Différences entre les versions de « Jean-Baptiste Say:Traité d'économie politique - Livre I - Chapitre XVII »

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{{Navigateur|[[Jean-Baptiste Say:Traité d'économie politique - Livre I - Chapitre XVI|Quels avantages résultent de l'activité de circulation de l'argent et des marchandises]] - [[Jean-Baptiste Say:Traité d'économie politique|Traité d'économie politique]]|[[Jean-Baptiste Say:Traité d'économie politique - Livre I - Chapitre XVIII|Si le gouvernement augmente la richesse nationale en devenant producteur lui-même]]}}


{{titre|[[Jean-Baptiste Say:Traité d'économie politique|Traité d'économie politique]]|[[Jean-Baptiste Say]]|Livre Premier<br />Chapitre XVII - Des effets des règlements de l'administration qui ont pour objet d'influer sur la production.}}
{{titre|[[Jean-Baptiste Say:Traité d'économie politique|Traité d'économie politique]]|[[Jean-Baptiste Say]]|Livre Premier<br />Chapitre XVII - Des effets des règlements de l'administration qui ont pour objet d'influer sur la production.}}
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Il ne reste donc plus qu'à savoir qui, de l'administration ou du cultivateur, sait le mieux quel genre de culture rapportera davantage ; et il est permis de supposer que le cultivateur qui vit sur le terrain, l'étudie, l'interroge, qui plus que personne est intéressé à en tirer le meilleur parti, en sait à cet égard plus que l'administration.  
Il ne reste donc plus qu'à savoir qui, de l'administration ou du cultivateur, sait le mieux quel genre de culture rapportera davantage ; et il est permis de supposer que le cultivateur qui vit sur le terrain, l'étudie, l'interroge, qui plus que personne est intéressé à en tirer le meilleur parti, en sait à cet égard plus que l'administration.  


Si on insiste, et si l'on dit que le cultivateur ne connaît que le prix-courant du marché, et ne saurait prévoir, comme l'administration, les besoins futurs du peuple, on peut répondre que l'un des talents des producteurs, talent que leur intérêt les oblige de cultiver avec soin, est non-seulement de connaître, mais de prévoir les besoins.
Si on insiste, et si l'on dit que le cultivateur ne connaît que le prix courant du marché, et ne saurait prévoir, comme l'administration, les besoins futurs du peuple, on peut répondre que l'un des talents des producteurs, talent que leur intérêt les oblige de cultiver avec soin, est non seulement de connaître, mais de prévoir les besoins.


Lorsqu'à une autre époque, on a forcé les particuliers à planter des betteraves ou du pastel dans des terrains qui produisaient du blé, on a causé un mal du même genre ; et je ferai remarquer, en passant, que c'est un bien mauvais calcul que de vouloir obliger la zone tempérée à fournir des produits de la zone torride. Nos terres produisent péniblement, en petite quantité et en qualités médiocres, des matières sucrées et colorantes qu'un autre climat donne avec profusion ; mais elles produisent, au contraire, avec facilité, des fruits, des céréales, que leur poids et leur volume ne permettent pas de tirer de bien loin. Lorsque nous condamnons nos terres à nous donner ce qu'elles produisent avec désavantage, aux dépens de ce qu'elles produisent plus volontiers ; lorsque nous achetons par conséquent fort cher ce que nous paierions à fort bon marché si nous le tirions des lieux où il est produit avec avantage, nous devenons nous-mêmes victimes de notre propre folie. Le comble de l'habileté est de tirer le parti le plus avantageux des forces de la nature, et le comble de la démence est de lutter contre elles ; car c'est employer nos peines à détruire une partie des forces que la nature voudrait nous prêter.
Lorsqu'à une autre époque, on a forcé les particuliers à planter des betteraves ou du pastel dans des terrains qui produisaient du blé, on a causé un mal du même genre ; et je ferai remarquer, en passant, que c'est un bien mauvais calcul que de vouloir obliger la zone tempérée à fournir des produits de la zone torride. Nos terres produisent péniblement, en petite quantité et en qualités médiocres, des matières sucrées et colorantes qu'un autre climat donne avec profusion ; mais elles produisent, au contraire, avec facilité, des fruits, des céréales, que leur poids et leur volume ne permettent pas de tirer de bien loin. Lorsque nous condamnons nos terres à nous donner ce qu'elles produisent avec désavantage, aux dépens de ce qu'elles produisent plus volontiers ; lorsque nous achetons par conséquent fort cher ce que nous paierions à fort bon marché si nous le tirions des lieux où il est produit avec avantage, nous devenons nous-mêmes victimes de notre propre folie. Le comble de l'habileté est de tirer le parti le plus avantageux des forces de la nature, et le comble de la démence est de lutter contre elles ; car c'est employer nos peines à détruire une partie des forces que la nature voudrait nous prêter.
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L'intérêt personnel est toujours le meilleur juge de l'étendue de ce sacrifice et de l'étendue du dédommagement qu'on peut s'en promettre ; et quoique l'intérêt personnel se trompe quelquefois, c'est, au demeurant, le juge le moins dangereux, et celui dont les jugements coûtent le moins.
L'intérêt personnel est toujours le meilleur juge de l'étendue de ce sacrifice et de l'étendue du dédommagement qu'on peut s'en promettre ; et quoique l'intérêt personnel se trompe quelquefois, c'est, au demeurant, le juge le moins dangereux, et celui dont les jugements coûtent le moins.


