Différences entre les versions de « Walter Lippmann:La Cité libre - Chapitre 5 - les régimes totalitaires »

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Le fascisme compte uniquement sur le dressage des masses. La preuve, c'est qu'il se propose de faire sortir la nation future, parfaitement harmonieuse et héroïque, du matériel humain très ordinaire et très dépareillé qui se trouve habiter les territoires qu'il gouverne. Il est vrai que les nationaux-socialistes allemands parlent beaucoup de sang et de race. Mais à part la stérilisation des individus ayant une hérédité trop lourde, et l'isolement et la persécution des personnes dont les grands-parents étaient juifs (quand on le sait), ils sont obligés de créer la race future avec les Allemands qui vivent en Allemagne. Ces Allemands sont considérés par la loi comme ayant une origine acceptable s'ils ignorent quels étaient leurs ancêtres avant 1800. Il est donc manifeste que la théorie raciste n'est qu'une fiction politique qui sert à donner aux Allemands le sentiment que depuis la création du monde, ils ont été liés ensemble par l'unanimité que les Nazis voudraient leur voir adopter. La version italienne du fascisme limite ses activités eugéniques à l'accroissement de la natalité. Les Italiens, qui vivent dans une civilisation ancienne et sceptique, n'ont jamais été tentés d'essayer de faire croire aux gens que le mélange des races qui peuple la péninsule constitue une espèce biologique distincte. Les Fascistes italiens ont ainsi reconnu plus nettement que les nationaux-socialistes allemands que, loin de créer une race nouvelle, ils sont simplement en train d'essayer de réformer une communauté ancienne.  
Le fascisme compte uniquement sur le dressage des masses. La preuve, c'est qu'il se propose de faire sortir la nation future, parfaitement harmonieuse et héroïque, du matériel humain très ordinaire et très dépareillé qui se trouve habiter les territoires qu'il gouverne. Il est vrai que les nationaux-socialistes allemands parlent beaucoup de sang et de race. Mais à part la stérilisation des individus ayant une hérédité trop lourde, et l'isolement et la persécution des personnes dont les grands-parents étaient juifs (quand on le sait), ils sont obligés de créer la race future avec les Allemands qui vivent en Allemagne. Ces Allemands sont considérés par la loi comme ayant une origine acceptable s'ils ignorent quels étaient leurs ancêtres avant 1800. Il est donc manifeste que la théorie raciste n'est qu'une fiction politique qui sert à donner aux Allemands le sentiment que depuis la création du monde, ils ont été liés ensemble par l'unanimité que les Nazis voudraient leur voir adopter. La version italienne du fascisme limite ses activités eugéniques à l'accroissement de la natalité. Les Italiens, qui vivent dans une civilisation ancienne et sceptique, n'ont jamais été tentés d'essayer de faire croire aux gens que le mélange des races qui peuple la péninsule constitue une espèce biologique distincte. Les Fascistes italiens ont ainsi reconnu plus nettement que les nationaux-socialistes allemands que, loin de créer une race nouvelle, ils sont simplement en train d'essayer de réformer une communauté ancienne.  


Le stade préliminaire de l'opération consiste à créer autour des fascistes de l'avenir une zone imperméable aux idées dangereuses, à choisir avec le plus grand soin les idées et les enseignements qu'on donnera, enfin à inculquer aux sujets la doctrine officielle par une répétition continuelle et véhémente<ref>Voir ''Brave New World'' d'Aldous Huxley.</ref>.
Le stade préliminaire de l'opération consiste à créer autour des fascistes de l'avenir une zone imperméable aux idées dangereuses, à choisir avec le plus grand soin les idées et les enseignements qu'on donnera, enfin à inculquer aux sujets la doctrine officielle par une répétition continuelle et véhémente<ref>Voir ''Brave New World'' d'Aldous Huxley.</ref>. On n'avait jamais rien essayé de pareil. On a dressé par ces méthodes des enfants, des novices dans les ordres religieux, et, bien entendu, des soldats. On a vu beaucoup de gouvernements intolérants à l'égard de toute opposition. Mais on n'avait jamais vu un Etat prendre en main des populations nombreuses, habituées à lire les journaux, avec l'intention non seulement d'influencer leurs opinions courantes, mais encore de refaire entièrement leurs esprits et leurs coeurs. Le fascisme, dit Mussolini, « exige la réfection non des formes de la vie humaine, mais de son contenu : l'homme, le caractère, la foi. A cette fin, il exige une discipline et une autorité qui s'introduise dans l'esprit et y établisse une domination incontestée<ref>Voir l'article sur le fascisme dans l'''Encyclopédie italienne'', p. 848.</ref> ».


== Notes et références ==  
== Notes et références ==  
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