soin, c'est pour Moi que je le fais. | ||
L'amour n'a pas plus manqué à l'Antiquité qu'aux siècles de Christianisme; le dieu | L'amour n'a pas plus manqué à l'Antiquité qu'aux siècles de Christianisme; le dieu | ||
de l'amour est né longtemps avant le Dieu d'amour. Mais il était réservé aux Modernes | de l'amour est né longtemps avant le Dieu d'amour. Mais il était réservé aux Modernes | ||
de connaître l'esclavage du mysticisme. | de connaître l'esclavage du mysticisme. | ||
Si l'amour est servitude, c'est que son objet m'est étranger, et que je suis impuissant | Si l'amour est servitude, c'est que son objet m'est étranger, et que je suis impuissant | ||
contre son éloignement et sa supériorité. Pour l'égoïste, rien n'est assez haut | contre son éloignement et sa supériorité. Pour l'égoïste, rien n'est assez haut | ||
Ligne 2 886 : | Ligne 2 906 : | ||
prend sa source dans l'intérêt personnel, coule dans le lit de l'intérêt personnel et a son | prend sa source dans l'intérêt personnel, coule dans le lit de l'intérêt personnel et a son | ||
embouchure dans l'intérêt personnel. | embouchure dans l'intérêt personnel. | ||
Est-ce encore là de l'amour ? demandera-t-on. Choisissez un autre nom si vous en | Est-ce encore là de l'amour ? demandera-t-on. Choisissez un autre nom si vous en | ||
savez un meilleur, et que le doux nom d'amour s'éteigne avec un monde qui n'est | savez un meilleur, et que le doux nom d'amour s'éteigne avec un monde qui n'est | ||
Ligne 2 891 : | Ligne 2 912 : | ||
chrétienne, et je m'en tiens au vieux mot : « j'aime » l'objet qui est mien, j'aime ma — | chrétienne, et je m'en tiens au vieux mot : « j'aime » l'objet qui est mien, j'aime ma — | ||
propriété. | propriété. | ||
Je ne consens à me livrer à l'amour que pour autant qu'il ne soit qu'un de mes | Je ne consens à me livrer à l'amour que pour autant qu'il ne soit qu'un de mes | ||
sentiments ; mais s'il faut qu'il soit une force supérieure à moi, une puissance divine | sentiments ; mais s'il faut qu'il soit une force supérieure à moi, une puissance divine | ||
Ligne 2 898 : | Ligne 2 920 : | ||
diabolique : l'un ne vaut pas mieux que l'autre. En un mot, l'amour égoïste, c'est-àdire | diabolique : l'un ne vaut pas mieux que l'autre. En un mot, l'amour égoïste, c'est-àdire | ||
mon amour, n'est ni sacré, ni profane, ni divin, ni diabolique. | mon amour, n'est ni sacré, ni profane, ni divin, ni diabolique. | ||
« Un amour que limite la foi est un amour faux. La seule limitation qui ne soit pas | « Un amour que limite la foi est un amour faux. La seule limitation qui ne soit pas | ||
contradictoire avec l'essence de l'amour est celle que l'amour s'impose à lui-même par | contradictoire avec l'essence de l'amour est celle que l'amour s'impose à lui-même par | ||
la raison, l'intelligence. L'amour qui repousse la rigueur et la loi de l'intelligence est | la raison, l'intelligence. L'amour qui repousse la rigueur et la loi de l'intelligence est | ||
théoriquement un amour faux, pratiquement un amour funeste | théoriquement un amour faux, pratiquement un amour funeste <ref>FEUERBACH : Wesen des Christentum, p.394.</ref>. » C'est ce que dit | ||
Feuerbach ; les croyants disent au contraire : L'amour est essentiellement du domaine | Feuerbach ; les croyants disent au contraire : L'amour est essentiellement du domaine | ||
de la foi. Celui-là s'élève avec véhémence contre l'amour sans raison, ceux-ci contre | de la foi. Celui-là s'élève avec véhémence contre l'amour sans raison, ceux-ci contre | ||
l'amour sans foi. Pour Feuerbach comme pour le dévot, l'amour est tout au plus un | l'amour sans foi. Pour Feuerbach comme pour le dévot, l'amour est tout au plus un | ||
splendidum vitium. Ne sont-ils pas tous deux obligés de laisser subsister l'amour, | splendidum vitium. Ne sont-ils pas tous deux obligés de laisser subsister l'amour, | ||
même entaché de déraison ou d'impiété ? Ils n'osent pas dire : l'amour déraisonnable | même entaché de déraison ou d'impiété ? Ils n'osent pas dire : l'amour déraisonnable | ||
ou impie est une absurdité, n'est pas de l'amour, pas plus qu'ils n'oseraient dire : des | ou impie est une absurdité, n'est pas de l'amour, pas plus qu'ils n'oseraient dire : des | ||
larmes déraisonnables ou impies ne sont pas des larmes. | larmes déraisonnables ou impies ne sont pas des larmes. | ||
L'amour, même en dehors de la raison ou de la foi, doit bien être considéré comme | L'amour, même en dehors de la raison ou de la foi, doit bien être considéré comme | ||
de l'amour, encore qu'on doive le regarder alors comme indigne de l'homme ; tout | de l'amour, encore qu'on doive le regarder alors comme indigne de l'homme ; tout | ||
Ligne 2 920 : | Ligne 2 942 : | ||
propre » est le fait de la foi. L'amour déraisonnable n'est ni « faux » ni « funeste »; | propre » est le fait de la foi. L'amour déraisonnable n'est ni « faux » ni « funeste »; | ||
c'est comme amour tout court qu'il remplit son rôle. | c'est comme amour tout court qu'il remplit son rôle. | ||
Il faut qu'envers le monde, et particulièrement envers les hommes, j'adopte un | Il faut qu'envers le monde, et particulièrement envers les hommes, j'adopte un | ||
sentiment déterminé, et que ce sentiment, qui dans le cas présent est l'amour, je le leur | sentiment déterminé, et que ce sentiment, qui dans le cas présent est l'amour, je le leur | ||
Ligne 2 933 : | Ligne 2 956 : | ||
comme j'ai résolu d'aimer, je surmonte cette impression désagréable comme je | comme j'ai résolu d'aimer, je surmonte cette impression désagréable comme je | ||
surmonte toute autre antipathie. | surmonte toute autre antipathie. | ||
Mais le sentiment auquel je me suis a priori déterminé et — condamné est, en | Mais le sentiment auquel je me suis a priori déterminé et — condamné est, en | ||
réalité, un sentiment borné, parce qu'il résulte d'une prédestination dont il ne m'est | réalité, un sentiment borné, parce qu'il résulte d'une prédestination dont il ne m'est | ||
Ligne 2 939 : | Ligne 2 963 : | ||
sorte que si le monde ne me domine pas, je suis en revanche d'autant plus fatalement | sorte que si le monde ne me domine pas, je suis en revanche d'autant plus fatalement | ||
dominé par l'esprit d'amour. J'ai vaincu le monde, pour devenir l'esclave de cet esprit. | dominé par l'esprit d'amour. J'ai vaincu le monde, pour devenir l'esclave de cet esprit. | ||
Si j'ai dit d'abord : J'aime le monde, je puis tout aussi bien ajouter à présent : Je ne | Si j'ai dit d'abord : J'aime le monde, je puis tout aussi bien ajouter à présent : Je ne | ||
l'aime pas, car je l'anéantis comme je m'anéantis ; j'en use et je l'use. Je ne m'astreins | l'aime pas, car je l'anéantis comme je m'anéantis ; j'en use et je l'use. Je ne m'astreins | ||
Ligne 2 951 : | Ligne 2 976 : | ||
». Combien il me serait indifférent, — n'était mon amour ! C'est mon amour que | ». Combien il me serait indifférent, — n'était mon amour ! C'est mon amour que | ||
je repais de lui, il ne me sert qu'à cela, je jouis de lui. | je repais de lui, il ne me sert qu'à cela, je jouis de lui. | ||
Choisissons un autre exemple, tout actuel, celui-ci : Je vois les hommes plongés | Choisissons un autre exemple, tout actuel, celui-ci : Je vois les hommes plongés | ||
dans les ténèbres de la superstition, harcelés par un essaim de fantômes. Si je cherche, | dans les ténèbres de la superstition, harcelés par un essaim de fantômes. Si je cherche, | ||
Ligne 2 966 : | Ligne 2 992 : | ||
Bible, ou les gouvernements chrétiens qui se font un devoir sacré de défendre | Bible, ou les gouvernements chrétiens qui se font un devoir sacré de défendre | ||
l'homme du peuple contre les « mauvais livres ». | l'homme du peuple contre les « mauvais livres ». | ||
