Différences entre les versions de « Walter Lippmann:La Cité libre - Chapitre 3 - le gouvernement de la postérité »

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Tout cela n'est pas plus croyable que les idées selon lesquelles la terre ne serait « qu'une immense scène... sur laquelle les étoiles jouent un rôle secret », comme l'a dit Shakespeare, et comme le croyait jadis toute l'Europe civilisée. D'après cette philosophie, on était sûr que la femme de Bath serait vigoureuse et gaillarde parce qu'au moment de sa naissance, Mars se trouvait dans la constellation du Taureau<ref>J. L. Lowes, ''Geoffrey Chaucer'', pp. 20-21</ref>. Supposer que les souverains d'un État peuvent être pleinement représentatifs d'une société toute entière, c'est entretenir une superstition analogue, plus funeste encore en pratique.
Tout cela n'est pas plus croyable que les idées selon lesquelles la terre ne serait « qu'une immense scène... sur laquelle les étoiles jouent un rôle secret », comme l'a dit Shakespeare, et comme le croyait jadis toute l'Europe civilisée. D'après cette philosophie, on était sûr que la femme de Bath serait vigoureuse et gaillarde parce qu'au moment de sa naissance, Mars se trouvait dans la constellation du Taureau<ref>J. L. Lowes, ''Geoffrey Chaucer'', pp. 20-21</ref>. Supposer que les souverains d'un État peuvent être pleinement représentatifs d'une société toute entière, c'est entretenir une superstition analogue, plus funeste encore en pratique.
Dans toute société, le gouvernant est un être humain condamné à être partial. On peut le considérer comme placé à la plus petite extrémité d'un tuyau dont l'autre ouverture est aussi vaste que le monde passé, présent et futur. Tout ce qui se rapporte aux affaires humaines devrait parvenir à son esprit par le tuyau. Mais il n'en recueillera pas plus qu'il n'en peut comprendre, c'est-à-dire une très faible partie du total. Et rien que pour comprendre cette petite partie, il lui faut faire usage de théories, de résumés, d'analyses, de principes et de dogmes qui réduisent l'énorme réalité brute à un état intelligible.
Après avoir saisi ce qu'il peut, le gouvernant doit ensuite imaginer une méthode de pensée lui permettant de formuler une politique qui, par de petites actions, puisse produire de grands effets. Il ne peut pas gouverner à tous les échelons. Il ne peut pas donner un ordre spécial à chaque individu. Il ne peut intervenir que çà et là, dans l'espoir que ses mesures se multiplieront et rebondiront. Pour agir comme pour penser, il se trouve au plus petit bout d'un instrument dont l'autre extrémité est ouverte sur le monde entier.


== Notes et références ==  
== Notes et références ==  
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