Différences entre les versions de « Walter Lippmann:La Cité libre - Chapitre 2 - les Dieux de la machine »

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Il y a une très bonne raison pour que la règlementation de l'industrie par l'autorité soit appropriée à une économie primitive, et nullement appropriée à une économie sujette à des transformations techniques incessantes et fondamentales. La direction d'une économie par l'autorité supérieure doit, de par sa nature même, présenter un caractère de généralité. Ce n'est qu'occasionnellement que l'on peut modifier les prescriptions et les interdictions. Cette méthode de direction convient par conséquent à une routine bien établie qui n'a besoin d'être modifiée qu'à de très longs intervalles. Mais, dans la révolution industrielle, où l'on invente sans cesse, les transformations techniques sont continuelles. Les meilleures machines d'hier seront démodées demain. L'autorité ne peut réglementer aussi vite que les inventeurs inventent. Si elle fonde ses décrets sur les procédés d'hier, elle doit supprimer ceux de demain, sous peine de contribuer au désordre. L'introduction de méthodes nouvelles ne peut être organisée et dirigée par la contrainte. Car personne ne peut savoir ce qu'il faut décréter avant qu'on ait fait l'essai des méthodes nouvelles. Les hommes l'ont appris au XVIIIe siècle. Ils se sont rendu compte qu'ils devaient, ou bien interdire les inventions nouvelles, comme l'a fait la monarchie française en présence du problème des calicots imprimés, ou bien renoncer à faire règlementer la production par des fonctionnaires. Ce n'est donc pas par hasard qu'un dirigisme gouvernemental minutieux a toujours caractérisé les économies relativement peu progressistes. Car on ne fait d'inventions nouvelles qu'en essayant toute sorte de procédés nouveaux pour en vérifier le fonctionnement. L'expérience ne s'arrête naturellement pas à la porte du laboratoire. Elle va plus loin. On installe une ou deux machines nouvelles dans une usine, ou bien on construit une petite usine d'expériences qui tien à la fois du laboratoire et de l'entreprise industrielle. On va encore plus loin. Pour que le nouveau système fonctionne, il faut en essayer à plusieurs reprises l'application à toute une industrie, non seulement au point de vue technique, mais encore à tous les autres points de vue : immobilisations, salaire et qualification de la main-d'œuvre, aptitude des dirigeants, etc. C'est pourquoi les lois de règlementation, par nature statiques et inertes, ne sont pas techniquement appropriées au caractère hautement dynamique de la révolution industrielle.  
Il y a une très bonne raison pour que la règlementation de l'industrie par l'autorité soit appropriée à une économie primitive, et nullement appropriée à une économie sujette à des transformations techniques incessantes et fondamentales. La direction d'une économie par l'autorité supérieure doit, de par sa nature même, présenter un caractère de généralité. Ce n'est qu'occasionnellement que l'on peut modifier les prescriptions et les interdictions. Cette méthode de direction convient par conséquent à une routine bien établie qui n'a besoin d'être modifiée qu'à de très longs intervalles. Mais, dans la révolution industrielle, où l'on invente sans cesse, les transformations techniques sont continuelles. Les meilleures machines d'hier seront démodées demain. L'autorité ne peut réglementer aussi vite que les inventeurs inventent. Si elle fonde ses décrets sur les procédés d'hier, elle doit supprimer ceux de demain, sous peine de contribuer au désordre. L'introduction de méthodes nouvelles ne peut être organisée et dirigée par la contrainte. Car personne ne peut savoir ce qu'il faut décréter avant qu'on ait fait l'essai des méthodes nouvelles. Les hommes l'ont appris au XVIIIe siècle. Ils se sont rendu compte qu'ils devaient, ou bien interdire les inventions nouvelles, comme l'a fait la monarchie française en présence du problème des calicots imprimés, ou bien renoncer à faire règlementer la production par des fonctionnaires. Ce n'est donc pas par hasard qu'un dirigisme gouvernemental minutieux a toujours caractérisé les économies relativement peu progressistes. Car on ne fait d'inventions nouvelles qu'en essayant toute sorte de procédés nouveaux pour en vérifier le fonctionnement. L'expérience ne s'arrête naturellement pas à la porte du laboratoire. Elle va plus loin. On installe une ou deux machines nouvelles dans une usine, ou bien on construit une petite usine d'expériences qui tien à la fois du laboratoire et de l'entreprise industrielle. On va encore plus loin. Pour que le nouveau système fonctionne, il faut en essayer à plusieurs reprises l'application à toute une industrie, non seulement au point de vue technique, mais encore à tous les autres points de vue : immobilisations, salaire et qualification de la main-d'œuvre, aptitude des dirigeants, etc. C'est pourquoi les lois de règlementation, par nature statiques et inertes, ne sont pas techniquement appropriées au caractère hautement dynamique de la révolution industrielle.  
==Les machines et la concentration industrielle==
Ceux qui prétendent que les progrès de la technique industrielle rendent nécessaire un accroissement de l'autorité politique ont probablement été induits en erreur par certains phénomènes de l'industrialisme moderne. Ils constatent par exemple que dans certaines branches, un petit nombre de grandes entreprises, voire une seule, contrôlent toute l'industrie, fixent les prix et les salaires. Ils supposent alors que cette concentration de puissance industrielle est le résultat de la production par la machine, que cette production ne saurait se régler elle-même dans un marché soumis à la concurrence, et qu'il faut par conséquent qu'elle soit réglementée par un gouvernement très fort.
Ce raisonnement pèche par sa base. La concentration du contrôle ne vient pas de la mécanisation de l'industrie. Elle vient de l'État. C'est l'État qui, il y a cent ans environ, a commencé à accorder à quiconque lui payait une légère redevance un privilège jusqu'alors très rare et très exceptionnel : celui de constituer des sociétés dans lesquelles les responsabilités sont limitées aux apports et dont les titres sont transmissibles à perpétuité par voie de succession. Voici ce que M. Nicholas Butler pense de cette révolution juridique capitale :
== Notes et références ==  
== Notes et références ==  
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