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Mais tout cela ne vous suffit pas. Les riches devraient, n'est-ce pas, partager avec
Mais tout cela ne vous suffit pas. Les riches devraient, n'est-ce pas, partager avec
les pauvres ? En un mot, ils devraient supprimer la misère. Sans compter qu'il y a à
les pauvres ? En un mot, ils devraient supprimer la misère. Sans compter qu'il y a à
peine un de vous qui consentirait à partager, et que celui-là serait un fou, demandezvous
peine un de vous qui consentirait à partager, et que celui-là serait un fou, demandez-vous: Pourquoi les riches devraient-ils se dépouiller et se dévouer, alors que c'est aux
: Pourquoi les riches devraient-ils se dépouiller et se dévouer, alors que c'est aux
pauvres que cette conduite profiterait, bien plus qu'à eux-mêmes ? Toi qui touches un
pauvres que cette conduite profiterait, bien plus qu'à eux-mêmes ? Toi qui touches un
écu par jour, tu es un riche à côté de milliers d'hommes qui vivent avec dix sous : estil
écu par jour, tu es un riche à côté de milliers d'hommes qui vivent avec dix sous : estil
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indispensable fourniture à des boulangers qui se font concurrence. Et ainsi de la
indispensable fourniture à des boulangers qui se font concurrence. Et ainsi de la
viande aux bouchers, du vin aux marchands de vin, etc.
viande aux bouchers, du vin aux marchands de vin, etc.


Abolir le régime de la concurrence ne veut pas dire favoriser le régime de la corporation.
Abolir le régime de la concurrence ne veut pas dire favoriser le régime de la corporation.
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mienne, la vôtre : ce n'est l'affaire ni des compagnons, ni des boulangers patentés,
mienne, la vôtre : ce n'est l'affaire ni des compagnons, ni des boulangers patentés,
mais bien celle des associés.
mais bien celle des associés.
Si je ne m'inquiète pas de mes affaires, il faut bien que je me contente de ce qu'il
Si je ne m'inquiète pas de mes affaires, il faut bien que je me contente de ce qu'il
plaît à d'autres de me donner. Or, avoir du pain est mon affaire, j'en veux, je ne puis
plaît à d'autres de me donner. Or, avoir du pain est mon affaire, j'en veux, je ne puis
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fabrication : c'est son affaire, sa propriété, et non la propriété des membres de telle
fabrication : c'est son affaire, sa propriété, et non la propriété des membres de telle
corporation ou de tel patron patenté.
corporation ou de tel patron patenté.
Max Stirner (1845), L’unique et sa propriété 222
 
Jetons encore un regard en arrière. Le monde appartient aux enfants de ce monde,
Jetons encore un regard en arrière. Le monde appartient aux enfants de ce monde,
aux enfants des hommes. Il n'est plus le monde de Dieu, mais le monde des hommes.
aux enfants des hommes. Il n'est plus le monde de Dieu, mais le monde des hommes.
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« criminelle », tandis que, au contraire, l'appropriation humaine est « juste » et se fait
« criminelle », tandis que, au contraire, l'appropriation humaine est « juste » et se fait
par une « voie légale ».
par une « voie légale ».
C'est ainsi qu'on parle depuis la Révolution.
C'est ainsi qu'on parle depuis la Révolution.
Mais nulle chose n'est en elle-même ma propriété, vu qu'une chose a une existence
Mais nulle chose n'est en elle-même ma propriété, vu qu'une chose a une existence
indépendante de moi ; seule ma puissance est à moi. Cet arbre n'est pas à moi ;
indépendante de moi ; seule ma puissance est à moi. Cet arbre n'est pas à moi ;
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que la puissance n'est pas une entité, mais qu'elle n'a d'existence que comme puissance
que la puissance n'est pas une entité, mais qu'elle n'a d'existence que comme puissance
du Moi, et qu'elle n'existe qu'en Moi, le puissant.
du Moi, et qu'elle n'existe qu'en Moi, le puissant.
