Différences entre les versions de « Walter Lippmann:La Cité libre - Chapitre 3 - le gouvernement de la postérité »

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Les gouvernements sont composés de personnes qui se rencontrent de temps à autre dans une salle pour prononcer des discours et rédiger des résolutions, d'hommes qui étudient des papiers à leurs bureaux, reçoivent des lettres et des rapports et y répondent, reçoivent et donnent des avis, écoutent des réclamations et y répondent ; d'employés qui manipulent d'autres papiers ; d'inspecteurs, de percepteurs, de policiers et de militaires. Il faut nourrir tous ces fonctionnaires, et souvent ils mangent trop. Ils préféreraient sans doute aller à la pêche, ou faire l'amour, ou n'importe quoi plutôt que feuilleter leurs papiers. Ils ont besoin de dormir. Ils souffrent d'indigestion, d'asthme, de la bile, de palpitations ; ils s'ennuient parfois, se fatiguent, négligent leur travail. Ils ont des migraines nerveuses. Ils ne savent que ce qu'ils ont appris, ou observé, il peuvent imaginer, ce qui par hasard les intéresse ; ils ne peuvent réaliser que les choses qu'ils peuvent persuader ou ordonner de faire à une multitude invisible.
Les gouvernements sont composés de personnes qui se rencontrent de temps à autre dans une salle pour prononcer des discours et rédiger des résolutions, d'hommes qui étudient des papiers à leurs bureaux, reçoivent des lettres et des rapports et y répondent, reçoivent et donnent des avis, écoutent des réclamations et y répondent ; d'employés qui manipulent d'autres papiers ; d'inspecteurs, de percepteurs, de policiers et de militaires. Il faut nourrir tous ces fonctionnaires, et souvent ils mangent trop. Ils préféreraient sans doute aller à la pêche, ou faire l'amour, ou n'importe quoi plutôt que feuilleter leurs papiers. Ils ont besoin de dormir. Ils souffrent d'indigestion, d'asthme, de la bile, de palpitations ; ils s'ennuient parfois, se fatiguent, négligent leur travail. Ils ont des migraines nerveuses. Ils ne savent que ce qu'ils ont appris, ou observé, il peuvent imaginer, ce qui par hasard les intéresse ; ils ne peuvent réaliser que les choses qu'ils peuvent persuader ou ordonner de faire à une multitude invisible.
On les considère généralement comme les agents de la destinée. Ils doivent, eux ou d'autres qui brûlent du désir de prendre leurs places, déterminer ce que sera l'avenir. Ils doivent faire naître une race meilleure, donner à tous l'abondance, abolir les classes, s'occuper du présent, concevoir l'avenir, dresser le plan des activités de l'homme, administrer ses travaux, formuler sa culture, déterminer ses convictions. Ils doivent comprendre, prédire et réaliser les fins de l'homme, et orienter la carrière de ceux qui ne sont pas encore nés. L'homme ne saurait certes donner de meilleure preuve de son amour pour la sagesse de ses gouvernants, que celle qu'il leur donne en mettant sa vie tout entière entre leurs mains.
Si l'on veut exalter les fins de l'État, il est évidemment nécessaire d'oublier les limites de l'homme. Mais dans la réalité, les limites subsistent, et l'action de l'État doit en tenir compte. Les gouvernements ne peuvent rien de plus que ce qu'ils peuvent. Il n'existe dans toute période qu'une capacité limitée de gouverner. On peut l'accroître par l'éducation et par l'invention d'instruments nouveaux. Il est certain par exemple que le téléphone, le télégraphe, la machine à écrire et l'imprimerie, les machines à calculer et l'accélération des transports permettent aujourd'hui aux gouvernements d'agir sur une bien plus grande échelle qu'à l'époque où Aristote déclarait qu'une collectivité ne doit pas s'étendre au-delà du territoire visible à l'œil nu.
Les hommes placés au centre du pouvoir peuvent communiquer avec un bien plus grand nombre d'hommes et sur de beaucoup plus grandes distances qu'autrefois. Mais il ne faut pas oublier qu'en élargissant leur influence ils ont compliqué leur tâche. Ces instruments nouveaux ne sont pas faits pour gouverner la collectivité primitive. S'il en était ainsi, on pourrait à juste titre les considérer comme un accroissement net du rendement gouvernemental. Mais en réalité, bien que le président Roosevelt puisse agir à beaucoup plus longue portée que Périclès, il a besoin d'une portée beaucoup plus longue encore.


== Notes et références ==  
== Notes et références ==  
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