Mais l'intérêt personnel n'offre plus aucune indication, lorsque les intérêts particuliers ne servent pas de contre-poids les uns pour les autres.
Mais l'intérêt personnel n'offre plus aucune indication, lorsque les intérêts particuliers ne servent pas de contrepoids les uns pour les autres.


Du moment qu'un particulier, une classe de particuliers peuvent s'étayer de l'autorité pour s'affranchir d'une concurrence, ils acquièrent un privilège aux dépens de la société ; ils peuvent s'assurer des profits qui ne dérivent pas entièrement des services productifs qu'ils ont rendus, mais dont une partie est un véritable impôt mis à leur profit sur les consommateurs ; impôt dont ils partagent presque toujours quelque portion avec l'autorité, qui leur a prêté son injuste appui.
Du moment qu'un particulier, une classe de particuliers peuvent s'étayer de l'autorité pour s'affranchir d'une concurrence, ils acquièrent un privilège aux dépens de la société ; ils peuvent s'assurer des profits qui ne dérivent pas entièrement des services productifs qu'ils ont rendus, mais dont une partie est un véritable impôt mis à leur profit sur les consommateurs ; impôt dont ils partagent presque toujours quelque portion avec l'autorité, qui leur a prêté son injuste appui.
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La ville de Tours fit voir les députés de tout le royaume dans les gémissements, et prédit ''une commotion qui occasionnera une convulsion dans le gouvernement politique''… Lyon ne voulut point se taire sur un ''projet qui répandait la terreur dans toutes les fabriques''. Paris ne s'était jamais présenté au pied du trône, ''que le commerce arrosait de ses larmes'', pour une affaire aussi importante. Amiens regarda ''la permission des toiles comme le tombeau dans lequel toutes les manufactures du royaume devaient être anéanties''. Son mémoire, délibéré au bureau des marchands des trois corps réunis, et signé de tous les membres, était ainsi terminé : ''au reste, il suffit, pour proscrire à jamais l'usage des toiles peintes, que tout le royaume frémit d'horreur quand il entend annoncer qu'elles vont être permises''. VOX POPULI, VOX DEI.
La ville de Tours fit voir les députés de tout le royaume dans les gémissements, et prédit ''une commotion qui occasionnera une convulsion dans le gouvernement politique''… Lyon ne voulut point se taire sur un ''projet qui répandait la terreur dans toutes les fabriques''. Paris ne s'était jamais présenté au pied du trône, ''que le commerce arrosait de ses larmes'', pour une affaire aussi importante. Amiens regarda ''la permission des toiles comme le tombeau dans lequel toutes les manufactures du royaume devaient être anéanties''. Son mémoire, délibéré au bureau des marchands des trois corps réunis, et signé de tous les membres, était ainsi terminé : ''au reste, il suffit, pour proscrire à jamais l'usage des toiles peintes, que tout le royaume frémit d'horreur quand il entend annoncer qu'elles vont être permises''. VOX POPULI, VOX DEI.


« Or, existe-t-il maintenant, dit à ce sujet Roland De La Platière, qui avait recueilli ces plaintes comme inspecteur-général des manufactures, existe-t-il un seul homme assez insensé pour dire que les manufactures de toiles peintes n'ont pas répandu en France une main-d'œuvre prodigieuse, par la préparation et la filature des matières premières, le tissage, le blanchiment, l'impression des toiles ? Ces établissements ont plus hâté le progrès des teintures en peu d'années, que toutes les autres manufactures en un siècle ».
« Or, existe-t-il maintenant, dit à ce sujet Roland De La Platière, qui avait recueilli ces plaintes comme inspecteur général des manufactures, existe-t-il un seul homme assez insensé pour dire que les manufactures de toiles peintes n'ont pas répandu en France une main-d'œuvre prodigieuse, par la préparation et la filature des matières premières, le tissage, le blanchiment, l'impression des toiles ? Ces établissements ont plus hâté le progrès des teintures en peu d'années, que toutes les autres manufactures en un siècle ».