On élève la puissance, comme d'autres de mes propriétés (l'humanité, la majesté,
On élève la puissance, comme d'autres de mes propriétés (l'humanité, la majesté,
etc.), au rang d' « être pour soi » (fürsichseiend), de sorte qu'elle ne cesse pas d'exister
etc.), au rang d' « être pour soi » (fürsichseiend), de sorte qu'elle ne cesse pas d'exister
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fantôme, la puissance est le — Droit. Cette puissance immortalisée ne s'éteint pas
fantôme, la puissance est le — Droit. Cette puissance immortalisée ne s'éteint pas
même à ma mort, elle est transmissible (« héréditaire »).
même à ma mort, elle est transmissible (« héréditaire »).
Il suit de là qu'en réalité les choses appartiennent non pas à Moi, mais au Droit.
Il suit de là qu'en réalité les choses appartiennent non pas à Moi, mais au Droit.
Tout cela n'est qu'une vaine apparence pour un autre motif encore : la puissance
Tout cela n'est qu'une vaine apparence pour un autre motif encore : la puissance
de l'individu ne devient permanente et ne devient un droit que pour autant que
de l'individu ne devient permanente et ne devient un droit que pour autant que
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« pleins pouvoirs », on s'est dessaisi du pouvoir, on a renoncé à celui de prendre un
« pleins pouvoirs », on s'est dessaisi du pouvoir, on a renoncé à celui de prendre un
meilleur parti.
meilleur parti.
Le propriétaire peut renoncer à sa puissance et à son droit sur une chose en en
Le propriétaire peut renoncer à sa puissance et à son droit sur une chose en en
faisant don, en la dissipant, etc. Et nous, nous ne pourrions pas également abandonner
faisant don, en la dissipant, etc. Et nous, nous ne pourrions pas également abandonner
la puissance que nous lui avons prêtée ?
la puissance que nous lui avons prêtée ?
L'homme selon le droit, l' « honnête homme », ne demande pas à faire sien ce qui
L'homme selon le droit, l' « honnête homme », ne demande pas à faire sien ce qui
n'est pas à lui « de droit » ou ce à quoi il n'a pas droit ; il ne revendique que sa « propriété
n'est pas à lui « de droit » ou ce à quoi il n'a pas droit ; il ne revendique que sa « propriété
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mortellement ennemies : le Dieu et l'Homme. Les uns se réclament du droit divin, les
mortellement ennemies : le Dieu et l'Homme. Les uns se réclament du droit divin, les
autres du droit humain ou des droits de l'homme.
autres du droit humain ou des droits de l'homme.
Max Stirner (1845), L’unique et sa propriété 223
 
Ce qui est clair, c'est que dans les deux cas l'individu ne crée pas lui-même son
Ce qui est clair, c'est que dans les deux cas l'individu ne crée pas lui-même son
droit.
droit.
Trouvez-moi donc aujourd'hui une seule action qui n'offense pas un droit ! À
Trouvez-moi donc aujourd'hui une seule action qui n'offense pas un droit ! À
chaque instant les droits de l'homme sont foulés aux pieds par les uns, tandis que les
chaque instant les droits de l'homme sont foulés aux pieds par les uns, tandis que les
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discours sont des crimes, et toute entrave à votre liberté de discourir n'est pas moins
discours sont des crimes, et toute entrave à votre liberté de discourir n'est pas moins
un crime. Vous êtes tous des criminels.
un crime. Vous êtes tous des criminels.
Cependant, vous ne l'êtes que parce que vous vous tenez tous sur le terrain du
Cependant, vous ne l'êtes que parce que vous vous tenez tous sur le terrain du
droit, c'est-à-dire parce que vous ne savez pas que vous êtes criminels et ne savez pas
droit, c'est-à-dire parce que vous ne savez pas que vous êtes criminels et ne savez pas
vous en féliciter.
vous en féliciter.
La propriété inviolable ou sacrée a pris naissance sur ce même terrain ; elle est la
La propriété inviolable ou sacrée a pris naissance sur ce même terrain ; elle est la
fille spirituelle du Droit. Le chien qui voit un os en la puissance d'un autre n'y renonce
fille spirituelle du Droit. Le chien qui voit un os en la puissance d'un autre n'y renonce
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qu'il se montre mais qu'on ne peut pas tuer. Ce qui est humain, c'est de voir dans tout
qu'il se montre mais qu'on ne peut pas tuer. Ce qui est humain, c'est de voir dans tout
objet particulier non pas quelque chose de particulier, mais quelque chose de général.
objet particulier non pas quelque chose de particulier, mais quelque chose de général.