Non seulement ce n'est pas pour l'amour de vous que j'exprime ce que je pense, | Non seulement ce n'est pas pour l'amour de vous que j'exprime ce que je pense, | ||
mais ce n'est pas même pour l'amour de la vérité. Non : | mais ce n'est pas même pour l'amour de la vérité. Non : | ||
« Je chante comme chante l'oiseau | « Je chante comme chante l'oiseau | ||
Qui habite dans le feuillage. | Qui habite dans le feuillage. | ||
Le chant même que produit ma voix | Le chant même que produit ma voix | ||
Est mon salaire, et un salaire royal | Est mon salaire, et un salaire royal <ref> Wilhelm Meister.</ref>» | ||
Je chante ? Je chante parce que je suis un chanteur ! Si pour cela je me sers de | Je chante ? Je chante parce que je suis un chanteur ! Si pour cela je me sers de | ||
vous, c'est que j'ai besoin — d'oreilles. | vous, c'est que j'ai besoin — d'oreilles. | ||
Quand le monde se trouve sur mon chemin (et il s'y trouve toujours), je le consomme | Quand le monde se trouve sur mon chemin (et il s'y trouve toujours), je le consomme | ||
pour apaiser la faim de mon égoïsme : tu n'es pour moi qu'une — nourriture ; | pour apaiser la faim de mon égoïsme : tu n'es pour moi qu'une — nourriture ; | ||
Ligne 2 982 : | Ligne 3 012 : | ||
ton sourire et que mon visage est au service de mon désir. À mille autres personnes | ton sourire et que mon visage est au service de mon désir. À mille autres personnes | ||
que je ne désire pas faire sourire, je ne sourirai pas. | que je ne désire pas faire sourire, je ne sourirai pas. | ||
Cet amour, qui se fonde sur l' « essence de l'Homme » et qui, dans la période | Cet amour, qui se fonde sur l' « essence de l'Homme » et qui, dans la période | ||
chrétienne et morale, pèse sur nous comme un « commandement », on doit y être | chrétienne et morale, pèse sur nous comme un « commandement », on doit y être | ||
Ligne 2 989 : | Ligne 3 019 : | ||
Comment s'y prend-on pour régler les relations entre les hommes ? C'est ce que nous | Comment s'y prend-on pour régler les relations entre les hommes ? C'est ce que nous | ||
allons, du moins pour un cas particulier, étudier ici avec les yeux de l'égoïsme. | allons, du moins pour un cas particulier, étudier ici avec les yeux de l'égoïsme. | ||
Ceux qui nous élèvent apportent un soin tout particulier à nous déshabituer de | Ceux qui nous élèvent apportent un soin tout particulier à nous déshabituer de | ||
bonne heure du mensonge et à nous inculquer ce principe qu'il faut toujours dire la | bonne heure du mensonge et à nous inculquer ce principe qu'il faut toujours dire la | ||
vérité. Si on fondait cette règle sur l'égoïsme, tout le monde s'en pénètrerait facilement | vérité. Si on fondait cette règle sur l'égoïsme, tout le monde s'en pénètrerait facilement; on comprendrait sans peine que le menteur perd de gaieté de coeur la confiance | ||
; on comprendrait sans peine que le menteur perd de gaieté de coeur la confiance | |||
qu'il désire inspirer aux autres, et on sentirait combien il est juste de dire que le | qu'il désire inspirer aux autres, et on sentirait combien il est juste de dire que le | ||
menteur n'est pas cru, même quand il dit vrai. Mais chacun sentirait en même temps | menteur n'est pas cru, même quand il dit vrai. Mais chacun sentirait en même temps | ||
Ligne 3 005 : | Ligne 3 033 : | ||
le droit d'attendre de moi la vérité, mais Moi je ne le leur donne pas ; je ne | le droit d'attendre de moi la vérité, mais Moi je ne le leur donne pas ; je ne | ||
reconnais d'autre droit que celui que j'accorde moi-même. | reconnais d'autre droit que celui que j'accorde moi-même. | ||
Autre exemple : La police pénètre dans une assemblée révolutionnaire et demande | Autre exemple : La police pénètre dans une assemblée révolutionnaire et demande | ||
son nom à l'orateur. Tout le monde sait que la police a le droit de le faire ; seulement, | son nom à l'orateur. Tout le monde sait que la police a le droit de le faire ; seulement, | ||
Ligne 3 020 : | Ligne 3 049 : | ||
seulement à notre intérêt, à notre égoïsme. Il compte que nous ne voudrons pas nous | seulement à notre intérêt, à notre égoïsme. Il compte que nous ne voudrons pas nous | ||
brouiller avec Dieu par un parjure. | brouiller avec Dieu par un parjure. | ||
Imaginez-vous à présent un révolutionnaire français de 1788 qui, entre amis, ait | Imaginez-vous à présent un révolutionnaire français de 1788 qui, entre amis, ait | ||
laissé échapper la phrase devenue célèbre : « Le monde n'aura pas la paix avant qu'on | laissé échapper la phrase devenue célèbre : « Le monde n'aura pas la paix avant qu'on | ||
Ligne 3 041 : | Ligne 3 071 : | ||
vous tromper, car je ne vous ai donné aucune autorité, aucun droit sur ma sincérité. Et | vous tromper, car je ne vous ai donné aucune autorité, aucun droit sur ma sincérité. Et | ||
malgré les menaces du Dieu « qui est la vérité même », malgré l'amertume du | malgré les menaces du Dieu « qui est la vérité même », malgré l'amertume du | ||
mensonge, j'ai le courage de mentir. Lors même que je serais dégoûté de la vie et que | mensonge, j'ai le courage de mentir. Lors même que je serais dégoûté de la vie et que | ||
rien ne me paraîtrait plus désirable que la hache du bourreau, vous n'auriez pas la joie | rien ne me paraîtrait plus désirable que la hache du bourreau, vous n'auriez pas la joie | ||
Ligne 3 048 : | Ligne 3 077 : | ||
coupable de haute trahison, je ne m'adressais pas à vous et vous deviez les ignorer ; | coupable de haute trahison, je ne m'adressais pas à vous et vous deviez les ignorer ; | ||
ma volonté est immuable et l'horreur du mensonge ne m'effrayera pas. » | ma volonté est immuable et l'horreur du mensonge ne m'effrayera pas. » | ||
Si Sigismond est un triste sire, ce n'est pas parce qu'il a violé sa parole de prince ; | Si Sigismond est un triste sire, ce n'est pas parce qu'il a violé sa parole de prince ; | ||
mais s'il a enfreint sa parole, c'est parce qu'il était un coquin. Il aurait pu tenir parole | mais s'il a enfreint sa parole, c'est parce qu'il était un coquin. Il aurait pu tenir parole | ||
Ligne 3 062 : | Ligne 3 092 : | ||
pour le servir. Ils nous montrent ainsi comment on doit en user avec la vérité à l'égard | pour le servir. Ils nous montrent ainsi comment on doit en user avec la vérité à l'égard | ||
des hommes. | des hommes. | ||
En l'honneur de Dieu et pour l'amour de Dieu, un parjure, un mensonge, une | En l'honneur de Dieu et pour l'amour de Dieu, un parjure, un mensonge, une | ||
parole princière violée ! | parole princière violée ! | ||
Et si, changeant deux mots à la phrase, nous écrivions : un parjure et un mensonge | Et si, changeant deux mots à la phrase, nous écrivions : un parjure et un mensonge | ||
— pour l'amour de moi ? Ne serait-ce pas nous faire l'avocat de toutes espèces de | — pour l'amour de moi ? Ne serait-ce pas nous faire l'avocat de toutes espèces de | ||
Ligne 3 089 : | Ligne 3 121 : | ||
ne peut rien faire pour l'amour de soi sans le faire en même temps pour l'amour de son | ne peut rien faire pour l'amour de soi sans le faire en même temps pour l'amour de son | ||
maître, tout comme celui qui craint Dieu. | maître, tout comme celui qui craint Dieu. | ||
Le parjure de François ler envers l'empereur Charles-Quint est célèbre. Ce n'est pas | Le parjure de François ler envers l'empereur Charles-Quint est célèbre. Ce n'est pas | ||
quelque temps après, en réfléchissant mûrement à la promesse faite, c'est immédiatement, | quelque temps après, en réfléchissant mûrement à la promesse faite, c'est immédiatement, | ||
Ligne 3 101 : | Ligne 3 133 : | ||
où s'étale un second parjure, démontre d'ailleurs à suffisance qu'il était possédé d'un | où s'étale un second parjure, démontre d'ailleurs à suffisance qu'il était possédé d'un | ||
