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{{titre|L’Unique et sa propriété|[[Max Stirner]]<br><small>(1845)</small>|I. La propriété}}
{{titre|L’Unique et sa propriété|[[Max Stirner]]<br><small>(1845)</small>|I. La propriété}}
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amour des hommes, car tu sais qu'ils pensent tous — comme toi : chacun est pour soimême
amour des hommes, car tu sais qu'ils pensent tous — comme toi : chacun est pour soimême
le prochain !
le prochain !
Comment feras-tu donc pour jouir de ces mets et de ces coussins qui te font
Comment feras-tu donc pour jouir de ces mets et de ces coussins qui te font
envie ? Il n'y a pas d'autre moyen que d'en faire ta — propriété !
envie ? Il n'y a pas d'autre moyen que d'en faire ta — propriété !
Lorsque tu y penses bien, ce que tu veux, ce n'est pas la liberté d'avoir toutes ces
Lorsque tu y penses bien, ce que tu veux, ce n'est pas la liberté d'avoir toutes ces
belles choses, car cette liberté ne te les donne pas encore ; ce que tu veux, ce sont ces
belles choses, car cette liberté ne te les donne pas encore ; ce que tu veux, ce sont ces
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À quoi te sert une liberté, si elle ne te donne rien ? D'ailleurs, si tu étais délivré de
À quoi te sert une liberté, si elle ne te donne rien ? D'ailleurs, si tu étais délivré de
tout, tu n'aurais plus rien, car la liberté est, par essence, vide de tout contenu. Elle
tout, tu n'aurais plus rien, car la liberté est, par essence, vide de tout contenu. Elle
Max Stirner (1845), L’unique et sa propriété 140
n'est qu'une vaine permission pour celui qui ne sait pas s'en servir ; et si je m'en sers,
n'est qu'une vaine permission pour celui qui ne sait pas s'en servir ; et si je m'en sers,
la manière dont j'en use ne dépend que de moi, de mon individualité.
la manière dont j'en use ne dépend que de moi, de mon individualité.
Je ne trouve rien à redire à la liberté, mais je te souhaite plus que de la liberté ; tu
Je ne trouve rien à redire à la liberté, mais je te souhaite plus que de la liberté ; tu
ne devrais pas être tout bonnement quitte de ce que tu ne veux pas, tu devrais aussi
ne devrais pas être tout bonnement quitte de ce que tu ne veux pas, tu devrais aussi
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Ce sont nos efforts vers la liberté comme vers quelque chose d'absolu, d'un
Ce sont nos efforts vers la liberté comme vers quelque chose d'absolu, d'un
prix infini, qui nous dépouillèrent de l'individualité en créant l'abnégation.
prix infini, qui nous dépouillèrent de l'individualité en créant l'abnégation.
Plus je suis libre, plus la contrainte s'élève comme une tour devant mes yeux et
Plus je suis libre, plus la contrainte s'élève comme une tour devant mes yeux et
plus je me sens impuissant. Le sauvage, dans sa simplicité, ne connaît encore rien des
plus je me sens impuissant. Le sauvage, dans sa simplicité, ne connaît encore rien des
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mes pas, déconcertent mes regards et me font plus douloureusement sentir les
mes pas, déconcertent mes regards et me font plus douloureusement sentir les
bornes de ma liberté. « Ainsi, ayant été affranchis du péché, vous êtes devenus
bornes de ma liberté. « Ainsi, ayant été affranchis du péché, vous êtes devenus
esclaves de la justice 1. »
esclaves de la justice <ref>Épître aux Romains, VI, 18.</ref>»
 
Les républicains, dans leur large liberté, ne sont-ils pas esclaves de la Loi ? Avec
Les républicains, dans leur large liberté, ne sont-ils pas esclaves de la Loi ? Avec
quelle avidité les coeurs vraiment chrétiens désirèrent de tout temps « être libres », et
quelle avidité les coeurs vraiment chrétiens désirèrent de tout temps « être libres », et
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cherchaient des yeux la terre promise de la liberté. « La Jérusalem de là-haut est libre,
cherchaient des yeux la terre promise de la liberté. « La Jérusalem de là-haut est libre,
et c'est elle qui est notre mère à tous. » (Galates, IV, 26.)
et c'est elle qui est notre mère à tous. » (Galates, IV, 26.)
Être libre de quelque chose signifie simplement en être quitte ou exempt. « Il est
Être libre de quelque chose signifie simplement en être quitte ou exempt. « Il est
libre de tout mal de tête »; égale : « il en est exempt, il n'a pas mal à la tête ; « il est
libre de tout mal de tête »; égale : « il en est exempt, il n'a pas mal à la tête ; « il est
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« sans », le « in » négatif : sans péché, innocent ; sans Dieu, impie ; sans moeurs,
« sans », le « in » négatif : sans péché, innocent ; sans Dieu, impie ; sans moeurs,
immoral.
immoral.
