Différences entre les versions de « Walter Lippmann:La Cité libre - Chapitre 5 - les régimes totalitaires »

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Mais s'il est vrai, comme le proclame le Manifeste Communiste, que « l'histoire de toutes les sociétés qui ont existé jusqu'à ce jour est l'histoire de la lutte de classes », quelle raison y a-t-il de croire que l'histoire de toutes les sociétés futures ne sera pas, elle aussi, l'histoire des luttes de classes ? L'interprétation marxiste de l'histoire affirme cependant que la méthode de progrès social qui a toujours prévalu prendra fin avec l'avènement du socialisme. Par conséquent, l'évolution, telle que l'espèce humaine l'a connue, doit cesser. Qu'y aura-t-il ensuite ? Ce n'est pas facile à dire. Le catéchisme marxiste ne dit pas si le socalisme deviendra statique une fois instauré, ou s'il évoluera en vertu d'un dynamisme qui lui est propre, d'un dynamisme entièrement nouveau et non encore défini. Tout ce que disent les marxistes, c'est que le principe de l'évolution des autres sociétés a été la lutte des classes. Mais leur philosophie n'explique pas si le marxisme lui aussi évoluera, ni comment.
Mais s'il est vrai, comme le proclame le Manifeste Communiste, que « l'histoire de toutes les sociétés qui ont existé jusqu'à ce jour est l'histoire de la lutte de classes », quelle raison y a-t-il de croire que l'histoire de toutes les sociétés futures ne sera pas, elle aussi, l'histoire des luttes de classes ? L'interprétation marxiste de l'histoire affirme cependant que la méthode de progrès social qui a toujours prévalu prendra fin avec l'avènement du socialisme. Par conséquent, l'évolution, telle que l'espèce humaine l'a connue, doit cesser. Qu'y aura-t-il ensuite ? Ce n'est pas facile à dire. Le catéchisme marxiste ne dit pas si le socalisme deviendra statique une fois instauré, ou s'il évoluera en vertu d'un dynamisme qui lui est propre, d'un dynamisme entièrement nouveau et non encore défini. Tout ce que disent les marxistes, c'est que le principe de l'évolution des autres sociétés a été la lutte des classes. Mais leur philosophie n'explique pas si le marxisme lui aussi évoluera, ni comment.


La question est cependant capitale si l'on veut croire, comme ils le promettent, qu'après la dernière des dernières luttes de classe, la paix régnera. Pour moi, en me basant sur l'hypothèse marxiste, je ne vois pas de raison de croire que la paix sociale et internationale pourra être plus facilement obtenue après la révolution qu'avant. Car, suivant la même hypothèse, quelle a été la cause de l'évolution qui a fait succéder le capitalisme au régime féodal ? L'invention d'une technique nouvelle de production des richesses<ref>« La conception matérialiste de l'histoire part du principe que la production, et avec elle l'échange des produits, est la base de tout ordre social ; que dans toutes les sociétés qui ont existé dans l'histoire, la répartition des produits, et avec elle la division de la société en classes ou Etats, est déterminée par ce qui est produit, par le mode de production, et le mode d'échange des produits. En vertu de cette conception, il faut rechercher les causes premières de toutes les transformations sociales et de toutes les révolutions politiques, non pas dans les esprits des hommes, dans leur compréhension croissante de la vérité et de la justice éternelles, mais dans les transformations du mode de production et d'échange ; il faut les rechercher, non dans la philosophie, mais dans l'économie de la période envisagée », Engels, op. cit.</ref>.
La question est cependant capitale si l'on veut croire, comme ils le promettent, qu'après la dernière des dernières luttes de classe, la paix régnera. Pour moi, en me basant sur l'hypothèse marxiste, je ne vois pas de raison de croire que la paix sociale et internationale pourra être plus facilement obtenue après la révolution qu'avant. Car, suivant la même hypothèse, quelle a été la cause de l'évolution qui a fait succéder le capitalisme au régime féodal ? L'invention d'une technique nouvelle de production des richesses<ref>« La conception matérialiste de l'histoire part du principe que la production, et avec elle l'échange des produits, est la base de tout ordre social ; que dans toutes les sociétés qui ont existé dans l'histoire, la répartition des produits, et avec elle la division de la société en classes ou Etats, est déterminée par ce qui est produit, par le mode de production, et le mode d'échange des produits. En vertu de cette conception, il faut rechercher les causes premières de toutes les transformations sociales et de toutes les révolutions politiques, non pas dans les esprits des hommes, dans leur compréhension croissante de la vérité et de la justice éternelles, mais dans les transformations du mode de production et d'échange ; il faut les rechercher, non dans la philosophie, mais dans l'économie de la période envisagée », Engels, op. cit.</ref>. Les chefs d'entreprise qui ont organisé ce nouveau système de production ont supplanté la noblesse féodale jusqu'alors maîtresse du gouvernement et de la politique. Cette théorie suppose donc qu'une technique nouvelle donnera naissance à une nouvelle classe dirigeante, qui renversera la classe dirigeante précédente en même temps que son idéologie périmée. Il est permis de supposer que l'on continuera à faire des inventions en régime socialiste, et que l'on verra par conséquent surgir sans cesse de nouvelles techniques. Mais les marxistes paraissent avoir des raisons de croire qu'après l'avènement du socialisme, les techniques nouvelles ne feront pas naître une nouvelle classe dont les intérêts seront en conflit avec ceux de la classe qui vit encore sous la technique ancienne.
 
Quelle raison y a-t-il de croire que jusqu'au socialisme « il y a eu une histoire », mais qu'après le socialisme « il n'y a plus d'histoire » ?<ref>Misère de la philosophie. Marx s'est servi de cette phrase pour attaquer un adversaire. La citation est tirée de ''[[Ludwig von Mises:Le Socialisme|Socialisme]]'', par Ludwig von Mises, p. 287.</ref> Un bon déterminisme marxiste doit certainement croire qu'un conflit entre une technique ancienne et une technique nouvelle provoque toujours une lutte de classe entre bénéficiaires des deux systèmes. Mais les marxistes prétendent que cela n'arrivera pas une fois que les moyens de production auront été collectivisés et seront administrés par l'Etat. Ils supposent que la transition d'une mode de production à un autre pourra alors s'effectuer sans conflit. Je ne vois pas pourquoi. Supposons que les savants inventent un moyen d'utiliser l'énergie des mers, et que les nouvelles machines soient aussi supérieures aux dynamos actuelles que ces dynamos le sont aux moulins à vent. La capacité productive des peuples vivant près de la mer deviendrait immédiatement beaucoup plus considérable que celle des peuples installés à l'intérieur des continents. Les grandes régions industrielles devront être sur le bord de la mer. L'Italie, avec son immense longueur de côtes, disposera de ressources beaucoup plus grandes que la Russie, malgré ses richesses minérales.


== Notes et références ==  
== Notes et références ==  
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