esprit de trafic qui faisait de lui un bas filou. | esprit de trafic qui faisait de lui un bas filou. | ||
Que répondre à ceux qui lui reprochent ce faux serment ? D'abord sans doute nous | Que répondre à ceux qui lui reprochent ce faux serment ? D'abord sans doute nous | ||
répéterons que s'il se déshonora ce ne fut pas tant par son parjure que par son avarice ; | répéterons que s'il se déshonora ce ne fut pas tant par son parjure que par son avarice ; | ||
que ce n'est pas son parjure qui le rendit méprisable, mais que c'est parce qu'il était un | que ce n'est pas son parjure qui le rendit méprisable, mais que c'est parce qu'il était un | ||
méprisable personnage qu'il s'en rendit coupable. | méprisable personnage qu'il s'en rendit coupable. | ||
Toutefois, considéré en lui-même, le parjure de François doit être autrement jugé. | Toutefois, considéré en lui-même, le parjure de François doit être autrement jugé. | ||
Pourrait-on dire que François ne répondit pas à la confiance que Charles lui | Pourrait-on dire que François ne répondit pas à la confiance que Charles lui | ||
témoignait en lui rendant la liberté ? Si Charles avait eu réellement confiance en lui, il | témoignait en lui rendant la liberté ? Si Charles avait eu réellement confiance en lui, il | ||
Ligne 3 123 : | Ligne 3 158 : | ||
pouvoir d'un ennemi ; mais tout bon chrétien lui jette la pierre pour avoir voulu se | pouvoir d'un ennemi ; mais tout bon chrétien lui jette la pierre pour avoir voulu se | ||
délivrer des liens de Dieu. (Le pape ne le délia que plus tard de son serment.) | délivrer des liens de Dieu. (Le pape ne le délia que plus tard de son serment.) | ||
Il est honteux de tromper une confiance que nous avons librement cherché à gagner | |||
; mais quand un homme veut nous tenir en son pouvoir par un serment, le rendre | Il est honteux de tromper une confiance que nous avons librement cherché à gagner; mais quand un homme veut nous tenir en son pouvoir par un serment, le rendre | ||
victime de l'insuccès de sa ruse et de sa défiance n'est pas une honte pour l'égoïsme. | victime de l'insuccès de sa ruse et de sa défiance n'est pas une honte pour l'égoïsme. | ||
Tu as voulu me lier ? Apprends donc que je puis rompre tes liens. | Tu as voulu me lier ? Apprends donc que je puis rompre tes liens. | ||
Est-ce Moi qui ai donné à celui qui a confiance le droit de se fier à moi ? Toute la | Est-ce Moi qui ai donné à celui qui a confiance le droit de se fier à moi ? Toute la | ||
question est là. Qu'un homme qui poursuit mon ami me demande dans quelle | question est là. Qu'un homme qui poursuit mon ami me demande dans quelle | ||
Ligne 3 137 : | Ligne 3 173 : | ||
hasard peut le mettre sur la bonne voie, et mon amour de la vérité aura livré mon ami, | hasard peut le mettre sur la bonne voie, et mon amour de la vérité aura livré mon ami, | ||
en m'ôtant — le courage du mensonge. Celui pour qui la vérité est une idole, une | en m'ôtant — le courage du mensonge. Celui pour qui la vérité est une idole, une | ||
chose sacrée, doit s'humilier devant elle, il ne peut pas braver ses exigences et y résister | chose sacrée, doit s'humilier devant elle, il ne peut pas braver ses exigences et y résister | ||
vaillamment, bref, il doit renoncer à l'héroïsme du mensonge. Car le mensonge ne | vaillamment, bref, il doit renoncer à l'héroïsme du mensonge. Car le mensonge ne | ||
Ligne 3 145 : | Ligne 3 180 : | ||
de l'ennemi. Pour eux la vérité est « sacrée », et ce qui est sacré exige toujours | de l'ennemi. Pour eux la vérité est « sacrée », et ce qui est sacré exige toujours | ||
un culte aveugle fait de soumission et de sacrifice. | un culte aveugle fait de soumission et de sacrifice. | ||
Si vous manquez d'audace, si vous ne vous moquez pas du sacro-saint, il vous | Si vous manquez d'audace, si vous ne vous moquez pas du sacro-saint, il vous | ||
domestique et vous asservit. Qu'on amorce le piège d'un grain de vérité, vous vous y | domestique et vous asservit. Qu'on amorce le piège d'un grain de vérité, vous vous y | ||
Ligne 3 153 : | Ligne 3 189 : | ||
de serviteurs : les serviteurs de la vérité et les serviteurs du mensonge. Servez donc la | de serviteurs : les serviteurs de la vérité et les serviteurs du mensonge. Servez donc la | ||
vérité, et que Dieu vous bénisse ! | vérité, et que Dieu vous bénisse ! | ||
Il y a d'autres serviteurs de la vérité, qui la servent « avec mesure », et qui font, | Il y a d'autres serviteurs de la vérité, qui la servent « avec mesure », et qui font, | ||
par exemple, une distinction entre le mensonge simple et le mensonge sous serment. | par exemple, une distinction entre le mensonge simple et le mensonge sous serment. | ||
Ligne 3 172 : | Ligne 3 209 : | ||
corrompu et rendu incapable de faire un menteur ou un espion, puisque je fournirais | corrompu et rendu incapable de faire un menteur ou un espion, puisque je fournirais | ||
de mon plein gré à l'ennemi le moyen de me démasquer. | de mon plein gré à l'ennemi le moyen de me démasquer. | ||
L'État lui-même craint le mensonge et le serment « officieux »; aussi n'admet-il | L'État lui-même craint le mensonge et le serment « officieux »; aussi n'admet-il | ||
pas l'accusé au serment. Mais vous ne justifiez pas la crainte de l'État : Vous mentez, | pas l'accusé au serment. Mais vous ne justifiez pas la crainte de l'État : Vous mentez, | ||
Ligne 3 184 : | Ligne 3 222 : | ||
lié par une constitution, une loi fondamentale de l'État). Que tout soit gentiment | lié par une constitution, une loi fondamentale de l'État). Que tout soit gentiment | ||
tempéré, bien tiède et bien doux, tant bien que mal. | tempéré, bien tiède et bien doux, tant bien que mal. | ||
Il avait été convenu entre les étudiants d'une université que toute parole d'honneur | Il avait été convenu entre les étudiants d'une université que toute parole d'honneur | ||
qu'exigerait d'eux le juge universitaire serait nulle et non avenue. Ils ne voyaient, en | qu'exigerait d'eux le juge universitaire serait nulle et non avenue. Ils ne voyaient, en | ||
effet, dans cette exigence qu'un piège, impossible à éviter si l'on n'enlevait pas toute | effet, dans cette exigence qu'un piège, impossible à éviter si l'on n'enlevait pas toute | ||
signification à une parole donnée dans ces conditions. À la même université, quiconque | signification à une parole donnée dans ces conditions. À la même université, quiconque | ||
Ligne 3 200 : | Ligne 3 238 : | ||
c'est-à-dire hostile, la parole d'un ennemi ; vous n'avez pas le droit de vous y fier, car | c'est-à-dire hostile, la parole d'un ennemi ; vous n'avez pas le droit de vous y fier, car | ||
l'ennemi ne vous accorde pas ce droit. | l'ennemi ne vous accorde pas ce droit. | ||
D'ailleurs, les tribunaux de l'État eux-mêmes ne reconnaissent pas l'inviolabilité | D'ailleurs, les tribunaux de l'État eux-mêmes ne reconnaissent pas l'inviolabilité | ||
du serment. Si j'avais juré à un homme contre qui la justice instruit de ne rien révéler | du serment. Si j'avais juré à un homme contre qui la justice instruit de ne rien révéler | ||
Ligne 3 207 : | Ligne 3 246 : | ||
! Seulement, s'il est au monde une puissance qui puisse me délier du serment, je | ! Seulement, s'il est au monde une puissance qui puisse me délier du serment, je | ||
suis certainement moi-même la première puissance qui ait droit de le faire. | suis certainement moi-même la première puissance qui ait droit de le faire. | ||
Comme curiosité, et pour rappeler toutes sortes de serments usuels, il est juste de | Comme curiosité, et pour rappeler toutes sortes de serments usuels, il est juste de | ||
