Différences entre les versions de « Walter Lippmann:La Cité libre - Chapitre 2 - les Dieux de la machine »

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Il est donc douteux qu'« à mesure que l'industrie se mécanise », il faille que « l'autorité politique exerce une pression plus forte qu'il n'était nécessaire auparavant ». Au contraire, il est très probable que le mouvement collectiviste est une réaction formidable, et que la société occidentale, en suivant ce mouvement, entraîne l'humanité en arrière et non pas en avant. Les collectivistes ont tort de généraliser l'interprétation d'une période historique relativement courte. Ils ont confondu les phénomènes de la phase la plus récente du régime des sociétés anonymes avec les conséquences de la technique moderne. Ils ont fini par croire que ces phénomènes sont fatalement pré-déterminés, alors qu'en réalité les États aux XIXe siècle en ont permis et provoqué l'éclosion sans en prévoir les conséquences. Cela s'est produit, comme j'espère le démontrer<ref>Voir chapitre X.</ref>, parce que les démocrates libéraux, prenant les privilèges des sociétés anonymes pour les droits de l'homme, les garanties des personnes morales pour l'inviolabilité des personnes physiques, la possession des monopoles pour la propriété privée, n'ont pas su tirer les conséquences de leurs propres sentiments et de leurs propres doctrines.  
Il est donc douteux qu'« à mesure que l'industrie se mécanise », il faille que « l'autorité politique exerce une pression plus forte qu'il n'était nécessaire auparavant ». Au contraire, il est très probable que le mouvement collectiviste est une réaction formidable, et que la société occidentale, en suivant ce mouvement, entraîne l'humanité en arrière et non pas en avant. Les collectivistes ont tort de généraliser l'interprétation d'une période historique relativement courte. Ils ont confondu les phénomènes de la phase la plus récente du régime des sociétés anonymes avec les conséquences de la technique moderne. Ils ont fini par croire que ces phénomènes sont fatalement pré-déterminés, alors qu'en réalité les États aux XIXe siècle en ont permis et provoqué l'éclosion sans en prévoir les conséquences. Cela s'est produit, comme j'espère le démontrer<ref>Voir chapitre X.</ref>, parce que les démocrates libéraux, prenant les privilèges des sociétés anonymes pour les droits de l'homme, les garanties des personnes morales pour l'inviolabilité des personnes physiques, la possession des monopoles pour la propriété privée, n'ont pas su tirer les conséquences de leurs propres sentiments et de leurs propres doctrines.  


Les collectivistes ont supposé que le développement du capitalisme concentré des grandes sociétés est la conséquence naturelle et nécessaire de la technique nouvelles. C'est pourquoi, grands hommes d'affaires ou socialistes, ont abandonné la conception libérale pour une conception autoritaire de la société. S'ils avaient vu plus loin, ils se seraient rendu compte qu'ils étaient mal partis, et se seraient rappelés que les progrès scientifiques qui, selon eux, exigent aujourd'hui le rétablissement de l'autorité, n'ont été possibles que lorsque la recherche scientifique s'est affranchie de l'autorité. Ils auraient rappelés que pour créer la société moderne, il a fallu assujettir l'État à un régime constitutionnel. Ils se seraient moins empressés de faire appel à la contrainte comme instrument « de synthèse, de coordination, et de contrôle rationnel »<ref>George Soule, A Planned Society, p.91</ref>, et de la considérer comme le remède spécifique aux convoitises individuelles et à l'égoïsme antisocial. Ils se seraient rappelés que l'humanité a connu pendant des siècles toutes les corruptions du pouvoir personnel. Ils auraient parlé moins légèrement de socialiser et d'unifier des nations par décret, s'ils s'étaient rappelés que la soumission des féodaux par les rois, que la fusion de tribus ennemies en nations unies ont été autant de révoltes contre des autorités vexatoires, arbitraires, et profondément despotiques. Ils n'auraient jamais oublié que la technique moderne et que l'abondance dues à la division du travail sont venues ''après'' que les hommes se furent émancipés des règlements compliqués des corporations, de la politique mercantiliste des propriétaires fonciers, de l'Église et de la royauté.  
Les collectivistes ont supposé que le développement du capitalisme concentré des grandes sociétés est la conséquence naturelle et nécessaire de la technique nouvelles. C'est pourquoi, grands hommes d'affaires ou socialistes, ont abandonné la conception libérale pour une conception autoritaire de la société. S'ils avaient vu plus loin, ils se seraient rendu compte qu'ils étaient mal partis, et se seraient rappelés que les progrès scientifiques qui, selon eux, exigent aujourd'hui le rétablissement de l'autorité, n'ont été possibles que lorsque la recherche scientifique s'est affranchie de l'autorité. Ils auraient rappelés que pour créer la société moderne, il a fallu assujettir l'État à un régime constitutionnel. Ils se seraient moins empressés de faire appel à la contrainte comme instrument « de synthèse, de coordination, et de contrôle rationnel »<ref>George Soule, ''A Planned Society'', p.91</ref>, et de la considérer comme le remède spécifique aux convoitises individuelles et à l'égoïsme antisocial. Ils se seraient rappelés que l'humanité a connu pendant des siècles toutes les corruptions du pouvoir personnel. Ils auraient parlé moins légèrement de socialiser et d'unifier des nations par décret, s'ils s'étaient rappelés que la soumission des féodaux par les rois, que la fusion de tribus ennemies en nations unies ont été autant de révoltes contre des autorités vexatoires, arbitraires, et profondément despotiques. Ils n'auraient jamais oublié que la technique moderne et que l'abondance dues à la division du travail sont venues ''après'' que les hommes se furent émancipés des règlements compliqués des corporations, de la politique mercantiliste des propriétaires fonciers, de l'Église et de la royauté.  


Mais tout cela, les maîtres et les dirigeants auxquels la génération actuelle obéit l'ont oublié. Dans les soixante ou soixante-dix dernières années, le principe fondamental de toute pensée et de toute action est devenu le suivant : le progrès de l'humanité ne peut venir que d'une restauration de l'autorité, et non pas d'une extension de la liberté.
Mais tout cela, les maîtres et les dirigeants auxquels la génération actuelle obéit l'ont oublié. Dans les soixante ou soixante-dix dernières années, le principe fondamental de toute pensée et de toute action est devenu le suivant : le progrès de l'humanité ne peut venir que d'une restauration de l'autorité, et non pas d'une extension de la liberté.
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