Je prie qu'on s'arrête un moment à considérer ce qu'il faut de fermeté dans une administration, et de vraies lumières sur ce qui fait la prospérité de l'État, pour résister à une clameur qui paraît si générale, et qui est appuyée auprès des agents principaux de l'autorité par d'autres moyens encore que par des motifs d'utilité publique… Quoique les gouvernements aient trop souvent présumé qu'ils pouvaient, utilement pour la richesse générale, déterminer les produits de l'agriculture et des manufactures, ils s'en sont cependant beaucoup moins mêlés que des produits commerciaux, surtout des produits commerciaux étrangers. C'est la suite d'un système général, qu'on désigne par le nom de ''système exclusif'' ou ''mercantile'', et qui fonde les gains d'une nation sur ce qu'on appelle dans ce système une balance favorable du commerce.
Je prie qu'on s'arrête un moment à considérer ce qu'il faut de fermeté dans une administration, et de vraies lumières sur ce qui fait la prospérité de l'État, pour résister à une clameur qui paraît si générale, et qui est appuyée auprès des agents principaux de l'autorité par d'autres moyens encore que par des motifs d'utilité publique… Quoique les gouvernements aient trop souvent présumé qu'ils pouvaient, utilement pour la richesse générale, déterminer les produits de l'agriculture et des manufactures, ils s'en sont cependant beaucoup moins mêlés que des produits commerciaux, surtout des produits commerciaux étrangers. C'est la suite d'un système général, qu'on désigne par le nom de ''système exclusif'' ou ''mercantile'', et qui fonde les gains d'une nation sur ce qu'on appelle dans ce système une balance favorable du commerce.
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Quelles sont les fonctions des métaux précieux dans la société ? Façonnés en bijoux, en ustensiles, ils servent à l'ornement de nos personnes, de nos maisons, et à plusieurs usages domestiques. Les boîtes de nos montres, nos cuillères, nos fourchettes, nos plats, nos cafetières, en sont faits ; étendus en feuilles minces, ils embellissent plusieurs sortes d'encadrements ; ils relèvent la reliure de nos livres, etc. Sous ces formes diverses, ils font partie du capital de la société, de cette portion du capital qui ne porte point d'intérêt, ou plutôt qui est productive d'utilité ou d'agrément.
Quelles sont les fonctions des métaux précieux dans la société ? Façonnés en bijoux, en ustensiles, ils servent à l'ornement de nos personnes, de nos maisons, et à plusieurs usages domestiques. Les boîtes de nos montres, nos cuillères, nos fourchettes, nos plats, nos cafetières, en sont faits ; étendus en feuilles minces, ils embellissent plusieurs sortes d'encadrements ; ils relèvent la reliure de nos livres, etc. Sous ces formes diverses, ils font partie du capital de la société, de cette portion du capital qui ne porte point d'intérêt, ou plutôt qui est productive d'utilité ou d'agrément.


Il est sans doute avantageux pour une nation que les matières dont se compose ce capital soient à bon compte et en abondance. La jouissance qui en résulte est alors acquise à meilleur marché ; elle est plus répandue. Beaucoup de modestes ménages qui ont actuellement des couverts d'argent, n'en auraient pas si l'Amérique n'avait pas été  écouverte. Mais il ne faut pas estimer cet avantage au-delà de sa véritable valeur : il y a des utilités supérieures à celles-là. Le verre des vitres qui nous défendent contre les rigueurs de l'hiver, nous est d'un bien plus grand service que quelque ustensile d'argent que ce soit. On ne s'est pourtant jamais avisé d'en favoriser l'importation ou la production par des faveurs spéciales.
Il est sans doute avantageux pour une nation que les matières dont se compose ce capital soient à bon compte et en abondance. La jouissance qui en résulte est alors acquise à meilleur marché ; elle est plus répandue. Beaucoup de modestes ménages qui ont actuellement des couverts d'argent, n'en auraient pas si l'Amérique n'avait pas été  découverte. Mais il ne faut pas estimer cet avantage au-delà de sa véritable valeur : il y a des utilités supérieures à celles-là. Le verre des vitres qui nous défendent contre les rigueurs de l'hiver, nous est d'un bien plus grand service que quelque ustensile d'argent que ce soit. On ne s'est pourtant jamais avisé d'en favoriser l'importation ou la production par des faveurs spéciales.


