Différences entre les versions de « Franz Oppenheimer:L'Etat, son origines, son évolution et son avenir - Partie I : L'origine de l'Etat »

Aller à la navigation Aller à la recherche
aucun résumé de modification
Ligne 92 : Ligne 92 :
Ceci ne s'applique pas seulement au Pérou et au Mexique, mais à l’Amérique tout entière, une preuve nouvelle de l’assertion que la nature humaine est partout la même et s'affirme identique sous les conditions économiques et géographiques les plus différentes. Partout où l'occasion s'en présente, l'homme, quand il en a le pouvoir, préfère le moyen politique au moyen économique. Et non pas seulement l’homme : Maeterlinck dans sa ''Vie des Abeilles'' raconte que lorsque ces intelligentes bestioles se sont rendu compte que l'on peut se procurer le miel en pillant une ruche étrangère sans avoir à s'astreindre à un labeur pénible, elles sont à jamais perdues pour le moyen économique. Les abeilles diligentes sont devenues des abeilles pillardes.
Ceci ne s'applique pas seulement au Pérou et au Mexique, mais à l’Amérique tout entière, une preuve nouvelle de l’assertion que la nature humaine est partout la même et s'affirme identique sous les conditions économiques et géographiques les plus différentes. Partout où l'occasion s'en présente, l'homme, quand il en a le pouvoir, préfère le moyen politique au moyen économique. Et non pas seulement l’homme : Maeterlinck dans sa ''Vie des Abeilles'' raconte que lorsque ces intelligentes bestioles se sont rendu compte que l'on peut se procurer le miel en pillant une ruche étrangère sans avoir à s'astreindre à un labeur pénible, elles sont à jamais perdues pour le moyen économique. Les abeilles diligentes sont devenues des abeilles pillardes.


Laissant de côté les formations d'Etat du Nouveau-Monde qui sont sans importance pour les grandes lignes de l'histoire universelle, nous trouvons comme force motrice de l'histoire, comme raison créatrice de tous les Etats, l’opposition entre laboureurs et pasteurs, entre travailleurs et pillards, entre la steppe et la plaine. Ratzel, qui étudie la sociologie du point de vue géographique, exprime ceci très justement : « Le fait que nous nous trouvons maintenant en présence non plus de tribus mais d'Etats, et même d'Etats d'une certaine puissance, nous prouve irréfutablement que le nomade n'est pas exclusivement un élément destructeur vis-à-vis de la civilisation sédentaire. Le caractère guerrier du nomade renferme une puissance créatrice d'Etat dont nous trouvons la trace dans les grands Etats asiatiques sous la domination d'armées et de dynasties de nomades : la Perse gouvernée par les Turcs, la Chine conquise et régie par les Mongols et les Mandchous, les Etats Mongols et Radjputs{{ref|45}} de l'Inde. Cette force créatrice se manifeste clairement de nos jours encore sur la frontière soudanaise où la fusion des éléments, antagonistes d'abord, puis associés en une action féconde, n'a pas atteint un degré aussi avancé. C'est là, sur ce terrain où les peuples nomades et agriculteurs se trouvent constamment en contact, que l'on voit mieux que partout ailleurs combien il est faux d'attribuer à l'effet d'une activité pacifique les grands résultats de l'impulsion civilisatrice des nomades. Cette impulsion, se basant dans son essence sur les tendances belliqueuses des tribus, est au contraire en opposition avec les tendances de pacification civilisatrice auxquelles elle nuit même tout d'abord. La force de cette impulsion réside dans la capacité que possèdent les nomades de rassembler fortement les peuplades sédentaires et peu homogènes. Certes, ils ont beaucoup à apprendre de leurs vaincus. Mais ce que ceux-ci, travailleurs assidus, artisans habiles, ne possèdent pas, et ne peuvent pas posséder, c'est l'énergie et la force de commandement, c'est l'esprit conquérant et surtout la capacité d'organisation politique et de subordination. Par là les seigneurs arabes dominent leurs populations nègres du Soudan comme les Mandchous dominent les Chinois. Ici s'affirme la même loi universelle, valable à Tombouctou comme à Pékin, qui décrète que les plus parfaites formations d'Etat ont toujours lieu dans des territoires fertiles, bornés par de vastes steppes, où une haute culture matérielle de peuples sédentaires est violemment annexée par des nomades énergiques, au caractère autoritaire et belliqueux ».
Laissant de côté les formations d'Etat du Nouveau-Monde qui sont sans importance pour les grandes lignes de l'histoire universelle, nous trouvons comme force motrice de l'histoire, comme raison créatrice de tous les Etats, l’opposition entre laboureurs et pasteurs, entre travailleurs et pillards, entre la steppe et la plaine. Ratzel, qui étudie la sociologie du point de vue géographique, exprime ceci très justement : « Le fait que nous nous trouvons maintenant en présence non plus de tribus mais d'Etats, et même d'Etats d'une certaine puissance, nous prouve irréfutablement que le nomade n'est pas exclusivement un élément destructeur vis-à-vis de la civilisation sédentaire. Le caractère guerrier du nomade renferme une puissance créatrice d'Etat dont nous trouvons la trace dans les grands Etats asiatiques sous la domination d'armées et de dynasties de nomades : la Perse gouvernée par les Turcs, la Chine conquise et régie par les Mongols et les Mandchous, les Etats Mongols et Radjputs{{ref|45}} de l'Inde. Cette force créatrice se manifeste clairement de nos jours encore sur la frontière soudanaise où la fusion des éléments, antagonistes d'abord, puis associés en une action féconde, n'a pas atteint un degré aussi avancé. C'est là, sur ce terrain où les peuples nomades et agriculteurs se trouvent constamment en contact, que l'on voit mieux que partout ailleurs combien il est faux d'attribuer à l'effet d'une activité pacifique les grands résultats de l'impulsion civilisatrice des nomades. Cette impulsion, se basant dans son essence sur les tendances belliqueuses des tribus, est au contraire en opposition avec les tendances de pacification civilisatrice auxquelles elle nuit même tout d'abord. La force de cette impulsion réside dans la capacité que possèdent les nomades de rassembler fortement les peuplades sédentaires et peu homogènes. Certes, ils ont beaucoup à apprendre de leurs vaincus. Mais ce que ceux-ci, travailleurs assidus, artisans habiles, ne possèdent pas, et ne peuvent pas posséder, c'est l'énergie et la force de commandement, c'est l'esprit conquérant et surtout la capacité d'organisation politique et de subordination. Par là les seigneurs arabes dominent leurs populations nègres du Soudan comme les Mandchous dominent les Chinois. Ici s'affirme la même loi universelle, valable à Tombouctou comme à Pékin, qui décrète que les plus parfaites formations d'Etat ont toujours lieu dans des territoires fertiles, bornés par de vastes steppes, où une haute culture matérielle de peuples sédentaires est violemment annexée par des nomades énergiques, au caractère autoritaire et belliqueux {{ref|46}} ».


