Différences entre les versions de « Walter Lippmann:La Cité libre - Chapitre 4 - l'ascension intellectuelle du collectivisme »

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« Tu n'auras pas d'autre dieux davant ma face ». La providence politique est nécessairement une divinité jalouse, et l'intensité de sa jalousie dépend de la rigueur des mesures que l'Etat est obligé de prendre pour diriger la société. Evidemment, le collectiviste humain, le collectiviste moyen<ref>Le lecteur de M. Mumford, de M. Chase, ou de M. Soule par exemple.</ref> ne souhaite pas aller jusqu'au bout de la voie qui mène à l'Etat totalitaire. Il ne voudrait pas arriver trop vite ni trop brusquement à l'endroit où il souhaiterait s'arrêter. Il n'en reste pas moins vrai qu'il a adhéré à un principe d'économie sociale qui ne connaît pas d'autre moyen de remédier au mal que d'intensifier l'autorité gouvernementale. Car, si le collectiviste moyen croit qu'il est possible de remédier à tous les grands maux en exerçant un peu plus d'autorité, comment peut-il dire où il veut s'arrêter ? S'il a raison de penser que l'Etat peut, par ce que M. Chase appelle « la planification et le contrôle par l'autorité supérieure de l'activité économique », remédier aux désordres de l'humanité, il serait certes inhumain et rétrograde de ne pas s'emparer du pouvoir pour mettre fin à tous les maux de la société. Certes, la plupart des collectivistes occidentaux espèrent bien s'arrêter longtemps avant l'absolutisme, mais il n'y a rien dans le principe collectiviste qui permette de déterminer le point d'arrêt ailleurs que dans l'Etat totalitaire. Leurs goûts et leurs scrupules sont les seules entraves à leurs principes, et ces principes sont nettement absolutistes.  
« Tu n'auras pas d'autre dieux davant ma face ». La providence politique est nécessairement une divinité jalouse, et l'intensité de sa jalousie dépend de la rigueur des mesures que l'Etat est obligé de prendre pour diriger la société. Evidemment, le collectiviste humain, le collectiviste moyen<ref>Le lecteur de M. Mumford, de M. Chase, ou de M. Soule par exemple.</ref> ne souhaite pas aller jusqu'au bout de la voie qui mène à l'Etat totalitaire. Il ne voudrait pas arriver trop vite ni trop brusquement à l'endroit où il souhaiterait s'arrêter. Il n'en reste pas moins vrai qu'il a adhéré à un principe d'économie sociale qui ne connaît pas d'autre moyen de remédier au mal que d'intensifier l'autorité gouvernementale. Car, si le collectiviste moyen croit qu'il est possible de remédier à tous les grands maux en exerçant un peu plus d'autorité, comment peut-il dire où il veut s'arrêter ? S'il a raison de penser que l'Etat peut, par ce que M. Chase appelle « la planification et le contrôle par l'autorité supérieure de l'activité économique », remédier aux désordres de l'humanité, il serait certes inhumain et rétrograde de ne pas s'emparer du pouvoir pour mettre fin à tous les maux de la société. Certes, la plupart des collectivistes occidentaux espèrent bien s'arrêter longtemps avant l'absolutisme, mais il n'y a rien dans le principe collectiviste qui permette de déterminer le point d'arrêt ailleurs que dans l'Etat totalitaire. Leurs goûts et leurs scrupules sont les seules entraves à leurs principes, et ces principes sont nettement absolutistes.  
Bien plus, les effets de l'application de ces principes s'additionnent. Dès 1884<ref>''The Man versus the State'', p. 33.</ref>, Herbert Spencer observait que « toute nouvelle ingérence de l'Etat fortifie la thèse suivant laquelle l'Etat a le devoir de remédier à tous les maux et de procurer tous les avantages ». En même temps il existe un besoin sans cesse croissant de « contrainte et de restriction administrative, qui résulte des maux et des inconvénients imprévus des contraintes et des restrictions précédentes ».
Spencer avait prédit que cette tendance mènerait à la transformation de régimes industriels et quasi populaires en « communautés militantes » organisées pour « un état de guerre continuelle » sous un « renouveau du despotisme »<ref>''The Coming slavery''.</ref>. Ce jugement pouvait être contesté en 1884. Mais nous voyons se dérouler sous nos yeux l'évolution annoncée par Spencer. Cinquante ans se sont écoulés, et dans ces cinquante années l'humanité a progressé sans arrêt vers une réglementation toujours plus grande de sociétés toujours plus fermées. Pendant la montée des tarifs douaniers, des redevances, des bureaucraties, des inspecteurs, des censeurs, des polices, des armées, dans le resserrement des marchés, la dissociation des Etats, la désunion des groupes techniques, il n'y a eu aucun moment où les collectivistes aient pu dire : « jusqu'ici, et pas plus loin ».
Comment pourraient-ils le dire ? L'application de leurs principes crée un désordre tel qu'ils ne sont jamais sûrs de ne pas être obligés de doubler la dose. Comment pourraient-ils, sans abandonner leur doctrine fondamentale, refuser d'invoquer l'Etat-sauveur, lorsqu'il y a encore tant de maux à corriger. Ils n'ont pas d'autres principe à invoquer. Ils ont perdu les principes de liberté comme on perd le secret d'un art ancien<ref>V. Livre III.</ref>.
Ils n'ont, par conséquent, aucun droit de se plaindre, si les hommes regardent vers la Russie, l'Italie et l'Allemagne pour voir où le culte de l'Etat les mène. Car c'est là-bas que l'idée s'est faite chair, s'est traduite en actes visibles aux yeux de tous.


== Notes et références ==  
== Notes et références ==  
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