Je ne dois plus à la nature, comme telle, aucun respect ; je sais que j'ai à son égard
Je ne dois plus à la nature, comme telle, aucun respect ; je sais que j'ai à son égard
tous les droits. Mais je suis tenu de respecter dans l'arbre du jardin que voilà sa
tous les droits. Mais je suis tenu de respecter dans l'arbre du jardin que voilà sa
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exorcisons donc l'esprit d'étrangèreté qui nous avait fait d'abord reculer d'effroi
exorcisons donc l'esprit d'étrangèreté qui nous avait fait d'abord reculer d'effroi
devant elle.
devant elle.
Mais il est indispensable pour cela que je ne prétende à rien en qualité d'Homme,
Mais il est indispensable pour cela que je ne prétende à rien en qualité d'Homme,
mais seulement en qualité de Moi, de ce Moi que je suis ; je ne prétendrai par conséquent
mais seulement en qualité de Moi, de ce Moi que je suis ; je ne prétendrai par conséquent
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de ce qui me revient en tant qu'homme, mais à — ce que je veux, et parce que je le
de ce qui me revient en tant qu'homme, mais à — ce que je veux, et parce que je le
veux.
veux.
Donc, une chose ne sera la juste et légitime propriété d'un autre que quand il sera
Donc, une chose ne sera la juste et légitime propriété d'un autre que quand il sera
juste pour toi qu'elle soit la propriété de cet autre. Dès qu'il ne te convient plus qu'il
juste pour toi qu'elle soit la propriété de cet autre. Dès qu'il ne te convient plus qu'il
Max Stirner (1845), L’unique et sa propriété 224
en soit ainsi, la légitimité disparaît à tes yeux, et il ne te reste plus qu'à rire du droit
en soit ainsi, la légitimité disparaît à tes yeux, et il ne te reste plus qu'à rire du droit
absolu du propriétaire.
absolu du propriétaire.
Outre la propriété au sens restreint dont nous nous sommes entretenus jusqu'à
Outre la propriété au sens restreint dont nous nous sommes entretenus jusqu'à
présent, il en est une autre qui s'impose à notre vénération et contre laquelle il nous
présent, il en est une autre qui s'impose à notre vénération et contre laquelle il nous
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l'idole, la faculté de vénération de celui qui la tient pour sacrée est elle-même sacrée
l'idole, la faculté de vénération de celui qui la tient pour sacrée est elle-même sacrée
et on doit s'incliner devant elle.
et on doit s'incliner devant elle.
Dans des temps plus barbares que les nôtres, on avait coutume d'exiger de chacun
Dans des temps plus barbares que les nôtres, on avait coutume d'exiger de chacun
une certaine foi et une dévotion à un certain objet sacré ; on n'y allait pas de main
une certaine foi et une dévotion à un certain objet sacré ; on n'y allait pas de main
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qu'on désigne sous le nom plus vague d' « être suprême »; la tolérance humaine se
qu'on désigne sous le nom plus vague d' « être suprême »; la tolérance humaine se
déclare satisfaite du moment que chacun révère un « objet sacré » quel qu'il soit.
déclare satisfaite du moment que chacun révère un « objet sacré » quel qu'il soit.
Ramené à son expression la plus humaine, cet objet sacré est l' « Homme luimême
Ramené à son expression la plus humaine, cet objet sacré est l' « Homme luimême
» et l' « humain ». Car c'est une illusion de croire que l'humain est tout à fait
» et l' « humain ». Car c'est une illusion de croire que l'humain est tout à fait
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empêché d'entendre le cri de douleur de l'égoïsme ; c'est ainsi qu'on a pris pour notre
empêché d'entendre le cri de douleur de l'égoïsme ; c'est ainsi qu'on a pris pour notre
vrai moi un fantôme devenu si bon homme.
vrai moi un fantôme devenu si bon homme.
Mais « le Sacré s'appelle Humain », dit Goethe, et l'humain n'est que le sacré à sa
Mais « le Sacré s'appelle Humain », dit Goethe, et l'humain n'est que le sacré à sa
plus haute puissance.
plus haute puissance.