L'autre usage des métaux précieux est de servir à la fabrication des monnaies, de cette portion du capital de la société, qui s'emploie à faciliter les échanges que les hommes font entre eux des valeurs qu'ils possèdent déjà. Pour cet usage, est-il avantageux que la matière dont on se sert soit abondante et peu chère ? La nation où cette matière abonde est-elle plus riche que celle où cette matière est rare ?
L'autre usage des métaux précieux est de servir à la fabrication des monnaies, de cette portion du capital de la société, qui s'emploie à faciliter les échanges que les hommes font entre eux des valeurs qu'ils possèdent déjà. Pour cet usage, est-il avantageux que la matière dont on se sert soit abondante et peu chère ? La nation où cette matière abonde est-elle plus riche que celle où cette matière est rare ?
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Mais cet avantage de la monnaie, dans les relations entre particuliers, n'en est plus un de nation à nation. Dans ces dernières relations, la monnaie, et encore plus les métaux non monnayés, perdent l'avantage que leur qualité de monnaie leur donne aux yeux des particuliers ; ils rentrent dans la classe des autres marchandises. Le négociant qui a des retours à attendre de l'étranger, ne considère autre chose que le gain qu'il pourra faire sur ces retours, et ne regarde les métaux précieux qu'il en pourrait recevoir, que comme une marchandise dont il se défera avec plus ou moins de bénéfice ; il ne redoute point, lui, une marchandise parce qu'elle réclamera encore un échange, puisque son métier est de faire des échanges, pourvu qu'ils lui soient profitables.
Mais cet avantage de la monnaie, dans les relations entre particuliers, n'en est plus un de nation à nation. Dans ces dernières relations, la monnaie, et encore plus les métaux non monnayés, perdent l'avantage que leur qualité de monnaie leur donne aux yeux des particuliers ; ils rentrent dans la classe des autres marchandises. Le négociant qui a des retours à attendre de l'étranger, ne considère autre chose que le gain qu'il pourra faire sur ces retours, et ne regarde les métaux précieux qu'il en pourrait recevoir, que comme une marchandise dont il se défera avec plus ou moins de bénéfice ; il ne redoute point, lui, une marchandise parce qu'elle réclamera encore un échange, puisque son métier est de faire des échanges, pourvu qu'ils lui soient profitables.


Un particulier aime encore à recevoir de l'argent plutôt que de la marchandise, parce qu'il sait mieux ainsi la valeur de ce qu'il reçoit ; mais un négociant, qui connaît le prix-courant des marchandises dans les principales villes du monde, ne se méprend pas sur la valeur qu'on lui paie, quelle que soit la forme matérielle sous laquelle on lui présente cette valeur.
Un particulier aime encore à recevoir de l'argent plutôt que de la marchandise, parce qu'il sait mieux ainsi la valeur de ce qu'il reçoit ; mais un négociant, qui connaît le prix courant des marchandises dans les principales villes du monde, ne se méprend pas sur la valeur qu'on lui paie, quelle que soit la forme matérielle sous laquelle on lui présente cette valeur.


Un particulier peut être appelé à liquider sa fortune pour lui donner une autre direction, pour faire des partages, etc. : une nation n'est jamais dans ce cas-là ; et quant aux liquidations, aux ventes que les particuliers ont à faire, que leur importe la valeur de la monnaie ? Si elle est rare et chère, on leur en donne moins pour ce qu'ils ont à vendre, mais ils en donnent moins pour ce qu'ils ont à acheter. Quelle qu'ait été dans un achat, dans une liquidation, la valeur de la monnaie qu'on a employée, on l'a donnée pour ce qu'on l'a reçue, et, l'affaire terminée, on n'en est ni plus pauvre ni plus riche. La perte ou le gain viennent de la valeur relative des deux marchandises vendues et achetées, et non de l'intermédiaire dont on s'est servi.
Un particulier peut être appelé à liquider sa fortune pour lui donner une autre direction, pour faire des partages, etc. : une nation n'est jamais dans ce cas-là ; et quant aux liquidations, aux ventes que les particuliers ont à faire, que leur importe la valeur de la monnaie ? Si elle est rare et chère, on leur en donne moins pour ce qu'ils ont à vendre, mais ils en donnent moins pour ce qu'ils ont à acheter. Quelle qu'ait été dans un achat, dans une liquidation, la valeur de la monnaie qu'on a employée, on l'a donnée pour ce qu'on l'a reçue, et, l'affaire terminée, on n'en est ni plus pauvre ni plus riche. La perte ou le gain viennent de la valeur relative des deux marchandises vendues et achetées, et non de l'intermédiaire dont on s'est servi.
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De toutes manières, les avantages que les particuliers trouvent à recevoir du numéraire préférablement à des marchandises, ne sont rien pour les nations. Lorsqu'une nation n'en a pas la quantité qui lui est nécessaire, sa valeur augmente, et les étrangers comme les nationaux sont intéressés à lui en apporter ; lorsqu'il est surabondant, sa valeur baisse par rapport aux autres marchandises, et il convient de l'envoyer au loin, où il peut procurer des valeurs supérieures à ce qu'il peut procurer dans le pays. Si on le force à rester, on force à garder des matières qui sont à charge à leurs possesseurs.
De toutes manières, les avantages que les particuliers trouvent à recevoir du numéraire préférablement à des marchandises, ne sont rien pour les nations. Lorsqu'une nation n'en a pas la quantité qui lui est nécessaire, sa valeur augmente, et les étrangers comme les nationaux sont intéressés à lui en apporter ; lorsqu'il est surabondant, sa valeur baisse par rapport aux autres marchandises, et il convient de l'envoyer au loin, où il peut procurer des valeurs supérieures à ce qu'il peut procurer dans le pays. Si on le force à rester, on force à garder des matières qui sont à charge à leurs possesseurs.


