Différences entre les versions de « Max Stirner: § 2. Les Possédés »

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religion doit être une éthique, l'éthique est la seule religion. » Feuerbach se contente
religion doit être une éthique, l'éthique est la seule religion. » Feuerbach se contente
de renverser l'ordre du prédicat et du sujet, de faire un usteron proteron logique.
de renverser l'ordre du prédicat et du sujet, de faire un usteron proteron logique.
Comme il le dit lui-même : « L'amour n'est pas sacré (et n'a jamais passé pour
Comme il le dit lui-même : « L'amour n'est pas sacré (et n'a jamais passé pour
sacré aux yeux des hommes) parce qu'il est un prédicat de Dieu, mais il est un
sacré aux yeux des hommes) parce qu'il est un prédicat de Dieu, mais il est un
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le divin ? Et si, comme il le dit, l'essentiel pour eux n'a jamais été Dieu, mais ses seuls
le divin ? Et si, comme il le dit, l'essentiel pour eux n'a jamais été Dieu, mais ses seuls
prédicats, à quoi bon leur enlever le mot si on leur laisse la chose ?
prédicats, à quoi bon leur enlever le mot si on leur laisse la chose ?
Il proclame d'autre part que son but est « de détruire une illusion 1 », une illusion
 
pernicieuse « qui a si bien faussé l'homme, que l'amour même, son sentiment le plus
Il proclame d'autre part que son but est « de détruire une illusion <ref>Wesen des Christentums, zw, Aufl., p.408.</ref>», une illusionpernicieuse « qui a si bien faussé l'homme, que l'amour même, son sentiment le plus
intime et le plus vrai, est devenu, par le fait de la religiosité, vain et illusoire, vu que
intime et le plus vrai, est devenu, par le fait de la religiosité, vain et illusoire, vu que
l'amour religieux n'aime l'homme que par amour de Dieu, c'est-à-dire aime en
l'amour religieux n'aime l'homme que par amour de Dieu, c'est-à-dire aime en
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homme, ou par amour de la Moralité, de l'Homme en général, et, en définitive —
homme, ou par amour de la Moralité, de l'Homme en général, et, en définitive —
puisque Homo homini Deus —, par amour de Dieu ?
puisque Homo homini Deus —, par amour de Dieu ?
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La marotte se manifeste encore sous une foule d'autres formes ; il est nécessaire
La marotte se manifeste encore sous une foule d'autres formes ; il est nécessaire
d'en énumérer ici quelques-unes.
d'en énumérer ici quelques-unes.
Parmi elles, le renoncement, l'abnégation sont communs aux saints et aux nonsaints,
Parmi elles, le renoncement, l'abnégation sont communs aux saints et aux nonsaints,
aux purs et aux impurs.
aux purs et aux impurs.
L'impur renonce à tout bon sentiment, « renie » toute pudeur, tout respect humain;
L'impur renonce à tout bon sentiment, « renie » toute pudeur, tout respect humain;
il obéit en esclave docile à ses appétits. Le pur renonce au commerce du monde,
il obéit en esclave docile à ses appétits. Le pur renonce au commerce du monde,
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tyrannique idéal. De part et d'autre, même abnégation de soi-même : si le non-saint
tyrannique idéal. De part et d'autre, même abnégation de soi-même : si le non-saint
abdique devant Mammon, le saint abdique devant Dieu et les lois divines.
abdique devant Mammon, le saint abdique devant Dieu et les lois divines.
Nous vivons en un temps où l'impudence du Sacré se fait sentir et se révèle
Nous vivons en un temps où l'impudence du Sacré se fait sentir et se révèle
chaque jour davantage, parce qu'elle est chaque jour plus obligée de se découvrir et de
chaque jour davantage, parce qu'elle est chaque jour plus obligée de se découvrir et de
s'exposer. Peut-on rien imaginer qui surpasse en insolence et en stupidité les argu-
s'exposer. Peut-on rien imaginer qui surpasse en insolence et en stupidité les arguments que l'on oppose par exemple aux « progrès du temps »? La naïveté de leur
1 Wesen des Christentums, zw, Aufl., p.408.
Max Stirner (1845), L’unique et sa propriété 57
ments que l'on oppose par exemple aux « progrès du temps »? La naïveté de leur
effronterie passe depuis longtemps toute mesure et toute attente ; mais comment en
effronterie passe depuis longtemps toute mesure et toute attente ; mais comment en
serait-il autrement ? Saints et non-saints, tous ceux qui pratiquent l'abnégation doivent
serait-il autrement ? Saints et non-saints, tous ceux qui pratiquent l'abnégation doivent
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déshonorante sublimité. Le Mammon terrestre et le Dieu du ciel exigent exactement
déshonorante sublimité. Le Mammon terrestre et le Dieu du ciel exigent exactement
la même somme de — renoncement.
la même somme de — renoncement.