L'égoïste s'exprime tout autrement. C'est justement parce que tu tiens quelque
L'égoïste s'exprime tout autrement. C'est justement parce que tu tiens quelque
chose pour sacré que je te trouve ridicule, et en admettant même que je veuille tout
chose pour sacré que je te trouve ridicule, et en admettant même que je veuille tout
respecter en toi, c'est précisément ton sanctuaire intérieur que je ne respecterais pas.
respecter en toi, c'est précisément ton sanctuaire intérieur que je ne respecterais pas.
À ces manières de voir si opposées correspondent naturellement des conduites
À ces manières de voir si opposées correspondent naturellement des conduites
différentes envers les biens spirituels : l'égoïste les attaque ; le religieux (c'est-à-dire
différentes envers les biens spirituels : l'égoïste les attaque ; le religieux (c'est-à-dire
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qui craint Dieu, par exemple, a plus à défendre que celui qui craint l'Homme, que le
qui craint Dieu, par exemple, a plus à défendre que celui qui craint l'Homme, que le
Libéral.
Libéral.
Quand on nous offense dans nos biens spirituels, ce n'est plus comme lorsqu'on
Quand on nous offense dans nos biens spirituels, ce n'est plus comme lorsqu'on
nous lésait dans nos biens matériels : ici, l'offense est spirituelle, le péché commis
nous lésait dans nos biens matériels : ici, l'offense est spirituelle, le péché commis
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c'est-à-dire envers ce que nous tenons pour sacré ; et la raillerie, l'insulte, le mépris, le
c'est-à-dire envers ce que nous tenons pour sacré ; et la raillerie, l'insulte, le mépris, le
scepticisme, etc., ne sont que des nuances différentes de la criminelle impiété.
scepticisme, etc., ne sont que des nuances différentes de la criminelle impiété.
*
 
**
 
Sans nous occuper des multiples façons dont le sacrilège peut se commettre, nous
Sans nous occuper des multiples façons dont le sacrilège peut se commettre, nous
ne rappellerons ici que celle qui met en danger la sainteté par le fait d'une presse trop
ne rappellerons ici que celle qui met en danger la sainteté par le fait d'une presse trop
libre.
libre.
Tant qu'on exigera encore du respect pour le moindre être spirituel, la parole et la
Tant qu'on exigera encore du respect pour le moindre être spirituel, la parole et la
presse devront être enchaînées au nom de cet être; car l'égoïste pourrait par ses
presse devront être enchaînées au nom de cet être; car l'égoïste pourrait par ses
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« pénalités convenables », à moins qu'on ne préfère recourir au moyen plus judicieux
« pénalités convenables », à moins qu'on ne préfère recourir au moyen plus judicieux
que fournit la puissance préventive de la police, c'est-à-dire à la censure.
que fournit la puissance préventive de la police, c'est-à-dire à la censure.
Combien de gens nous entendons tous les jours appeler à grands cris la liberté de
Combien de gens nous entendons tous les jours appeler à grands cris la liberté de
la presse ! Or, de quoi la presse doit-elle être libre ? Sans doute d'une dépendance,
la presse ! Or, de quoi la presse doit-elle être libre ? Sans doute d'une dépendance,
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ou je permets qu'on trace autour de mes publications une limite au-delà de laquelle
ou je permets qu'on trace autour de mes publications une limite au-delà de laquelle
commencent le délit et la répression. C'est moi-même qui restreint ma liberté.
commencent le délit et la répression. C'est moi-même qui restreint ma liberté.
Pour que la presse fût libre, il serait indispensable qu'aucune contrainte ne pût lui
Pour que la presse fût libre, il serait indispensable qu'aucune contrainte ne pût lui
être imposée au nom d'une loi. Et pour en arriver là, il faudrait que moi-même je me
être imposée au nom d'une loi. Et pour en arriver là, il faudrait que moi-même je me
fusse affranchi de l'obéissance à la loi.
fusse affranchi de l'obéissance à la loi.