La liberté est la doctrine du Christianisme : « Vous êtes, chers frères, appelés à la
La liberté est la doctrine du Christianisme : « Vous êtes, chers frères, appelés à la
liberté 2. » « Réglez donc vos paroles et vos actions comme devant être jugées par la
liberté <ref>Ier épître de Pierre, II, 16.</ref>» « Réglez donc vos paroles et vos actions comme devant être jugées par la
loi de liberté 3. »
loi de liberté <ref>Épître de Jacques, II, 12.</ref>»
 
Devons-nous rejeter la liberté parce qu'elle se trahit comme un idéal chrétien ?
Devons-nous rejeter la liberté parce qu'elle se trahit comme un idéal chrétien ?
Non, il s'agit de ne rien perdre, pas plus la liberté qu'autre chose ; seulement elle doit
Non, il s'agit de ne rien perdre, pas plus la liberté qu'autre chose ; seulement elle doit
nous devenir propre, ce qui lui est impossible sous sa forme de liberté.
nous devenir propre, ce qui lui est impossible sous sa forme de liberté.
Quelle différence entre la liberté et l'Individualité ! On peut être sans bien des
Quelle différence entre la liberté et l'Individualité ! On peut être sans bien des
choses, mais on ne peut être sans rien ; on peut être libre de bien des choses, mais non
choses, mais on ne peut être sans rien ; on peut être libre de bien des choses, mais non
1 Épître aux Romains, VI, 18.
2 Ier épître de Pierre, II, 16.
3 Épître de Jacques, II, 12.
Max Stirner (1845), L’unique et sa propriété 141
être libre de tout. L'esclave même peut être intérieurement libre, mais seulement visà-
être libre de tout. L'esclave même peut être intérieurement libre, mais seulement visà-
vis de certaines choses et non de toutes ; comme esclave, il n'est pas libre vis-à-vis
vis de certaines choses et non de toutes ; comme esclave, il n'est pas libre vis-à-vis
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j'écraserai mon maître. Et si je suis alors libre de lui et de son fouet, ce ne sera que la
j'écraserai mon maître. Et si je suis alors libre de lui et de son fouet, ce ne sera que la
conséquence de mon égoïsme antérieur.
conséquence de mon égoïsme antérieur.
On me dira peut-être que, même esclave, j'étais « libre », que je possédais la
On me dira peut-être que, même esclave, j'étais « libre », que je possédais la
liberté « en soi », la liberté « intérieure ». Malheureusement, être « libre en soi » n'est
liberté « en soi », la liberté « intérieure ». Malheureusement, être « libre en soi » n'est
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ce cadavre n'est pas plus ma jambe qu'un chien mort n'est un chien : un chien a un
ce cadavre n'est pas plus ma jambe qu'un chien mort n'est un chien : un chien a un
coeur qui bat, et ce qu'on appelle un chien mort n'en a plus et n'est plus un chien.
coeur qui bat, et ce qu'on appelle un chien mort n'en a plus et n'est plus un chien.
Dire qu'un esclave peut être, malgré tout, intérieurement libre, c'est, en réalité,
Dire qu'un esclave peut être, malgré tout, intérieurement libre, c'est, en réalité,
émettre la plus vulgaire et la plus triviale des banalités. Qui pourrait, en effet, s'aviser
émettre la plus vulgaire et la plus triviale des banalités. Qui pourrait, en effet, s'aviser
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tout ce qui n'est pas chrétien ; mais est-il absolument libre, est-il délivré de tout, de
tout ce qui n'est pas chrétien ; mais est-il absolument libre, est-il délivré de tout, de
l'illusion chrétienne, de la douleur corporelle, etc.?
l'illusion chrétienne, de la douleur corporelle, etc.?
Il peut sembler, au premier abord, que tout ceci s'attaque au nom plutôt qu'à la
Il peut sembler, au premier abord, que tout ceci s'attaque au nom plutôt qu'à la
chose. Mais le nom est-il donc chose si indifférente, et n'est-ce pas toujours par un
chose. Mais le nom est-il donc chose si indifférente, et n'est-ce pas toujours par un
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qu'une pure différence de mots.
qu'une pure différence de mots.
Tout le monde tend vers la liberté, tous appellent son règne à grands cris. Qui n'a
Tout le monde tend vers la liberté, tous appellent son règne à grands cris. Qui n'a
été bercé par toi, ô rêve enchanteur d'un « règne de la Liberté », d'une radieuse « huMax
été bercé par toi, ô rêve enchanteur d'un « règne de la Liberté », d'une radieuse « humanité libre » ? Ainsi donc, les hommes seront libres, complètement libres, affranchis
Stirner (1845), L’unique et sa propriété 142
manité libre » ? Ainsi donc, les hommes seront libres, complètement libres, affranchis
de toute contrainte ? Vraiment de toute contrainte ? Ils ne pourront même plus se
de toute contrainte ? Vraiment de toute contrainte ? Ils ne pourront même plus se
contraindre eux-mêmes — Ah ! si, parfaitement, mais cela n'est pas une contrainte !
contraindre eux-mêmes — Ah ! si, parfaitement, mais cela n'est pas une contrainte !