Le dégradé et le sublime aspirent tous deux à un « bien », l'un à un bien matériel,
Le dégradé et le sublime aspirent tous deux à un « bien », l'un à un bien matériel,
l'autre à un bien idéal, et finalement l'un complète l'autre, l' « homme de la Matière »
l'autre à un bien idéal, et finalement l'un complète l'autre, l' « homme de la Matière »
sacrifiant à sa vanité, but idéal, ce que l’ « homme de l'Esprit » sacrifie à une jouissance
sacrifiant à sa vanité, but idéal, ce que l’ « homme de l'Esprit » sacrifie à une jouissance
matérielle, le confort.
matérielle, le confort.
Ceux-là s'imaginent dire énormément qui placent dans le coeur de l'homme le
Ceux-là s'imaginent dire énormément qui placent dans le coeur de l'homme le
« désintéressement ». Qu'entendent-ils par là ? Quelque chose de très voisin de l’« abnégation
« désintéressement ». Qu'entendent-ils par là ? Quelque chose de très voisin de l’« abnégation
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cette abnégation désintéressée ? De nouveau à ton profit, à ton bénéfice, à charge
cette abnégation désintéressée ? De nouveau à ton profit, à ton bénéfice, à charge
simplement de poursuivre par désintéressement ton « véritable intérêt ».
simplement de poursuivre par désintéressement ton « véritable intérêt ».
On doit tirer profit de soi, mais ne pas chercher son, profit.
On doit tirer profit de soi, mais ne pas chercher son, profit.
Le bienfaiteur de l'humanité, comme Franke, le créateur des orphelinats, ou
Le bienfaiteur de l'humanité, comme Franke, le créateur des orphelinats, ou
O'Connell, l'infatigable défenseur de la cause irlandaise, passe pour désintéressé, de
O'Connell, l'infatigable défenseur de la cause irlandaise, passe pour désintéressé, de
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but : dans un cas comme dans l'autre il avait un intérêt, seulement il se trouvait que
but : dans un cas comme dans l'autre il avait un intérêt, seulement il se trouvait que
son intérêt national était utile à d'autres, ce qui en faisait un intérêt commun.
son intérêt national était utile à d'autres, ce qui en faisait un intérêt commun.
N'existe-t-il donc pas de désintéressement et ne peut-on jamais en rencontrer ? Au
N'existe-t-il donc pas de désintéressement et ne peut-on jamais en rencontrer ? Au
contraire, rien n'est plus commun ! On pourrait appeler le désintéressement un article
contraire, rien n'est plus commun ! On pourrait appeler le désintéressement un article
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; on le devient lorsqu'on pousse le cri du coeur des possédés : « Je suis comme ça,
; on le devient lorsqu'on pousse le cri du coeur des possédés : « Je suis comme ça,
je ne saurais être autrement, et qu'on applique à un but sacré un zèle sacré.
je ne saurais être autrement, et qu'on applique à un but sacré un zèle sacré.
Je ne suis pas désintéressé tant que mon but reste à moi et que je le laisse perpétuellement
Je ne suis pas désintéressé tant que mon but reste à moi et que je le laisse perpétuellement
en question au lieu de me faire l'instrument aveugle de son accomplisseMax
en question au lieu de me faire l'instrument aveugle de son accomplissement. Je peux ne pas déployer pour cela moins de zèle que le fanatique, mais tout
Stirner (1845), L’unique et sa propriété 58
ment. Je peux ne pas déployer pour cela moins de zèle que le fanatique, mais tout
mon zèle me laisse, en face de mon but, froid, calculateur, incroyant et hostile ; je
mon zèle me laisse, en face de mon but, froid, calculateur, incroyant et hostile ; je
reste son juge, parce que je suis son propriétaire.
reste son juge, parce que je suis son propriétaire.
Le désintéressement pullule là où règne la « possession », aussi bien sur les possessions
Le désintéressement pullule là où règne la « possession », aussi bien sur les possessions
du Diable que sur celles du bon Esprit : là, vice, folie, etc.; ici, résignation,
du Diable que sur celles du bon Esprit : là, vice, folie, etc.; ici, résignation,
soumission, etc.
soumission, etc.
Où tourner ses regards sans rencontrer quelque victime du renoncement ?
Où tourner ses regards sans rencontrer quelque victime du renoncement ?
En face de chez moi habite une jeune fille qui depuis tantôt dix ans offre à son
En face de chez moi habite une jeune fille qui depuis tantôt dix ans offre à son
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mortelle courbe aujourd'hui son front, et sa jeunesse saigne et meurt lentement sous
mortelle courbe aujourd'hui son front, et sa jeunesse saigne et meurt lentement sous
ses joues pâles.
ses joues pâles.