On pourrait peut-être en rester là sur la balance du commerce ; mais ces idées sont encore si peu familières, je ne dirai pas au vulgaire seulement, mais même à des écrivains et à des administrateurs recommandables par la pureté de leurs intentions et par des connaissances d'ailleurs très-variées, qu'il peut être à propos de mettre le lecteur à portée de signaler le vice de certains raisonnements, bien fréquemment opposés aux principes libéraux, et qui malheureusement servent de base à la législation des principaux États de l'Europe. Je réduirai toujours les objections aux termes les plus simples et les plus clairs, afin qu'on juge plus aisément de leur importance.
On pourrait peut-être en rester là sur la balance du commerce ; mais ces idées sont encore si peu familières, je ne dirai pas au vulgaire seulement, mais même à des écrivains et à des administrateurs recommandables par la pureté de leurs intentions et par des connaissances d'ailleurs très variées, qu'il peut être à propos de mettre le lecteur à portée de signaler le vice de certains raisonnements, bien fréquemment opposés aux principes libéraux, et qui malheureusement servent de base à la législation des principaux États de l'Europe. Je réduirai toujours les objections aux termes les plus simples et les plus clairs, afin qu'on juge plus aisément de leur importance.


On dit qu'en augmentant, par une balance favorable du commerce, la masse du numéraire, on augmente la masse des capitaux du pays ; et qu'en le laissant écouler, on la diminue. Il faut donc répéter ici, en premier lieu, que la totalité du numéraire d'un pays ne fait pas partie de ses capitaux : l'argent qu'un cultivateur reçoit pour le prix de ses produits, qu'il porte ensuite au percepteur des contributions, qui parvient au trésor public, qui est employé ensuite à payer un militaire ou un juge, qui est dépensé par eux pour la satisfaction de leurs besoins, ne fait partie d'aucun capital.  
On dit qu'en augmentant, par une balance favorable du commerce, la masse du numéraire, on augmente la masse des capitaux du pays ; et qu'en le laissant écouler, on la diminue. Il faut donc répéter ici, en premier lieu, que la totalité du numéraire d'un pays ne fait pas partie de ses capitaux : l'argent qu'un cultivateur reçoit pour le prix de ses produits, qu'il porte ensuite au percepteur des contributions, qui parvient au trésor public, qui est employé ensuite à payer un militaire ou un juge, qui est dépensé par eux pour la satisfaction de leurs besoins, ne fait partie d'aucun capital.  
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Il nous convient toujours de consommer les produits que l'étranger fournit meilleurs ou à meilleur compte que nous, bien assurés que nous sommes que l'étranger se paiera par les choses que nous produisons à meilleur compte que lui. Je dis qu'''il se paiera ainsi'',  parce que ''la chose ne peut se passer d'aucune autre manière''.
Il nous convient toujours de consommer les produits que l'étranger fournit meilleurs ou à meilleur compte que nous, bien assurés que nous sommes que l'étranger se paiera par les choses que nous produisons à meilleur compte que lui. Je dis qu'''il se paiera ainsi'',  parce que ''la chose ne peut se passer d'aucune autre manière''.


On a dit (car que n'a-t-on pas dit pour obscurcir toutes ces questions ! ) que la plupart des consommateurs étant en même temps producteurs, les prohibitions, les monopoles leur font gagner, sous cette dernière qualité, ce qu'ils perdent sous l'autre ; que le producteur qui fait un gain-monopole sur l'objet de son industrie, est victime d'un gain de la même espèce fait sur les denrées qui sont l'objet de sa consommation, qu'ainsi la nation se compose de dupeurs et de dupés qui n'ont plus rien à se reprocher. Et il est bon de remarquer que chacun se croit plutôt dupeur que dupé ; car, quoique chacun soit consommateur en même temps qu'il est producteur, les profits excessifs qu'on fait sur une seule espèce de denrée, celle qu'on produit, sont bien plus sensibles que les pertes multipliées, mais petites, qu'on fait sur mille denrées différentes que l'on consomme. Qu'on mette un droit d'entrée sur les toiles de coton : c'est, pour un citoyen d'une fortune médiocre, une augmentation de dépense de 12 à 15 francs par an, tout au plus ; augmentation de dépense qui n'est même pas, dans son esprit, bien claire et bien assurée, et qui le
On a dit (car que n'a-t-on pas dit pour obscurcir toutes ces questions !) que la plupart des consommateurs étant en même temps producteurs, les prohibitions, les monopoles leur font gagner, sous cette dernière qualité, ce qu'ils perdent sous l'autre ; que le producteur qui fait un gain-monopole sur l'objet de son industrie, est victime d'un gain de la même espèce fait sur les denrées qui sont l'objet de sa consommation, qu'ainsi la nation se compose de dupeurs et de dupés qui n'ont plus rien à se reprocher. Et il est bon de remarquer que chacun se croit plutôt dupeur que dupé ; car, quoique chacun soit consommateur en même temps qu'il est producteur, les profits excessifs qu'on fait sur une seule espèce de denrée, celle qu'on produit, sont bien plus sensibles que les pertes multipliées, mais petites, qu'on fait sur mille denrées différentes que l'on consomme. Qu'on mette un droit d'entrée sur les toiles de coton : c'est, pour un citoyen d'une fortune médiocre, une augmentation de dépense de 12 à 15 francs par an, tout au plus ; augmentation de dépense qui n'est même pas, dans son esprit, bien claire et bien assurée, et qui le frappe peu, quoiqu'elle soit répétée plus ou moins sur chacun des objets de sa consommation ; tandis que si ce particulier est fabricant de chapeaux, et qu'on mette un droit sur les chapeaux étrangers, il saura fort bien que ce droit enchérira les chapeaux de sa manufacture, et augmentera annuellement ses profits peut-être de plusieurs milliers de francs.
frappe peu, quoiqu'elle soit répétée plus ou moins sur chacun des objets de sa consommation ; tandis que si ce particulier est fabricant de chapeaux, et qu'on mette un droit sur les chapeaux étrangers, il saura fort bien que ce droit enchérira les chapeaux de sa manufacture, et augmentera annuellement ses profits peut-être de plusieurs milliers de francs.