donner place ici à celui que l'empereur Paul fit prêter aux prisonniers polonais | donner place ici à celui que l'empereur Paul fit prêter aux prisonniers polonais | ||
Ligne 3 215 : | Ligne 3 255 : | ||
enfin qu'en quelque point du monde que nous nous trouvions, un seul mot de | enfin qu'en quelque point du monde que nous nous trouvions, un seul mot de | ||
l'Empereur suffira pour que nous quittions tout et nous rendions à son appel. » | l'Empereur suffira pour que nous quittions tout et nous rendions à son appel. » | ||
Il est un domaine où il semble que le principe de l'amour ait été depuis longtemps | Il est un domaine où il semble que le principe de l'amour ait été depuis longtemps | ||
débordé par l'égoïsme, et où il paraît ne plus manquer qu'une chose, la conscience du | débordé par l'égoïsme, et où il paraît ne plus manquer qu'une chose, la conscience du | ||
bon droit dans la victoire. Ce domaine est celui de la spéculation sous ses deux | bon droit dans la victoire. Ce domaine est celui de la spéculation sous ses deux | ||
formes, pensée et agiotage. | formes, pensée et agiotage. | ||
On s'abandonne hardiment à sa pensée sans se demander ce qu'il en adviendra, et | On s'abandonne hardiment à sa pensée sans se demander ce qu'il en adviendra, et | ||
on se livre à toutes sortes d'opérations financières malgré le grand nombre de ceux qui | on se livre à toutes sortes d'opérations financières malgré le grand nombre de ceux qui | ||
Ligne 3 231 : | Ligne 3 272 : | ||
encore en se disant qu'il est « au service de l'Idée ». L'Humanité, l'Idée sont pour lui | encore en se disant qu'il est « au service de l'Idée ». L'Humanité, l'Idée sont pour lui | ||
ce quelque chose dont il est obligé de dire : cela est au-dessus de moi. | ce quelque chose dont il est obligé de dire : cela est au-dessus de moi. | ||
On a jusqu'aujourd'hui pensé et trafiqué — pour l'amour de Dieu. Ceux qui, | On a jusqu'aujourd'hui pensé et trafiqué — pour l'amour de Dieu. Ceux qui, | ||
pendant six jours, ont tout foulé aux pieds en vue de leurs intérêts égoïstes offrent, le | pendant six jours, ont tout foulé aux pieds en vue de leurs intérêts égoïstes offrent, le | ||
Ligne 3 240 : | Ligne 3 281 : | ||
est un être au-dessus d'eux, un être supérieur, un être suprême, et c'est pourquoi je | est un être au-dessus d'eux, un être supérieur, un être suprême, et c'est pourquoi je | ||
puis dire qu'ils travaillent « pour l'amour de Dieu ». | puis dire qu'ils travaillent « pour l'amour de Dieu ». | ||
Je puis, par conséquent, dire aussi que le principe de toutes leurs actions est — | Je puis, par conséquent, dire aussi que le principe de toutes leurs actions est — | ||
l'Amour. Non pas, toutefois, un amour volontaire, leur propriété à eux, mais un amour | l'Amour. Non pas, toutefois, un amour volontaire, leur propriété à eux, mais un amour | ||
Ligne 3 246 : | Ligne 3 288 : | ||
qu'ils doivent payer un tribut à l'Amour, c'est-à-dire qu'il ne leur est pas permis d'être | qu'ils doivent payer un tribut à l'Amour, c'est-à-dire qu'il ne leur est pas permis d'être | ||
des « égoïstes ». | des « égoïstes ». | ||
Notre désir de délivrer le monde des liens qui entravent sa liberté n'a pas sa source | Notre désir de délivrer le monde des liens qui entravent sa liberté n'a pas sa source | ||
dans notre amour pour lui, le monde, mais dans notre amour pour nous ; n'étant ni par | dans notre amour pour lui, le monde, mais dans notre amour pour nous ; n'étant ni par | ||
Ligne 3 253 : | Ligne 3 296 : | ||
est à nous, il n'exerce plus sa puissance contre nous, mais pour nous. Mon égoïsme a | est à nous, il n'exerce plus sa puissance contre nous, mais pour nous. Mon égoïsme a | ||
intérêt à affranchir le monde, afin qu'il devienne — ma propriété. | intérêt à affranchir le monde, afin qu'il devienne — ma propriété. | ||
L'état primitif de l'homme n'est pas l'isolement ou la solitude, mais bien la société. | L'état primitif de l'homme n'est pas l'isolement ou la solitude, mais bien la société. | ||
Au début de notre existence, nous nous trouvons déjà étroitement unis à notre mère, | Au début de notre existence, nous nous trouvons déjà étroitement unis à notre mère, | ||
Ligne 3 265 : | Ligne 3 309 : | ||
préfère les relations qu'il a nouées avec ses semblables à la société dans laquelle il | préfère les relations qu'il a nouées avec ses semblables à la société dans laquelle il | ||
n'est pas entré, où il n'a fait que naître. | n'est pas entré, où il n'a fait que naître. | ||
Mais l'union ou l'association sont la dissolution de la société. Il est vrai qu'une | Mais l'union ou l'association sont la dissolution de la société. Il est vrai qu'une | ||
association peut dégénérer en société, comme une pensée peut dégénérer en idée fixe | association peut dégénérer en société, comme une pensée peut dégénérer en idée fixe: cela a lieu quand dans la pensée s’éteint l’énergie pensante, le penser lui-même, ce | ||
: cela a lieu quand dans la pensée s’éteint l’énergie pensante, le penser lui-même, ce | |||
perpétuel désaveu de toutes les pensées qui tendent à prendre trop de consistance. | perpétuel désaveu de toutes les pensées qui tendent à prendre trop de consistance. | ||
Lorsqu'une association s'est cristallisée en société, elle cesse d'être une association | Lorsqu'une association s'est cristallisée en société, elle cesse d'être une association | ||
Ligne 3 275 : | Ligne 3 319 : | ||
— société, communauté. Une analogie frappante rapproche sous ce rapport l'association | — société, communauté. Une analogie frappante rapproche sous ce rapport l'association | ||
du parti. | du parti. | ||
Qu'une société, l'État, par exemple, restreigne ma liberté, cela ne me trouble | Qu'une société, l'État, par exemple, restreigne ma liberté, cela ne me trouble | ||
guère. Car je sais bien que je dois m'attendre à voir ma liberté limitée par toutes sortes | guère. Car je sais bien que je dois m'attendre à voir ma liberté limitée par toutes sortes | ||
de puissances, par tout ce qui est plus fort que moi, même par chacun de mes voisins; | de puissances, par tout ce qui est plus fort que moi, même par chacun de mes voisins; | ||
quand je serais l'autocrate de toutes les R..., je ne jouirais pas de la liberté absolue. | quand je serais l'autocrate de toutes les R..., je ne jouirais pas de la liberté absolue. | ||
Ligne 3 283 : | Ligne 3 327 : | ||
à l'individualité que la société s'attaque, c'est elle qui doit succomber sous ses | à l'individualité que la société s'attaque, c'est elle qui doit succomber sous ses | ||
coups. | coups. | ||
Une société à laquelle je m'attache m'enlève bien certaines libertés ; mais en revanche | Une société à laquelle je m'attache m'enlève bien certaines libertés ; mais en revanche | ||
elle m'en assure d'autres. Il importe de même assez peu que je me prive moimême | elle m'en assure d'autres. Il importe de même assez peu que je me prive moimême | ||
(par exemple, par un contrat) de telle ou telle liberté. Par contre, je défendrai | (par exemple, par un contrat) de telle ou telle liberté. Par contre, je défendrai | ||
jalousement mon individualité. | jalousement mon individualité. | ||
Toute communauté a une tendance, plus ou moins grande d'après la somme de ses | Toute communauté a une tendance, plus ou moins grande d'après la somme de ses | ||
forces, à devenir pour ses membres une autorité, et à leur imposer des limites. Elle | forces, à devenir pour ses membres une autorité, et à leur imposer des limites. Elle | ||
Ligne 3 299 : | Ligne 3 345 : | ||
qu'ils restent « dans les bornes de la légalité », c'est-à-dire qu'ils ne se permettent que | qu'ils restent « dans les bornes de la légalité », c'est-à-dire qu'ils ne se permettent que | ||
ce que leur permettent la société et ses lois. | ce que leur permettent la société et ses lois. | ||
