Différences entre les versions de « Walter Lippmann:La Cité libre - Chapitre 11 - l'agenda du libéralisme »

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Dans un tel système, l'épargne et l'investissement sont deux opérations très distantes et très distinctes l'une de l'autre, et il n'est pas du tout sûr que ce qui est épargné soit investi et que ce qui est investi ait été épargné. Il semble que ce soit là une des causes, voire la principale, du cycle des affaires. Car lorsqu'on investit moins que ce qui est épargné, il y a déflation, c'est-à-dire demande de marchandises insuffisante ; et lorsqu'on investit plus qu'il n'est épargné, il y a inflation, c'est-à-dire demande de marchandises excessive. Dans la déflation, le pouvoir d'achat, qui n'est pas autre chose que les marchandises et les services disponibles pour l'échange, se trouve bloqué. Dans l'inflation, le pouvoir d'achat artificiel, qui ne représente pas des marchandises et des services disponibles, peut demander des marchandises et des services.
Dans un tel système, l'épargne et l'investissement sont deux opérations très distantes et très distinctes l'une de l'autre, et il n'est pas du tout sûr que ce qui est épargné soit investi et que ce qui est investi ait été épargné. Il semble que ce soit là une des causes, voire la principale, du cycle des affaires. Car lorsqu'on investit moins que ce qui est épargné, il y a déflation, c'est-à-dire demande de marchandises insuffisante ; et lorsqu'on investit plus qu'il n'est épargné, il y a inflation, c'est-à-dire demande de marchandises excessive. Dans la déflation, le pouvoir d'achat, qui n'est pas autre chose que les marchandises et les services disponibles pour l'échange, se trouve bloqué. Dans l'inflation, le pouvoir d'achat artificiel, qui ne représente pas des marchandises et des services disponibles, peut demander des marchandises et des services.
Les effets funestes et les dangers de ce cycle se passent d'explication. Il est clair qu'il est nécessaire de veiller à ce que l'épargne réelle soit égale aux investissements réels. Le développement des instruments de contrôle social indispensables à cette surveillance a été, jusqu'à notre génération, entièrement négligé par les économistes et les hommes d'Etat libéraux. Ils ne se sont pas rendus compte que lorsque l'épargne et l'investissement deviennent distincts, la valeur de la monnaie devient le sous-produit accidentel des transactions entre les banquiers et leurs clients. La principale monnaie d'une société moderne consiste non pas en numéraire frappé dans l'Hôtel des Monnaies, mais en dépôts bancaires qui augmentent et se contractent avec la création du crédit privé. Ainsi donc la monnaie, qui est l'instrument des échanges, et l'unité dans laquelle sont exprimés les prix qui règlent la division du travail, est restée, jusqu'à une époque récente, dépendant du hasard<ref>Par exemple de la découverte de gisements d'or, de nouveaux procédés métallurgiques de production de l'or et de l'argent, de booms spéculatifs, de krachs bancaires, et toujours de transactions bancaires entreprises sans considération de leur effet sur la valeur de la monnaie.</ref>. La valeur de la monnaie a connu de violentes fluctuations depuis un siècle et demi que dure la révolution industrielle. Cependant, l'interdépendance étroite et complexe de l'humanité est inconcevable sans la monnaie. Car cette interdépendance consiste en d'innombrables échanges d'une variété infinie de marchandises et de services qui ont lieu à chaque heure de chaque jour sur des marchés innombrables. Ces échanges ne pourraient s'effectuer par voie de troc. Ils ne sont possibles que parce que toutes les marchandises et tous les services sont réductibles à un commun dénominateur. Ils sont évalués non pas par rapport les uns aux autres, mais par rapport à la monnaie. Ils ont un prix, et dans la mesure où la monnaie n'est pas neutre, les prix sont injustes et le calcul économique entravé.
Nous ne discuterons pas ici des mesures propres à maintenir la neutralité de la monnaie. Nous voulons déterminer le domaine des mesures à prendre dans une économie d'échanges, notant au passage les points essentiels d'un programme du libéralisme. Qu'il suffise de dire ici que l'expérience de plus d'un siècle a démontré que l'étalon-or automatique, si jamais il a existé, ne fournit pas une monnaie suffisamment neutre pour une économie basée sur la division mondiale du travail. La réforme monétaire, et ce que l'on appelle aujourd'hui la monnaie dirigée, sont donc nécessaires.


== Notes et références ==  
== Notes et références ==  
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