C'est ainsi que l'intérêt personnel, lorsqu'il est peu éclairé (même en supposant tout le monde frappé dans sa consommation, plus encore que favorisé dans sa production), se déclare en faveur des prohibitions.
C'est ainsi que l'intérêt personnel, lorsqu'il est peu éclairé (même en supposant tout le monde frappé dans sa consommation, plus encore que favorisé dans sa production), se déclare en faveur des prohibitions.
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Revenons à notre sujet. Nous venons de voir quelle est l'espèce de tort que reçoit un pays des entraves qui empêchent les denrées étrangères de pénétrer dans son intérieur. C'est un tort du même genre que l'on cause au pays dont on prohibe les marchandises : on le prive de la faculté de tirer le parti le plus avantageux de ses capitaux et de son industrie ; mais il ne faut pas s'imaginer qu'on le ruine, qu'on lui ôte toute ressource, comme Bonaparte s'imaginait le faire en fermant le continent aux produits de
Revenons à notre sujet. Nous venons de voir quelle est l'espèce de tort que reçoit un pays des entraves qui empêchent les denrées étrangères de pénétrer dans son intérieur. C'est un tort du même genre que l'on cause au pays dont on prohibe les marchandises : on le prive de la faculté de tirer le parti le plus avantageux de ses capitaux et de son industrie ; mais il ne faut pas s'imaginer qu'on le ruine, qu'on lui ôte toute ressource, comme Bonaparte s'imaginait le faire en fermant le continent aux produits de
l'Angleterre. Outre que le blocus réel et complet d'un pays est une entreprise impossible, parce que tout le monde est intéressé à violer une semblable restriction, un pays n'est jamais exposé qu'à changer la nature de ses produits. Il peut toujours se les acheter tous lui-même, parce que les produits, ainsi qu'il a été prouvé, s'achètent toujours les uns par les autres. Vous réduisez l'Angleterre à ne plus exporter pour un million d'étoffes de laine ; croyez-vous l'empêcher de produire une valeur d'un million ? Vous êtes dans l'erreur ; elle emploiera les mêmes capitaux, une main-d'oeuvre équivalente, à fabriquer, au lieu de casimirs peut-être, des esprits ardents avec ses grains et ses pommes de terre ; dès lors elle cessera d'acheter avec ses casimirs des eaux-de-vie de France. De toutes manières un pays consomme toujours les valeurs qu'il produit, soit directement, soit après un échange, et il ne saurait consommer que cela. Vous rendez l'échange impossible : il faut donc qu'il produise des valeurs telles qu'il puisse les consommer directement. Voilà le fruit des prohibitions : on est plus mal accommodé de part et d'autre, et l'on n'en est pas plus riche.
l'Angleterre. Outre que le blocus réel et complet d'un pays est une entreprise impossible, parce que tout le monde est intéressé à violer une semblable restriction, un pays n'est jamais exposé qu'à changer la nature de ses produits. Il peut toujours se les acheter tous lui-même, parce que les produits, ainsi qu'il a été prouvé, s'achètent toujours les uns par les autres. Vous réduisez l'Angleterre à ne plus exporter pour un million d'étoffes de laine ; croyez-vous l'empêcher de produire une valeur d'un million ? Vous êtes dans l'erreur ; elle emploiera les mêmes capitaux, une main-d'œuvre équivalente, à fabriquer, au lieu de casimirs peut-être, des esprits ardents avec ses grains et ses pommes de terre ; dès lors elle cessera d'acheter avec ses casimirs des eaux-de-vie de France. De toutes manières un pays consomme toujours les valeurs qu'il produit, soit directement, soit après un échange, et il ne saurait consommer que cela. Vous rendez l'échange impossible : il faut donc qu'il produise des valeurs telles qu'il puisse les consommer directement. Voilà le fruit des prohibitions : on est plus mal accommodé de part et d'autre, et l'on n'en est pas plus riche.