En vérité, la liberté absolue de la presse est une chimère, comme toute liberté
En vérité, la liberté absolue de la presse est une chimère, comme toute liberté
absolue. La presse peut être libre de bien des choses, mais elle ne le sera jamais que
absolue. La presse peut être libre de bien des choses, mais elle ne le sera jamais que
de ce dont je serai moi-même libre. Affranchissons-nous de tout ce qui est sacré,
de ce dont je serai moi-même libre. Affranchissons-nous de tout ce qui est sacré,
soyons sans foi et sans loi, et nos discours le seront aussi.
soyons sans foi et sans loi, et nos discours le seront aussi.
Nous ne pouvons pas plus affranchir nos écrits de toute contrainte que nous ne
Nous ne pouvons pas plus affranchir nos écrits de toute contrainte que nous ne
pouvons être nous-mêmes affranchis de tout. Mais nous pouvons les faire aussi libres
pouvons être nous-mêmes affranchis de tout. Mais nous pouvons les faire aussi libres
que nous le sommes. Il faut pour cela qu'ils soient notre propriété, au lieu d'être,
que nous le sommes. Il faut pour cela qu'ils soient notre propriété, au lieu d'être,
comme ils l'ont été jusqu'ici, au service d'un fantôme.
comme ils l'ont été jusqu'ici, au service d'un fantôme.
On ne se rend pas bien compte de ce qu'on demande en réclamant la liberté de la
On ne se rend pas bien compte de ce qu'on demande en réclamant la liberté de la
presse. Ce que prétendument on désire, c'est que l'État rende la presse libre ; mais ce
presse. Ce que prétendument on désire, c'est que l'État rende la presse libre ; mais ce
Max Stirner (1845), L’unique et sa propriété 226
qu'on veut en réalité et sans s'en douter, c'est que la presse soit affranchie de l'État ou
qu'on veut en réalité et sans s'en douter, c'est que la presse soit affranchie de l'État ou
n'ait plus à compter avec lui. Le voeu conscient est une pétition que l'on adresse à
n'ait plus à compter avec lui. Le voeu conscient est une pétition que l'on adresse à
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sacrée » et appelleraient sur celui qui se le permettrait les sévérités d'une loi sur la
sacrée » et appelleraient sur celui qui se le permettrait les sévérités d'une loi sur la
presse.
presse.
En un mot, il est impossible que la presse soit libre de ce dont je ne suis pas libre
En un mot, il est impossible que la presse soit libre de ce dont je ne suis pas libre
moi-même.
moi-même.
Ce que j'en dis va peut-être me faire passer pour un adversaire de la liberté de la
Ce que j'en dis va peut-être me faire passer pour un adversaire de la liberté de la
presse ? Loin de là ! J'affirme seulement qu'on ne l'obtiendra jamais tant qu'on ne
presse ? Loin de là ! J'affirme seulement qu'on ne l'obtiendra jamais tant qu'on ne
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par la liberté de la presse) l'usage que vous faites de la presse, vous vivrez dans de
par la liberté de la presse) l'usage que vous faites de la presse, vous vivrez dans de
vaines espérances et de vaines récriminations.
vaines espérances et de vaines récriminations.
« Absurdité ! Vous qui nourrissez des pensées comme on en voit dans votre livre,
« Absurdité ! Vous qui nourrissez des pensées comme on en voit dans votre livre,
vous ne parviendrez à leur donner de publicité que grâce à un heureux hasard ou à
vous ne parviendrez à leur donner de publicité que grâce à un heureux hasard ou à
force d'artifices. Et c'est vous qui voulez vous opposer à ce qu'on harcèle, qu'on
force d'artifices. Et c'est vous qui voulez vous opposer à ce qu'on harcèle, qu'on
importune l'État jusqu'à ce qu'il accorde enfin la liberté d'imprimer ? »
importune l'État jusqu'à ce qu'il accorde enfin la liberté d'imprimer ? »
Il se pourrait qu'un auteur à qui on tiendrait ce langage répondît — car jusqu'où ne
Il se pourrait qu'un auteur à qui on tiendrait ce langage répondît — car jusqu'où ne
va pas l'insolence de ces gens ? — de la manière suivante :
va pas l'insolence de ces gens ? — de la manière suivante :
—Réfléchissez bien à ce que vous dites ! Que fais-je donc en vue de me procurer
—Réfléchissez bien à ce que vous dites ! Que fais-je donc en vue de me procurer
pour mon livre la liberté de la presse ? Est-ce que je demande une permission ? Ne
pour mon livre la liberté de la presse ? Est-ce que je demande une permission ? Ne
me voit-on pas, au contraire, sans me soucier de la légalité, guetter une occasion
me voit-on pas, au contraire, sans me soucier de la légalité, guetter une occasion
favorable, et la saisir sans aucun égard pour l'État et ses désirs ?
favorable, et la saisir sans aucun égard pour l'État et ses désirs ?
