Différences entre les versions de « Walter Lippmann:La Cité libre - Chapitre 10 - la débâcle du libéralisme »

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==La promesse enivrante==
==La promesse enivrante==
Mais si le développement des idées libérales s'est trouvé arrêté, il l'a été, si l'on peut dire, sur la grande route du progrès.  
Mais si le développement des idées libérales s'est trouvé arrêté, il l'a été, si l'on peut dire, sur la grande route du progrès. Les libéraux avaient découvert quel était le seul genre d'ordre social qui pût effectivement être progressif à notre époque. Ils avaient discerné le principe véritable du mode de production introduit par la révolution industrielle. Ils avaient compris que dans l'économie nouvelle, la richesse s'accroît par la division du travail dans des marchés toujours plus larges ; et que cette division du travail transforme des hommes plus ou moins capables de se suffire à eux-mêmes et des collectivités relativement autonomes en une Grande Association<ref>Voir Graham Wallas, ''op. cit.''. Mon livre ''Public Opinion'' est une étude sur la démocratie dans la Grande Association. ''A preface to morals'' est une étude de certaines conséquences religieuses et morales de cette transformation sociale.</ref>.
 
Ce n'est pas par hasard que le siècle qui a suivi l'application intensifiée du principe de la division du travail a été le grand siècle de l'émancipation humaine. Durant cette période, l'esclavage et le servage, la sujétion de la femme, l'autorité patriarcale sur les enfants, l'exploitation des peuples arriérés, l'autocratie, l'asservissement et l'analphabétisme forcé des masses, l'intolérance officielle et la bigoterie légalisée ont été mis hors la loi par la conscience humaine, et, dans une très large mesure abolis dans la pratique. Pendant cette période, de petites principautés se sont volontairement coalisées pour former de grandes unions nationales, à l'intérieur desquelles régnait la paix. D'autre part l'interdépendance des peuples était devenue une réalité si évidente que l'on a vu les empires plus anciens se transformer de façon sensationnelle en fédérations d'Etats autonomes. Chez toutes les nations civilisées, la paix était devenue le but avoué, sinon toujours le but réel de la politique extérieure.
 
Tout cela ne s'est pas produit par une sorte de révélation spontanée ni par une explosion de bonne volonté. La nature humaine n'a pas subitement changé. Nous pouvons en être certains aujourd'hui puisque nous vivons dans une époque de réaction où l'obscurantisme est redevenu la politique officielle chez toutes les nations. Ce qui a changé au XIXe siècle, c'est la condition dans laquelle vivent les hommes, et les lumières libérales ont reflété ce changement. Le nouveau mode de production, basé sur l'échange avantageux de travail spécialisé, envisageait un ordre social fondé sur l'harmonie des intérêts entre des hommes et des collectivités largement séparées, mais collaborant entre eux. Nous avons oublié cette transformation révolutionnaire de la condition humaine et nous n'en avons plus conscience. Mais nos arrière-grands-parents sentaient que l'humanité venait de recevoir la révélation d'une promesse enivrante. Ce n'est qu'en nous mettant à la place des pionniers libéraux que nous pouvons apprécier à sa juste valeur la ferveur angélique qu'ils mettaient à prêcher que le libre-échange était un nouveau bienfait pour l'humanité entière.


== Notes et références ==  
== Notes et références ==  
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