Différences entre les versions de « Walter Lippmann:La Cité libre - Chapitre 11 - l'agenda du libéralisme »

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Les grandes affaires de cette nature sont considérées par les socialistes tout comme par les grands capitalistes comme le résultat de l'inévitable évolution du capitalisme. Sur ce point Karl Marx et le juge Gary étaient entièrement d'accord. Mais ils se trompaient tous deux. La ''United State Corporation'' n'a pas grandi. Elle a été montée de toutes pièces. Elle n'est pas le produit d'une victoire dans la lutte pour la vie, mais d'une manipulation hardie et ingénieuse de la loi sur les sociétés. La société holding n'aurait pas pu être créée sans les privilèges offerts par la loi, et comme ces privilèges légaux peuvent être retirés ou modifiés selon les nécessités publiques, il ne peut pas être vrai que le trust géant représente l'évolution nécessaire de l'industrie moderne. C'est une évolution, fortuite née de la situation juridique, et elle marque un des points essentiels sur lesquels la loi n'a pas été adaptée à l'économie, et l'a pervertie. Ainsi donc, la rénovation des lois sur les sociétés, afin d'empêcher une affaire de devenir plus grande qu'elle ne peut le devenir à l'épreuve du marché, est un article nécessaire du programme du libéralisme.
Les grandes affaires de cette nature sont considérées par les socialistes tout comme par les grands capitalistes comme le résultat de l'inévitable évolution du capitalisme. Sur ce point Karl Marx et le juge Gary étaient entièrement d'accord. Mais ils se trompaient tous deux. La ''United State Corporation'' n'a pas grandi. Elle a été montée de toutes pièces. Elle n'est pas le produit d'une victoire dans la lutte pour la vie, mais d'une manipulation hardie et ingénieuse de la loi sur les sociétés. La société holding n'aurait pas pu être créée sans les privilèges offerts par la loi, et comme ces privilèges légaux peuvent être retirés ou modifiés selon les nécessités publiques, il ne peut pas être vrai que le trust géant représente l'évolution nécessaire de l'industrie moderne. C'est une évolution, fortuite née de la situation juridique, et elle marque un des points essentiels sur lesquels la loi n'a pas été adaptée à l'économie, et l'a pervertie. Ainsi donc, la rénovation des lois sur les sociétés, afin d'empêcher une affaire de devenir plus grande qu'elle ne peut le devenir à l'épreuve du marché, est un article nécessaire du programme du libéralisme.
Le lecteur se rend compte dès à présent à quel point les nécessités du libéralisme sont étrangères au laissez faire. Mais cette revue rapide est loin d'être terminée. Pour que l'économie de la division du travail sur des marchés libres fonctionne, il faut non seulement que les hommes épargnent pour placer des capitaux, mais encore que l'épargne soit effectivement investie, et que les capitaux représentent effectivement de l'épargne. Les anciens économistes prêchaient la vertu de l'épargne, mais ils supposaient que toute l'épargne était automatiquement investie, et que tous les placements représentaient nécessairement de l'épargne. Cette supposition était assez juste à une époque où les hommes investissaient leur propre épargne dans leur propre entreprise, ou empruntaient directement l'épargne de quelque autre personne. Mais elle ne l'est plus à une époque où les hommes remettent leur épargne à des banquiers qui financent les placements au moyen de crédits basés sur des réserves fractionnées.
Dans un tel système, l'épargne et l'investissement sont deux opérations très distantes et très distinctes l'une de l'autre, et il n'est pas du tout sûr que ce qui est épargné soit investi et que ce qui est investi ait été épargné. Il semble que ce soit là une des causes, voire la principale, du cycle des affaires. Car lorsqu'on investit moins que ce qui est épargné, il y a déflation, c'est-à-dire demande de marchandises insuffisante ; et lorsqu'on investit plus qu'il n'est épargné, il y a inflation, c'est-à-dire demande de marchandises excessive. Dans la déflation, le pouvoir d'achat, qui n'est pas autre chose que les marchandises et les services disponibles pour l'échange, se trouve bloqué. Dans l'inflation, le pouvoir d'achat artificiel, qui ne représente pas des marchandises et des services disponibles, peut demander des marchandises et des services.


== Notes et références ==  
== Notes et références ==  
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