« Oui ! je trompe — puisqu'il faut que le mot terrible soit prononcé — je trompe
« Oui ! je trompe — puisqu'il faut que le mot terrible soit prononcé — je trompe
l'État.
l'État.
« Et vous, sans vous en douter, vous en faites autant. Vous lui persuadez du haut
« Et vous, sans vous en douter, vous en faites autant. Vous lui persuadez du haut
de vos tribunes qu'il doit faire le sacrifice de sa sainteté et de son invulnérabilité, qu'il
de vos tribunes qu'il doit faire le sacrifice de sa sainteté et de son invulnérabilité, qu'il
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redouter. Eh bien ! vous l'abusez ; car c'en sera fait de son existence aussitôt qu'il aura
redouter. Eh bien ! vous l'abusez ; car c'en sera fait de son existence aussitôt qu'il aura
perdu son inviolabilité.
perdu son inviolabilité.
« Il est vrai qu'à vous il pourrait bien concéder la liberté d'écrire comme l'a fait
« Il est vrai qu'à vous il pourrait bien concéder la liberté d'écrire comme l'a fait
l'Angleterre : Vous êtes les dévots de l'État, vous êtes incapables d'écrire contre lui,
l'Angleterre : Vous êtes les dévots de l'État, vous êtes incapables d'écrire contre lui,
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déchaîner contre l'Église, l'État, les Moeurs, et pour assaillir le « sacro-saint »
déchaîner contre l'Église, l'État, les Moeurs, et pour assaillir le « sacro-saint »
d'implacables arguments ? Vous seriez alors les premiers à trembler et à appeler à la
d'implacables arguments ? Vous seriez alors les premiers à trembler et à appeler à la
Max Stirner (1845), L’unique et sa propriété 227
vie des lois de septembre. Vous vous repentiriez, trop tard, de la sottise qui vous
vie des lois de septembre. Vous vous repentiriez, trop tard, de la sottise qui vous
aurait poussés à enjôler et à aveugler l'État ou le Gouvernement.
aurait poussés à enjôler et à aveugler l'État ou le Gouvernement.
« Mais ma conduite à moi ne prouve que deux choses. D'abord ceci, que la liberté
« Mais ma conduite à moi ne prouve que deux choses. D'abord ceci, que la liberté
de la presse est toujours inséparable de « circonstances favorables » et ne peut, par
de la presse est toujours inséparable de « circonstances favorables » et ne peut, par
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contre l'État son propre intérêt et en se mettant, soi et sa volonté, au-dessus de l'État et
contre l'État son propre intérêt et en se mettant, soi et sa volonté, au-dessus de l'État et
de toute « puissance supérieure ».
de toute « puissance supérieure ».
« Ce n'est pas dans l'État, ce n'est que contre l'État que la liberté de la presse peut
« Ce n'est pas dans l'État, ce n'est que contre l'État que la liberté de la presse peut
être conquise. Et si cette liberté règne jamais, ce n'est pas à la suite d'une prière, mais
être conquise. Et si cette liberté règne jamais, ce n'est pas à la suite d'une prière, mais
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morale ou de la loi. Liberté vis-à-vis de la contrainte de la censure, elle n'est pas
morale ou de la loi. Liberté vis-à-vis de la contrainte de la censure, elle n'est pas
liberté vis-à-vis de la contrainte de la loi.
liberté vis-à-vis de la contrainte de la loi.
« La presse, une fois saisie du désir de la liberté, veut devenir toujours plus libre
« La presse, une fois saisie du désir de la liberté, veut devenir toujours plus libre
jusqu'à ce qu'enfin l'écrivain se dise : Puisque je ne suis tout à fait libre que quand je
jusqu'à ce qu'enfin l'écrivain se dise : Puisque je ne suis tout à fait libre que quand je
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elle doit être à Moi ! L'individualité, la propriété de la presse, voilà ce que je veux
elle doit être à Moi ! L'individualité, la propriété de la presse, voilà ce que je veux
m'assurer.
m'assurer.
