Différences entre les versions de « Walter Lippmann:La Cité libre - Chapitre 3 - le gouvernement de la postérité »

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L'appareil nécessaire pour analyser avec succès une grande société pourrait peut-être être inventé par les logiciens mathématiques. Mais dans l'état présent des connaissances humaines, l'appareil n'est pas assez perfectionné pour pouvoir être utilement manié par les experts en science sociale, encore bien moins par les hommes politiques. Un jour viendra peut-être où la logique sera assez développée pour permettre aux penseurs d'analyser l'ensemble de l'ordre social, et de prédire d'après cette analyse, l'effet réel, et non seulement l'effet apparent et immédiat, d'une intervention politique. Mais ce n'est que ce jour-là qu'il sera possible d'envisager une société planifiée soumise à une direction consciente. Ce qui nous arrête aujourd'hui, ce n'est pas seulement l'insuffisance de notre connaissance des faits de l'ordre social, le manque de statistiques, de recensements, de rapports. La difficulté est plus profonde. Nous ne possédons pas l'équipement logique, la connaissance de la grammaire et de la synthaxe indispensables pour comprendre les données que nous avons ou pour en chercher d'autres.
L'appareil nécessaire pour analyser avec succès une grande société pourrait peut-être être inventé par les logiciens mathématiques. Mais dans l'état présent des connaissances humaines, l'appareil n'est pas assez perfectionné pour pouvoir être utilement manié par les experts en science sociale, encore bien moins par les hommes politiques. Un jour viendra peut-être où la logique sera assez développée pour permettre aux penseurs d'analyser l'ensemble de l'ordre social, et de prédire d'après cette analyse, l'effet réel, et non seulement l'effet apparent et immédiat, d'une intervention politique. Mais ce n'est que ce jour-là qu'il sera possible d'envisager une société planifiée soumise à une direction consciente. Ce qui nous arrête aujourd'hui, ce n'est pas seulement l'insuffisance de notre connaissance des faits de l'ordre social, le manque de statistiques, de recensements, de rapports. La difficulté est plus profonde. Nous ne possédons pas l'équipement logique, la connaissance de la grammaire et de la synthaxe indispensables pour comprendre les données que nous avons ou pour en chercher d'autres.
il faut par conséquent beaucoup plus qu'une révolution prolétarienne pour réaliser l'idéal d'une société dirigée. Il faut un progrès révolutionnaire du pouvoir de la logique humaine, analogue au progrès réalisé lorsque l'on a appris à utiliser l'algèbre et le calcul différentiel pour analyser le monde physique. Certaines branches abstruses de la mathématique économique peuvent nous donner une idée des méthodes qui se développeront peut-être suffisamment pour permettre un jour l'analyse de l'ordre social. Je l'ignore. Je ne les comprends pas. Mais, dans le meilleur des cas, ce ne peuvent être que des allusions à ce que Pareto, qui avait bien étudié ce domaine, appelait un but idéal, qui « en ce qui concerne les sciences économiques et sociales... n'est presque jamais atteint dans la réalité »<ref>Vilfredo Pareto ajoutait : « Malheureusement elle (l'hypothèse de l'interdépendance) ne peut être suivie que dans relativement peu de cas, en raison des conditions qu'elle nécessite. Elle ne peut se passer de l'emploi de la logique mathématique, qui seule peut rendre compte des interdépendances au sens large du terme. Elle ne peut par conséquent être utilisée que pour des phénomènes mesurables, ce qui exclut un très grand nombre de problèmes et pratiquement tous ceux qui sont particuliers à la sociologie. De plus, même lorsqu'un phénomène est en soi mesurable, de sérieuses difficultés surgissent dès qu'il devient tant soit peu complexe. » (''The Mind and Society'', vol. III, Sec. 1732, pp. 1192-93).</ref>.


== Notes et références ==  
== Notes et références ==  
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