Différences entre les versions de « Étienne Bonnot de Condillac:Le Commerce et le gouvernement considérés relativement l’un à l’autre - De l'emploi des hommes dans une société aux mœurs simples »

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Or, dès qu’il y aura moins de recherches dans les matières premières et dans le travail, les ouvrages en seront à moins haut prix. Dès que les ouvrages seront à moins haut prix, ils seront plus proportionnés aux facultés des citoyens. L’usage n’en sera donc interdit à aucun d’eux : tous en jouiront, ou se flatteront au moins d’en pouvoir jouir. Ce sont surtout les jouissances exclusives qui font disparaître la simplicité. Quand on commence à croire qu’on en vaut mieux, parce qu’on jouit des choses dont les autres ne jouissent pas, on ne cherche plus à valoir que par ces sortes de choses : on croit se distinguer en affectant d’en jouir, lors même qu’on n’en sent plus la jouissance ; et on cesse d’être simple, non seulement parce qu’on n’est pas comme les autres, mais encore parce qu’on veut paraître ce qu’on n’est pas.
Or, dès qu’il y aura moins de recherches dans les matières premières et dans le travail, les ouvrages en seront à moins haut prix. Dès que les ouvrages seront à moins haut prix, ils seront plus proportionnés aux facultés des citoyens. L’usage n’en sera donc interdit à aucun d’eux : tous en jouiront, ou se flatteront au moins d’en pouvoir jouir. Ce sont surtout les jouissances exclusives qui font disparaître la simplicité. Quand on commence à croire qu’on en vaut mieux, parce qu’on jouit des choses dont les autres ne jouissent pas, on ne cherche plus à valoir que par ces sortes de choses : on croit se distinguer en affectant d’en jouir, lors même qu’on n’en sent plus la jouissance ; et on cesse d’être simple, non seulement parce qu’on n’est pas comme les autres, mais encore parce qu’on veut paraître ce qu’on n’est pas.


Tel est donc l’emploi des hommes chez notre peuplade. Elle a des magistrats qu’elle a chargés des soins du gouvernement, des laboureurs qui cultivent les terres, des artisans pour les arts grossiers, d’autres artisans pour les arts perfectionnés, et des marchands qui mettent tous les citoyens à portée des choses à leur usage. Tout le monde travaille à l’envi dans cette société ; et, parce que chacun a le choix de ses occupations, et jouit d’une liberté entière, le travail de l’un ne nuit point au travail de l’autre. La concurrence, qui distribue les emplois, met chacun à sa place : tons subsistent, et l’État est riche des travaux de tous. Voilà le terme où les arts doivent tendre, et où ils devraient s’arrêter.
Tel est donc l’emploi des hommes chez notre peuplade. Elle a des magistrats qu’elle a chargés des soins du gouvernement, des laboureurs qui cultivent les terres, des artisans pour les arts grossiers, d’autres artisans pour les arts perfectionnés, et des marchands qui mettent tous les citoyens à portée des choses à leur usage. Tout le monde travaille à l’envie dans cette société ; et, parce que chacun a le choix de ses occupations, et jouit d’une liberté entière, le travail de l’un ne nuit point au travail de l’autre. La concurrence, qui distribue les emplois, met chacun à sa place : tons subsistent, et l’État est riche des travaux de tous. Voilà le terme où les arts doivent tendre, et où ils devraient s’arrêter.


En effet, si, pour faire de nouveaux progrès, ils mettent trop de recherches dans les choses d’usage ; s’ils nous font un besoin d’une multitude de choses qui ne servent qu’à la magnificence ; s’ils nous en font un autre d’une multitude de frivolités, c’est alors que les citoyens, bien loin de contribuer par leurs travaux à élever et à consolider l’édifice de la société, paraissent au contraire le saper par les fondements. Le luxe, dont nous allons traiter, enlevera les artisans aux arts les plus utiles : il enlevera le laboureur à la charrue : il fera hausser le prix des choses les plus nécessaires à la vie ; et, pour un petit nombre de citoyens qui vivront dans l’opulence, la multitude tombera dans la misère.
En effet, si, pour faire de nouveaux progrès, ils mettent trop de recherches dans les choses d’usage ; s’ils nous font un besoin d’une multitude de choses qui ne servent qu’à la magnificence ; s’ils nous en font un autre d’une multitude de frivolités, c’est alors que les citoyens, bien loin de contribuer par leurs travaux à élever et à consolider l’édifice de la société, paraissent au contraire le saper par les fondements. Le luxe, dont nous allons traiter, enlevera les artisans aux arts les plus utiles : il enlevera le laboureur à la charrue : il fera hausser le prix des choses les plus nécessaires à la vie ; et, pour un petit nombre de citoyens qui vivront dans l’opulence, la multitude tombera dans la misère.
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