Différences entre les versions de « Walter Lippmann:La Cité libre - Chapitre 2 - les Dieux de la machine »

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Les collectivistes ont supposé que le développement du capitalisme concentré des grandes sociétés est la conséquence naturelle et nécessaire de la technique nouvelles. C'est pourquoi, grands hommes d'affaires ou socialistes, ont abandonné la conception libérale pour une conception autoritaire de la société. S'ils avaient vu plus loin, ils se seraient rendu compte qu'ils étaient mal partis, et se seraient rappelés que les progrès scientifiques qui, selon eux, exigent aujourd'hui le rétablissement de l'autorité, n'ont été possibles que lorsque la recherche scientifique s'est affranchie de l'autorité. Ils auraient rappelés que pour créer la société moderne, il a fallu assujettir l'État à un régime constitutionnel. Ils se seraient moins empressés de faire appel à la contrainte comme instrument « de synthèse, de coordination, et de contrôle rationnel »<ref>George Soule, ''A Planned Society'', p.91</ref>, et de la considérer comme le remède spécifique aux convoitises individuelles et à l'égoïsme antisocial. Ils se seraient rappelés que l'humanité a connu pendant des siècles toutes les corruptions du pouvoir personnel. Ils auraient parlé moins légèrement de socialiser et d'unifier des nations par décret, s'ils s'étaient rappelés que la soumission des féodaux par les rois, que la fusion de tribus ennemies en nations unies ont été autant de révoltes contre des autorités vexatoires, arbitraires, et profondément despotiques. Ils n'auraient jamais oublié que la technique moderne et que l'abondance dues à la division du travail sont venues ''après'' que les hommes se furent émancipés des règlements compliqués des corporations, de la politique mercantiliste des propriétaires fonciers, de l'Église et de la royauté.  
Les collectivistes ont supposé que le développement du capitalisme concentré des grandes sociétés est la conséquence naturelle et nécessaire de la technique nouvelles. C'est pourquoi, grands hommes d'affaires ou socialistes, ont abandonné la conception libérale pour une conception autoritaire de la société. S'ils avaient vu plus loin, ils se seraient rendu compte qu'ils étaient mal partis, et se seraient rappelés que les progrès scientifiques qui, selon eux, exigent aujourd'hui le rétablissement de l'autorité, n'ont été possibles que lorsque la recherche scientifique s'est affranchie de l'autorité. Ils auraient rappelés que pour créer la société moderne, il a fallu assujettir l'État à un régime constitutionnel. Ils se seraient moins empressés de faire appel à la contrainte comme instrument « de synthèse, de coordination, et de contrôle rationnel »<ref>George Soule, ''A Planned Society'', p.91</ref>, et de la considérer comme le remède spécifique aux convoitises individuelles et à l'égoïsme antisocial. Ils se seraient rappelés que l'humanité a connu pendant des siècles toutes les corruptions du pouvoir personnel. Ils auraient parlé moins légèrement de socialiser et d'unifier des nations par décret, s'ils s'étaient rappelés que la soumission des féodaux par les rois, que la fusion de tribus ennemies en nations unies ont été autant de révoltes contre des autorités vexatoires, arbitraires, et profondément despotiques. Ils n'auraient jamais oublié que la technique moderne et que l'abondance dues à la division du travail sont venues ''après'' que les hommes se furent émancipés des règlements compliqués des corporations, de la politique mercantiliste des propriétaires fonciers, de l'Église et de la royauté.  


Mais tout cela, les maîtres et les dirigeants auxquels la génération actuelle obéit l'ont oublié. Dans les soixante ou soixante-dix dernières années, le principe fondamental de toute pensée et de toute action est devenu le suivant : le progrès de l'humanité ne peut venir que d'une restauration de l'autorité, et non pas d'une extension de la liberté.
Mais tout cela, les maîtres et les dirigeants auxquels la génération actuelle obéit l'ont oublié. Dans les soixante ou soixante-dix dernières années, le principe fondamental de toute pensée et de toute action est devenu le suivant : le progrès de l'humanité ne peut venir que d'une restauration de l'autorité, et non pas d'une extension de la liberté. Cependant nous constatons que sous le règne de cette doctrine, le progrès a été freiné petit à petit mais de plus en plus complètement, jusqu'à la régression sensationnelle du niveau de vie et de civilisation à laquelle nous assistons aujourd'hui. Jamais les appareils gouvernementaux n'ont été plus complexes, et pourtant l'économie mondiale ne cesse de se dissocier en fragments de plus en plus petits. Même aux Etats-Unis, on a vu se développer une tendance prononcée à l'établissement, à l'intérieur d'une économie nationale déjà très protégée, de toutes sortes de barrières régionales ou professionnelles camouflées à l'abri desquelles des groupes d'intérêts exercent une action politique afin d'obtenir certains privilèges spéciaux. Il suffit de rappeler le morcellement de l'Europe, où l'exercice de l'autorité provoque partout, non seulement entre les Etats mais à l'intérieur de chacun d'eux, des tendances séparatistes qu'on n'arrive que difficilement à réprimer en exerçant encore plus d'autorité.


== Notes et références ==  
== Notes et références ==  
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