Il y a loin d'une société qui ne restreint que ma liberté à une société qui restreint | Il y a loin d'une société qui ne restreint que ma liberté à une société qui restreint | ||
mon individualité. La première est une union, un accord, une association. Mais celle | mon individualité. La première est une union, un accord, une association. Mais celle | ||
Ligne 3 307 : | Ligne 3 354 : | ||
que l'on nomme — humilité. Mon humilité fait sa grandeur, ma soumission sa | que l'on nomme — humilité. Mon humilité fait sa grandeur, ma soumission sa | ||
souveraineté. | souveraineté. | ||
Mais sous le rapport de la liberté, il n'y a pas de différence essentielle entre l'État | Mais sous le rapport de la liberté, il n'y a pas de différence essentielle entre l'État | ||
et l'association. Pas plus que l'État n'est compatible avec une liberté illimitée, l'association | et l'association. Pas plus que l'État n'est compatible avec une liberté illimitée, l'association | ||
Ligne 3 319 : | Ligne 3 367 : | ||
l'on en vint à élever au rang d'idéal la liberté en soi, la liberté absolue, ce qui était | l'on en vint à élever au rang d'idéal la liberté en soi, la liberté absolue, ce qui était | ||
étaler au plein jour l'absurdité des voeux impossibles. | étaler au plein jour l'absurdité des voeux impossibles. | ||
L'association, procurant une plus grande somme de liberté, pourra être considérée | L'association, procurant une plus grande somme de liberté, pourra être considérée | ||
comme « une nouvelle liberté »; on y échappe, en effet, à la contrainte inséparable de | comme « une nouvelle liberté »; on y échappe, en effet, à la contrainte inséparable de | ||
Ligne 3 324 : | Ligne 3 373 : | ||
la volonté n'y manqueront pas, car le but de l'association n'est pas précisément la | la volonté n'y manqueront pas, car le but de l'association n'est pas précisément la | ||
liberté, qu'elle sacrifie à l'individualité, mais cette individualité elle-même. RelativeMax | liberté, qu'elle sacrifie à l'individualité, mais cette individualité elle-même. RelativeMax | ||
ment à celle-ci, la différence est grande entre État et association. L'État est l'ennemi, | ment à celle-ci, la différence est grande entre État et association. L'État est l'ennemi, | ||
le meurtrier de l'individu, l'association en est la fille et l'auxiliaire ; le premier est un | le meurtrier de l'individu, l'association en est la fille et l'auxiliaire ; le premier est un | ||
Ligne 3 334 : | Ligne 3 382 : | ||
L'association au contraire est mon oeuvre, ma créature ; elle n'est pas sacrée et n'est | L'association au contraire est mon oeuvre, ma créature ; elle n'est pas sacrée et n'est | ||
pas une puissance spirituelle supérieure à mon esprit. | pas une puissance spirituelle supérieure à mon esprit. | ||
Je ne veux pas être l'esclave de mes maximes, mais je veux qu'elles restent, sans | Je ne veux pas être l'esclave de mes maximes, mais je veux qu'elles restent, sans | ||
aucune garantie, exposées sans cesse à ma critique ; je ne leur accorde aucun droit de | aucune garantie, exposées sans cesse à ma critique ; je ne leur accorde aucun droit de | ||
Ligne 3 341 : | Ligne 3 390 : | ||
pour moi plus que l'État, plus que l'Église, Dieu, etc., et, par conséquent, infiniment | pour moi plus que l'État, plus que l'Église, Dieu, etc., et, par conséquent, infiniment | ||
plus aussi que l'association. | plus aussi que l'association. | ||
La Société que le Communisme se propose de fonder paraît à première vue se | La Société que le Communisme se propose de fonder paraît à première vue se | ||
rapprocher extrêmement de l'association telle que je l'entends. Le but qu'elle se | rapprocher extrêmement de l'association telle que je l'entends. Le but qu'elle se | ||
Ligne 3 362 : | Ligne 3 412 : | ||
s'en trouvent probablement mieux que des heures de travail strictement réglées que | s'en trouvent probablement mieux que des heures de travail strictement réglées que | ||
leur promet Weitling. | leur promet Weitling. | ||
Le même Weitling affirme que le bien-être de quelques milliers d'hommes ne peut | Le même Weitling affirme que le bien-être de quelques milliers d'hommes ne peut | ||
être mis en balance avec le bien-être de plusieurs millions d'autres, et il exhorte les | être mis en balance avec le bien-être de plusieurs millions d'autres, et il exhorte les | ||
Ligne 3 374 : | Ligne 3 425 : | ||
mais dans leur propre intérêt. Comment peut-on encore être tenté de faire appel à | mais dans leur propre intérêt. Comment peut-on encore être tenté de faire appel à | ||
l'esprit de sacrifice et à l'amour désintéressé des hommes ? On ne sait que trop que | l'esprit de sacrifice et à l'amour désintéressé des hommes ? On ne sait que trop que | ||
ces beaux sentiments n'ont produit, après une gestation de plusieurs milliers d'années, | ces beaux sentiments n'ont produit, après une gestation de plusieurs milliers d'années, | ||
que la présente misère. Pourquoi s'obstiner à attendre encore de l'abnégation la venue | que la présente misère. Pourquoi s'obstiner à attendre encore de l'abnégation la venue | ||
Ligne 3 383 : | Ligne 3 433 : | ||
toujours sur l'amour, et, conscient ou inconscient l'Humanitaire qui bafoue l'égoïsme | toujours sur l'amour, et, conscient ou inconscient l'Humanitaire qui bafoue l'égoïsme | ||
ne sort pas de la même ornière. | ne sort pas de la même ornière. | ||
Quand la communauté est devenue pour l'homme un besoin, quand il trouve | Quand la communauté est devenue pour l'homme un besoin, quand il trouve | ||
qu'elle l'aide à réaliser ses desseins, elle ne tarde pas, prenant rang de principe, à lui | qu'elle l'aide à réaliser ses desseins, elle ne tarde pas, prenant rang de principe, à lui | ||
Ligne 3 396 : | Ligne 3 447 : | ||
Peuple (dieux nationaux) ou de « tous les hommes ». (« Il est le père de tous les | Peuple (dieux nationaux) ou de « tous les hommes ». (« Il est le père de tous les | ||
hommes. ») | hommes. ») | ||
Que l'on n’espère point arriver à détruire de fond en comble la religion, tant que | Que l'on n’espère point arriver à détruire de fond en comble la religion, tant que | ||
l'on n'aura pas auparavant mis au rebut la société et tout ce qu'implique son principe. | l'on n'aura pas auparavant mis au rebut la société et tout ce qu'implique son principe. | ||
Ligne 3 403 : | Ligne 3 455 : | ||
la Société ! La société alors est le grand Pan, et les hommes n'existent plus que « les | la Société ! La société alors est le grand Pan, et les hommes n'existent plus que « les | ||
uns pour les autres ». C'est l'apothéose de l' « Amour-État ! | uns pour les autres ». C'est l'apothéose de l' « Amour-État ! | ||
Pour moi, j'aime mieux avoir recours à l'égoïsme des hommes qu'à leurs « services | Pour moi, j'aime mieux avoir recours à l'égoïsme des hommes qu'à leurs « services | ||
d'amour », à leur miséricorde, à leur charité, etc. L'égoïsme exige la réciprocité | d'amour », à leur miséricorde, à leur charité, etc. L'égoïsme exige la réciprocité | ||
Ligne 3 419 : | Ligne 3 472 : | ||
n'existait pas, ni ses lois et ses institutions qu'il paie par-dessus le marché. Et malgré | n'existait pas, ni ses lois et ses institutions qu'il paie par-dessus le marché. Et malgré | ||
tout, le pauvre diable aime encore son maître ! | tout, le pauvre diable aime encore son maître ! | ||
Non, la communauté comme « but » de l'histoire jusqu'à ce jour est impossible. | Non, la communauté comme « but » de l'histoire jusqu'à ce jour est impossible. | ||
Défaisons-nous au plus tôt de toute illusion hypocrite à ce sujet, et reconnaissons | Défaisons-nous au plus tôt de toute illusion hypocrite à ce sujet, et reconnaissons | ||