Pauvre enfant, que de fois les passions ont dû frapper à ton coeur, et réclamer pour
Pauvre enfant, que de fois les passions ont dû frapper à ton coeur, et réclamer pour
ton printemps une part de soleil et de joie ! Quand tu posais ta tête sur l'oreiller,
ton printemps une part de soleil et de joie ! Quand tu posais ta tête sur l'oreiller,
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dans tes artères! Toi seule le sais, et toi seule pourrais dire les ardentes rêveries qui
dans tes artères! Toi seule le sais, et toi seule pourrais dire les ardentes rêveries qui
faisaient s'allumer dans tes yeux la flamme du désir.
faisaient s'allumer dans tes yeux la flamme du désir.
Mais, soudain, à ton chevet se dressait un fantôme : l'Âme, le salut éternel !
Mais, soudain, à ton chevet se dressait un fantôme : l'Âme, le salut éternel !
Effrayée, tu joignais les mains, tu levais vers le ciel ton regard éploré, tu — priais.
Effrayée, tu joignais les mains, tu levais vers le ciel ton regard éploré, tu — priais.
Le tumulte de la nature s'apaisait et le calme immense de la mer s'appesantissait sur
Le tumulte de la nature s'apaisait et le calme immense de la mer s'appesantissait sur
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et — l'âme était en repos. Tu t'endormais, et le lendemain c'étaient de nouveaux combats
et — l'âme était en repos. Tu t'endormais, et le lendemain c'étaient de nouveaux combats
et — une nouvelle prière.
et — une nouvelle prière.
Aujourd'hui, l'habitude du renoncement a glacé l'ardeur de tes désirs et les rosés
Aujourd'hui, l'habitude du renoncement a glacé l'ardeur de tes désirs et les rosés
de ton printemps pâlissent au vent desséchant de ta félicité future. L'âme est sauve, le
de ton printemps pâlissent au vent desséchant de ta félicité future. L'âme est sauve, le
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sagesse ! Une grisette, libre et joyeuse, pour mille vieilles filles blanchies dans la
sagesse ! Une grisette, libre et joyeuse, pour mille vieilles filles blanchies dans la
vertu !
vertu !
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« Axiome, principe, point d'appui moral, autres formes sous lesquelles s'exprime
« Axiome, principe, point d'appui moral, autres formes sous lesquelles s'exprime
l'idée fixe.
l'idée fixe.
Archimède demandait, pour soulever la terre, un point d'appui en dehors d'elle.
Archimède demandait, pour soulever la terre, un point d'appui en dehors d'elle.
C'est ce point d'appui que les hommes ont sans cesse cherché et que chacun a pris où
C'est ce point d'appui que les hommes ont sans cesse cherché et que chacun a pris où
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le monde des idées, des pensées, des concepts, des essences, etc., c'est le Ciel. C'est
le monde des idées, des pensées, des concepts, des essences, etc., c'est le Ciel. C'est
sur le ciel qu'on s'appuie pour ébranler la terre, et c'est du ciel qu'on se penche pour
sur le ciel qu'on s'appuie pour ébranler la terre, et c'est du ciel qu'on se penche pour
Max Stirner (1845), L’unique et sa propriété 59
contempler les agitations terrestres et — les mépriser. S'assurer le ciel, s'assurer
contempler les agitations terrestres et — les mépriser. S'assurer le ciel, s'assurer
solidement et pour toujours le point d'appui céleste, combien a peiné pour cela la
solidement et pour toujours le point d'appui céleste, combien a peiné pour cela la
douloureuse et inlassable humanité !
douloureuse et inlassable humanité !
Le Christianisme s'est proposé de nous délivrer du déterminisme de la nature et de
Le Christianisme s'est proposé de nous délivrer du déterminisme de la nature et de
la fatalité des appétits, Son but était donc que l'homme ne se laissât plus déterminer
la fatalité des appétits, Son but était donc que l'homme ne se laissât plus déterminer
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désirs, de passions, etc., mais qu'il ne doit pas se laisser posséder par eux, qu'ils ne
désirs, de passions, etc., mais qu'il ne doit pas se laisser posséder par eux, qu'ils ne
doivent pas être dans sa vie des facteurs fixes, incoercibles et inéluctables.
doivent pas être dans sa vie des facteurs fixes, incoercibles et inéluctables.
Mais ce que le Christianisme (la Religion) a machiné contre les appétits, ne
Mais ce que le Christianisme (la Religion) a machiné contre les appétits, ne
serions-nous pas en droit de le retourner contre l'Esprit (pensées, représentations,
serions-nous pas en droit de le retourner contre l'Esprit (pensées, représentations,
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aurait pour effet de nous affranchir de l'Esprit, de nous délier du joug des représentations
aurait pour effet de nous affranchir de l'Esprit, de nous délier du joug des représentations
et des idées.
et des idées.
Le Christianisme disait : « Nous devons bien posséder des appétits, mais ces
Le Christianisme disait : « Nous devons bien posséder des appétits, mais ces
appétits ne doivent pas nous posséder. » Nous lui répondons : « Nous devons bien
appétits ne doivent pas nous posséder. » Nous lui répondons : « Nous devons bien
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