Napoléon fit certainement tort à l'Angleterre et au continent, en gênant, autant qu'il dépendit de lui, les relations réciproques de l'une et de l'autre : mais, d'un autre côté, il fit involontairement du bien au continent de l'Europe, en facilitant, par cette agrégation d'états continentaux, fruit de son ambition, une communication plus intime entre ces différents états.
Napoléon fit certainement tort à l'Angleterre et au continent, en gênant, autant qu'il dépendit de lui, les relations réciproques de l'une et de l'autre : mais, d'un autre côté, il fit involontairement du bien au continent de l'Europe, en facilitant, par cette agrégation d'états continentaux, fruit de son ambition, une communication plus intime entre ces différents états.
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Souvent on a considéré les droits d'entrée et les prohibitions comme une représaille : ''votre nation met des entraves à l'introduction des produits de la nôtre ; ne sommes-nous pas autorisés à charger des mêmes entraves les produits de la vôtre'' ? Tel est l'argument qu'on fait valoir le plus souvent, et qui sert de base à la plupart des traités de commerce ; on se trompe sur l'objet de la question. On prétend que les nations sont autorisées à se faire tout le mal qu'elles peuvent : je l'accorde, quoique je n'en sois pas convaincu ; mais il ne s'agit pas ici de leurs droits, il s'agit de leurs intérêts.
Souvent on a considéré les droits d'entrée et les prohibitions comme une représaille : ''votre nation met des entraves à l'introduction des produits de la nôtre ; ne sommes-nous pas autorisés à charger des mêmes entraves les produits de la vôtre'' ? Tel est l'argument qu'on fait valoir le plus souvent, et qui sert de base à la plupart des traités de commerce ; on se trompe sur l'objet de la question. On prétend que les nations sont autorisées à se faire tout le mal qu'elles peuvent : je l'accorde, quoique je n'en sois pas convaincu ; mais il ne s'agit pas ici de leurs droits, il s'agit de leurs intérêts.


Une nation qui vous prive de la faculté de commercer chez elle, vous fait tort incontestablement : elle vous prive des avantages
Une nation qui vous prive de la faculté de commercer chez elle, vous fait tort incontestablement : elle vous prive des avantages du commerce extérieur par rapport à elle ; et en conséquence, si, en lui faisant craindre pour elle-même un tort pareil, vous pouvez la déterminer à renverser les barrières qu'elle vous oppose, sans doute on peut approuver un tel moyen comme une mesure purement politique. Mais cette représaille, qui est préjudiciable à votre rivale, est aussi préjudiciable à vous-même. Ce n'est point une défense de vos propres intérêts que vous opposez à une précaution intéressée prise par vos rivaux ; c'est un tort que vous vous faites pour leur en faire un autre. Vous vous interdisez des relations utiles, afin de leur interdire des relations utiles. Il ne s'agit plus que de savoir à quel point vous chérissez la vengeance, et combien vous consentez qu'elle vous coûte.
du commerce extérieur par rapport à elle ; et en conséquence, si, en lui faisant craindre pour elle-même un tort pareil, vous pouvez la déterminer à renverser les barrières qu'elle vous oppose, sans doute on peut approuver un tel moyen comme une mesure purement politique. Mais cette représaille, qui est préjudiciable à votre rivale, est aussi préjudiciable à vous-même. Ce n'est point une défense de vos propres intérêts que vous opposez à une précaution intéressée prise par vos rivaux ; c'est un tort que vous vous faites pour leur en faire un autre. Vous vous interdisez des relations utiles, afin de leur interdire des relations utiles. Il ne s'agit plus que de savoir à quel point vous chérissez la vengeance, et combien vous consentez qu'elle vous coûte.


