Différences entre les versions de « Les systèmes socialistes et l'évolution économique - Première partie : Les théories. Les systèmes de société socialiste - Livre II : Des formes socialistes qui conservent la valeur régie par l’offre et la demande »

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la valeur se déterminerait d'une façon toute différente; aussi peut-on
la valeur se déterminerait d'une façon toute différente; aussi peut-on
se demander si cette monnaie serait encore possible dans ces conditions.
se demander si cette monnaie serait encore possible dans ces conditions.
''
* § III – Incompatibilité d'une unité de valeur purement idéale
avec le jeu de l'offre et de la demande.''
Le régime de la valeur, dans les diverses variétés du collectivisme
qui cherchent à combiner la monnaie en bons sociaux avec l'offre et
la demande, diffère à la fois du mode actuel et du mode collectiviste.
Il est essentiel d'en bien saisir les caractères propres.
L'unité de valeur ne serait plus, comme aujourd'hui, une marchandise
matérielle déterminée, un certain poids d'or ou d'argent,
tirant de la valeur d'usage de sa matière spécifique une certaine
valeur d'échange variable vis-à-vis des marchandises. Elle ne serait
pas non plus un billet de papier convertible à vue, simple titre représentatif
circulant à la place des espèces, et confondant sa valeur
avec celle de l'or qu'il permet d'obtenir instantanément. Le bon de
papier ne ressemblerait même pas au papier-monnaie ordinaire
momentanément inconvertible, qui porte désignation d'espèces, et qui
constitue une promesse plus ou moins solide de payer en numéraire,
à échéance indéterminée, la somme désignée sur sa vignette. Un
billet de cent francs auquel l'État donne cours forcé peut être plus
ou moins déprécié à cause de son inconvertibilité; néanmoins, toute
la vateur qu'il porte, il la doit à l'éventualité plus ou moins précaire
d'un remboursement, et il la perdrait totalement, si toute chance de
reprise des paiements en espèces venait à disparaître. La valeur du
papier-monnaie inconvertible, dans la mesure où elle existe, est
donc elle-même dérivée, empruntée tout entière à celle de l'or; la
monnaie-marchandise en métal, celle qui tire toute sa valeur de son
utilité comme marchandise, reste la base de toute mesure de la
valeur; c'est toujours elle qui, derrière l'étalon direct des prix et
d'une façon invisible, joue le rôle d'étalon essentiel et autonome,
auquel l'étalon de papier suspend sa valeur amoindrie. En un mot,
dans toutes les sociétés et sous tous les régimes monétaires, la mesure
de la valeur n'a jamais été donnée, jusqu'ici, que par une monnaie-marchandise.
Rien de tel dans le régime qui nous occupe. Le bon de circulation
est un papier sans désignation d'espèces, sans relation aucune avec
l'or ou toute autre marchandise, sans éventualité de remboursement
en espèces; c'est une monnaie parfaitement autonome qui doit se
suffire à elle-même. Evidemment une pareille monnaie, qui n'a de
valeur ni par sa matière propre, ni par assignation sur une marchandise
déterminée, ne peut être qu'un simple signe; c'est le symbole d'une unité de valeur purement abstraite, conçue par l'esprit
indépendamment de toute détermination physique; c'est un porte-valeur
symbolique, qui représente par convention une certaine grandeur
de la substance valeur, grandeur arbitrairement fixée pour
servir d'étalon comme mesure des valeurs, grandeur uniforme et
invariable dans le temps et dans l'espace. Aussi le signe lui-même
n'a-t-il rien d'essentiel; sa matière, son existence même, n'ont aucune
importance; tous les mouvements de valeur pourraient s'opérer au
besoin par de simples jeux d'écriture, dans lesquels les chiffres désigneraient
l'unité idéale, sans aucun rapport avec un certain poids
de métal ou une certaine unité de marchandise prise comme terme
commun des rapports de valeur.
Telle nous apparaît, dans sa nature essentielle, l'unité de valeur
des systèmes que nous étudions : une unité de mesure immatérielle,
représentée dans la circulation par une monnaie purement symbolique.
Il semble que cette analyse soit déjà suffisante pour en faire
ressortir le caractère utopique. Et pourtant, nous n'avons pas soulevé
d'objection théorique contre l'usage des bons de travail,
lorsque nous avons exposé la critique du collectivisme ordinaire.
L'unité de valeur collectiviste n'est-elle pas aussi de nature immatérielle
?
Il est vrai; mais elle se présente dans de tout autres conditions,
qui rendent possible, au moins en théorie, la circulation des bons de
travail. L'unité de valeur du collectivisme pur est bien elle-même,
jusqu'à un certain point, une unité idéale, puisqu'elle est constituée
par l'heure de travail social ou moyen, qui n'est qu'une abstraction.