« Une liberté de la presse n'est qu'un permis d'imprimer que me délivre l'État, et
« Une liberté de la presse n'est qu'un permis d'imprimer que me délivre l'État, et
l'État ne permettra jamais, et il ne peut jamais librement permettre, que j'emploie la
l'État ne permettra jamais, et il ne peut jamais librement permettre, que j'emploie la
presse à l'anéantir.
presse à l'anéantir.
« Exprimons-nous donc plutôt de la manière suivante, pour éviter ce que le terme
« Exprimons-nous donc plutôt de la manière suivante, pour éviter ce que le terme
« liberté de la presse » a pu laisser jusqu'ici de vague dans nos paroles : La liberté de
« liberté de la presse » a pu laisser jusqu'ici de vague dans nos paroles : La liberté de
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aux politiciens libéraux : en Allemagne, par exemple, ils ne demandent qu'« une
aux politiciens libéraux : en Allemagne, par exemple, ils ne demandent qu'« une
tolérance plus large, plus étendue, de la parole libre ».
tolérance plus large, plus étendue, de la parole libre ».
« La liberté de la presse qu'on sollicite est une liberté qui doit appartenir au
« La liberté de la presse qu'on sollicite est une liberté qui doit appartenir au
Peuple, et tant que le Peuple (l'État) ne la possède pas, je ne puis en faire aucun usage.
Peuple, et tant que le Peuple (l'État) ne la possède pas, je ne puis en faire aucun usage.
Mais si on se place au point de vue de la propriété de la presse, les choses se présenMax
Mais si on se place au point de vue de la propriété de la presse, les choses se présenMax
Stirner (1845), L’unique et sa propriété 228
tent sous un jour différent. Bien que mon Peuple soit privé de la liberté de la presse,
tent sous un jour différent. Bien que mon Peuple soit privé de la liberté de la presse,
je me procure par ruse ou par violence le moyen d'imprimer ; je ne demande la
je me procure par ruse ou par violence le moyen d'imprimer ; je ne demande la
permission d'imprimer qu'à — Moi et à ma force.
permission d'imprimer qu'à — Moi et à ma force.
« Dès que la presse est à Moi, il ne me faut pas plus d'autorisation de l'État pour
« Dès que la presse est à Moi, il ne me faut pas plus d'autorisation de l'État pour
en user qu'il ne m'en faut pour me moucher. Et la presse est ma propriété à partir du
en user qu'il ne m'en faut pour me moucher. Et la presse est ma propriété à partir du
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feraient aucun cas ? Ce serait un rêve, une illusion, tout comme l' « unité de
feraient aucun cas ? Ce serait un rêve, une illusion, tout comme l' « unité de
l'Allemagne ».
l'Allemagne ».
« La presse est à Moi dès que je m'appartiens, dès que je suis mon propriétaire :
« La presse est à Moi dès que je m'appartiens, dès que je suis mon propriétaire :
Le monde est à l'égoïste, parce que l'égoïste n'appartient à aucune puissance du
Le monde est à l'égoïste, parce que l'égoïste n'appartient à aucune puissance du
monde.
monde.
« Cela étant, il se peut très bien que la presse, quoique mienne, soit encore très
« Cela étant, il se peut très bien que la presse, quoique mienne, soit encore très
peu libre, comme c'est le cas en ce moment. Mais le monde est grand, et on se tire
peu libre, comme c'est le cas en ce moment. Mais le monde est grand, et on se tire
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comme je veux affirmer ma propriété, il faut bien que j'en vienne aux mains avec mes
comme je veux affirmer ma propriété, il faut bien que j'en vienne aux mains avec mes
ennemis.
ennemis.
— N'accepterais-tu pas leur permission si on te l’accordait ?
— N'accepterais-tu pas leur permission si on te l’accordait ?
