Différences entre les versions de « Walter Lippmann:La Cité libre - Chapitre 11 - l'agenda du libéralisme »

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Il est évident que ces organisations seront tentées de devenir des monopoles et de manifester une tendance à restreindre le trafic. Nous le savons par le fait que les sociétés anonymes cèdent très souvent à la même tentation. C'est pourquoi une politique libérale doit nécessairement mettre hors la loi le monopole et toutes les pratiques malhonnêtes qui y aboutissent. On croit communément que la tendance générale de l'économie va vers le monopole. Cela est peut-être vrai dans une société qui se laisse aller sans avoir une conception claire de la nature de son économie. Mais une fois que les hommes se rendent sérieusement compte qu'ils sont liés à un mode de production qui ne peut être réglé que sur des marchés libres, ils sont obligés de réformer les lois qui permettent la floraison des monopoles. Je suis sûr qu'ils découvriront que peu de véritables monopoles sont institués, et qu'aucun ne saurait subsister longtemps sans un privilège légal. Ce peut être une concession, la possession exclusive d'un produit naturel, ou un brevet, un droit de douane, ou simplement une exploitation de la législation sur les sociétés. Mais si le monopole dépend d'un privilège concédé par la loi, on peut l'abolir ou en empêcher la création en modifiant la loi.
Il est évident que ces organisations seront tentées de devenir des monopoles et de manifester une tendance à restreindre le trafic. Nous le savons par le fait que les sociétés anonymes cèdent très souvent à la même tentation. C'est pourquoi une politique libérale doit nécessairement mettre hors la loi le monopole et toutes les pratiques malhonnêtes qui y aboutissent. On croit communément que la tendance générale de l'économie va vers le monopole. Cela est peut-être vrai dans une société qui se laisse aller sans avoir une conception claire de la nature de son économie. Mais une fois que les hommes se rendent sérieusement compte qu'ils sont liés à un mode de production qui ne peut être réglé que sur des marchés libres, ils sont obligés de réformer les lois qui permettent la floraison des monopoles. Je suis sûr qu'ils découvriront que peu de véritables monopoles sont institués, et qu'aucun ne saurait subsister longtemps sans un privilège légal. Ce peut être une concession, la possession exclusive d'un produit naturel, ou un brevet, un droit de douane, ou simplement une exploitation de la législation sur les sociétés. Mais si le monopole dépend d'un privilège concédé par la loi, on peut l'abolir ou en empêcher la création en modifiant la loi.
Nous n'avons pas encore terminé notre revue des domaines dans lesquels la politique libérale doit s'efforcer d'adapter l'ordre social à l'économie d'échange. De par sa nature même, l'économie est dynamique, c'est-à-dire que la technique et la localisation de la production changent continuellement. Certaines industries meurent, et d'autres naissent ; à l'intérieur d'une même industrie, il y a des entreprises qui grandissent et d'autres qui déclinent. Des industries établies dans un endroit sont remplacées par d'autres établies ailleurs, souvent aux antipodes. A la longue, il en résulte un progrès industriel. Mais vu de près, ce processus entraîne une multitude de drames humains. Nulle part les derniers libéraux n'ont manifesté de façon plus évidente leur insensibilité de doctrinaires que dans l'indifférence avec laquelle ils ont accepté les ravages causés à la personne humaine par le progrès industriel.
Pourtant il n'y a rien dans les nécessités de l'économie nouvelle qui oblige la société à rester indifférente à ces souffrances humaines. Il n'y a aucune raison pour ne pas prélever au moyen de l'impôt une partie des richesses produites pour l'employer à assurer et à indemniser les hommes contre les pertes personnelles que peut leur faire subir le progrès industriel. Si les améliorations techniques augmentent la richesse, et elles l'augmentent certainement, si la société en général devient plus riche lorsqu'une industrie se déplace d'un endroit où le coût de production est élevé vers un autre où il est plus bas, une partie de cette richesse accrue peut être utilisée pour secourir les victimes du progrès. On peut l'utiliser pour les aider pendant qu'ils changent de métier, pour faire leur rééducation personnelle, pour les installer ailleurs s'ils doivent changer de résidence.
Il n'y a aucune raison pour qu'un Etat libéral n'assure et n'indemnise pas les hommes contre les risques de son propre progrès. Il a au contraire toutes les raisons de le faire. Car, s'il est bien organisé, un tel système d'assurance sociale favoriserait les transformations techniques nécessaires, et réduirait la résistance si naturelle de ceux qui se voient sacrifiés au progrès. On ne saurait blâmer un homme qui déteste une machine qui le réduira à l'indigence et lui enlèvera le seul métier qu'il connaisse.


== Notes et références ==  
== Notes et références ==  
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