que si c'est en tant qu'Hommes que nous sommes égaux, égaux nous ne le | que si c'est en tant qu'Hommes que nous sommes égaux, égaux nous ne le | ||
sommes pas, attendu que nous ne sommes pas Hommes. Nous ne sommes égaux | sommes pas, attendu que nous ne sommes pas Hommes. Nous ne sommes égaux | ||
Ligne 3 432 : | Ligne 3 484 : | ||
sommes indicibles, parce qu'il n'y a que les idées qui puissent être exprimées et se | sommes indicibles, parce qu'il n'y a que les idées qui puissent être exprimées et se | ||
fixer par la parole. | fixer par la parole. | ||
Cessons donc d'aspirer à la communauté ; ayons plutôt en vue la particularité. Ne | Cessons donc d'aspirer à la communauté ; ayons plutôt en vue la particularité. Ne | ||
recherchons pas la plus vaste collectivité, la « société humaine », ne cherchons dans | recherchons pas la plus vaste collectivité, la « société humaine », ne cherchons dans | ||
Ligne 3 443 : | Ligne 3 496 : | ||
lequel j'ai ou je n'ai pas de sympathie, un objet qui m'intéresse ou ne m'intéresse pas, | lequel j'ai ou je n'ai pas de sympathie, un objet qui m'intéresse ou ne m'intéresse pas, | ||
dont je puis ou dont je ne puis pas me servir. | dont je puis ou dont je ne puis pas me servir. | ||
S'il peut m'être utile, je consens à m'entendre avec lui, à m'associer avec lui pour | S'il peut m'être utile, je consens à m'entendre avec lui, à m'associer avec lui pour | ||
que cet accord augmente ma force, pour que nos puissances réunies produisent plus | que cet accord augmente ma force, pour que nos puissances réunies produisent plus | ||
Ligne 3 448 : | Ligne 3 502 : | ||
d'autre qu'une augmentation de ma force, et je ne la conserve que tant qu'elle est ma | d'autre qu'une augmentation de ma force, et je ne la conserve que tant qu'elle est ma | ||
force multipliée. Dans ce sens-là, elle est une — association. | force multipliée. Dans ce sens-là, elle est une — association. | ||
L'association n'est maintenue ni par un lien naturel ni par un lien spirituel ; elle | L'association n'est maintenue ni par un lien naturel ni par un lien spirituel ; elle | ||
n'est ni une société naturelle ni une société morale. Ce n'est ni l'unité de sang, ni | n'est ni une société naturelle ni une société morale. Ce n'est ni l'unité de sang, ni | ||
Ligne 3 458 : | Ligne 3 513 : | ||
n'est que dans l'association que votre unicité peut s'affirmer, parce que l'association ne | n'est que dans l'association que votre unicité peut s'affirmer, parce que l'association ne | ||
vous possède pas, mais que vous la possédez et que vous vous servez d'elle. | vous possède pas, mais que vous la possédez et que vous vous servez d'elle. | ||
Dans l'association, et dans l'association seule, la propriété prend sa véritable | Dans l'association, et dans l'association seule, la propriété prend sa véritable | ||
valeur et est réellement propriété, attendu que je n'y dois plus à personne ce qui est à | valeur et est réellement propriété, attendu que je n'y dois plus à personne ce qui est à | ||
Ligne 3 463 : | Ligne 3 519 : | ||
depuis qu'a commencé l'évolution religieuse et dont l'État donne la formule : une | depuis qu'a commencé l'évolution religieuse et dont l'État donne la formule : une | ||
féodalité, ayant en somme à sa base la négation de la propriété. | féodalité, ayant en somme à sa base la négation de la propriété. | ||
L'État s'efforce de discipliner les appétits ; en d'autres termes, il cherche à faire en | L'État s'efforce de discipliner les appétits ; en d'autres termes, il cherche à faire en | ||
sorte qu'ils se tournent vers lui seul, et à les satisfaire au moyen de ce qu'il a à leur | sorte qu'ils se tournent vers lui seul, et à les satisfaire au moyen de ce qu'il a à leur | ||
offrir. Rassasier un appétit pour l'amour de celui qui l'éprouve est une idée qui ne | offrir. Rassasier un appétit pour l'amour de celui qui l'éprouve est une idée qui ne | ||
saurait venir à l'État ; il flétrit du nom d' « égoïste » celui qui manifeste des désirs | saurait venir à l'État ; il flétrit du nom d' « égoïste » celui qui manifeste des désirs | ||
déréglés, et l'« homme égoïste » est son ennemi. Il l'est parce que l'État, incapable de | déréglés, et l'« homme égoïste » est son ennemi. Il l'est parce que l'État, incapable de | ||
« comprendre » l'égoïste, ne peut s'entendre avec lui. Comme l'État (et il ne pourrait | « comprendre » l'égoïste, ne peut s'entendre avec lui. Comme l'État (et il ne pourrait | ||
Ligne 3 483 : | Ligne 3 539 : | ||
redevance. — La « Société » à son tour ne peut agir d'une façon essentiellement | redevance. — La « Société » à son tour ne peut agir d'une façon essentiellement | ||
différente. | différente. | ||
Tu apportes dans l'association toute ta puissance, toute ta richesse, et tu t'y fais | Tu apportes dans l'association toute ta puissance, toute ta richesse, et tu t'y fais | ||
valoir. Dans la société, toi et ton activité êtes utilisés. Dans la première, tu vis en | valoir. Dans la société, toi et ton activité êtes utilisés. Dans la première, tu vis en | ||
Ligne 3 489 : | Ligne 3 546 : | ||
obsédé de « devoirs sociaux »; à l'association, tu ne dois rien : elle te sert, et tu la | obsédé de « devoirs sociaux »; à l'association, tu ne dois rien : elle te sert, et tu la | ||
quittes sans scrupule dès que tu n'as plus d'avantages à en tirer. | quittes sans scrupule dès que tu n'as plus d'avantages à en tirer. | ||
Si la société est plus que toi, tu la feras passer avant toi et tu t'en feras le serviteur | |||
; l'association est ton outil, ton arme, elle aiguise et multiplie ta force naturelle. | Si la société est plus que toi, tu la feras passer avant toi et tu t'en feras le serviteur; l'association est ton outil, ton arme, elle aiguise et multiplie ta force naturelle. | ||
L'association n'existe que pour toi et par toi, la société au contraire te réclame comme | L'association n'existe que pour toi et par toi, la société au contraire te réclame comme | ||
son bien et elle peut exister sans toi. Bref, la société est sacrée et l'association est ta | son bien et elle peut exister sans toi. Bref, la société est sacrée et l'association est ta | ||
propriété, la société se sert de toi et tu te sers de l'association. | propriété, la société se sert de toi et tu te sers de l'association. | ||
On ne manquera probablement pas de nous objecter que l'accord que nous avons | On ne manquera probablement pas de nous objecter que l'accord que nous avons | ||
conclu peut devenir gênant et limiter notre liberté ; on dira qu'en définitive nous en | conclu peut devenir gênant et limiter notre liberté ; on dira qu'en définitive nous en | ||
Ligne 3 503 : | Ligne 3 561 : | ||
« sacrifice », je ne renonce qu'à ce qui échappe à mon pouvoir, c'est-à-dire que je ne | « sacrifice », je ne renonce qu'à ce qui échappe à mon pouvoir, c'est-à-dire que je ne | ||
« sacrifie » rien du tout. | « sacrifie » rien du tout. | ||
Pour en revenir à la propriété, c'est donc le maître qui est propriétaire. Et maintenant, | Pour en revenir à la propriété, c'est donc le maître qui est propriétaire. Et maintenant, | ||
choisis : veux-tu être le maître ou veux-tu que la société soit maîtresse ? Il | choisis : veux-tu être le maître ou veux-tu que la société soit maîtresse ? Il | ||
Ligne 3 510 : | Ligne 3 569 : | ||
de maître en mettant l'Homme à la place du Dieu, et en faisant un fief de l'Homme de | de maître en mettant l'Homme à la place du Dieu, et en faisant un fief de l'Homme de | ||
ce qui auparavant était un fief accordé par la grâce divine. | ce qui auparavant était un fief accordé par la grâce divine. | ||
Nous avons montré plus haut que la gueuserie du Communisme est, par le | Nous avons montré plus haut que la gueuserie du Communisme est, par le | ||