Cette unité, déterminée par de multiples calculs de moyennes et à la
suite de diverses déductions pour les charges publiques, est aussi
une abstraction; peut-être même ne correspond-elle jamais à l'heure
de travail effectif, dans aucun des cas individuels où elle sert à
mesurer la valeur. Néanmoins, on conçoit encore, à la rigueur, que
le système collectiviste ordinaire puisse fonctionner, parce que la
taxation des valeurs s'y fait d'après des règles fixes qui s'exercent sur
des éléments appréciables. Sans doute, personne ne peut se représenter,
par une image saisissable, la grandeur de l'unité abstraite de
la valeur-travail; mais, au moins, l'unité de valeur qui doit permettre
à l'autorité publique de taxer les travaux et les produits est
construite suivant des règles de calcul qui se basent sur des données
concrètes. Très probablement, ces règles seraient impraticables,
à cause de la complication du calcul des moyennes. Le calcul n'en
est pas moins théoriquement possible, parce qu'il opère sur deux
éléments matériels : l'heure, division du temps, et les travaux individuels.
Si l'on divise, en effet, la somme des produits individuels
d'un certain genre par la somme des heures de travail consacrées à
leur production, on obtient le produit-type d'une heure de travail
social. L'autorité chargée de la taxation peut donc suivre la règle de
calcul qui lui est prescrite, et fixer la valeur des travaux individuels
et de leurs produits par comparaison avec le type concret qui sert
d'étalon de leur côté, les travailleurs savent exactement ce qu'ils
doivent recevoir, et les consommateurs ce qu'ils doivent payer.
Au contraire, le mécanisme de la valeur me paraît impossible,
même théoriquement, dans tout système qui, comme celui de
JM. Sulzer ou même de M. Georges Renard, adopte comme étalon un
simple signe de valeur abstraite, tout en faisant une place plus ou
moins large à l'offre et à la demande.
Ce n'est pas que l'équilibre entre les bons émis par l'Administration
et les prix des produits, équilibre certainement difficile à
observer dans le collectivisme pur, soit absolument impossible dans
le nouveau système. Des valeurs qui varient librement suivant l'offre
et la demande et qui, en conséquence, se fixent à des taux différents
pour les travaux et les produits, seraient sans doute plus difficiles à
maintenir en équilibre que des valeurs qui sont taxées d'office suivant
une règle uniforme pour les travaux et les produits. Néanmoins,
une Administration habile et rigoureuse pourrait peut-être y
réussir encore, à la condition de ne pas laisser les prix de revient
dépasser les prix de vente, ni les dépenses administratives dépasser
les recettes nettes.
Mais le véritable vice du système tient à la nature purement
abstraite de l'unité de valeur. J'ai cherché à montrer, dans une étude
antérieure sur ''La mesure de la valeur'', qu'une unité de valeur absolument
idéale est un non-sens, parce que l'absolu nous échappe nécessairement.
On conçoit encore une unité de mesure idéale, quand
elle peut être construite au moyen d'éléments matériels et tangibles
fournissant les bases d'un calcul mathématique; c'est le cas du mètre
cube, unité de volume qui n'est représentée par aucun objet matériel,
mais qui peut être obtenue par un calcul prenant pour base le
mètre de platine déposé aux Arts et Métiers; c'est aussi le cas, nous
l'avons vu, pour l'unité de valeur collectiviste. Mais l'unité de
mesure de M. Sulzer n'est plus l'heure de travail social, lors même
qu'elle continue à en porter le nom; le travail cesse d'être la substance
créatrice et la mesure de la valeur, puisque les variations de
l'offre et de la demande entraînent constamment la valeur en dehors
du coût mesuré en travail social; l'unité de valeur, affranchie de
toute règle de calcul et de toute attache matérielle, même indirecte,,
devient absolument idéale. Or, une grandeur de cette nature est en
dehors des limites de l'intelligence humaine.
Si ces unités de valeur, représentées par des certificats, sont insaisissables
et ne figurent rien à l'esprit, comment pourrait-on s'en
servir dans les échanges? Sur quelle base estimerait-on qu'une marchandise
vaut deux ou trois certificats, si ces chiffons de papier ne
sont que les symboles d'une valeur qui n'a de corps nulle part?
Comment le public et l'Administration elle-même, ayant à établir
les prix en dehors de toute règle mathématique de taxation, pourraient-
ils apprécier le nombre d'unités qu'il conviendrait d'offrir ou
de demander comme prix des travaux et des marchandises? Car
cette appréciation serait toujours nécessaire, non seulement si les
salaires et les prix devaient sortir des enchères, mais même s'ils
étaient taxés par l'Administration; la taxe, en pareil cas, ne serait
qu'une indication du salaire offert ou du prix demandé par l'Administration
d'après l'état du marché; elle serait établie sans autre
régie que l'obligation de se conformer à des courants d'opinion, et
resterait subordonnée à leurs variations. Dans ces conditions, il me
paraît évident que la monnaie-signe, inintelligible pour tous, n'aurait
aucune valeur et ne pénétrerait pas dans la circulation; les comptes
ne pourraient pas s'établir en unités idéales, et l'usage s'établirait
infailliblement de mesurer les valeurs sur une tierce marchandise, monnaie métallique émise par des banques privées ou billets convertibles
revêtus de leur signature.
Toute combinaison tendant à faire jouer l'offre et la demande sur
des unités de compte abstraites est impraticable, parce que toute
recherche de l'absolu est théoriquement irrationnelle et condamnée
à l'insuccès.
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