— Oui, certes, et avec plaisir, car leur permission me prouverait que je les ai
— Oui, certes, et avec plaisir, car leur permission me prouverait que je les ai
aveuglés et que je les mène à l'abîme. Ce n'est pas leur permission que je veux, mais
aveuglés et que je les mène à l'abîme. Ce n'est pas leur permission que je veux, mais
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sollicite, c'est pour m'en faire une arme contre eux, c'est pour faire disparaître ceux-là
sollicite, c'est pour m'en faire une arme contre eux, c'est pour faire disparaître ceux-là
mêmes qui me l'auront accordée.
mêmes qui me l'auront accordée.
« J'agis consciemment comme un ennemi, je prends mes avantages et je profite de
« J'agis consciemment comme un ennemi, je prends mes avantages et je profite de
leur imprévoyance.
leur imprévoyance.
« La presse n'est à moi que si j'en use sans reconnaître absolument aucun juge en
« La presse n'est à moi que si j'en use sans reconnaître absolument aucun juge en
dehors de moi-même, c'est-à-dire que si je ne suis plus déterminé ni par la religion, ni
dehors de moi-même, c'est-à-dire que si je ne suis plus déterminé ni par la religion, ni
par la morale, ni par le respect des lois de l'État, etc., mais par Moi seul et par mon
par la morale, ni par le respect des lois de l'État, etc., mais par Moi seul et par mon
égoïsme ! »
égoïsme ! »
Qu'avez-vous à répliquer à celui qui vous fait une réponse si insolente ? Mais
Qu'avez-vous à répliquer à celui qui vous fait une réponse si insolente ? Mais
peut-être la question sera-t-elle mieux posée sous la forme suivante : À qui est la
peut-être la question sera-t-elle mieux posée sous la forme suivante : À qui est la
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affranchie des lois, c'est-à-dire indépendante de la volonté du Peuple (de la volonté de
affranchie des lois, c'est-à-dire indépendante de la volonté du Peuple (de la volonté de
l'État).
l'État).
Max Stirner (1845), L’unique et sa propriété 229
 
Mais une fois devenue la propriété du Peuple, la presse est encore bien loin d'être
Mais une fois devenue la propriété du Peuple, la presse est encore bien loin d'être
ma propriété ; sa liberté conserve par rapport à moi le sens de permission. C'est au
ma propriété ; sa liberté conserve par rapport à moi le sens de permission. C'est au
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ont le coeur et la tête durs, tout comme les plus farouches despotes et les esclaves
ont le coeur et la tête durs, tout comme les plus farouches despotes et les esclaves
qu'ils emploient.
qu'ils emploient.
Edgar Bauer, dans ses Revendications libérales, soutient que la liberté de la presse
Edgar Bauer, dans ses Revendications libérales, soutient que la liberté de la presse
est impossible dans les États absolus ou constitutionnels, mais qu'elle a sa place tout
est impossible dans les États absolus ou constitutionnels, mais qu'elle a sa place tout
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propre énergie : elle est une liberté du peuple, une liberté qui ne lui est accordée à lui,
propre énergie : elle est une liberté du peuple, une liberté qui ne lui est accordée à lui,
individu, qu'en raison de sa fidélité et de sa qualité de sociétaire.
individu, qu'en raison de sa fidélité et de sa qualité de sociétaire.
Au contraire, ce n'est que comme individu que chacun peut être libre d'exprimer
Au contraire, ce n'est que comme individu que chacun peut être libre d'exprimer
sa pensée. Mais il n'en a pas le « droit », et cette liberté n'est pas « son droit sacré »; il
sa pensée. Mais il n'en a pas le « droit », et cette liberté n'est pas « son droit sacré »; il
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contre le Peuple — mon ennemi ; je ne l'obtiens que si je la conquière réellement, si
contre le Peuple — mon ennemi ; je ne l'obtiens que si je la conquière réellement, si
je la prends. Et si je la prends, c'est qu'elle est ma propriété.
je la prends. Et si je la prends, c'est qu'elle est ma propriété.
Sander, que combat Edgar Bauer, considère la liberté de la presse comme « le
Sander, que combat Edgar Bauer, considère la liberté de la presse comme « le
droit et la liberté du citoyen dans l'État ». Bauer ne dit rien d'autre. Pour lui aussi elle
droit et la liberté du citoyen dans l'État ». Bauer ne dit rien d'autre. Pour lui aussi elle
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