principe humanitaire, poussée jusqu'à la gueuserie absolue, jusqu'à la plus gueuse des | principe humanitaire, poussée jusqu'à la gueuserie absolue, jusqu'à la plus gueuse des | ||
gueuseries ; mais nous avons montré aussi que ce n'est que par cette voie que la | gueuseries ; mais nous avons montré aussi que ce n'est que par cette voie que la | ||
gueuserie peut aboutir à l'individualité. L'ancien régime féodal a été si complètement | gueuserie peut aboutir à l'individualité. L'ancien régime féodal a été si complètement | ||
anéanti par la Révolution que toute réaction, quelque habileté qu'elle déploie à | anéanti par la Révolution que toute réaction, quelque habileté qu'elle déploie à | ||
galvaniser le cadavre du passé, est désormais condamnée à avorter misérablement, car | galvaniser le cadavre du passé, est désormais condamnée à avorter misérablement, car | ||
Ligne 3 521 : | Ligne 3 580 : | ||
féodalité est ressuscitée avec un corps transfiguré, féodalité nouvelle sous la haute | féodalité est ressuscitée avec un corps transfiguré, féodalité nouvelle sous la haute | ||
suzeraineté de l’ « Homme ». | suzeraineté de l’ « Homme ». | ||
Le Christianisme est loin d'être anéanti, et ses fidèles ont eu raison de voir avec | Le Christianisme est loin d'être anéanti, et ses fidèles ont eu raison de voir avec | ||
confiance dans les assauts qu'on lui a livrés jusqu'à présent de simples preuves dont il | confiance dans les assauts qu'on lui a livrés jusqu'à présent de simples preuves dont il | ||
Ligne 3 530 : | Ligne 3 590 : | ||
confiance, nous prenons pour notre propriété ; et nous croyons avoir trouvé ce qui est | confiance, nous prenons pour notre propriété ; et nous croyons avoir trouvé ce qui est | ||
à « nous » quand nous découvrons ce qui est « à l'Homme ». | à « nous » quand nous découvrons ce qui est « à l'Homme ». | ||
Si le Libéralisme veut me donner ce qui est à moi, ce n'est point qu'il y voie le | Si le Libéralisme veut me donner ce qui est à moi, ce n'est point qu'il y voie le | ||
mien, mais l'humain. Comme si, sous ce déguisement, il m'était possible de l'atteindre | mien, mais l'humain. Comme si, sous ce déguisement, il m'était possible de l'atteindre | ||
Ligne 3 538 : | Ligne 3 599 : | ||
Homme, je puis avoir un droit, mais je suis plus qu'Homme, je suis un homme | Homme, je puis avoir un droit, mais je suis plus qu'Homme, je suis un homme | ||
particulier, aussi ce droit peut-il m'être refusé à Moi, au particulier. | particulier, aussi ce droit peut-il m'être refusé à Moi, au particulier. | ||
Mais si vous savez faire cas de votre richesse, si vous tenez à haut prix vos | Mais si vous savez faire cas de votre richesse, si vous tenez à haut prix vos | ||
talents, si vous ne permettez pas qu'on vous force à les vendre au-dessous de leur | talents, si vous ne permettez pas qu'on vous force à les vendre au-dessous de leur | ||
Ligne 3 546 : | Ligne 3 608 : | ||
et l'on ne pourra plus vous dire : renoncez à votre propriété ! Vous répondriez : | et l'on ne pourra plus vous dire : renoncez à votre propriété ! Vous répondriez : | ||
je veux en profiter. | je veux en profiter. | ||
Au fronton de notre siècle, on ne lit plus la maxime delphique : « Connais-toi toimême | Au fronton de notre siècle, on ne lit plus la maxime delphique : « Connais-toi toimême | ||
», mais bien : « EXPLOITE-TOI TOI-MÊME ! » | », mais bien : « EXPLOITE-TOI TOI-MÊME ! » | ||
Proudhon dit que la « propriété, c'est le vol ». Mais la propriété d'autrui (il ne | Proudhon dit que la « propriété, c'est le vol ». Mais la propriété d'autrui (il ne | ||
parle que de celle-là) n'existe que par le fait d'une renonciation, d'un abandon, comme | parle que de celle-là) n'existe que par le fait d'une renonciation, d'un abandon, comme | ||
Ligne 3 556 : | Ligne 3 620 : | ||
nous-mêmes qui sommes en faute en ne les volant pas ? S'il y a des riches, la faute en | nous-mêmes qui sommes en faute en ne les volant pas ? S'il y a des riches, la faute en | ||
est aux pauvres. | est aux pauvres. | ||
En général, personne ne s'indigne et ne proteste contre sa propre propriété ; on ne | En général, personne ne s'indigne et ne proteste contre sa propre propriété ; on ne | ||
s'irrite que contre celle d'autrui. Chacun, pour sa part, veut augmenter et non diminuer | s'irrite que contre celle d'autrui. Chacun, pour sa part, veut augmenter et non diminuer | ||
ce qu'il peut appeler sien et voudrait pouvoir appeler tout ainsi. Ce n'est en réalité pas | ce qu'il peut appeler sien et voudrait pouvoir appeler tout ainsi. Ce n'est en réalité pas | ||
à la propriété qu'on s'attaque, mais à la propriété étrangère ; ce que l'on combat, c'est, | à la propriété qu'on s'attaque, mais à la propriété étrangère ; ce que l'on combat, c'est, | ||
pour former un mot qui fasse le pendant de propriété, l’aliénité. Et comment s'y | pour former un mot qui fasse le pendant de propriété, l’aliénité. Et comment s'y | ||
prend-on ? Au lieu de transformer l’alienum en proprium et de s'approprier le bien | prend-on ? Au lieu de transformer l’alienum en proprium et de s'approprier le bien | ||
Ligne 3 568 : | Ligne 3 632 : | ||
d'un tiers. Alors toute trace d'« égoïsme » disparaît, et tout devient on ne peut plus | d'un tiers. Alors toute trace d'« égoïsme » disparaît, et tout devient on ne peut plus | ||
pur, on ne peut plus humain ! | pur, on ne peut plus humain ! | ||
Radicale inhabilité de l'individu à être propriétaire, radicale gueuserie, telle est | Radicale inhabilité de l'individu à être propriétaire, radicale gueuserie, telle est | ||
l' « essence du Christianisme et de toute religiosité (piété, moralité, humanité), tel est | l' « essence du Christianisme et de toute religiosité (piété, moralité, humanité), tel est | ||
Ligne 3 576 : | Ligne 3 641 : | ||
« qui vient seulement d'être découvert » est la féodalité parfaite, la servitude universelle, | « qui vient seulement d'être découvert » est la féodalité parfaite, la servitude universelle, | ||
la — parfaite gueuserie. | la — parfaite gueuserie. | ||
Est-ce donc une nouvelle « révolution » qu'appelle cette féodalité nouvelle ? | Est-ce donc une nouvelle « révolution » qu'appelle cette féodalité nouvelle ? | ||
Révolution et insurrection ne sont pas synonymes. La première consiste en un | Révolution et insurrection ne sont pas synonymes. La première consiste en un | ||
bouleversement de l'ordre établi, du status de l'État ou de la Société, elle n'a donc | bouleversement de l'ordre établi, du status de l'État ou de la Société, elle n'a donc | ||
Ligne 3 590 : | Ligne 3 657 : | ||
pour me dégager du présent qui m'opprime ; et dès que je l'ai abandonné, ce présent | pour me dégager du présent qui m'opprime ; et dès que je l'ai abandonné, ce présent | ||
est mort et tombe en décomposition. | est mort et tombe en décomposition. | ||
En somme, mon but n'étant pas de renverser ce qui est, mais de m’élever au-dessus | En somme, mon but n'étant pas de renverser ce qui est, mais de m’élever au-dessus | ||
de lui, mes intentions et mes actes n'ont rien de politique ni de social ; n'ayant | de lui, mes intentions et mes actes n'ont rien de politique ni de social ; n'ayant | ||
d'autre objet que moi et mon individualité, ils sont égoïstes. | d'autre objet que moi et mon individualité, ils sont égoïstes. | ||
La révolution ordonne d'instituer, d'instaurer, l'insurrection veut qu'on se soulève | La révolution ordonne d'instituer, d'instaurer, l'insurrection veut qu'on se soulève | ||
ou qu'on s'élève. | ou qu'on s'élève. | ||
Le choix d'une constitution, tel était le problème qui préoccupait les cerveaux | Le choix d'une constitution, tel était le problème qui préoccupait les cerveaux | ||
