Différences entre les versions de « Walter Lippmann:La Cité libre - Chapitre 9 - la grande révolution et la montée de la "grande association" »

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D'autre part, les doctrines d'Adam Smith furent loin de perdre aussi subitement leur valeur lorsque ses partisans arrivèrent au pouvoir. Voilà plus d'un siècle que ses principes ont servi de guide pratique à des nations florissantes. Je ne veux pas dire qu'Adam Smith a révélé une fois pour toutes toute la vérité, et que ses écrits sont comme le Coran ou la Bible, ou encore comme la doctrine marxiste aux yeux des marxistes naïfs. Certes, il y a eu beaucoup de gens de cet avis, et la stricte observance des doctrines d'Adam Smith a causé énormément de confusion parmi les capitalistes, les juristes et les sociologues au cours de tout le XIXe siècle. Mais en pénétrant le sens de la division du travail, Adam Smith a fait une généralisation scientifique des plus exactes et des plus décisives, qui restera valable tant que ne naîtra pas un mode de production radicalement nouveau. C'est pourquoi, bien que les enseignements d'Adam Smith aient eu besoin d'être affinés et complétés, bien que ses considérants soient souvent périmés, ses idées centrales restent vivantes. Tout ce qu'on y ajoute ou qu'on en retranche reste compatible avec son idée fondamentale. La pensée progressiste authentique du monde moderne découle de sa découverte que la richesse des nations est due à la division du travail sur des marchés toujours plus larges et partant toujours plus libres.
D'autre part, les doctrines d'Adam Smith furent loin de perdre aussi subitement leur valeur lorsque ses partisans arrivèrent au pouvoir. Voilà plus d'un siècle que ses principes ont servi de guide pratique à des nations florissantes. Je ne veux pas dire qu'Adam Smith a révélé une fois pour toutes toute la vérité, et que ses écrits sont comme le Coran ou la Bible, ou encore comme la doctrine marxiste aux yeux des marxistes naïfs. Certes, il y a eu beaucoup de gens de cet avis, et la stricte observance des doctrines d'Adam Smith a causé énormément de confusion parmi les capitalistes, les juristes et les sociologues au cours de tout le XIXe siècle. Mais en pénétrant le sens de la division du travail, Adam Smith a fait une généralisation scientifique des plus exactes et des plus décisives, qui restera valable tant que ne naîtra pas un mode de production radicalement nouveau. C'est pourquoi, bien que les enseignements d'Adam Smith aient eu besoin d'être affinés et complétés, bien que ses considérants soient souvent périmés, ses idées centrales restent vivantes. Tout ce qu'on y ajoute ou qu'on en retranche reste compatible avec son idée fondamentale. La pensée progressiste authentique du monde moderne découle de sa découverte que la richesse des nations est due à la division du travail sur des marchés toujours plus larges et partant toujours plus libres.
La différence fondamentale entre Adam Smith et Karl Marx, entre le collectivisme et le libéralisme, ne réside donc pas dans leurs sympathiques sociales, ni dans leur attachement à l'ordre social existant ou à leur rébellion contre lui, mais dans leur science. Le libéralisme est la ligne de conduite qui cherche à réformer l'ordre social pour satisfaire les besoins et réaliser les promesses d'un mode de production basé sur la division du travail. Le collectivisme est la ligne de conduite qui promet de conserver les avantages matériels de l'économie nouvelle, tout en voulant abolir le principe régulateur interne, à savoir le marché toujours plus large et plus libre, qui permet à la division du travail de s'effectuer.
Ainsi donc, bien que Marx, en tant qu'historien, ait vu assez clairement que « la production, et avec la production l'échange de ses produits, est la base de tout ordre social »<ref>Engels, op. cit., p. 294</ref> il ne s'est jamais bien rendu compte en quoi consistait le mode de production moderne. Sa confusion est due à ce qu'il n'a pas fait la distinction entre d'une part les injustices et les misères du capitalisme de laissez-faire installé dans un décor de féodalité victorienne, et d'autre part le nouveau mode de production des richesses qui doit désormais prévaloir dans toute société moderne. Son indignation était légitime, mais comme sa science était fausse, il enrôla les sympathies progressistes du monde occidental au service d'une cause réactionnaire.
==Les derniers libéraux==
Karl Marx ne fut pas le seul penseur du XIXe siècle à négliger cette distinction. Il n'a fait qu'accepter sans examen les idées reçues de son temps : il n'est pas seul responsable.


== Notes et références ==  
== Notes et références ==  
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