On peut distinguer six périodes distinctes dans le développement de l'Etat né de la subjugation d'un peuple de laboureurs par une tribu pastorale ou par des nomades maritimes. Dans la discussion qui suit, on ne doit pas supposer que le développement historique réel devrait, dans chaque cas particulier, suivre chacune des marches de cet escalier. S'il y a de nombreux exemples, tant à travers l'histoire que l’ethnologie, d'Etats qui ont apparemment franchi successivement chacun de ces paliers, il y en a beaucoup plus qui ont sauté une ou plusieurs de ces étapes.
On peut distinguer six périodes distinctes dans le développement de l'Etat né de la subjugation d'un peuple de laboureurs par une tribu pastorale ou par des nomades maritimes. Dans la discussion qui suit, on ne doit pas supposer que le développement historique réel devrait, dans chaque cas particulier, suivre chacune des marches de cet escalier. S'il y a de nombreux exemples, tant à travers l'histoire que l’ethnologie, d'Etats qui ont apparemment franchi successivement chacun de ces paliers, il y en a beaucoup plus qui ont sauté une ou plusieurs de ces étapes.
Ligne 205 : Ligne 205 :
# {{note|44}}Id., 1, ch. I, p. 591.
# {{note|44}}Id., 1, ch. I, p. 591.
# {{note|45}}Les Rajputs - fils de prince, de râja (prince) et putra (fils) - forment la majorité des habitants du Rajasthan, autrefois le Râjputâna, et une partie de celle du Goujerat.
# {{note|45}}Les Rajputs - fils de prince, de râja (prince) et putra (fils) - forment la majorité des habitants du Rajasthan, autrefois le Râjputâna, et une partie de celle du Goujerat.
# {{note|46}}Id., 1, ch. II, p. 370.
</small>
</small>
</div>
</div>
{{Navigateur|[[Franz Oppenheimer:L'Etat, ses origines, son évolution et son avenir - Introduction|Introduction]]|[[Franz Oppenheimer]]&nbsp;&nbsp;—&nbsp;&nbsp;[[Franz Oppenheimer:L'Etat, ses origines, son évolution et son avenir|L'Etat, ses origines, son évolution et son avenir]]|[[]]}}
{{Navigateur|[[Franz Oppenheimer:L'Etat, ses origines, son évolution et son avenir - Introduction|Introduction]]|[[Franz Oppenheimer]]&nbsp;&nbsp;—&nbsp;&nbsp;[[Franz Oppenheimer:L'Etat, ses origines, son évolution et son avenir|L'Etat, ses origines, son évolution et son avenir]]|[[]]}}
1 854

modifications

Menu de navigation