révolutionnaires ; toute l'histoire politique de la Révolution est remplie par des luttes | révolutionnaires ; toute l'histoire politique de la Révolution est remplie par des luttes | ||
constitutionnelles et des questions constitutionnelles, de même que les génies du | constitutionnelles et des questions constitutionnelles, de même que les génies du | ||
Socialisme se sont montrés étonnamment féconds en institutions sociales (palanstères, | Socialisme se sont montrés étonnamment féconds en institutions sociales (palanstères, | ||
etc.). C'est au contraire à s'affranchir de toute constitution que tend l'insurgé | etc.). C'est au contraire à s'affranchir de toute constitution que tend l'insurgé <ref>Pour me garantir contre toute poursuite criminelle, je ferai, par surcroît de précaution, | ||
expressément remarquer que je prends le mot « insurrection » dans son sens étymologique et non | |||
dans l'acception restreinte sur laquelle sont suspendues les foudres du Code pénal.</ref>. | |||
Je cherchais une comparaison afin de rendre plus clair ce que je viens de dire, et | Je cherchais une comparaison afin de rendre plus clair ce que je viens de dire, et | ||
voici que ma pensée se reporte aux premiers temps de la fondation du Christianisme. | voici que ma pensée se reporte aux premiers temps de la fondation du Christianisme. | ||
Dans le camp libéral, on reproche aux premiers Chrétiens d'avoir prêché l'obéissance | Dans le camp libéral, on reproche aux premiers Chrétiens d'avoir prêché l'obéissance | ||
aux lois païennes existantes, d'avoir prescrit de reconnaître, l'autorité païenne et | aux lois païennes existantes, d'avoir prescrit de reconnaître, l'autorité païenne et | ||
Ligne 3 640 : | Ligne 3 710 : | ||
tranquille, sans un regard pour les vaincus, il éleva son temple à lui, sans prêter | tranquille, sans un regard pour les vaincus, il éleva son temple à lui, sans prêter | ||
l'oreille aux cris de douleur de ceux qu'il avait ensevelis sous leurs ruines. | l'oreille aux cris de douleur de ceux qu'il avait ensevelis sous leurs ruines. | ||
Et maintenant, ce qui est arrivé au monde païen arrivera-t-il au monde chrétien ? | Et maintenant, ce qui est arrivé au monde païen arrivera-t-il au monde chrétien ? | ||
Une révolution ne conduira certainement pas au but, si d'abord une insurrection ne | Une révolution ne conduira certainement pas au but, si d'abord une insurrection ne | ||
s'est accomplie. | s'est accomplie. | ||
À quoi tendent mes relations avec le monde ? Je veux en jouir ; il faut pour cela | À quoi tendent mes relations avec le monde ? Je veux en jouir ; il faut pour cela | ||
qu'il soit ma propriété, et je veux donc le conquérir. Je ne veux pas la liberté des hommes, | qu'il soit ma propriété, et je veux donc le conquérir. Je ne veux pas la liberté des hommes, | ||
Ligne 3 649 : | Ligne 3 721 : | ||
Et s'ils s'opposent à mes désirs, eh bien ! le droit de vie et de mort que se sont | Et s'ils s'opposent à mes désirs, eh bien ! le droit de vie et de mort que se sont | ||
réserve l'Église et l'État, je déclare que lui aussi — est à moi. | réserve l'Église et l'État, je déclare que lui aussi — est à moi. | ||
Flétrissez cette veuve d'officier qui, durant la retraite de Russie, ayant eu la jambe | Flétrissez cette veuve d'officier qui, durant la retraite de Russie, ayant eu la jambe | ||
emportée par un boulet, défit sa jarretière, étrangla son enfant, puis se coucha pour | emportée par un boulet, défit sa jarretière, étrangla son enfant, puis se coucha pour | ||
mourir à côté du cadavre ; flétrissez la mémoire de cette mère infanticide. Qui sait, si | mourir à côté du cadavre ; flétrissez la mémoire de cette mère infanticide. Qui sait, si | ||
cet enfant était resté en vie, quels « services il eût pu rendre » au monde ? Et la mère | cet enfant était resté en vie, quels « services il eût pu rendre » au monde ? Et la mère | ||
le tua, parce qu'elle voulait mourir contente et tranquille ! Cette histoire émeut peutêtre | le tua, parce qu'elle voulait mourir contente et tranquille ! Cette histoire émeut peutêtre | ||
encore votre sentimentalité, mais vous n'en savez rien tirer d'autre. Soit. Pour | encore votre sentimentalité, mais vous n'en savez rien tirer d'autre. Soit. Pour | ||
Ligne 3 659 : | Ligne 3 731 : | ||
rapports avec les hommes et qu'il n'y a pas d'accès d'humilité qui puisse me faire | rapports avec les hommes et qu'il n'y a pas d'accès d'humilité qui puisse me faire | ||
renoncer au pouvoir de vie et de mort. | renoncer au pouvoir de vie et de mort. | ||
Quant aux « devoirs sociaux » en général, ce n'est pas à un tiers à fixer ma position | Quant aux « devoirs sociaux » en général, ce n'est pas à un tiers à fixer ma position | ||
vis-à-vis des autres ; ce n'est, par conséquent, ni Dieu ni l'humanité qui peuvent | vis-à-vis des autres ; ce n'est, par conséquent, ni Dieu ni l'humanité qui peuvent | ||
Ligne 3 666 : | Ligne 3 739 : | ||
suicide), à moins que je ne « me » distingue Moi-même (mon âme immortelle de mon | suicide), à moins que je ne « me » distingue Moi-même (mon âme immortelle de mon | ||
existence terrestre, etc.). | existence terrestre, etc.). | ||
Je ne m'humilie plus devant aucune puissance, je reconnais que toute puissance | Je ne m'humilie plus devant aucune puissance, je reconnais que toute puissance | ||
n'est que la mienne, et que je dois l'abattre dès qu'elle menace de devenir opposée ou | n'est que la mienne, et que je dois l'abattre dès qu'elle menace de devenir opposée ou | ||
Ligne 3 675 : | Ligne 3 749 : | ||
pour qu'elles ne soient plus ; il n'y a de « puissances supérieures » que parce que je les | pour qu'elles ne soient plus ; il n'y a de « puissances supérieures » que parce que je les | ||
élève et me mets au-dessous d'elles. | élève et me mets au-dessous d'elles. | ||
Voici donc en quoi consistent mes rapports avec le monde : Je ne fais plus rien | Voici donc en quoi consistent mes rapports avec le monde : Je ne fais plus rien | ||
pour lui « pour l'amour de Dieu », je ne fais plus rien « pour l'amour de l'Homme », | pour lui « pour l'amour de Dieu », je ne fais plus rien « pour l'amour de l'Homme », | ||
Ligne 3 683 : | Ligne 3 758 : | ||
sont l'universelle félicité, le monde moral ou règneraient l'amour universel, la paix | sont l'universelle félicité, le monde moral ou règneraient l'amour universel, la paix | ||
éternelle, l'extinction de l'égoïsme, etc. | éternelle, l'extinction de l'égoïsme, etc. | ||
« Rien dans ce monde n'est parfait ! » — Sur cette triste parole, les bons s'en | « Rien dans ce monde n'est parfait ! » — Sur cette triste parole, les bons s'en | ||
détournent et se réfugient près de Dieu dans leur oratoire, ou dans l'orgueilleux | détournent et se réfugient près de Dieu dans leur oratoire, ou dans l'orgueilleux | ||
sanctuaire de leur « conscience ». Mais nous, nous demeurons dans ce monde « imparfait | sanctuaire de leur « conscience ». Mais nous, nous demeurons dans ce monde « imparfait | ||
» : tel qu'il est, nous savons le faire servir à notre jouissance. | » : tel qu'il est, nous savons le faire servir à notre jouissance. | ||
Mes relations avec le monde consistent en ce que je jouis de lui et l'emploie à ma | Mes relations avec le monde consistent en ce que je jouis de lui et l'emploie à ma | ||
jouissance. Relations équivaut à jouissance du monde, et cela rentre dans ma — | jouissance. Relations équivaut à jouissance du monde, et cela rentre dans ma — | ||
Ligne 3 692 : | Ligne 3 769 : | ||
</div> | |||
== Notes et références == | == Notes et références == | ||
<references /> <!-- aide : http://fr.wikipedia.org/wiki/Aide:Notes et références --> | <references /> <!-- aide : http://fr.wikipedia.org/wiki/Aide:Notes et références --> |
modifications