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moralité, de la sévérité de la loi, de... — Voilà une terrible absurdité ! Mais de quoi
moralité, de la sévérité de la loi, de... — Voilà une terrible absurdité ! Mais de quoi
donc devez-vous et de quoi ne devez-vous pas être libres ?
donc devez-vous et de quoi ne devez-vous pas être libres ?
Le beau rêve s'envole ; réveillé, on se frotte les yeux et on regarde fixement le
Le beau rêve s'envole ; réveillé, on se frotte les yeux et on regarde fixement le
prosaïque questionneur. « De quoi les hommes doivent-ils être libres ? » — De la
prosaïque questionneur. « De quoi les hommes doivent-ils être libres ? » — De la
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sans mesure ». Bientôt, nous n'entendrons plus que le cliquetis des épées rivales de
sans mesure ». Bientôt, nous n'entendrons plus que le cliquetis des épées rivales de
tous ces amants de la liberté.
tous ces amants de la liberté.
Les luttes pour la liberté n'ont eu de tout temps pour objectif que la conquête
Les luttes pour la liberté n'ont eu de tout temps pour objectif que la conquête
d'une liberté déterminée, comme par exemple la liberté religieuse : l'homme religieux
d'une liberté déterminée, comme par exemple la liberté religieuse : l'homme religieux
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la liberté et voici ses paroles : « Ma captivité m'était devenue insupportable ; je
la liberté et voici ses paroles : « Ma captivité m'était devenue insupportable ; je
n'avais qu'une passion : conquérir la — liberté ; je ne pensais qu'à elle. »
n'avais qu'une passion : conquérir la — liberté ; je ne pensais qu'à elle. »
L'aspiration vers une liberté déterminée implique toujours la perspective d'une
L'aspiration vers une liberté déterminée implique toujours la perspective d'une
nouvelle domination ; la Révolution pouvait bien « inspirer à ses défenseurs le sublime
nouvelle domination ; la Révolution pouvait bien « inspirer à ses défenseurs le sublime
orgueil de combattre pour la Liberté », mais elle n'avait cependant en vue qu'une
orgueil de combattre pour la Liberté », mais elle n'avait cependant en vue qu'une
certaine liberté ; aussi en résulta-t-il une domination nouvelle, celle de la Loi.
certaine liberté ; aussi en résulta-t-il une domination nouvelle, celle de la Loi.
De la liberté, vous en voulez tous ; veuillez donc la liberté ! Pourquoi marchander
De la liberté, vous en voulez tous ; veuillez donc la liberté ! Pourquoi marchander
pour un plus ou un moins ? La liberté ne peut être que la liberté tout entière ; un bout
pour un plus ou un moins ? La liberté ne peut être que la liberté tout entière ; un bout
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souhaiter ? — Cessez donc de poursuivre un fantôme et tournez vos efforts vers un
souhaiter ? — Cessez donc de poursuivre un fantôme et tournez vos efforts vers un
but meilleur que — l'inaccessible.
but meilleur que — l'inaccessible.
« Non ! Rien ne vaut la liberté ! »
« Non ! Rien ne vaut la liberté ! »
Qu'aurez-vous donc, quand vous aurez la liberté ? — Bien entendu, je parle ici de
Qu'aurez-vous donc, quand vous aurez la liberté ? — Bien entendu, je parle ici de
la liberté complète et non de vos miettes de liberté. — Vous serez débarrassés de tout,
la liberté complète et non de vos miettes de liberté. — Vous serez débarrassés de tout,
d'absolument tout ce qui vous gêne, et rien dans la vie ne pourra plus vous gêner et
d'absolument tout ce qui vous gêne, et rien dans la vie ne pourra plus vous gêner et
vous importuner. Et pour l'amour de qui voulez-vous être délivrés de ces ennuis ?
vous importuner. Et pour l'amour de qui voulez-vous être délivrés de ces ennuis ?
Max Stirner (1845), L’unique et sa propriété 143
 
Pour l'amour de vous-mêmes, parce qu'ils contrecarrent vos désirs. Mais supposez
Pour l'amour de vous-mêmes, parce qu'ils contrecarrent vos désirs. Mais supposez
que quelque chose ne vous soit pas pénible, mais au contraire agréable ; — par
que quelque chose ne vous soit pas pénible, mais au contraire agréable ; — par
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