Je n'entreprendrai pas de signaler tous les inconvénients qui accompagnent les traités de commerce ; il faudrait en rapprocher les clauses qu'on y consacre le plus communément, avec les principes établis partout dans cet ouvrage. Je me bornerai à remarquer que presque tous les traités de commerce qu'on a faits chez les modernes, sont basés sur l'avantage et la possibilité prétendus de solder la balance commerciale avec des espèces.
Je n'entreprendrai pas de signaler tous les inconvénients qui accompagnent les traités de commerce ; il faudrait en rapprocher les clauses qu'on y consacre le plus communément, avec les principes établis partout dans cet ouvrage. Je me bornerai à remarquer que presque tous les traités de commerce qu'on a faits chez les modernes, sont basés sur l'avantage et la possibilité prétendus de solder la balance commerciale avec des espèces.
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==== II. Effets des règlements qui déterminent le mode de production ====
==== II. Effets des règlements qui déterminent le mode de production ====


Lorsque les gouvernements se sont occupés des procédés de l'industrie agricole, leur intervention a presque toujours été favorable. L'impossibilité de diriger les procédés variés de l'agriculture, la multiplicité des gens qu'elle occupe souvent isolément sur toute l'étendue d'un territoire et dans une multitude d'entreprises séparées, depuis les grandes fermes jusqu'aux jardins des plus petits villageois, le peu de valeur ses produits relativement à leur volume, toutes ces circonstances, qui tiennent à la nature de la chose, ont heureusement rendu impossibles les règlements qui auraient gêné les industrieux. Les gouvernements animés de l'amour du bien public ont dû en conséquence se borner à distribuer des prix et des encouragements, et à répandre des instructions qui, souvent, ont contribué très-efficacement aux progrès de cet art. L'école vétérinaire d'Alfort, la ferme expérimentale de Rambouillet, l'introduction des mérinos, sont pour l'agriculture française de véritables bienfaits, dont elle doit l'extension et le perfectionnement à la sollicitude des diverses administrations qui, du sein des orages politiques, ont gouverné la France.
Lorsque les gouvernements se sont occupés des procédés de l'industrie agricole, leur intervention a presque toujours été favorable. L'impossibilité de diriger les procédés variés de l'agriculture, la multiplicité des gens qu'elle occupe souvent isolément sur toute l'étendue d'un territoire et dans une multitude d'entreprises séparées, depuis les grandes fermes jusqu'aux jardins des plus petits villageois, le peu de valeur ses produits relativement à leur volume, toutes ces circonstances, qui tiennent à la nature de la chose, ont heureusement rendu impossibles les règlements qui auraient gêné les industrieux. Les gouvernements animés de l'amour du bien public ont dû en conséquence se borner à distribuer des prix et des encouragements, et à répandre des instructions qui, souvent, ont contribué très efficacement aux progrès de cet art. L'école vétérinaire d'Alfort, la ferme expérimentale de Rambouillet, l'introduction des mérinos, sont pour l'agriculture française de véritables bienfaits, dont elle doit l'extension et le perfectionnement à la sollicitude des diverses administrations qui, du sein des orages politiques, ont gouverné la France.


Quand l'administration veille à l'entretien des communications, lorsqu'elle protège les récoltes, lorsqu'elle punit les négligences coupables, comme le défaut d'échenillage des arbres, elle produit un bien analogue à celui qu'elle opère par le maintien de la tranquillité et des propriétés, qui est si favorable, ou plutôt si indispensable pour la production.
Quand l'administration veille à l'entretien des communications, lorsqu'elle protège les récoltes, lorsqu'elle punit les négligences coupables, comme le défaut d'échenillage des arbres, elle produit un bien analogue à celui qu'elle opère par le maintien de la tranquillité et des propriétés, qui est si favorable, ou plutôt si indispensable pour la production.
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On ne peut se dissimuler cependant qu'il n'y ait des inconvénients graves à ruiner dans un pays (même dans celui où les approvisionnements du commerce sont faciles) la culture des céréales. La nourriture est le premier besoin des peuples, et il n'est pas prudent de se mettre dans la nécessité de la tirer de trop loin. Des lois qui prohibent l'entrée des blés pour protéger les intérêts du fermier aux dépens des manufacturiers, sont des lois fâcheuses, j'en conviens ; mais des impôts excessifs, des emprunts, une diplomatie, une cour, et des armées ruineuses, sont des circonstances fâcheuses aussi, et qui pèsent sur le cultivateur plus que sur le manufacturier. Il faut bien rétablir, par un abus, l'équilibre naturel rompu par d'autres abus ; autrement tous les laboureurs se changeraient en artisans, et l'existence du corps social deviendrait trop précaire.
On ne peut se dissimuler cependant qu'il n'y ait des inconvénients graves à ruiner dans un pays (même dans celui où les approvisionnements du commerce sont faciles) la culture des céréales. La nourriture est le premier besoin des peuples, et il n'est pas prudent de se mettre dans la nécessité de la tirer de trop loin. Des lois qui prohibent l'entrée des blés pour protéger les intérêts du fermier aux dépens des manufacturiers, sont des lois fâcheuses, j'en conviens ; mais des impôts excessifs, des emprunts, une diplomatie, une cour, et des armées ruineuses, sont des circonstances fâcheuses aussi, et qui pèsent sur le cultivateur plus que sur le manufacturier. Il faut bien rétablir, par un abus, l'équilibre naturel rompu par d'autres abus ; autrement tous les laboureurs se changeraient en artisans, et l'existence du corps social deviendrait trop précaire.
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